[BG Elfe] Daniel

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Sarafinah
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[BG Elfe] Daniel

Message par Sarafinah » mer. 12 août 2020 à 17h43

Nom : De Freyll
Prénom : Daniel
Surnom : /
Titre : /
Age : 36
Sexe : Masculin
Race : Elfe

Métier : Berger
Compétences :
  • Combat : Aucune
    Magie : Aucune
Métamorphoses : Aucune

Alignement : /
Guilde : /
Faction : /
Langues parlées : Commun

Description physique : C'est un blond aux yeux verts
Caractère : De cochon
Autres : /

Situation financière : Pauvre
Comportement social : Parfois
Type d’éducation reçue : L'école de la vie (en autarcie)
Popularité et/ou influence : Leader d'un troupeau de moutons
Pensée politique : ???

Croyances : Agnostique

Relations extérieures : Pas d'avis pré-construit, probablement parce qu'il n'en a pas (de relations extérieures).
Dernière modification par Sarafinah le mar. 18 août 2020 à 20h02, modifié 1 fois.
Je ne pense pas que ce problème soit solutionnable, mais je pense qu'il mérite une solution.
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Re: [BG Elfe] Daniel

Message par Sarafinah » mer. 12 août 2020 à 18h08

Daniel prit une lente et profonde inspiration tout en pivotant de droite à gauche. De ses bras, il décrivit plusieurs arcs de cercle autour de ses hanches avant de se laisser couler en un étirement plus profond.

Enfin de retour sur sa montagne, en solitaire. Cela lui faisait du bien, tentait-il de se convaincre. De revenir à son minuscule mais confortable chalet, de retrouver son petit troupeau au milieu de ses pâturages ondulants, jaunes et verts. Là dans les hauteurs, le berger se savait régner sur tout et sur tous, à la manière d’un roi — un roi dont il était à la fois le seul sujet et esclave.

Des petits nuages de condensation s'échappaient de sa bouche tandis qu’il expirait dans l’air frais de l’automne qui débutait tout juste. Enfin en paix dans son corps comme dans sa tête, il s’assit sur la roche la plus proche, surplombant le monde d’en bas, encore endormi.

Le matin était encore jeune. Après son découchage imprévu en ville, Daniel avait repris la route aux premières lueurs de l’aube : il n’avait pas voulu perdre plus de temps que nécessaire loin de ses animaux et de son occupation — pas plus qu’il n’en avait déjà gaspillé la veille, tout du moins. Il s’en voulait déjà assez d’avoir manqué sa chance de repartir avant la tombée de la nuit… Il avait failli à ses bêtes — sa famille —, et n’aurait possiblement pas pu se permettre de les laisser livrées à elles-mêmes plus longtemps. Elles avaient besoin de lui.

Aussi était-il parti comme un voleur, encore pâle et affaibli par sa nuit d’insomnie, poussant sa pauvre mule sur les chemins pentus et négligés qui menaient jusqu’à ses parcelles tranquilles.

Daniel s’autorisa un moment de répit pour contempler la façon dont le soleil distribuait inégalement ses rayons sur les terres en contrebas, un patchwork de lumière et d’ombre entre les collines et vallées qui bosselaient le paysage. Ça l’amusait toujours de penser qu’une personne pouvait broyer du noir à propos du mauvais temps à l’ombre d’un nuage menaçant, non conscient du fait qu’à moins d’une lieue de là, l’astre du jour brillait encore fort généreusement.

Daniel se pencha en avant, les coudes sur les genoux, son menton reposant dans le creux de ses mains. Qu’est-ce qui l’avait poussé à balayer momentanément ses obligations, au juste ? Peut-être le manque d’interaction sociale s’était-il trop fait sentir ? Était-ce une raison suffisante à son laisser-aller ?

Après s’être largement rabroué, il tenta de se sonder lui-même.

Daniel ne descendait de son royaume isolé qu’une ou deux fois par mois, parfois trois s’il le fallait vraiment, et ne restait jamais au village plus d’une journée. Il débarquait au levé du jour pour remballer à la tombée de la nuit, et c’était tout. Là où d’autres auraient vu dans ces déplacements l’opportunité d’une virée de plaisance en ville, le dévouement du berger pour son travail était gravé dans la pierre.

Mais aussi courts et intenses que fussent ces voyages, il les savait nécessaires. C’est pourquoi il avait pris la décision de ne jamais embaucher d’aide pour ce qui aurait pu être considéré comme un à côté de son activité primaire : bien qu’il était virtuellement autonome là-haut sur ses terres, il avait encore besoin d’argent, et — pour être tout à fait honnête, et bien qu’il peine à l’admettre —, d’un peu de chaleur humaine, ne serait-ce que pour conserver quelques traces de sa santé mentale.

Ainsi, à l’aubergiste il fournissait fromage de chèvre et viande de mouton ; à la forge Falko, le cuir dont ils avaient besoin pour terminer leurs pièces d’armure ; et enfin, aux marchands locaux ou de passage, il vendait la laine de ses bêtes — son produit le plus précieux et apprécié. Après tout ça, s’il lui restait du surplus, c’était aux villageois qu’il le vendait, sur un stand du marché que les fermiers lui louaient durant ses courts séjours.

À la fin de la journée, il ne lui restait tout simplement plus de temps pour profiter de ce que la ville avait à offrir autrement qu’en prenant un verre rapide à la taverne avant de rentrer.

À vrai dire, à lui seul il faisait la besogne qui incombait à au moins deux, voire trois personnes. Mais depuis la mort de son père adoptif, son mentor, il n’avait pas eu d’engouement pour autre chose que son travail. C’était là la véritable raison de son isolement volontaire, et pourquoi il se noyait maintenant dedans.

Daniel échappa un soupir, et pivota sur la pierre pour faire face et surveiller son cheptel de caprins et d’ovins qui s’étalait autour de lui. Les bêtes avaient l’air en paix, leur longue et effrayante nuit passée au-dehors à la merci des prédateurs qui peuplaient la montagne depuis longtemps oubliée. C’était une chose que les gorges en dessous abritent assez de sources mystiques pour que les créatures les plus viles ne pensent jamais à visiter son sommet, mais les loups communs restaient une sûre menace pour sa bergerie. Or ces derniers ne s’étaient pas montrés en son absence, et pour cela Daniel prit bonne note de remercier son fidèle assistant, le Chien, comme l’avait si justement nommé son père (après tout, c’était un homme des plus pragmatiques).

La faim se fit finalement sentir. Daniel se saisit de sa besace, de laquelle il sortit son déjeuner. Un reste de tourte à la pomme de terre et au fromage, spécialité renommée de la taverne, faite avec le chèvre que Daniel produisait lui-même. Le berger était habitué à consommer ses propres produits, mais il avait rarement l’occasion d’apprécier son fromage sous d’autres formes que tartiné sur du pain galette qu’il se cuisait seul. Franchement, rien de comparable avec la richesse, l’onctuosité de la garniture de la tourte, le croustillant satisfaisant de son trottoir et l’arôme subtil des épices qu’utilisait le cuisinier, et qui donnait toute sa dimension à l’ensemble.

Alors qu’il en prenait sa première bouchée, les morceaux de pâte émiettée cascadant jusqu’à ses genoux, il se souvint des mots du tavernier, une voix de la raison qu’il avait feint de ne pas entendre à ce moment-là.

— Pourquoi tu ne te trouves pas une bonne et douce femme à marier, Dany ? Le village n’en manque pas ! Tu ne te sentirais pas aussi seul, et à vous deux vous pourriez prendre des tours de garde pour surveiller ton bétail. Ça n’te ferait pas de mal, tu sais, de laisser reposer tes vieux os parfois, avait dit Borman en jaugeant du regard le berger avachi devant lui qui, s’il avait le front nébuleux à cet instant, ne présentait pourtant ni rides ni aucun signe de sénescence.

Daniel s’était contenté de relever la tête à l’écoute de son sermon discordant, car s’il lui présentait ce soir-là un front nébuleux, celui-ci ne portait pas de rides, ni aucuns signe de sénescence qui nécessite que l’on s’inquiète de sa santé.

— En plus, le temps file… Tu ne veux pas des enfants à toi ?

Encore une boutade, mais Daniel ne la releva pas non plus.

— Je ne voudrais pas qu’ils subissent le même mode de vie que moi, avait-il simplement répondu, sans réfléchir.

C’était assez vrai, ce qu’il avait avancé, maintenant qu’il y songeait. Il était son propre bourreau, et avait de ce fait tous les pouvoirs pour changer son quotidien si le coeur lui en disait, mais avait-il le courage ou même seulement la volonté pour ce faire ? Pas tellement...

Non, il ne voudrait pas imposer cela à sa famille, toute fictive qu’elle était.

— Mais, tu aimes bien vivre là-haut, non ? avait poursuivi Bormon, la perplexité s’étalant comme de la confiture sur ses traits tirés.

Ça aussi, c’était également vrai. Le calme de ses forêts, l’air pur et frais de la haute altitude avait toujours eu pour effet de calmer son esprit agité. La majesté du sommet, lorsque les rayons du soleil frisaient ses pentes, que la neige blanchissait son chapeau, ou que l’automne roussissait les arbres à son pied — tout ça était un spectacle grisant qui l’aidait à mettre les choses en perspective et à chasser ses troubles. Effectivement, il aimait son domaine.

C’était à ce moment précis que Daniel, réalisant son statut de contradiction vivante, avait senti la confusion le saisir et y avait succombé. Ça, ou bien l’alcool avait enfin montré son emprise sur lui.

Verre après verre de bière et de liqueur et autres joyeusetés avaient suivi, troquant son mal pour un autre...

Daniel grimaça à ce souvenir ; ce qui était arrivé la nuit dernière, ça ne lui ressemblait pas du tout. Ou plutôt, il était habituellement capable de tout garder à l’intérieur. En voyant l’état dans lequel il s’était mis, l’aubergiste avait eu la décence de ne pas insister, lui offrant à la place une chambre dans l'hôtel de la Cascade à flots, l’établissement jumeau de sa taverne, l’Alcool à flots.

— Aux frais de la maison, avait dit Bormon.

À l’idée de passer la nuit sur place au lieu de là-haut l’avait immédiatement dégrisé. Mais la fenêtre de temps pour rentrer en toute sécurité était déjà passée depuis longtemps, et il n’avait eu d’autre choix que de se soumettre...

Daniel balaya les miettes de ses souvenirs de la veille en même temps que celles de son repas. À quoi bon encore s’y attarder ? Ce qui était fait était fait, et son troupeau piétinait dans l’attente de ses prochains soins. Il était temps de revenir à la normale.

En se redressant de son rocher, le berger rehaussa son sac sur son épaule et se mit à palper, plus par automatisme que par acquit de conscience, les nombreuses poches qu’il comptait. Seulement, le résultat de sa fouille nonchalante le laissa soudainement perplexe, au point de lui glacer le sang. Daniel se raidit et s’accorda un dernier examen de sa main tremblante, qu’il porta cette fois à sa ceinture.

En effet, il lui manquait bien quelque chose...
Dernière modification par Sarafinah le mer. 19 août 2020 à 01h37, modifié 1 fois.
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Re: [BG Elfe] Daniel

Message par Sarafinah » mer. 19 août 2020 à 01h41

Tout défait, Daniel sentait le poids des regards dans son dos le transpercer, et ceux-là alourdirent un peu plus sa démarche déjà amollie par la boue en formation au sol. Heureusement pour lui, la pluie fine qui l’avait accompagné tout au long de sa descente et à travers le village s’était encore épaissie depuis son passage à la forge. Elle décourageait, à force, jusqu’au plus indécrottable curieux.

Daniel ne parvenait pas à blâmer ces spectateurs pour autant. Ici, chacun connaissait par cœur les habitudes de ses voisins, berger compris ; évidemment, le comportement inhabituel de Daniel faisait jaser tout ce beau monde. Il s’agissait moins cependant d’une histoire de commérage que d’une réelle inquiétude pour leur prochain.

Seulement Daniel, en bon ermite qu’il était, ne se savait qu’un seul véritable ami à qui conter ses déboires. Aussi se contentait-il de vagues et succincts saluts quand, au beau milieu de la voie centrale, il bifurqua sans prévenir pour pénétrer dans l’antre tiède de l’Alcool à flots.

— Par Einhasad ! s’exclama Bormon au tintinnabulement de la clochette à l’entrée. Est-ce que je vois des fantômes maintenant ?! Est-ce bien Dany qui pousse encore ma porte, pas un, pas deux, mais trois jours d’affilée ?!

— Je… J’avais oublié mes outils à la forge, répondit-il sobrement.

Et sobre, il comptait bien le rester, cette fois-ci. Pas question de s’oublier un jour de plus.

Qu’il laisse derrière lui ses outils émoussés, passait encore... L’automne s’installant, ses bêtes n’auraient de toute façon pas eu besoin d’une nouvelle tonte avant le printemps prochain, et d’ici là, il savait son matériel entre de bonnes mains. Mais qu’il abandonne comme un vulgaire ustensile le couteau de poche qu’il tenait de son défunt père…? Il ne se le pardonnait pas.

Et puis, même en laissant sa culpabilité de côté et son canif aux bons soins de la famille Falko, Daniel y tenait bien trop pour s’épargner la corvée de retourner le chercher. Après s’être laissé un répit d’une nuit, Daniel était redescendu au début de l’après-midi suivant aussi préparé que possible à l’imprévu : il avait confiné son bétail à la bergerie, le Chien en gardait l’entrée, et les basiques tâches de sa journée étaient déjà bouclées.

Il s’en félicitait d’ailleurs maintenant, parce qu’un bref coup d’œil à l’extérieur lui suffit pour deviner qu’il n’était pas près de regagner ses terres.

En avisant l’attitude aussi fuyante que fière du berger, le tavernier cascada :

— Je veux bien te faire encore une fleur s’il le faut ce soir, mais à l’avenir il te faudra payer ta chambre comme tout le monde !

Daniel haussa les épaules. Il avait de l’argent sur lui, et le lui tendit sans commentaire.

— Bah, tu ne sais pas prendre une plaisanterie… Oust ! ronchonna Bormon en l’envoyant s’asseoir plus loin.

Une heure passa, et le temps se dégrada encore. Le tavernier avait laissé filer ses derniers clients pour rejoindre le seul visiteur qui l’intéressait vraiment ; le blondinet orphelin de compagnie qui rongeait son frein tassé dans un coin, et dont le visage s’assombrissait aussi sûrement que l'atmosphère devenait orageuse au-dehors.

Daniel ne se redressa qu’une fois rendu aveugle par l’étoffe musquée qui vint subitement peser sur sa tête. Coupé dans sa rêverie, il fit glisser le torchon qu’on venait de lui lancer le long de son crâne pour révéler son interlocuteur.

— Sèche-toi les cheveux avant d’attraper la mort. Pourquoi tu me regardes comme ça ?! Il est propre ! s’offusqua Bormon.

Peu impressionné, Daniel s’exécuta néanmoins docilement avant de se saisir du pichet que le tavernier avait ramené à table. Fidèle à sa promesse, il ne servit qu’un verre sur les deux, et le tendit à son hôte.

— C’est un bête jus de fenouil, dit Bormon en lui prenant le récipient des mains pour lui remplir le second godet. S’il te reste quoi que ce soit de ta dernière cuvée dans le sang, ça t’aidera. J’suis pas un monstre, Dany, et j’m’en veux encore un peu de t’avoir mis dans cet état la dernière fois.

— C’était pas toi, c’est moi… répondit Daniel en méditant sur sa boisson, avançant une grimace en prévision de son goût.

Le tavernier échappa un rire à sa réponse incongrue, et Daniel le suivit en pouffant du bout des lèvres contre la paroi glacée du verre.

— Je préfère te voir comme ça, à plaisanter !

— Bormon, le relança Daniel avec plus de tiédeur, l’autre jour, est-ce que je suis allé trop loin ? Est-ce que j’en ai trop dit ?

Le susnommé manqua s'étouffer dans son jus. Les bras lui en tombaient presque. Comment quelqu’un d’aussi gardé que Daniel, d’aussi inoffensif, pourrait-il aller trop loin ?! Même après avoir descendu la moitié de sa carte, le berger n’avait rien bavé d’autre que deux, trois phrases révélatrices des maux qu’il gardait d’ordinaire profondément enfouis au fond de lui. Pas un mot plus haut que l’autre, pas de monologue propre aux soiffards prolixes qui peuplaient parfois son bar, aucun geste déplacé, rien, rien !

— Plus que tu n’en dis d’habitude, pour sûr. Mais toujours moins que ce que j’en aimerais entendre de ta part. Bah, fais pas cette tête, j’ai bien compris que c’est pas pour maintenant. N’en parlons plus, va !

Daniel aurait bien aimé parler cependant ; c’était juste qu’il ne savait toujours pas comment.

S’ensuivirent des échanges pratiques sur leur commerce et les prochaines livraisons de Daniel aux établissements À flots, agrémentés de banalités qu’il soupçonnait Bormon de lancer simplement pour lui faire oublier ses émois. Finalement, un silence confortable s’installa entre les deux hommes pour les accompagner sur la fin d’après-midi. Ils s’étaient alors tournés de concert vers la fenêtre battue par le vent et la pluie et observaient, songeurs, le monde qui ondoyait au travers de ce rideau d’eau. Le temps ne montrait toujours aucun signe d’apaisement ; les traits glacés tombaient maintenant si fort contre les carreaux qu’on se serait cru au beau milieu d’une fanfare militaire.

— J’ai demandé plus tôt à la petite de te préparer une chambre. On est d’accord, tu dors bien là ce soir ?

Daniel cilla un instant. Bien que Bormon ne soit ni devin ni faiseur de pluie, il lui sembla que le tavernier avait prévu cette ruse depuis le départ. Seulement, le tableau climatique sous leurs yeux le laissait bien malgré lui à court d’arguments...

— C’est plus raisonnable que de tenter une sortie maintenant, j’imagine.

— Oui. C’est plus raisonnable.

Le verdict était évidemment sans appel. Bormon esquissa un sourire qui ne pouvait appartenir qu’au roublard expérimenté qui tenait sa victime, et se leva sans douceur en ajoutant au tapage extérieur le crissement d’une chaise tirée sur son parquet malmené.

— Range-moi ces cernes d’inquiétudes et profite de chômer un peu de temps en temps ! Il me reste des tartes au four, j’nous ramène à manger.
Dernière modification par Sarafinah le mar. 25 août 2020 à 09h01, modifié 1 fois.
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Re: [BG Elfe] Daniel

Message par Sarafinah » lun. 24 août 2020 à 15h49

— ♫♪ Interlude musical ♪♫ —

Au jour tombant, la fanfare du ciel enfla tant et si bien qu’elle n’eut bientôt plus rien de plaisant ou d’innocent.

Transformée en musique d’ordonnance, faite des giboulées, bourrasques et tonnerre des dieux, ses tambours de guerre accompagnaient autant qu’ils noyaient les clameurs et les cris de ses précédents auditeurs devenus acteurs malgré eux.

— Bon sang, Dany, sors ! J’vais chercher la petite. SORS, j’te dis ! dut tonner Bormon pour se faire entendre par-dessus le vacarme explosif.

Mais si, les pieds dans l’eau à l’intérieur, le berger espérait trouver du secours au-dehors, il ne put que constater le nouvel ennemi qui se coulait déjà vers eux à grande vitesse, avec son corps et ses bourrelets tout à la fois liquides et rocailleux, flous et acérés.

Daniel, comme les dizaines de téméraires sortis pour se mesurer à l’envahisseur et réalisant qu’ils ne feraient pas le poids, ajouta sa voix aux autres pour chanter à son tour sa chanson.

Son ultime cri d’alarme, le fifre du vent le couvrit sans vergogne.
— ♫♪♫♪ —
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Re: [BG Elfe] Daniel

Message par Sarafinah » mer. 26 août 2020 à 23h12

Daniel ne sortit de sa torpeur qu’une fois le calme réinstauré au matin suivant. Haletant et grelottant, il se sépara du corps compact des villageois rescapés, laissant la fillette qu’il avait serrée toute la nuit dans son giron aux premières mains solidaires qui s’étaient tendues pour l’en soulager.

De ses spectateurs qui la contemplaient la veille bien au chaud dans leurs chaumières, la tempête avait fait des otages, puis des proies à sa colère subite, puis à nouveau des spectateurs qui découvraient maintenant comme lui, impuissants, l’étendue des dégâts occasionnés.

Et les dégâts, nombreux ils étaient.

Durant cet épisode orageux, le petit torrent apprivoisé autour duquel s’articulait le village avait débordé sur la berge de la voie centrale pour évoluer en fleuve impétueux, abreuvé de la multitude de nouveaux cours d’eau qui pleuvaient des pentes environnantes. À sa source, une lave torrentielle avait pris forme pour rejoindre son aval, et en descendant dans la vallée celle-ci avait charrié une bonne partie de la montagne, emporté le moindre ustensile, et remplacé les bâtisses tombées sous son assaut par ses roches diluviennes...

— Ça devait arriver un jour, marmonna Bormon en abandonnant le vain chantier de déblaiement de ce qu’il restait de ses établissements partis avec les flots.

Ici avait survécu un fronton, illisible mais en un seul morceau. Là, un pan de comptoir. Mais dans le capharnaüm d’après-guerre, quoi du bar ou de l’auberge subsistait encore, qui le savait vraiment ?

Les vêtements détrempés et sales, ses possessions dilapidées, l’ex-aubergiste fit le tour de ses congénères tout aussi dépourvus que lui pour récupérer sa progéniture des bras d’une voisine marchande. Cela devait arriver un jour, répétait-il à qui voulait l’entendre, et les têtes opinaient sombrement sur son passage.

Certes, les habitants installés ici savaient leur chance comme les dangers de leur situation. À l’origine camp de réfugiés, son emplacement à l’entrée de gorges à puits magiques — qui attiraient autant les bêtes que les aventuriers en quête d'entraînement ou de renommée — avait vite fait du terrain un candidat idéal à une installation plus permanente. Les passages y étaient fréquents, le commerce bon et les échanges florissants ; le camp de fortune avait fini par prendre racine pour s’épanouir en un minuscule mais vigoureux village.

Mais ce genre d’accalmie ne pouvait être que précaire.

Dans ce monde, et par les temps qui couraient, rien n’était jamais plus que transitoire. Que ce soit du fait d’une nouvelle guerre, des forces de la nature ou par un coup du hasard, tout, tous et toutes connaissaient une date d’expiration. Et bien souvent celle-ci arrivait plus tôt que tard...

Non, le village avait tout simplement fait son temps, ce n’était une surprise pour personne. Et qui aurait osé s’en plaindre, qui refuserait de reconnaître sa bonne étoile ! Après tout, même dans la pire des ruines il y avait du bon : au moins, tout l’équipage était sauf. Aucune famille ne s’était trouvé de mort à déplorer, et les seules carcasses qui occupaient le lit du torrent étaient celles de leurs maisons aux charpentes éventrées.

Il n’y avait vraiment que Daniel pour s’en indigner.

Aux yeux du berger qui avait regardé passivement croître et prospérer le village construit par leurs parents, rien ne justifiait ce sort-là. Ce qui avait demandé une trentaine d’années de travail acharné et sincère pour offrir de solides toits comme une réputation à ses habitants n’avait pas tenu plus de quelques heures pour se voir vulgairement anéanti. En quoi était-ce normal ? Comment cela pouvait-il être acceptable ?

Daniel renâcla. C’était tout comme la vie gâchée de feu son paternel.

Cinquante années de vie à trimer juste pour mener une simple existence faite d’austérité ponctuée de rares plaisirs... Tout ça pour être fauché, à la fleur de l’âge, par un mal des plus bénins, un rhume au premier abord insignifiant, un de ceux qu’on ignore chaque année, maintes fois attrapé et guéri dans la foulée. Un rhume de trop, pourtant.

L’univers se moquait-il bien d’eux, ou cachait-il un sens qu’il ne saisissait pas ?

Mais ce que Daniel exécrait encore plus que les notions de destin inéluctable prêché par son ami, c’était de laisser libre cours à ses humeurs. Elles ne devaient lui servir que de fuel pour survivre à ses journées afin d’entamer les suivantes, pas à macérer dans son inaction. Daniel repoussa sa frange poisseuse de devant ses yeux, frappa ses bottes sur le sol pour les débarrasser de la vase et des sédiments qui s’y étaient collés, et entreprit subitement de remonter la pente vers ses terres.

Avant qu’il n’ait pu négocier le moindre chaos de pierres cependant, une poigne ferme le saisit par le col pour l’arrêter.

— Où est-ce que tu crois aller dans cet état ?! Qu’est-ce qu’il y a de si urgent ?

— Mes b-bêtes, Bormon, j-je dois aller voir ce qu’il en est...

— Et ça te prend là, comme ça, comme une envie de pisser ? Même après tout ça tu ne sais toujours pas te poser cinq minutes ?!

Dans un silence amer, les deux hommes se jaugèrent du regard autant qu’ils se jugeaient. Le premier n’avait pas meilleure allure que le second, Daniel encore habité par des tremblements qu’il ne parvenait pas à réprimer, et Bormon avec sa gamine terrorisée solidement arrimée à sa jambe. Par ailleurs, il devait s’être fraîchement blessé durant la bataille ; le berger avait cru le voir boiter, et plus sa fille le serrait, plus il grimaçait.

Bormon finit par reprendre :

— … De toute façon, les débris de l’écoulement font barrage : il n’y a plus de sentier, plus aucun passage sûr, rien. Il faudrait des semaines de temps pour dégager ce bordel. Et ça, Dany, personne ici n’en a le courage.

— Impossible !

— J’savais que tu voudrais pas l’entendre ! Mais les Falko ont déjà fait le tour des environs, ils te le confirmeront. Ne va pas disparaître dans la nature et te tuer juste pour tenter une bravade. Je crois… J’crois qu’il est temps pour nous tous de tourner la page. Toi avec nous.

Le visage de Daniel s’était changé en une glace frigide et inexpressive, en nette contradiction avec la déferlante d’émotions qui assaillaient son esprit. À vrai dire, cette situation soudaine et absurde lui donnait tant à penser qu’il ne savait plus s’il devait en rire ou en pleurer.

— La petite et moi allons rejoindre mon vieux en ville, donner un coup de main dans ses établissements À sec, continua Bormon. Faut dire que ça tombe à pic, le bougre pensait déjà à sa deuxième retraite… J’vais sans doute reprendre son commerce comme je l’ai fait ici. Me fais pas non plus de soucis pour les autres. Bah ! Tout le monde saura plus ou moins retomber sur ses pattes. C’est plus pour toi que je m’inquiète. Tu es le bienvenu chez nous, mais entre nous, Dany... Peut-être que tu aurais meilleur temps de te chercher une nouvelle vie ailleurs. Tu sais, avec tes origines…

— P-pas moyen. Ma vie est là-haut, et je peux pas laisser le cheptel livré à lui-même comme ça. C’est mon devoir, ma responsabilité.

Bormon pouffa malgré lui devant sa futile détermination. Le berger se tut, mais l’ex-aubergiste n’avait pas besoin de l’entendre pour comprendre qu’il continuerait à lui faire front.

— Dany, réfléchis bien. Même si tu trouvais le moyen de remonter, y’aurait plus personne en bas pour te substanter. Te connaissant, tu pourrais bien vivre en autarcie encore un an ou deux, si tant est que les créatures ne pullulent et n’envahissent pas ton domaine maintenant que la gorge est bloquée. Mais ensuite ? Une fois que tes outils seront tombés eux aussi en désuétude, tu feras quoi ?

Bormon relâcha enfin le col de Daniel pour le défroisser, puis lui tapota l’épaule. Le geste se voulait réconfortant, mais sa main était empreinte de lourdeur, probablement rompue par les épreuves de la nuit. Quoi qu’il en dise, quoi qu’il tente de lui faire croire, lui aussi se voilait la face. Lui aussi était plein de deuil.

— Trace ta route, que j’te dis, insista-t-il malgré tout. La tienne pourrait être bien plus longue et noble que celle de nous autres éphémères. T’as cette chance-là d’être un descendant d’Eva, table là-dessus pour une fois.

— Arrête de dire ça. Arrête de me mettre à part !

De quel droit Bormon invoquait-il ses obscures origines qu’il n’avait jamais explorées, et dont il ne voulait de toute façon pas ?! Daniel n’avait jamais rien connu d’autre que ces gens et ses pâtures ! Pourquoi devrait-il soudainement s’en distancer ?

Toutefois, c’était se mentir que de dire qu’il ne le faisait pas déjà, dans le confort de sa réclusion en altitude. Mais c’était aussi ironiquement ce qu’il avait trouvé de mieux à faire pour ne pas avoir à trop souffrir de la vérité.

Daniel n’était pas plus âgé que Bormon quand lui et son père adoptif avaient rejoint les réfugiés dans le village en devenir. Avant de prendre définitivement ses quartiers en hauteur, le vieux berger avait laissé ces deux-là grandir ensemble, jusqu’au moment où, fort des bras de son pupille devenu adolescent, il n’avait plus nécessité le concours de ses pairs et avait fini par écourter leur séjour dans la vallée. À partir de là, chaque nouvelle descente était devenue un déchirement pour Daniel, qui n’avait pu que se rendre à l’évidence : en son absence, le monde d’en bas changeait constamment, mais pas lui.

Bormon lui-même avait visiblement pris de l’âge ; il avait aussi trouvé une femme et engendré sa propre descendance avant de perdre la première, tandis que Daniel demeurait un garçon à la jeunesse aussi éternelle que les neiges des pics. Même Bormon, donc… Même son meilleur ami ne l’avait pas attendu.

Aussi Daniel se mit-il à méditer.

Les humains mettaient tellement de coeur et d’espérances dans leur si courte vie. Et après ces pertes monumentales, ceux-là se sentaient encore capables de continuer. Comment ?

En perdant son père un an auparavant, lui était devenu misérable et l’était encore à ce jour, mais eux faisaient preuve de plus de résilience qu’un supposé immortel. Pourtant, de la même façon que l’aubergiste avait anticipé la destruction du village, Daniel avait su l’inéluctabilité de la mort prochaine de son parent. Il l’avait vue venir. Il aurait dû s’y préparer. Il ne l’avait pas fait.

— Sûr que l’vieux t’as un peu trop protégé de la réalité du monde… tenta Bormon, pour briser le fâcheux silence qui s’était de nouveau abattu sur eux.

Daniel hoqueta, et Bormon le cueillit dans ses bras avant même ses premières larmes pour lui en épargner la honte, faisant de sa fille la pauvre prisonnière des barreaux de leurs jambes.

Mais plus qu’un geste de réconfort, cela restait une embrassade d’adieu.

La tête encore enfouie dans les plis de chemise de son ami, Daniel palpa les poches de ses braies. Le couteau récupéré la veille était toujours là ; c’était donc tout ce qu’il s’autoriserait à emporter. Dans un premier temps, du moins, car le berger gardait une conscience. Quand cela redeviendrait possible, Daniel irait une dernière fois entamer l’ascension du pic, libérer ses bêtes pour les laisser à la nature, et peut-être prendre le Chien avec lui, pour l’accompagner dans sa nouvelle vie...

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PilouMamaaaaaan, j'ai finiiiiiiiii !
Je ne pense pas que ce problème soit solutionnable, mais je pense qu'il mérite une solution.
(Eriengaal)

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