Syrwen.

Ici se trouvent les BGs des héros décédés, paix à leurs âmes.

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Claus
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Syrwen.

Message par Claus » mer. 16 décembre 2009 à 23h43

I : LES RACINES DESSÉCHÉES, ECCHYMOSES D'UN PEUPLE.


Extrait du grimoire de « L'Arbre Mère, les racines sinueuses ».
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Le vent soufflait délicatement en cette nuit du dixième augure de l'eau, laissant en son passage les herbes se plier et danser dans une union quasi parfaite. Il était tard, et la Lune, accompagnée par son amie la Nuit, s'était emparée des cieux pour étendre de sa douce aura les contrées d'Everthia, aux abords de la mer Jyfen. Les étoiles s'illuminaient sur le tableau des astres, alors que quelques rebelles s'enfuyaient vers l'horizon en laissant derrière leur apparition éphémère qu'une fine poussière étincelante. Le clapotis des vagues s'éteignant telle une caresse en aval de la grande plaine devint presque un doux chant dont on pouvait facilement se laisser bercer, se prônant maître des lieux où le silence était loi.

Cette contrée était un lieu que les Sylvains appréciaient particulièrement, et il n'était guère rare de voir plusieurs caravanes de Familles dépasser les frontières pour s'installer ici. Tous refusaient de pervertir une telle beauté naturelle par des constructions de grande ampleur ; les tours n'auraient fait que tâcher le ciel, et les monuments souillés la terre. C'était pour tous une immense toile digne des plus grands artistes qui ne devait être abîmée par les visiteurs chanceux.
Il était ainsi facile de découvrir avec plusieurs heures de marche plusieurs petits villages ou maisons isolées aux abords des forêts ou de la falaise. La majorité de la Contrée d'Everthia était une plaine dotée de quelques fleurs parsemant de leurs couleurs l'étendue verdoyante. La Forêt d'Hestia, qui était une de plus impressionnante de par sa taille et la richesse de sa flore délimitait les terres par le sud, alors que la mer traçait en des falaises abruptes les frontières des autres points cardinaux. Le seul chemin pour parvenir en Everthia était le sentier qui traversait la Forêt, empêchant ainsi un nombre considérable de maraudeurs ou de visiteurs.

Aucune hiérarchie n'avait été établie en ces terres pour ainsi favoriser le partage des biens et le respect d'autrui naturel. Cela ne posait guère de soucis aux Sylvains qui étaient bien heureux de pouvoir s'adonner à une entière liberté en la Mère Nature. De par ce fait, aucun véritable commerce n'existait, et tout était affaire de trocs ou d'échanges, partageant les biens équitablement dans une entente cordiale et fraternelle.

La famille Eldaron possédait une chaumière modeste se trouvant aux abords de la falaise à l'est qu'ils appelaient « La Falaise Rougeoyante » de par la naissance du soleil à l'horizon chaque matin qui donnait ce panel de couleur somptueux. Construite avec l'Art Elfique mais aussi une profonde modestie, la demeure n'était guère imposante mais chaleureuse avec ses courbes arrondies et l'épaisse fumée sortant presque continuellement de sa cheminée.
Ivaen Eldaron était un jeune Elfe de plus de deux siècles qui avait passé une bonne partie de son existence en les Bibliothèques en tant qu'Erudit. Rare arcaniste de la Contrée, il aimait apprendre et discuter longuement avec ses pairs pour satisfaire sa soif de connaissance. Beaucoup l'appréciaient pour son éternelle gentillesse, tout en montrant une certaine admiration à son égard ; et cela plaisait fort bien à celui-ci qui aimait particulièrement impressionner ou entretenir son public, au grand damne de son épouse.
Ewalyth Eldaron, quant à elle, était une honorable herboriste qui suivait l'artisanat familial de mère en fille. Profitant des nombreux spécimens de plantes et champignons se trouvant en la Forêt d'Hestia, elle passait la plupart de ses matinées à cueillir ses ingrédients ou de la nourriture pour revenir au zénith préparer le repas, et le reste de la journée à concocter ses onguents que bon nombre de Sylvains de la Contrée appréciaient. Elle était charmante et discrète, mais formait un parfait couple avec Ivaen : bien que très peu assidue de grimoires, elle aimait l'écouter pendant des heures raconter les légendes ou connaissances de ce monde.
Le couple était banal et peu désireux d'accomplir de grandes choses, connaissait ses hauts et ses bas, mais ils s'aimaient toujours et encore au-delà des années, et tel était leur plus grand bien.

De cet amour naquit une petite fille du doux nom de Syrwen, lors de cet dixième augure de l'eau. Et très vite, ses premiers cris sous le regard émerveillé et protecteur de ses parents résonna avec le clapotis des vagues telle la plus douce mélopée.

* Ecole de Magie : L'Ecole fut détruite après la Grande Trahison. Ce sont à présent des ruines. (Elven Ruins, sur Talking Island)  http://img3.imageshack.us/i/elvenruins.jpg/
* Obélisque de la Victoire : Le monument représente une colonne se dirigeant vers les Divins avec les Quatre Héros de l'Alliance de chaque côté. (Obelisk of Victory, Talking Island)  http://img190.imageshack.us/i/obeliskofvictory5.jpg/


http://www.deezer.com/listen-794684

Les jours passaient et se ressemblaient, mais la petite Syrwen ne le remarquait pas.
Possédant de grands yeux bleus comme son père et de longs cheveux blonds bouclés comme sa mère, elle était d'une beauté fragile et innocente comparable à une poupée. Tout en son être était gentillesse et naïveté, lui conférant ce petit air adorable et apaisant que les voisins aimaient regarder.

Elle passa la plupart de sa jeunesse à écouter avidement les dires de son père au bord de la Falaise Rougeoyante ou à suivre sa mère en ses marches dès l'aube. L'éducation riche et surveillée conférée par ses parents lui permit rapidement à lire, écrire, et ainsi à s'intéresser davantage en fouillant dans les bibliothèques de la chaumière. Syrwen appréciait particulièrement les légendes qu'elle trouvait dans certains grimoires poussiéreux, et passait beaucoup de temps à regarder l'horizon en s'imaginant qu'au-delà de la mer Jifen se passait mille-et-un périples entraînant d'impressionnants guerriers ou puissants mages. L'imagination était sa plus fidèle compagne, la suivant de l'aurore jusqu'à ses nuits.

La jeune Syrwen ne s'intéressait point à une chose en particulier, mais préférait s'adonner à de nombreuses activités autant futiles qu'importantes. Son père, à la stupeur de tous, semblait même apprécier cela en affirmant que « en un certain sens, elle peut même se montrer reconnaissante de ne pas avoir été vouée à un secteur d'intérêt particulier : en évitant des buts spécifiques, elle évitait des limitations spécifiques. Le monde entier, la vie elle-même s'offraient maintenant à elle. »
Tous ne pouvaient qu'acquiescer comme d'habitude à de si sages paroles.
La mère, quant à elle, accordait la vérité en ses propos, mais s'inquiétait néanmoins pour son avenir.

Les inquiétudes d'Ewalyth se dissipèrent très rapidement quand sa fille se voua une passion incommensurable pour l'Art. Depuis que le Vieux Harod lui avait joué un morceau de son vieux violon sous son regard émerveillé, elle se rendait chaque matin à sa demeure pour l'écouter encore et encore, assidue et assoiffée des moindres notes. Quel fut son bonheur lorsque l'Ancien lui céda son instrument, par une matinée d'été !
Dès lors, Syrwen passa la plus grande partie de son temps à s'entraîner au violon sous le regard bienveillant de son nouveau tuteur qui était bien heureux lui aussi de partager sa jeunesse rafraîchissante. Les deux acolytes s'adonnaient à leur Art loin de toute habitation pour ne déranger leurs pairs, et passaient des heures et des heures à faire danser l'archet sur les cordes du vieil instrument. La jeune Sylvaine écoutait les conseils de son mentor avec sagesse, et s'inspirait « de chaque élément, chaque bruit environnant, pour laisser sa main dessiner les courbes de ces bruits » comme il ne cessait de lui dire. Très vite, elle excella en ce domaine mais était encore bien trop timide pour jouer devant quiconque. Elle refusait au grand dam de ses parents ne comprenant une telle timidité ; mais pour Syrwen, la perfection était la seule chose qui devait demeurer écoutable, et elle n'avait la prétention de cela.

Extrait du grimoire de « L'Arbre Mère, les racines sinueuses ».


http://www.youtube.com/watch?v=evS1w7PmpJU

C'était une fraîche matinée d'hiver, la jeune Syrwen s'en souvenait fort bien.
Les tambours de guerre avaient résonné de l'autre côté de la lisière de la Forêt d'Hestia à l'aurore, réveillant bon nombre de Sylvains. Les regards se tournaient tous, apeurés et inquiets, vers cette étendue verdâtre qui semblait bien obscure depuis les notes s'envolant comme un requiem. Que se passait-il, de l'autre côté, en la Contrée d'Herwëën ? Nul ne le savait, et les pires fabulations s'inventaient et se dissipaient en chaque esprit pour les embuer davantage.

La jeune Elfe se rappelle avoir entendu dans la froideur de cette matinée avec les autres à la lisière, le regard perdu entre la végétation, emmitouflée d'une peau de mouton donnée par sa mère. Son petit être était emprisonné en les bras protecteurs de son père qui restait muet malgré les murmures de son épouse. Il se doutait de ce qu'il se passait, mais préférait taire l'impensable.

Soudainement, les ombres d'une Légion de plusieurs centaines de Guerriers Sylvains se dessinèrent sur le sentier escarpé, sous les petits cris d'étonnement des villageois. Plusieurs hommes s'avancèrent vers eux d'un pas rapide pour poser les questions que tous se posaient en un brouhaha conséquent, et la réponse tomba aussi lourdement que la hache du bourreau : la Guerre approchait à grands pas, et le Corps Armé des Humains arriverait d'ici une poignée de Lunes ici.
Syrwen ne comprenait point ce qu'il se passait ou même l'ampleur de l'événement ; mais les pleurs de sa mère en disaient bien long sur la tragédie qui était en train de se tramer.

Lentement, les hommes de la Contrée furent obligés de rejoindre la Légion pour défendre la cause de leur Peuple, sous les sanglots de leurs familles qui tentaient de les retenir vainement. Ivaen en faisait de même, tel un damné, sous le regard embué de sa femme et l'expression d'incompréhension de sa fille. Il savait qu'il n'avait le choix, que ses connaissances en les Arcanes jouaient en sa défaveur, et qu'il devait agir ainsi. « Je ne pourrai plus jamais sourire si j'entache mon Honneur. Il est temps pour moi de continuer à écrire l'Histoire de notre peuple avec les nôtres ».
Ce fut la dernière fois que Syrwen vit son père, et même ses cris ne purent le retenir.

La Guerre débuta en la Forêt d'Hestia, et les cris des lames s'abattant ou des sorts sifflant aux quatre coins de la végétation résonnaient en toute la Contrée comme la plus douce horreur. Les Sylvains, accompagnés de leurs enfants, furent obligés de se retirer au-delà des monts où certains s'étaient arrêtés pour contempler le massacre en aval. La frondaison luxuriante qui cachait auparavant la bataille tombait peu à peu sous les marches et combats des deux corps armés, n'offrant derrière eux qu'un chaos inexplicable. Les tambours de guerre et les cris se mêlaient pour s'envoler vers les cieux, se laissant parfois entrecouper par le bruit sourd de canon envoyant leurs boulets s'écraser au loin sur l'adversaire.
Syrwen se rappelle très bien de cette Guerre qu'elle comprenait peu à peu à mesure que l'ignoble spectacle se déroulait sous ses yeux. Elle se souvient de la main glaciale de sa mère qui protégeait son regard, laissant juste entrapercevoir des explosions de couleurs de part la Magie ou les flammèches s'embrasant aux quatre coins de la Forêt ; ou encore ses deux immenses et incroyables Araignées qui se battaient avec leurs pairs.

Puis vint alors l'Horreur. Un cataclysme comme le Monde n'en avait que peu connu, s'élevant sous forme d'un épais ruban bleuté vers les cieux pour pourfendre les nuages, avant de retomber avec fracas pour balayer sous forme d'onde toute forme de vie aux alentours. Le choc fut incroyable, au point d'embraser et détruire toute la Forêt d'Hestia en calcinant plaines et végétation, s'étendant même jusqu'aux Villages de la Contrée pour les souffler comme un château de paille. Sous la puissance, la terre se fendit et des parcelles s'écroulèrent pour sombrer en la mer en un brouhaha assourdissant. La colline sur laquelle se trouvait les Caravanes du reste d'Everthia fut partiellement détruite, entrainant plusieurs Familles en contrebas alors que le souffle balayait le reste.
Tout n'était plus que désert et mort, laissant cette auparavant somptueuse Contré comme le pire des Enfers. Les plaines n'étaient plus qu'une triste scène de linceul où les morts ne se comptaient plus, mais se pleuraient simplement.

Une mélodie d'un violon à la perfection et à la tristesse somptueuses s'envola quelques heures plus tard au-dessus de la feue Contrée d'Everthia, résonnant comme l'unique sanglot de tout un Peuple.

Extrait du grimoire de « L'Arbre Mère, les racines sinueuses ».

Dernière modification par Claus le ven. 18 décembre 2009 à 18h09, modifié 1 fois.
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Re: Syrwen.

Message par Claus » ven. 18 décembre 2009 à 18h04

II : LA LUNE, TENDRE CALICE DU CREPUSCULE.

  • Note : Ce chapitre contient beaucoup de faits historique qui sont le résultat de plusieurs heures voire jours de recherches, et il repose donc sur des bases solides et non une pure imagination – comme je tâche de le faire dans chacun de mes écrits, tout comme le premier chapitre.
    Néanmoins, pour ne rendre la lecture indigeste de par le fait que ce chapitre place surtout le décor autant géopolitique qu’historique et parlant très peu de Syrwen, j’ai utilisé plusieurs méthodes d’écriture pour chaque partie pour, peut-être, vous rendre la lecture plus appréciable.

    Bonne lecture !

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Il était tard, bien trop tard pour traîner dans un endroit aussi malfamé que cette forêt lugubre.
La lune s’amusait avec l’épais toit de branches, mouvant un jeu d’ombres inquiétant sur les troncs et la terre fraîche alors que la nuit enveloppait dans son épais manteau toute la contrée pour ne laisser que cet étrange spectacle comme seule once de lumière. L’air était étouffant, et les alizés glacés. Les quelques bourrasques qui osaient s’immiscer en le dédale boisé emportaient en leur passage quelques feuilles pour créer des rubans gracieux qui s’estompaient au détour d’un sentier. Et le silence, pesant, inquiétant, parfois brisé par les cris du vent et les hululements de chouettes, dominait les lieux comme un maître inébranlable.

Au détour d’un arbre se fit alors entendre un craquement sec. L’aventurier se mordit la lèvre inférieure en regardant sous son pied pour voir une branche brisée auquel il n’avait prêté attention avec l’obscurité. Il déglutit légèrement, avant de relever la tête, inquiet. L’oreille attentive et le souffle court, il tentait d’entendre le moindre bruit suspect mais rien ne s’éleva, tout juste un parfait silence qui en était d’autant plus effrayant. Il soupira, avant de passer sa main gantée dans ses longs cheveux blonds humidifiés par l’effort et la peur. D’un mouvement ample, il balaya l’air devant lui avec la torche qu’il tenait dans son autre main, tentant de discerner les autres branches mortes au sol se cachant sous le tapis de feuilles pour éviter de commettre la même erreur. Une fois le chemin assuré et les pièges naturels détectés, il reprit sa marche.

Le jeune Edward de Tyrshal était un honorable forgeron qui avait reprit le commerce fructueux de son père plus par obligation que plaisir, mais il savait néanmoins qu’il était chanceux d’avoir un travail aussi bien rémunéré par des temps si durs ; surtout depuis la mort de son paternel. Malgré tout, il avait toujours gardé cet esprit aventureux et fugace si propre à cette nouvelle génération née en l’époque des grandes découvertes. Alors, quand le bon Prêtre Innocentin lors d’une matinée au Temple pour la prière quotidienne lui parla de la légende qu’abritait cette forêt, son sang ne fit qu’un tour et ses grands élans de zèle s’agitèrent en son adorable tête blonde. Il voulait savoir, être le premier à connaître si tout cela n’était que chimère ou triste réalité, et ainsi peut-être, devenir célèbre et quitter cette vie de fer forgé pour des jours meilleurs. Mais cette ardeur et ce courage perdirent très vite toute leur valeur dès qu’il avait parcouru les premiers pas en ce lieu, à la première entente des chouettes et à la première vision des ombres dansantes.

Au bout de plusieurs minutes, le jeune Edward fini par atterrir au bout du premier sentier pour se retrouver à un croisement assez conséquent pour que les branches ne puissent le couvrir totalement, laissant ainsi un puit de lumière tomber en son centre. Il s’en approcha à pas rapides, heureux de trouver un brin d’éclairage plus apaisant et moins chancelant que sa torche. Son souffle court reprit lentement une cadence normale, profitant de cet instant de répit pour détendre ses nerfs bien trop joueurs depuis son arrivée. Il fit quelques moulinets avec ses articulations pour décoincer les muscles bien trop raidis par le stresse, tout en profitant pour regarder les alentours : il se trouvait en un étroit sentier de terre fraîche encadré par d’immenses arbres aux cimes semblant pourfendre le ciel de leur grandeur, étendant leur magnificence obscure par de longues branches aux feuilles ombragées. Sur le côté gauche, au détour d’un immense tronc entouré de plusieurs herbes montantes aux épines aiguisées se trouvait un autre chemin s’enfonçant en un tunnel de végétation, alors qu’en face de lui s’en dressait un autre plus dégagé menant sur la hauteur d’une colline, où la lune répandait son aura pour en éclairer le chemin. Néanmoins, quelque chose attira son regard sur sa droite sans en apercevoir la nature, se dessinant très légèrement dans la pénombre.
Edward resta quelques instants statique, avant de respirer fortement comme pour se donner le courage et avancer, la torche en avant et le pas décidé vers ce qui l’intriguait.

Très lentement, à mesure que ces épaisses bottes de cuir s’enfonçaient dans la fange, se dessina la silhouette d’un gros chaudron en un état encore correct malgré la mousse qui le recouvrait partiellement mêlée à la poussière, ainsi qu’une bibliothèque bancale et cassée par le haut où quelques grimoires demeuraient encore, ayant survécus aux intempéries et à la moiteur des lieux.
Le jeune forgeron s’approcha alors de sa première découverte, déposant ses mains gantées sur le rebord cuivré pour en regarder le fond où se trouvait quelques centimètres d’un liquide nauséabond qu’il connaissait pourtant fort bien : de l’huile épaisse qui servait la plupart du temps à allumer des feux et, d’après ses arômes de brûlé, celle-ci avait déjà fort bien servi. Après quelques instants d’hésitation et de brefs regards en arrière, il approcha le bout de sa torche déjà bien consumée du fond du chaudron avant que l’huile s’embrase rapidement dans un craquement presque inquiétant. Ce brusque jet de lumière aveugla Edward qui recula de quelques pas avant de pousser un petit hurlement dès lors qu’il entendit de nombreux feuillages s’agiter, accompagnés de plusieurs cris stridents ; il eut le courage de lever la tête rapidement pour voir une bande de chauve-souris prendre son envol par le sentier menant à la colline. Conscient du bruit qu’il venait de faire, le jeune homme se figea quelques instants en portant une main au pendentif en forme de la croix d’Einhasad autour de son cou, à l’écoute d’un quelconque bruit suspect. Après plusieurs longues minutes de mutisme et voyant que le silence avait reprit ses droits en la forêt, il s’accorda de se mouvoir à nouveau pour approcher ses mains du chaudron et se réchauffer à l’aide du feu de fortune.
D’un geste ample de sa main droite, il essuya à nouveau son front dégoulinant de sueur avant de s’approcher à pas calfeutrés de la bibliothèque pour la fouiller à son tour. Il vit de nombreux grimoires, dont la plupart s’étaient écrasés au sol pour se déchirer avec les années et se tâcher avec la boue. Quelques uns demeuraient encore en assez bonne qualité, malgré que l’humidité ait ondulé bien des pages et fait couler beaucoup d’encre pour en laisser des pages blanches. Immédiatement, et presque instinctivement, il s’empara d’un grimoire qui attira son regard de par sa manufacture luxueuse et son épaisseur considérable. La couverture était d’un velours bordeaux proche du Vin de Schuttgart, alors que l’ornement en son centre représenté par un serpent s’enroulant autour de deux Lances croisés semblait être en pierres précieuses. Le jeune homme contempla cette merveille artistique quelques instants, laissant sa main gantée nettoyer délicatement la poussière et les feuilles se trouvant en sa surface, avant de découvrir une inscription aux lettres dorées posée au fer au-dessous du sigle : « Von Hellman ». Il écarquilla quelques instants les yeux, ses mains se mettant légèrement à trembler malgré l’étreinte solide qu’il appuyait sur le grimoire. Le fruit de ses recherches qui lui avait indiqué le Prêtre Constentin se trouvait peut-être entre ses mains, emprisonné en cette prison de velours et de joaillerie.
Il ne put se retenir plus longtemps et tourna la couverture d’un geste maladroit pour en prendre lecture, l’excitation et l’impatience se lisant sur tout son visage.
Edward tourna une nouvelle page.

Une pluie légère se mit à tomber alors que des brumes pâles s’élevaient lentement du tapis de feuille morte. Edward, immédiatement, mit son bras droit au-dessus du grimoire pour le protéger avant de braver la maigre distance le séparant du premier arbre pour s’adosser au tronc et reprendre sa lecture, se moquant même des quelques gouttes rebelles qui glissaient des feuillages pour s’écraser en son cou, ses vêtements, ou même sur les pages.
Un craquement juste derrière Edward lui fit arrêter sa lecture, lui glaçant immédiatement le sang alors que ses yeux s’écarquillèrent. Sa respiration se tut, l’obligeant à retenir son souffle comme pour éviter de faire le moindre bruit, tout en continuant de fixer droit devant lui telle une statue figée par la peur.
Un léger souffle glacé parcouru le creux de son cou, lui laissant de longs frissons remonter le long de son échine pour s’étendre en tous ses membres, l’obligeant même à laisser tomber le grimoire qui s’écrasa face ouverte dans la boue dans un bruit abjecte. Une larme perla au coin de ses yeux alors qu’il sentit un bras entouré lentement sa taille, avec un érotisme presque indécent.

Un cri s’éleva hors de la Forêt des Morts, se répétant en écho en la vallée pour s’éteindre tel un alizé mourant.

Pages retrouvées du Grimoire : « Hardin ou les méandres de la Magie Occulte ».
http://www.deezer.com/listen-4092597

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Re: Syrwen.

Message par Claus » dim. 20 décembre 2009 à 02h54


III : REMINESCENCE, LES PETALES DE LA ROSE SANGUINE.


1. Pétales éternels, mélopée éphémère ; le Traumatisme.


Extrait du grimoire de « L'Arbre Mère, les racines sinueuses ».


http://www.youtube.com/watch?v=0B7sH5QLyXY

Une légère pluie s’abattait sur la Forêt d’Elwaën, soulevant une brume du tapis de feuilles qui se mouvait lentement comme un spectacle d’ectoplasmes. Les gouttes glissaient doucement le long des feuilles pour s’écraser sur une autre, et continuer leur descente jusqu’à se mourir en la terre ferme, quelques mètres plus bas. La délicate symphonie qui s’élevait en la nuit résonnait dans les dédales boisés, s’immisçant entre les arbres pour faire de chaque goutte une percussion à l’orchestre.
La nuit était sombre, tout juste voilée par quelques nuages semblant à du coton grisâtre et déchirée par des éclats lumineux de l’orage qui sévissait de l’autre côté de la Montagne de Sherak. La palette de couleurs qui s’étendait en la voie lactée offrait des nuances de bleus tirant jusqu’au gris, dans une harmonie parfaite digne des toiles des plus grands peintres.

Les quelques maisonnées qui avaient fleuri depuis quelques dizaines d’années en les cimes éteignirent lentement leurs chandelles pour laisser le crépuscule reprendre ses droits sur les terres. Beaucoup des habitants n’étaient habitués à de tels climats, venant tous pour la plupart de la Contrée d’Everthia qui fut ravagée lors de la « Grande Tragédie » - nom qui fut donné à la terrible guerre pour à la fois montrer la tristesse de cet événement, tout en restant évasif par soucis de conserver l’once de fierté demeurant en leurs cœurs -, et ces averses étaient un spectacle dont beaucoup avaient admirés pour, au final, se lasser comme le reste des sylvains.
Pourtant, une silhouette se dessinait dans la pénombre, les contours tout juste dessinés par la lueur chancelante de l’astre lunaire qui perçait parfois le toit de branchages. D’un pas lent, elle s’avançait vers le faisceau de lumière qui éclairait un bosquet de roses au pied de l’immense chêne qui trônait au centre du Village, détenant en son sommet l’immense construction de bois qui formait le Temple. La lueur glissa le long de ses longs cheveux blonds, se perdant en les boucles parfaites pour s’écraser, telle une chute d’eau, sur ses épaules dénudées. Ses petites mains se tournèrent paume vers le ciel, ramassant quelques gouttes de pluie qui filtraient pour ressentir cette étrange et agréable sensation sur la peau. La jeune fille approchait des cent dix ans, lui conférant une silhouette d’adolescente pour les repères humains. Belle, délicate, mais pourtant si mélancolique.
D’un geste las, elle fit glisser la tige d’une des plus belles roses du bosquet entre son annulaire et son majeur, emprisonnant la fleur entre ses doigts avant de l’arracher d’un petit mouvement sec. Abritée en le cœur de sa paume, la jeune sylvaine la porta jusque devant ses yeux bleutés pour en admirer la beauté, fascinée par les gouttes d’eau qui perlaient comme des petits cristaux sur cette robe écarlate. Un sourire se dessina au coin de ses lèvres.
Syrwen avait bien grandie depuis la mort de son père et la fuite des siens de la Contrée d’Everthia, mais elle avait perdue en cette tragédie son innocence et sa gaieté. Répudiant les croyances auprès d’Eva ; déesse qui pour elle était d’une cupidité incommensurable pour lui avoir arraché son père ; et recrachant toute sa frustration et sa haine sur sa pauvre mère, elle était devenue une statue de glace aussi belle qu’inébranlable. Des sourires comme il en apparaissait en cette soirée pluvieuse étaient rares, et se comptaient malheureusement sur le doigt d’une main. Le mutisme était devenu son arme, et le violon sa catharsis. Elle se refusait à des plaisirs futiles, plongeant son esprit torturé en les abîmes de l’art et la mélancolie. Peu bavarde et flegmatique, la musique qu’elle réalisait avec son violon continuellement était pour beaucoup les paroles qu’elle n’osait à présent prononcer. Tantôt triste, tantôt rythmée ; les consonances se mélangeaient des fois en un ordre illogique qui exprimait l’étrange alchimie qui bouillonnait en son petit être.
Ewalyth Eldaron ne pouvait que voir ce triste spectacle avec des yeux embués de larmes. Une distance s’était créée entre elle et son enfant ; une distance qui avait prit des allures de nombreux kilomètres avec les années. La sylvaine savait pertinemment que la jeune fille avait perdue quelque chose le jour où elle vit son père mourir, ainsi que tous ses amis. Que la violence de la réalité l’avait giflé pour faire éclater en morceaux tous ses rêves et ses illusions. Pourtant… Elle était bien trop jeune, et ne méritait une innocence brisée et tâchée par la folie des Hommes.

Maintenant, elle errait, comme un fantôme rappelant au reste du monde à quel point la bestialité avait détruit des âmes. Beaucoup étaient peinés pour Syrwen qui, auparavant, chantait la vie à pleine voix, pour maintenant l’arpenter comme la pire des sentences. Sa personne rappelait au Monde les erreurs qu’il avait commi, les actes odieux auxquels il s’était livré ; mais rien de ses constatations ne semblaient pouvoir redonner une once de joie sur la jeune fille à la beauté sans pareille.

La musique était devenue sa vie, espérant peut-être y découvrir au détour d’une note son propre requiem.

"Tout nous enferme, et nous confine
Et la chaleur qui hier encore
T'enveloppait de lumière fine
Presse et opprime un corps
Sans visage, tombé et mort
Aux yeux levés vers le ciel
Fixés sur les éthers qu'il dévore
Dieu qu'il aimerait s'envoler
La vie de son corps semble
Déjà s'évaporer.

Longtemps on s'est aimé
Les yeux fermés allongé
Dans le noir, j'écoutais, sans les voir
Tes histoires remplir mes veines
D'ardeur
Puis sur ma peau glissaient
En goûtes douces et éclaircies
Les quelques mots oubliés
Quelques mois, à peine, dans une vie.
J'étais heureuse, sans même le dire
Et les heures se confondaient
Dans les journées.

La foi, déjà m'abandonne
J'ai voulu la garder, la serrer
Dans mes bras, mais entre
Ces mains, il n'y a, à présent
Plus que de la fumée, du sang
Du sable et un souvenir de tout ça.
J'ai voulu la retenir, en faire mon alliée
Mais je la vois aujourd'hui, brûler, s'élever
Et me cracher au visage et déchirer
Ces parures et étoffes dont j'avais voulu l'habiller .

A présent lorsque derrière le Cloître
Je vois la lande entière s'embraser
Lorsque le soleil semble, plus que jamais
Près et accueillant et hospitalier
Rabattant ma capuche et l'angoisse
D'avoir vécu sans trouver de vérité
Je m'en vais sans un murmure
Et la lumière ne pourra plus
Que me brûler."

La silhouette était dressée face à la mer, au bord de cette falaise aux courbes vertigineuses. Emmitouflée en sa cape, ses longs cheveux blonds virevoltant autour de son visage si fin telle une danse transcendantale, elle regardait l'horizon en refermant lentement le parchemin de ses doigts gantés. Un ultime baiser sur le papier où se trouvait le nom d’Ivaen Eldaron, elle l'arracha en plusieurs petits morceaux pour les laisser s'envoler au gré des alizés, porteurs d'un message dont seul le souffle de la vie pourra le trouver en le terrain vague de la mort.

2. Pétales séchés, la douleur de l'épine ; l'Ecchymose.


Affiche d'Information du journal « La Licorne Indépendante ».

http://www.youtube.com/watch?v=Vt2r2rUHc7Q

Beaucoup des habitants de la Forêt d’Elwaën avaient toujours pensé que leurs principaux ennemis étaient à présent le froid et la famine ; et non une attaque extérieure. Le bouclier qu’avaient dressé les Anciens pour offrir un voile d’invisibilité au peuple elfique leur avait offert une quiétude incroyable, se répandant dans les âges comme une ère de félicité.
Pourtant, en cette fraîche matinée d’hiver, le pire arriva.

Des hurlements s’élevaient du Village, se mêlant au vacarme immense qui se répandait comme de la poussière en les dédales boisés. Les flammes léchaient les arbres, laissant les maisonnées perchées en les cimes devenir de véritables brasiers qui s’écroulaient au bout de quelques instants, entraînant en leurs chutes des vies et des souvenirs. Les quelques Sylvains n’ayant oubliés les rudiments du combat sortirent leurs épées rouillés pour tenter de repousser l’Ennemi, en vain. Ils se faisaient broyer, déchiqueter, et dévorer ; n’étant plus qu’un adorable nectar dont Elle aimait se rassasier.
Les arbres s’embrasaient mutuellement en leur chute, s’affaissant rapidement au sol pour continuer à répandre la langue enflammée sur l’herbe sèche à l’aide des alizés. Tout le Village n’était plus qu’une immense fournaise, à l’air suffoquant et à la pluie de cendres. Plusieurs des habitants tentèrent de s’enfuir, mais ils furent happés telles des brindilles par les attaques incessantes de l’Ennemi. La poignée qui parvenait à sortir de son étreinte se faisaient brûler vif par le feu qui s’écroulait du ciel, ou piétiner par les émeutes des autres confrères.
Tout n’était que sang et feu.

Syrwen, qui était alors au Temple à ce moment précis, sortit en trombe jusqu’à la porte pour voir le massacre se dessiner devant ses yeux. En ses iris dansaient les flammes qui avalaient tout sur son passage, entourant l’Ennemi qui dépassait même certains cimes de par son immensité.
Soudain, elle vit un de Ses bras s’abattre en sa direction, pourfendant le vent dans un cri aigu. La jeune sylvaine eut tout juste le temps de sauter en direction du pont, évitant l’attaque qui écrasa l’aile est du Temple, envoyant de nombreux morceaux de bois voler en les airs pour s’écraser au sol avec fracas. En rampant, elle réussit à faire quelques mètres avant de se relever, paniquée, pour courir jusqu’à la prochaine maisonnée qui se dressait encore intacte dans l’arbre devant elle. Malheureusement, une nouvelle attaque contre l’ancien lieu de culte fit l’embraser, brisant les cordages du pont qui se mit à tomber dans une chute vertigineuse, entraînant avec lui Syrwen qui eut juste le temps de se rattraper à une planche pour éviter une mort certaine. Le choc contre le tronc de l’autre arbre dont les cordages avaient survécu fut terrible, obligeant la sylvaine à lâcher sa faible brise pour s’affaisser au sol, dans l’herbe fraîche tâchée de sang.
La violence de la chute, même amoindrie, provoqua une douleur horrible dans le dos de l’Elfe qui eut le souffle coupé pendant plusieurs secondes. Les yeux écarquillés vers le ciel, elle voyait les flammes embraser les maisons dans les arbres, se répandant jusqu’aux feuillages pour offrir un champ embrasé dans le ciel. Des cris et des hurlements s’élevaient autour d’elle, mais elle n’avait ni la force ni le courage de regarder.

Après quelques instants de stupeur, Syrwen trouva la force de se relever, regardant avec horreur le spectacle qui se dessinait tout autour d'elle. L’herbe auparavant si verte était recouverte de sang et de cadavres carbonisés ou déchiquetés ; des connaissances, des amis à elle, n’étant plus que de la charpie de chair.
Un tour de sang fit mouvoir ses jambes, l’obligeant à courir droit devant elle sans s’arrêter, les yeux écarquillés par l’incompréhension et la peur. Elle n’écoutait plus rien du brouhaha horrible autour d’elle, fonçant à toute vitesse, laissant ses muscles s’enflammer sous l’effort et la douleur. Elle tombait, se griffait avec les branches, se prenait parfois quelques volatiles enflammés lui carbonisant des parties du corps ; mais rien ne semblait pouvoir l’arrêter.
Mais soudainement, ses muscles se raidirent, la faisant s’affaler au sol en trébuchant sur un cadavre pour rejoindre la terre face la première. Elle perdit connaissance quelques secondes, abasourdie par le choc, regardant de ses yeux embués de larmes les tiges d’herbe se dressant devant elle. Mais, tout à coup, le cri qui avait provoqué auparavant sa chute retentit encore une nouvelle fois, la faisant écarquiller les yeux et se relever du mieux qu’elle pouvait pour regarder derrière elle : sa mère, Ewalyth Eldaron, courait vers elle en pleurant et en tendant ses bras, le visage taché de sang.
D’un saut, Syrwen se releva et se mit à courir dans sa direction en tendant elle aussi les bras, laissant les sanglots créer un profond sillage dans la couche d’hémoglobine séché mêlée à la noirceur des cendres sur son visage. Brusquement, un bruit sourd retentit, et une patte de l’Ennemi traversa en son extrémité le ventre d’Ewalyth qui se figea quelques instants, yeux écarquillés et bouche ouverte en fixant sa fille. Un hurlement strident sortit de la bouche de Syrwen qui se mit alors à courir de plus en plus vite, oubliant même sa douleur, avant de voir sa mère se fait happer dans les hauteurs et disparaître dans les feuillages.

La jeune sylvaine se figea alors, paralysée d’effroi, avant de se laisser tomber à genou au sol, silencieuse. Elle ne remarqua même pas qu’elle était plus que la seule survivante dans ce brasier qu’était devenu la Forêt, ne voyant en ses rétines que le visage de mère tordue de douleur se faire happer par l’Ennemi, bras tendus. Cette femme… Sa mère… Seule.

Soudainement, les feuillages s’écartèrent, laissant Orfen se baisser pour regarder la dernière survivante à son Massacre. Sa tête s’approcha de celle de Syrwen, la regardant de ses yeux à tout juste quelques centimètres alors que ses nombreuses pattes s’empalaient dans la terre fraiche. La jeune sylvaine resta figé de peur, observant le visage de cette feue Gardienne qu’elle pensait pour mort.

Puis, un puissante douleur lui arracha un dernier cri, laissant un filet de sang jaillir de sa bouche pour rejoindre l’herbe. Ses yeux se fermèrent sur la vie, laissant son corps retomber sur la triste scène de linceul.
Silence. Entracte.

3. Pétales fanés, la robe sanguine ; l'Etreinte Épineuse.


Pages retrouvées du Grimoire : « Hardin ou les méandres de la Magie Occulte ».

La chanson de Syrwen
(ndlr ; la chanson originelle est `Siren Song` de Bat for Lashes, mais cette chanson m'a inspiré dès le début pour écrire cette histoire, retraçant parfaitement en les notes l'univers et le personnage que j'ai inventé ; alors si vous devez retenir qu'une chanson pour comprendre Syrwen, c'est celle-ci.)

Un pas plus loin un pas toujours plus loin. C'est un pied qui avance et qui soulève la poussière et qui s'écrase en hésitant sur le parterre gris-brun, qui envole le pollen et descend la brume, la tire un peu plus près du sol, un peu plus près des hommes. A chaque pas, c'est l'écran de fumée devant moi qui s'élargit, qui s'épaissit et envahit ma vue. A chaque seconde, la persistance de mes rétines m'aveugle. C'est une fumée grise et âcre qui me jette dans le songe, alors que je traîne ma croix sur mon chemin de Terre ou peut-être l'inverse. Ce mur est infranchissable. Je suis libre mais libre d'errer devant cette masse immense et pourtant impalpable, discrète et volatile comme elle est écrasante et souveraine. Ici n'est pas de mon monde, et mon royaume est envahi par les brumes. Pourtant j'insiste, je trépigne, mes bras, nos bras s'enfoncent dans ces couleurs sombres et perçantes, qu'il est lourd, ce poids, qu'elle est pesante cette atmosphère ! On y respire que des parfums sulfureux qui irritent les bronches et coagulent entre nos doigts. C'est la mort dans nos mains qui se forme car déjà le chemin qui nous nous sommes frayés s'est évanoui dans le sommeil des brumes. Pourquoi derrière cette muraille de vapeur blanchâtre, couleur de cendres, ne voit-on pas les quelques lueurs qui annonceraient une cité prochaine ? J'entends, pourtant .. je l'entends, oui, une eau qui clapote, quelques sons distraits, l'espace d'un instant, même, une tige de jonc fanée ? Non. C'est un rêve, il n'y a rien de cela, c'était une illusion dans un rêve. Tout cela peut-il être vrai ? Que ferais-je à présent, et vous, où êtes vous ? Je vous appelle et vous convoque, au nom des Sylvains, percez ce brouillard et portez-moi secours. Une main forte. Une main serviable. Que ne donnerais-je pas pour une main amie. Je lui trouverais milles grâces, la finesse des traits, la longueur de ses lignes, la perfection de sa teinte. Je lui trouverais un visage magnifique et lui accolerais un nom somptueux. Les plus belles couleurs ! Je pourrai vivre hors d'ici !

Mais mon pied se soulève et entraîne la poussière, c'est un pas plus loin. Mes songes m'ont perdue plus encore et déjà la brume enfonce mes yeux. Elle cristallise ma langue et avale mes soupirs. Ce monstre.. gris et immense, un rejet de la nuit, il se diffuse sur la toile du jour, pareil à une tâche d'encre qui se répand en cercles concentriques et torturés sur les fibres du papier. C'est un pas de plus qu'il me faut, c'est encore marcher, car sinon.. il n'y aura plus de grâce, plus cette main, mon royaume descendra sous les flots et il n'y aura plus que ce gris changeant qui me dérange et m'étouffe. Quelle couleur de mort, quelle sinistre robe pour cette mort qui me guette. Encore une fois soulève toi et emmène-moi loin d'ici. Il le faut car nous devons vivre. Encore quelques pas... je m'envole, je cours, je vais finir par sortir. Je verrai encore la lumière, encore !

Déjà toute réalité m'est un rêve. Il n'y a plus rien ici. Plus un meurtrier, plus un cri, plus un chien, plus un pas, plus d'hommes, plus de vie. Le bruit de mes pas glisse doucement sur l'ombre. La mienne, comme mon âme, est prisonnière de Ca. Ca m'effraie. C'est trop immense. Ca. Cette chose. Le vent n'y trouve aucune faille et ne rentre pas dans ce monde. Dehors il doit rester des villes, il doit rester des chemins et alors nous ne serions pas mort. Nous serions en vie. Mais déjà Ca me rend folle. Je sais que je ne pourrai plus en sortir, prise au piège, cernée par Rien au milieu de Nulle part. Et pourtant j'existe, je le sais encore, j'attache mon esprit à cette pensée et j'en reste solidaire comme de mon propre cœur. Elle seule peut m'aider et grâce à elle peut-être je pourrai, encore une fois, soulever mon pied, attraper la poussière. Un pas plus loin, je continue mais combien de temps pourrai-je encore ? Combien de brasses dans cet Enfer ? Combien de pas me séparent de trépas ? J'enfonce mes bras dans la masse âcre qui brûle mes yeux. La pression que cette fumée exerce sur mon visage et mon crâne est bien trop forte, je ne sais pas si je suis sourde. Je n'ose plus parler de peur d'avaler le Diable et de perdre mes paroles. Mes dernières. Je ne veux pas les prononcer dans ce vide envahissant. L'endroit est plein de mort, je le sens. Je le savais déjà, je l'ai toujours su et vous, qui vous êtes égarés dans notre prison mobile, vous le saviez aussi.

Je suis assise. Je pense que sous moi il y a encore un sol. De la terre meuble, du granit, un sommet. Je ne sais. Je tente de porter mes pas, ils sont de plus en plus pesants et chacun martèle notre misère dans ce tourbillon de fumée. Cette brume. Aurait-elle englouti la Terre dans son pesant sommeil ? Un instant je tente de porter tout mon poids sur mes jambes mais rien ne se passe. Pire, je ne sens rien. Je ne peux rien sentir. Elle a volé mon âme et mes sensations. Pourtant il me reste la colère et la révolte. Je trépigne, je hurle et elle rentre dans mon corps. Elle s'injecte dans mes veines et dans mon sang, je sais que cela est mon dernier cri perdu dans cette cellule infinie. Mes brassées et ma course me portent mais je ne sais plus dans quelle direction. Il n'y a plus de sol, plus d'horizon et plus de vie. Où est la Terre, où sont ceux que j'ai aimé et ceux que j'ai haï ? Où êtes vous, frères ? Nous sommes rentrés ensemble dans notre calvaire. Je voudrais vous retrouver. Mais je ne puis respirer à présent. Où êtes vous ?

Je suis assise à nouveau. Je pense. La terre à disparue. Personne ne m'entendra plus. Je ne suis plus qu'une onde, un bouquet d'étincelles dans la plus grise des nuits du monde. Invisible et aveugle. Je crie mon silence dans le ventre de ma peur. Est-ce que rien ne sortira de ce malheur. Une fois encore, une fois de plus et pour vivre plus loin, plus fort et plus profondément, dans nos âmes, soulevons nos pas et entraînons avec nous la poussière. Ce qui vit peut guérir et la brume tombera et enfin nous pourrons crier notre joie et retourner aux villes pour les faire semblables à nos cœurs éprouvés et pleins de fatigue. Tout cela, oui.. Tout cela nous le serrons. Ca. Elle est en nous à présent mais nous vivrons plus et nos yeux partageront cette noirceur avec la rosée et l'aurore. Peuples, je sais que vous vivez et vivrez encore. Nous arrivons. Encore un pas, encore un pas plus loin. A la fin de cet Enfer, nous nous retrouverons. Nous passerons nos mains sur le monde et la Terre elle-même sera réconfortée. C'est pour la paix que nous mourrons, pour le sauver nos âmes de cette nuit dense acide. Il faut que mes mains s'enfoncent encore dans ce corps inerte et fuyant. Derrière, il peut y avoir cent mille mondes, il faut encore un pas de plus. Encore une lueur. Pour toucher cette main ...
Je me réveille.
~
« Sang ô sang noir de mes frères, vous tachez l'innocence de mes draps, vous êtes le sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix. »
Spoiler:
Être Conseiller, ça a son charme ;

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Claus
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Re: Syrwen.

Message par Claus » mar. 20 juillet 2010 à 15h54


IV : OMBRETERRE, LE LABYRINTHE DE L'INFANT.


Missives reçues de l'équipe "Oltza" avant la « Découverte ».

Un cri d’effroi et de stupeur déchira le silence de la mine.

Le bruit incessant des pioches martelant les parois glacées s’arrêtèrent alors pour laisser un court silence envelopper de son voile le lieu avant de se briser sous les pas rapides des mineurs qui se rassemblèrent tous devant la source de l’hurlement. Les regards se dirigèrent tous vers la paroi que fixait Piotr de Bruni avec des yeux écarquillés, la main sur sa bouche, mi horrifié, mi fasciné. Quelques uns poussèrent de nouveaux cris alors que d’autres déglutir ou restèrent béat devant une telle scène que jamais personne n’avait vu en ce bas monde. Un spectacle dont la beauté entrait en osmose avec l’horreur, où le surréalisme surplombait aisément toute réalité pour la percher en un instant éphémère semblant être figé dans l’ère du temps.

Emprisonnée en la glace se trouvait le corps d’une jeune femme figée. Irrésistible et magnifique, son être tout comme sa beauté semblaient être captifs de cette prison de gel pour en garder toute la perfection comme une des plus belles choses de ce Monde. Les paupières et lèvres closes, le corps exaltait de calme et de volupté, dégageant une aura de bien-être pareille à un jeune nourrisson trouvant le sommeil. Ses cheveux s’éparpillaient tout autour de son visage tel un soleil, laissant ses épaisses et longues boucles blondes se répandre en la glace comme des veines gracieuses aux courbes parfaites. Nue, les bras croisés sur sa poitrine, le corps demeurait en une fine couleur bleutée dû à la froideur de sa cage, n’entachant néanmoins point la perfection de ses traits. Ses deux petits tétons étaient d’une couleur plus foncée rappelant le bleu d’un ciel tourmenté, tout comme ses lèvres et sa fleur. Une déesse de glace prisonnière de son élément, une sirène perdue en une vague immortelle, un ange tombé des cieux pour s’endormir éternellement en attendant la rédemption ; ou une simple sylvaine victime d’un dur périple ? Nul ne pouvait répondre à cette merveille, mais tous en demeuraient le souffle court et le regard subjugué.

« Par Maphr, qu'est-ce que... ! »

La voix de Piotr de Bruni brisa enfin le silence, laissant quelques uns de ses confrères sursauter alors que d’autres ne pouvaient détacher leurs regards d’une telle scène. Un mutisme pesant et angoissant demeurait dans la grotte, comme si cette prison de givre avait enfermée dans ses bras le Temps. Certains osèrent quelques coups d'œil par dessus leur épaule, comme pour s'assurer que tout cela était bien réel, ou bien qu'il ne s'était point immiscer seul dans un songe. Beaucoup se surprirent même à trouver une certaine magnificence dans cette tragédie, laissant danser dans le creux de leurs pupilles cette œuvre parfaite digne de plus grands peintres. Les autres, quant à eux, ne savaient réellement pourquoi une profonde tristesse emplissait la mine alors que cette beauté ne demeurait qu’inconnue; Peut-être était-ce le paradoxe de cette enfant et de sa pureté avec la mort, ou encore l’impression d’innocence qui semblait l’entourer... Mais ce qui demeurait certain, c'était que cet amas de sentiments était tel un sadique venin, les possédant peu à peu pour faire battre leur cœur au rythme de celui de la sylvaine.

« Elle est morte. »

Cette réponse était évidente, mais elle semblait devoir être dite, comme si tous s’attendaient à un miracle en la libérant de sa prison. Quelques uns pleurèrent alors, d’autres esquissèrent une grimace de peine, mais aucun ne resta insensible à cette annonce qui sonna comme un glas sordide.

« Nous ne pouvons offrir à une telle personne une mort aussi abjecte, dans le froid et l’ignorance.
― Tu as raison, mon frère. Mais que comptes-tu faire pour cela ?
― Nous ne pouvons que prier pour elle durant notre nuit, et attendre l'aurore pour prévenir notre Général de cette macabre découverte. Lui seul pourra prendre une décision et honorer comme il se doit la mémoire de la défunte par des noces en bonnes et dues formes. »

Les nains acquiescèrent aux dires de Piotr qui était, depuis la création de l’équipe Oltaz, un leadeur intelligent et charismatique. Ce dernier caressa doucement sa barbe grisonnante avant de se détourner pour s’approcher de la sortie de la mine, s’arrêtant à la frontière avec l’extérieur. Lentement, il entreprit de s’asseoir en contemplant le soleil se coucher à l’horizon tout en bourrant sa pipe de son maigre restant de tabac. Ses confrères, quant à eux, le regardèrent s’isoler en comprenant la mélancolie dont ils étaient tous pris, avant de se détourner à leur tour pour terminer leurs travaux pour certains, alors que d’autres rejoignaient leurs couches.
Piotr resta ainsi de longues minutes et heures, bouleversé par cette découverte qui lui rappelait la futilité de la vie et son éphémère ténacité. De lointains souvenirs l’hantèrent alors, se rappelant de ses anciens compagnons morts et disparus eux aussi en ces monts, comme Frajani ou Dalangaz. Des êtres qui, sûrement comme cette sylvaine, ne méritaient la mort et l’oubli, mais simplement l’honneur et le respect.

« Bonne nuit, Piotr.
― Bonne nuit. »

La dernière bougie se fit éteindre, alors que le nain demeurait statique depuis des heures, résistant au froid et aux bourrasques. Parfois, il sortait de sa torpeur pour lancer de brefs regards en arrière et contempler la beauté morbide de la sylvaine, avant de retourner en ses songes et philosophies. Mais le sommeil, lui, n’arrivait à le prendre pour proie, ne laissant que son corps et son esprit être capturés par l’instabilité des sentiments dictés par la vile mélancolie.

En le silence de cette nuit sans lune, Piotr demeurait seul avec ses réminiscences.
Mais ce qu’il ignorait à ce moment précis, c’est qu’ils étaient en réalité deux.

Background de Piotr de Bruni : http://vae-soli.fr/forum/viewtopic.php?f=74&t=6821

« Serais-tu aussi chaste que la glace et aussi pure que la neige, tu n'échapperais pas à la calomnie. »
( William Shakespeare )
Un coursier arrive au Château de Giran, détenant une missive de la Garde de Schuttgart. Ce dernier, à bout de souffle et transpirant dûs aux épais vêtements du nord qu'il n'a put retirer en sa course, confit les parchemins enroulés en un ruban sombre et apposé d'un tampon de cire représentant la Garde au Chamberlain.
Ses seuls mots furent que cela était important, et qu'elle était destinée à Garius en personne.

( A suivre, avec pas mal de modifications quant aux derniers chapitres pour les rendre cohérent aux événements d'aujourd'hui. )
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