[BG Orc] Garok

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Euria
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[BG Orc] Garok

Message par Euria » lun. 14 décembre 2020 à 12h35

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Nom : Tekkat
Prénom : Garok
Surnom : -
Titre : -
Age : 41 ans
Sexe : Homme
Race : Orc


Métier : Marin, pêcheur

Compétences : Navigation, pêche, commerce naval
Combat : Sait manier l'épée lourde, combat au corps-à-corps
Magie: -



Alignement : Chaotique bon
Guilde : -
Faction : -
Langues parlées : Commun, orc





Description physique : Grand gaillard à l'apparence un peu patibulaire aux premiers abords, il semble toutefois plus cordial une fois la conversation engagée avec lui. Sa vue est perçante, malgré ses yeux petits et sombre. Ses traits bien dessinés semblent marqués d'une certaine dureté, sa machoire carrée est soulignée par un fin collier de barbe. Pour autant, le sourire qu'il arbore régulièrement et son allure détendue peuvent le rendre sympathique. Ses cheveux, autrefois bruns foncés, ont blanchi pour une raison que lui-même ignore, après toutes ces années passées en mer. Sa mise est simple, mais lorsqu'on s'y attarde, on remarque qu'elle est de bonne facture.

Caractère: Semble relativement insouciant, un peu bohème, beaucoup rêveur. Garok est un gaillard somme toute sympathique, mais assez pataud. Il s'intéresse à tout, et s'en désintéresse tout aussi vite pour retourner à ses activités favorites.

Autres : Son sens de l'orientation est tout simplement désastreux lorsqu'il se trouve en ville. En revanche, une fois en mer, il sait ou aller et comment, et saura diriger son bateau sans difficulté.

Situation financière : Pauvre
Comportement social : Classe populaire
Type d’éducation reçue : Basée exclusivement sur les activités maritimes
Popularité et/ou influence : Peut être reconnu auprès d'autres marins ou marchands
Pensée politique : Libre penseur

Croyances :

Einhasad: Respectée
Gran Kain: Désintéressé
Eva: Désintéressé
Shilen: Désintéressé
Sahya: Respecté
Pa’agrio: Vénéré
Maphr: Désintéressé

Leviathan: Vénéré

Relations extérieures :
Des gens bien y en a chez tout le monde, des cons aussi.

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Euria
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Re: [BG Orc] Garok

Message par Euria » lun. 14 décembre 2020 à 12h35

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Journal de bord - partie I



Mon genou me fait un mal de chien, ce n'est pas bon signe.
En général, ça m'arrive soit après une rixe, soit lorsque la météo va tourner au vinaigre. Et je ne me suis pas battu dernièrement...


D'abord et parce que tous les journaux commencent comme ça, permettez-moi de me présenter, vous qui peut-être tomberez un jour sur ces écrits et les lirez. Je me prénomme Garok, un nom bien commun pour un orc qui l'est tout autant, au physique tout à fait propre aux miens, ainsi je l'espère aurez vous cerné mon affligeante banalité. Mon destin était tout tracé, voyez-vous, car à ma naissance les augures de l'Oracle disaient de moi que je ferai un vaillant et fier guerrier animé par la Flamme de notre Père Pa'agrio, et béni par l'amour inconditionnel de notre Mère Einhasad. On m'apprit durant ma jeunesse que mourir au combat était le plus grand des honneurs, et déjà à mon âge j'avais bien du mal à saisir le concept de succomber les armes à la main, et d'y trouver là un quelconque intérêt au nom d'une prétendue gloire.

Par une froide nuit de Tombeglace, les quelques membres encore vivants de ma famille se réunirent pour me faire passer une épreuve rituelle, de laquelle je sortis victorieux, et adulte. On m'octroya ainsi le surnom de "Garok Tekkat" : L'acier furieux, habitué que j'étais à manier de lourdes armes. Je n'en tirais toutefois aucune fierté particulière. À compter de ce jour, on me jugea prêt pour rejoindre les troupes de vaillants soldats luttant contre l'Ire Bestiale, tandis que plus à l'est, la cité d'Albâtre tombait aux mains de l'ennemi.
Prêt, je l'étais, mais en avais-je la volonté ?

A l'évidence, la vie en décida autrement. Oh, vous pouvez bien appeler ça de la lacheté, et quand bien même auriez-vous raison, moi j'appelle cela la destinée. Non pas que mes instincts ne me poussent pas vers la bataille et que je n'apprécie pas l'affrontement, mais parce qu'il y avait une chose qui m'attirait plus encore, à laquelle je n'arrivais à me soustraire. Une chose indicible qui appelait mon nom la nuit, et dont l'écho résonnait encore la journée, comme une chanson entêtante qui ne nous quitte jamais tout à fait. Comme un murmure qui venait de la mer.

C'est elle qui m'invitait.

Très vite et sans me poser plus de questions, je cédai à l'appel, ignorant les plaintes courroucées de ceux qui m'avaient élevé du mieux qu'ils le pouvaient à leur image. Je me résolus à embarquer dans mes premières aventures navales, m'initiant ainsi aux ficelles du métier : la navigation, le commerce, la pêche, et toutes les histoires qu'un bon marin doit connaitre s'il ne veut pas attirer le malheur sur son embarcation et son équipage. Notre vaisseau -l'Adelaïs- assurait la jonction entre les quelques ports encore accessibles des villes de l'Ouest, sous la gestion du gouverneur Elion et la persévérance dont il faisait preuve à préserver ses terres du fléau de l'Ire. De temps en temps, nous partions un peu plus loin, pour pêcher certains types de poissons introuvables ailleurs, afin d'en tirer bon prix sur les marchés.

Au fil des années me furent confiés divers postes, et assignées de nombreuses tâches. D'abord, jeune mousse, les corvées. Ca aussi c'est un peu une initiation rituelle, qui permet de voir de quel bois vous êtes fait et combien de temps vous allez durer sur un bateau. Puis un beau jour, sans qu'on ait eu le temps de voir passer le temps, me voilà frais matelot. J'apprenais le fonctionnement des voiles, des mâts. Comment faire un bon noeud, de bonnes manoeuvres, un bon gréement. Des années de bons et loyaux services plus tard, on m'attribua le poste de vigie, puis cambusier. De cambusier, je fus même nommé cuisinier : quelle erreur funeste ! Encore quelques années plus tard, fort de toutes ces expériences et enhardi par la vie en mer, c'est lorsque notre second prit sa retraite que je fus prié par le Capitaine de prendre sa relève.

La mer, je le croyais, n'avait plus de secrets pour moi, si ce n'était son immensité et les millier de lieues à parcourir pour en faire le tour. Usés de nos aller-retours incessants et du commerce amoindri par les affres de la guerre, nous nous mîmes en quête de découvrir des horizons lointains, et qui sait, peut-être inconnus jusqu'alors. Tous étaient braves et volontaires, et je sentais en moi quelque chose qui bouillonnait, le paisible chant de la mer qui résonnait au fond de mon âme se transformait, je le sentais bien, en une véritable symphonie.

Ainsi commença notre très long voyage à bord de notre chère Adelaïs.



Quelques heures plus tard, comme pour confirmer mes craintes, un orage sourd et lointain se fait entendre. Une tempête s'annonce à l'horizon, cette fois-ci je ne suis pas le seul à la sentir arriver. Déjà l'équipage s'agite ça et là, nos recrues les plus jeunes paniquent et le Capitaine vient remettre de l'ordre dans tout ça, avec son beau parler et son flegme usuel.
Je me traine sur le pont, donnant quelques instructions pour mieux encaisser ce qui s'apprête à nous tomber dessus. Des cyclones, des cataclysmes, on en a vu bien d'autres, et l'Adelaïs saurait encaisser comme toutes les fois précédentes.

Les nuages qui s'amoncellent sur nos têtes se teintent de noir et de parme, et un long roulement lointain se fait entendre cette fois-ci, semblable à des tambours de guerre. Affronter la tempête en mer, c'est aussi une forme de guerre... Je reste confiant.
Soudain, un éclair déchire le ciel et vient se perdre dans l'infini océan qui s'étend face à nous, vision d'une demi-seconde aussi belle que sinistre. Comme déchainée par ce signal, une puissante bourrasque s'élève, les vagues s'éveillent et se mettent en marche vers nous, colossales et meurtrières. L'assaut est ainsi lancé.

Notre capitaine analyse la situation, prend connaissance du sens des vents et se lance dans des manoeuvres expertes du gouvernail, de façon à ce que notre navire soit en constant mouvement pour prendre les vagues de coté et non de plein fouet, le but étant de minimiser l'impact. Louvoyant ainsi au gré des assauts, l'Adelaïs encaisse chaque vague scélérate qui se montrerait un peu trop entreprenante.
Les marins suivent les instructions à la lettre, rentrant ici les objets importants à l'intérieur, assistant là notre capitaine à la navigation et ceinturent le navire de cordages pour assurer sa stabilité et éviter qu'il ne se disloque. A bien y repenser maintenant, nos moyens étaient dérisoires, et notre sort ne tenait qu'à la chance.

Et ce jour-ci, croyez-le ou non, nous étions les marins les plus chanceux de tout le continent.
.




Journal de bord - partie II



Sans vouloir faire de mauvais jeux de mot, je peux dire que c'était mal embarqué pour nous.

Je me souviens des hurlements des hommes dont les éclats de voix viennent se perdre entre les bourrasques et les coups de tonnerre. C'est le ciel et la mer qui semblent se livrer bataille à présent, et nous au milieu pauvres marins, nous trouvons dans une bien triste position.
Pris au coeur du cyclone, notre bateau tangue dangereusement et se positionne de manière bien trop horizontale à mon goût. Je ne m'étais jamais préparé au moment ou j'allais succomber en mer, jusqu'à cet instant. La grand-voile se déchire et j'entends le mât qui donne de sérieux signes de faiblesses, à défaut d'entendre les consignes du Capitaine qui s'égosille et qui a perdu son calme depuis fort longtemps.

Devant moi défilent à toute vitesse des visions de bleu et de vert, de noir et de blanc, des morceaux de notre bateau qui s'envolent, et que la tempête engloutit avidement. Je ne sais plus combien nous sommes, ni pour combien de temps. Je m'accroche à quelque chose -je ne sais pas quoi, et je traverse avec angoisse les minutes les plus longues de ma vie.
Et puis, sans que je comprenne comment, je me retrouve aspiré par la mer. Quel brusque changement ! Ici tout est froid, sombre et paisible. Un silence absolu et infini, qui contraste avec ce cœur qui tambourine follement dans ma poitrine. Je me laisse bercer un instant, avant que le manque d'air ne se rappelle à moi.

Un peu à contre-cœur, je regagne le champ de bataille en nageant vers la surface, et prend une grande bouffée d'oxygène salvatrice. L'eau salée me brûle les yeux, mais ma vue ne me trompe pas : il n'y a plus rien. La mer se calme, et la tempête s'éloigne, comme deux animaux qui repartent lécher leur plaie après une bagarre. Je n'aperçois que quelques débris au milieu des vagues, et tente de m'accrocher à l'un d'entre eux. Plus d'hommes, plus de provisions, notre fidèle Adelaïs qui nous avait portés si loin : réduite au néant.

Je suis voué à mourir ici, de fatigue ou de faim, ou dévoré par un quelconque monstre aquatique, au beau milieu de nulle part.


Je revis des instants qui défilent dans ma tête, des souvenirs qui fluctuent comme les vagues qui me portent.
Je revois le visage de mon père, ses yeux emplis de fierté tandis que je portais ma première épée, si lourde et pourtant tellement maniable à mon goût. J'exécutais quelques mouvements dans les airs, avant de venir trancher ce pauvre mannequin de bois dont la durée de vie fut bien courte. J'avisais mon arme, à la fois avec crainte et admiration. De quoi serais-je capable, plus tard, lorsque je serai aussi grand et fort que l'homme qui se tenait derrière moi et me fixait de ses yeux dans lesquels se reflétaient une terrible rage guerrière ?
Et puis, des années plus tard, la déception. L'échec, la honte de la famille. Son fils ne serait pas le puissant guerrier qu'il aurait rêvé de voir, ne contribuerait pas à la sauvegarde de nos terres, ne ramènerait aucun trophée, et ne s'élèverait probablement jamais. Lorsque je quittai mon foyer, ce fut presque un soulagement pour mon père comme pour moi.

"Bonne chance." furent ses dernières paroles à mon encontre, qu'il prononça certainement par principe.
"A toi aussi." Lui répondis-je avec davantage de sincérité, peut-être.

Je ne le revis plus jamais, ni lui, ni aucun autre membre de ma famille.


Nous dansions sur le pont de l'Adelaïs, par une nuit sans étoile. Je me revois avec les amis, saouls comme des barriques, bras dessus bras dessous, à beugler des chants marins que nous avions appris, tandis que notre Second de l'époque jouait de son vieil accordéon.

Sous le firmament sans nuage
Sur les océans endormis,
nous voguons vers quelques rivages.
Vers l'horizon bleu qui s'enfuit
Nous avons quitté nos villages
Nous sommes partis le coeur gros
Léviathan garde nous du naufrage
Prends pitié de tes matelots

Sur nous la nuit pose ses voiles
Et l'onde murmure tout bas
Le regard tremblant des étoiles
Semble veiller sur notre mât
Le frémissement des cordages
Répond aux soupirs des grands flots.
Léviathan garde nous du naufrage
Prends pitié de tes matelots.

Mais voici venir la tempête .
De la quille au mât frémissant
Le bateau se cabre et tient tête
A l'assaut du gouffre écumant
Consolidons bien les cordages
Vite préparons les radeaux
Léviathan garde nous du naufrage
Prends pitié de tes matelots.

La fureur des vents s'est calmée
Le soleil joyeux brille au ciel
Les vagues se sont apaisées
Aucun ne manque à l'appel.
Et toi qui commandes aux orages
Maître de la terre et des eaux
Tu nous as sauvé du naufrage
Grand merci pour tes matelots
Spoiler:
(adaptation de "la complainte du barreur")
Je ne sais plus combien de temps je suis resté ainsi, me laissant porter par les flots sur mon pauvre morceau de bois, à ressasser malgré moi tous ces vieux souvenirs. La nuit tombe lorsque mes forces me quittent, et je replonge vers les abysses, épuisé d'essayer de gagner du temps contre la mort.

.




Journal de bord - partie III



Je coule vers le fond, ma tête vidée de toute pensées parasites, et l'esprit aussi calme que cet océan infini qui m'entoure. J'entends le doux chant qui m'accompagne depuis toujours, et les battements réguliers de mon cœur, peut-être est-ce le mien mais je n'en suis pas sûr. Le son est partout et nulle part à la fois. Au fond de moi, je suis persuadé de vivre encore, que ce n'est pas ça la mort, et plus l'étrange sensation autour de moi s'intensifie, plus ma peur croît. Prenant mon courage à deux mains une dernière fois, j'entre-ouvre les yeux malgré le sel qui m'irrite. La vision qui m'apparaît alors restera gravée dans ma mémoire jusqu'à ce que la vie ne me quitte. Je distingue très clairement deux globes lumineux, immenses, qui me regardent, et qui sondent jusqu'au tréfonds même de mon âme. Je perçois des couleurs irisées, et de grands mouvements dans l'eau qui semblent onduler jusqu'aux abysses.

C'est quelque chose d'aussi terrifiant que merveilleux, et étrangement, ma peur s'est envolée. Privé d'air, je perds petit à petit connaissance, tandis que les lumières s'intensifient, que les palpitations de "mon" cœur se font plus fortes, et que l'eau glacée se réchauffe autour de moi.

Puis viennent les ténèbres.

Tout bon marin connait le Léviathan. Il est le seigneur des mers, guidant les navires, ouvrant des courants maritimes pour leur faciliter la route, gardien de toutes les créatures aquatiques, et de bien d'autres secrets enfouis au fond de l'eau.
Lorsque j'embarquai à bord de mon premier vaisseau, on m'offrit une petite sculpture à son effigie, que j'ai toujours conservé sur moi depuis. Régulièrement, nous lui cédions une partie de notre pêche en offrande, ou encore quelques anciens adenas que nous jetions à la mer et qui rejoindraient sans doute d'autres trésors protégés par le souverain de l'océan.
J'admets volontiers qu'à l'époque, je considérais tout cela d'un oeil amusé. C'était pour moi l'équivalent de toutes ces superstitions de marins, comme le fait de quitter le Port un jour de Verdel, de ne pas siffler à bord afin de provoquer une tempête, ou encore de ne jamais garder d'elpys comme provision, car bien vite ils dévoreraient le chanvre de nos cordages et nous feraient couler aussitôt.
Un soir que nous voguions paisiblement vers l'ouest, nous crûmes apercevoir sa gigantesque silhouette se découper à travers la brume, et replonger vers son royaume. Nous étions tous exaltés d'un tel spectacle, mais encore aujourd'hui, je ne saurais dire si ce que j'ai vu était réel, ou un mélange de fatigue et de rhum. Toutefois, cette brève -et peut-être imaginée- rencontre renforça mes croyances, tant et si bien que jours après jours, ma dévotion envers le Léviathan ne connaissait plus de limites. Je me sentais tout aussi bien habité par le feu de Pa'agrio transmis par mon père, que par l'étrange mélopée que j'assimilais désormais à cette majestueuse créature habitant la mer.
Je n'avais plus de doutes désormais, sur le fait que c'est lui qui m'appelait depuis toujours.
Je me pris à rêver d'aventures, de voyages au bout du monde, de cavernes renfermant des mystères jusqu'alors inconnus des Hommes. Nous nous inventions de fantastiques histoires, et je sentais le reste de l'équipage aussi enthousiaste que moi. Une nouvelle nuit ou nous buvions tous ensemble, Ivre de joie et d'alcool, je m'effondrais à même le pont, des rêves plein la tête.
Je sentis le capitaine essayer de me réveiller en me collant une grande gifle. Puis une autre. Une autre encore... une autre... une autre...


J'ouvre un oeil, puis deux. Ne trouvant pas encore la force de protester contre cet assaut de baffes, je pousse un grognement.

"Il est vivant !" crie quelqu'un un peu plus loin.

Au-dessus de moi, le ciel est clair quoi que parsemé de nuages, et quelques volutes de brume flottent paresseusement. Je me redresse avec toute la force nécessaire et reste assis un moment, à contempler avec des yeux ronds, ce spectacle invraisemblable. Tous les hommes de mon équipage me regardent, la mine aussi réjouie et fatiguée que des condamnés que l'on vient de gracier. Le Capitaine m'aide à me relever, tandis je continue à les observer, incrédule. Pas un ne manquait à l'appel, pas un n'était blessé ou mourant. Ils m'adressent des sourires et des exclamations, car je suis visiblement bel et bien le dernier à m'être réveillé.
Plus incroyable encore, certaines de nos affaires étaient revenues avec nous. Des cannes, sacs de matières premières, kits de secours et même quelques bouteilles. J’aperçois également quelques caisses de nourritures, mais je crains qu'elles ne soient plus exploitables après être restées tout ce temps à l'eau. Notre Capitaine ne perd alors pas de temps, et répartit les tâches et les objets entre nous. J'hérite bien entendu d'une canne, d'hameçons et d'appâts, car mes compétences de pêcheur ne sont plus à prouver.

Mon regard se porte alors en direction de la mer, aussi belle et paisible qu'un animal endormi. J'ignore comment nous sommes arrivés et là, et combien de chemin nous avons parcouru, mais la seule certitude qui étreint mon cœur en cet instant est que le Léviathan nous a sauvé, tous. Et tous s'accordent à dire la même chose. Dans sa grande sagesse, l'ainé de notre équipage ajoute même ceci :

" - Le Léviathan nous a jugé dignes de vivre et de poursuivre notre route. En échange de notre vie, il a gardé pour lui Adelaïs, car il est connu qu'en mer on ne peut offrir quelque chose sans prendre en retour. "

Nous adressons un dernier adieu à notre navire, tous tournés en direction du rivage, avant de nous avancer plus loin sur ces terres dont nous ignorons tout.

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Journal de bord - partie IV


Nous venions de marcher plusieurs heures, jusqu'à ce que quelque chose au loin attire notre regard. A cette distance, il me semble que les quelques rayons de soleil traversant les nuages font scintiller l'éclat d'une pierre colorée. Avec précaution, nous nous approchons, sans oublier qu'en mer certaines créatures aux teintes chatoyantes attirent à elles de pauvres poissons subjugués pour mieux les dévorer, aussi nous restons sur nos gardes.

Nous arrivons près d'une falaise et certains poussent un cri d'exclamation lorsque nous découvrons que les parois des murs sont recouvertes de cristaux. Ils émettent une douce lueur bleutée, et leur scintillement est si pur que, désormais tous silencieux à cause de notre stupeur, nous entendons presque le tintement du cristal. Un léger vent se lève et semble souffler comme un air joyeux en passant entre les différents cristaux. L'un de nos hommes montre quelque chose du doigt et nous regagnons de prudence en apercevant un groupe de personnes s'approcher de nous. Ils sont sept, peut-être huit, et font rouler un chariot dans notre direction.

Je crois pouvoir dire que leur étonnement n'a d'égal que le nôtre, lorsqu'ils arrivent à notre hauteur. Une certaine méfiance également, compréhensible, mais vite dissipée lorsque notre Capitaine prend la parole pour leur raconter notre naufrage. Ils deviennent alors beaucoup plus détendus, et nous accueillent avec chaleur. Nous les aidons à extraire les cristaux et les déposer dans leur chariot, et tandis que nous les accompagnons vers une destination encore inconnue, ils nous racontent toutes les merveilles de leur île.

Située au Nord-Ouest de la ville de Heine, cette île était un véritable don des Dieux, nous avait raconté ce jour-là l'ouvrier faisant avancer les bêtes à l'avant du chariot. Contraints à s'y retirer lors des assauts de l'Ire Bestiale, ils avaient fini par prendre racine ici, sur ces terres aux ressources, semblait-il, inépuisables. Mais la plus incroyable surprise de cette île était bien Cerulys, cette cité qui fut abandonnée de longues années auparavant et qui avait été rénovée pleinement par les réfugiés Adriels.

Lorsque je foulai le pied de cette merveilleuse ville, je ne pus en croire mes yeux. En lieu et place du ciel se trouvait la mer, aussi infinie et sombre que la nuit, avec de temps en temps quelques percées du soleil venant apporter de faibles éclats sur la paroi vitreuse du dôme. C'était un formidable bastion sous-marin, dans lequel régnait une paix et une solidarité que je n'avais jamais connues ailleurs que sur mon propre bateau. Les gens semblaient s'entraider pour tout, certains faisaient commerce en s'échangeant des vivres, quelques ingénieurs s'attelaient à la fabrication d'une machine. Je voyais un groupe d'hommes s'aventurer plus en avant dans la ville, chargés de ces cristaux que j'avais vu à mon arrivée. J'appris très vite que c'était la source principale de lumière pour éclairer la cité entière, une douce lueur bleutée diffuse conférant aux habitants un teint relativement blafard, même pour les plus foncés d'entre eux.

Je fus accueilli au sein de la ville avec la même chaleur que lorsque nous découvîment les travailleurs au chariot. Cerulys, que j'imaginais paisible aux premiers abords, débordait de vie et de gens. Beaucoup d'entre eux s'étaient établis dans des tentes, sur la grande place, et semblaient se contenter de ce mode de vie. Lorsqu'il nous fut proposé à mon équipage et moi si nous souhaitions rester également, il ne nous fallut pas longtemps pour nous mettre d'accord. Sans guère plus de ressources que nos quelques objets de pêche, sans le sou et sans navire, il eut été fou de refuser une telle offre.
C'est ainsi que débuta notre vie à Cerulys, où nous nous plaisions tous.

De temps en temps, la nuit, lorsque je m'apprêtais à fermer les yeux pour m'endormir, il me semblait apercevoir de lointains mouvement là-bas dans l'océan, et entendre la douce mélodie s'approcher, puis s'éloigner. Cela me réconfortait et ces nuits-là, je dormais d'un sommeil rempli de rêves délicieux. Je savais que le Léviathan veillait sur nous, et que cette cité était sous sa protection, aujourd'hui et pour longtemps encore.
Il m'arrivait souvent de me perdre, et de ne retrouver mon chemin qu'au bout de quelques heures, déclenchant ainsi l'hilarité des commerçants ou des ingénieurs qui me voyaient passer et repasser. De longs mois passèrent, et tandis que je mettais à contribution mes compétences pour gagner ma vie et que je rattrapais non sans allégresse toutes ces années passées sans femmes, le destin plaça un nouveau signe sur ma route.

Un jour, je me perdis suffisamment loin pour remarquer quelque chose que je n'avais jusque là jamais remarqué. Là-haut, dans la mer, j'aperçus l'épave de l'Adelaïs qui telle une statue de divinité veillait paisiblement sur la cité, aux cotés d'un autre vaisseau que je ne connaissais pas. Cette vision m'émeut, et en cet instant, j'aurais tout donné pour me retrouver à nouveau sur un bateau.


Un nouveau jour se lève sur Cerulys, et l'ambiance est électrique. Quelque chose se passe, des murmures s'élèvent, dont je ne saisis pas immédiatement la teneur. Navith, une magicienne notoire travaillant pour le conseil de la ville s'avance, et nous parle en ces termes :

" - Adriels, apprenez qu'aujourd'hui Heine est de nouveau affranchie de l'emprise de l'Ire, et que bientôt qui le souhaite pourra s'y rendre de nouveau, ainsi que dans toutes les villes libres. Nous allons recevoir de la visite, car je suis parvenue à entrer en communication directe avec nos sauveurs. Un groupe va bientôt arriver, alors faites leur bon accueil. Le Conseil souhaite les recevoir. "

Un peu plus tard dans la journée, les héros annoncés par Navith sont introduits dans la ville, et leurs visages subjugués me rappellent le jour ou moi-même je découvris cette merveille de cité.
C'est pourtant aujourd'hui que je me décide à la quitter.

Je m'adresse à mes anciens compagnons d'équipage. Comme moi, certains veulent "voir du pays". D'autres, souvent plus âgés, n'ont pas envie de quitter la citadelle engloutie. Quelques-uns, presque émus aux larmes, me demandent de rester aussi. Je leur réponds que je ne m'en vais pas pour toujours, que revenir régulièrement ne serait pas un problème puisque la passeuse de Cerulys reprend enfin du service. Toutefois, je leurs promets que si l'idée me vient de repartir en mer, ils en seront les premiers informés.

Après tout, il est impensable que j'en reste éloigné trop longtemps.

Avec pour seuls compagnons quelques adenas en poche et ma canne à pêche, je dis au revoir à mes amis, et remonte enfin à la surface.



“Il y a trois sortes d'êtres : les vivants, les morts et les marins.”
Anacharsis

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