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Malédictions (et autres tourments).

Publié : sam. 26 juillet 2008 à 19h25
par Malek
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(Extraits traduits du Feora de Tabulæ Defixiones)


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Ce recueil traite essentiellement des imprécations que l’on prononçait à l’encontre de criminels qui ne pouvaient être jugés par leurs semblables. Il était alors d’usage, dans les anciens temps, de faire appel à des envoûteurs pour punir celui qui avait fauté au-delà des distances ou des obstacles tels que la législation.

Les malédictions décrites dans cet ouvrage sont des châtiments ayant été déjà prononcé et reportés par ceux qui en ont observé les effets, d’un point de vue extérieur ou non. Parmi celles-ci, nous ne parlerons pas des maléfices lancés sur une famille, une tribu ou un lieu, mais exclusivement de celles qui visent un individu en particulier, puisque plus concentrées et donc plus tenaces.

La plupart des malédictions des âges archéens ne s’attaquent pas à l’âme, mais à l’Ousia. En cela, il est nécessaire d’éclairer le lecteur sur ce point : l’Ousia est ce qui constitue l’essence d’un être, ce qui lui est propre et ne peut être anéanti. L’Ousia se distingue de l’âme, qui anime l’être : une âme permet à un individu de vivre, de penser, de réagir à des émotions par d’autres émotions. L’Ousia lui permet d’exister et d’imprégner le monde de sa présence.

Une malédiction, donc, ne s’attaque pas à ce qu’une personne pense, mais à ce qu’elle est. La personne maudite ne perd jamais son libre arbitre, en dehors des contraintes imposées par l’acte maléfique. En revanche son être tout entier, sa substance est altérée pour ne lui laisser aucun répit. Une malédiction est une façon de torturer un esprit par le biais d’influences sur lesquelles il n’a aucune emprise.


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Pour qu’une malédiction soit prononcée à l’encontre d’une personne, il leur faut être liés d’une façon ou d’une autre. Au temps des âges archéens, le nom de la victime suffisait à créer ce lien, car il désignait l’individu dans son entièreté. C’est la raison pour laquelle nombre de mages et de sorciers préfèrent se présenter sous un pseudonyme : donner son nom, c’est offrir la possibilité qu’on puisse s’en servir à mauvais escient. Le nom véritable ne se transmet donc plus à moins de faire une absolue confiance vis-à-vis de celui qui l’entend.

De nos jours, lancer une malédiction à l’évocation d’un simple prénom revient à jeter un hameçon sans appât : on n’a que très peu de chances d’obtenir un résultat. Lorsque cela est possible, on ajoute la filiation maternelle (quand elle est fiable) afin d’éviter les quiproquos et de maudire la mauvaise personne. Pour renforcer ce lien et lui assurer une certaine persistance, on doit avoir à sa disposition de quoi créer ce qu’on appelle communément une tablette de défixion : un support sur lequel est inscrite le Mot (la malédiction), accompagné d’étoffe, cheveux, dent, relique ou objet ayant appartenu à la victime et à laquelle celle-ci est particulièrement attachée. Sur l’autre face de ce document doivent figurer le nom de l’imprécateur et le vœu qui lui permettra d’émanciper sa victime dans l’éventualité d’un pardon.

La damnation peut être écrite sur n’importe quel parchemin ou bâton de bois, mais sera plus efficace sculptée sur une tablette de pierre, car un support fragile est vite détruit, entraînant l’annulation du maléfice. Un Mot gravé dans le granit ou le plomb fait figure de châtiment éternel. En punition pour un crime irréparable, l’objet représentant l’Ousia de la victime est cloué à même le support, ce qui marque avec violence le début de l’enchantement : là où des malédictions peuvent mettre des années à se manifester, le changement sera radical et la victime en percevra les effets presque immédiatement.


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Parce qu’une malédiction est une forme de punition exceptionnelle, celui qui profère le Mot doit payer de sa personne pour la rendre efficace. Un lien magique, bien qu’imperceptible, unit le bourreau à sa victime jusqu’à ce que le maléfice soit levé ou jusqu’à la mort d’un des deux protagonistes. Afin d’être certain de la profondeur des sentiments ayant mené à cette sentence et pour éviter de maudire n’importe qui sous n’importe quel prétexte, celui qui ordonne le maléfice s’engage à ne jamais commettre le crime du condamné, sans quoi l’envoûtement se retournerait contre lui.

A ce stade, il est essentiel de distinguer l’imprécateur du Locum Tenens, qui prononce la formule magique pour la personne qui décide du contenu de la malédiction. Celui qui souhaite maudire prend toujours le risque d’être maudit à son tour. Quoiqu’il arrive ensuite, le Locum Tenens n’est que le vecteur de la malédiction et ne peut en être tenu pour responsable.


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Il existe plusieurs formes de malédictions, que l’on peut regrouper de façon non exhaustive en quatre catégories :

- Les Nuisibles, qui s’en prennent directement à l’Ousia, l’intégrité de la personne visée, l’empêchant d’agir normalement en la privant de certains repères, de ses sens ou de sa faculté à interagir avec le monde. Les victimes de Nuisances sont généralement malchanceuses, maladroites, deviennent malhabiles dans un domaine qui leur était d’ordinaire familier, perdent régulièrement leurs possessions ou brisent systématiquement ce qu’ils utilisent.

- Les Passions, malédictions amoureuses propres à l’âme, qui focalisent l’attention d’une personne envers une autre, exacerbent ou brident les sentiments : amour, jalousie, haine, avidité… Les jouets de la Passion sont souvent désespérés car ils convoitent quelque chose hors de leur portée. La victime est capable d’agir de façon inconsidérée pour conquérir un être ou un bien, pouvant s’en prendre violemment à tout obstacle se dressant sur son chemin. Un martyr amoureux peut même se retourner contre l’objet de son affection surtout si celui-ci n’est pas réceptif à ses avances.

- Les Ostracismes, qui détruisent les liens sociaux en ôtant à la victime son identité ou sa capacité à communiquer. Ces malédictions ont pour but d’isoler l’individu en le dépouillant de sa capacité à assimiler le langage, parlé ou gestuel, en lui faisant dire le contraire de ce qu’il souhaite ou en le privant de toute oreille attentive à ses propos. Les victimes d’Ostracisme sont invariablement l’objet d’incompréhensions, de quiproquos ou de malentendus. Dans les meilleurs cas, ils sont pris pour des excentriques, au pire pour des fous furieux.

- Les Calomnies, qui dénigrent une personne vis-à-vis des autres quoi que cette dernière puisse dire ou faire. La victime de médisances voit sa réputation entachée et son nom déshonoré pour une raison, vraie ou non, qu’elle ne parviendra jamais à contester, peu importe le nombre de preuves ou de témoignages qui puissent l’innocenter. La Calomnie touche n’importe quel domaine : malversation financière, trahison, assassinat, déviance sexuelle… L’envoûteur peut adopter à loisir la rumeur qui sera gravée dans les esprits aussi sûrement que dans du marbre. Ces insinuations pervertissent jusqu’aux plus proches parents de la victime, qui sera alors traitée avec distance, dévisagée honteusement, paiera plus cher tout ce qu’elle achètera et ne pourra plus rien offrir qui ne soit regardé avec défiance.


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Une personne n’est pas nécessairement consciente qu’une malédiction pèse sur elle. Si certains indices peuvent l’orienter vers une telle hypothèse, rien ne dit que celui qui l’a envoûtée soit encore de ce monde ou connaisse l’intéressée directement. Le meilleur moyen de s’en assurer et de s’adresser à un exorciste qui sera en mesure de déterminer de quel mal elle est atteint. A cause de leur caractère particulier, une malédiction ne peut être levée que de trois façons différentes :

- Attendre que la personne qui a lancé le maléfice le défasse de son propre vœu,
- Détruire le support sur lequel est inscrit le Mot,
- Accomplir le vœu prononcé par l’envoûteur au moment où la malédiction a été proférée.

Parce que les malédictions sont un moyen de châtier ceux qui par leurs actes ont fauté, chacune d’entre elle laisse à la victime un moyen de se racheter, en accomplissant par exemple une série de gestes qui l’absoudront de son crime. Le vœu d’expiation doit être prononcé en même temps que la malédiction, et demeure irrévocable même après la disparition de l’enchanteur. Si la malédiction s’étend sur plusieurs générations, cela permet aux descendants de se rédimer du méfait de leurs ancêtres et d’apaiser la colère de celui qui a proféré le Mot.

La personne maudite doit apprendre, de la bouche de l’envoûteur ou d’un de ses proches, le vœu qu’il doit satisfaire afin de lever la malédiction. Si nul n’est en mesure de lui transmettre cette information, il devra vivre dans la bienveillance et l’altruisme en espérant que ses actes compensent son péché, parfois jusqu’à la fin de ses jours.


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La personne maudite qui ne désire pas se racheter ou continue à agir de façon pernicieuse peut, sans le savoir, aggraver son cas. La malédiction peut alors se mettre à toucher ses proches, qui peuvent finir par se retourner contre lui. Le but premier d’une malédiction est de faire souffrir, physiquement ou moralement, la personne visée. A terme, elle peut causer des douleurs telles que l’individu préférera être mort que de continuer à vivre, le rendre fortement allergique au contact du métal, de l’eau ou de la nourriture sans pour autant l’empêcher de se battre, de s’abreuver ou de manger. Une malédiction ne cause jamais la mort de façon directe, mais elle peut amener sa victime à périr par bien des moyens détournés, à commencer par le suicide.

Publié : sam. 26 juillet 2008 à 19h40
par Malek
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Ont été recueillies ici toutes les malédictions avérées des cent premières calendes. Cette énumération est bien sûr incomplète, car il existe autant de condamnations que de crimes. On retiendra que les malédictions Nuisibles sont les plus courantes car elles s’en prennent directement à la personne physique et sont d’autant plus remarquables.


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- Aérostasie : contre celui ou celle qui aura dépouillé une personne âgée. La victime d’aérostasie doit se débrouiller pour ne jamais toucher le sol directement avec sa peau. Chaque fois qu’elle pose un pied nu, s’allonge ou est jetée à terre, elle vieillit incroyablement vite et perd toutes ses facultés mentales. Si elle n’est pas relevée ou surélevée, elle perdra l’esprit et sa peau se flétrira, la rendant aussi décrépie que la personne dont elle se sera jouée.

- Bride : pour le disciple en magie qui aura abusé de ses dons à mauvais escient, tous ses pouvoirs seront bridés. Il ne pourra plus utiliser aucun sort néfaste sans en ressentir lui-même les effets, ou se soigner soi-même sans soigner ses adversaires.

- Brise-tout : parce qu’elle aura détruit ou souillé quelque chose de sacré, la victime détruira tout ce qu’on lui offre : cadeaux, mobilier… se casseront au moment de leur utilisation. Ses armes infligeront le maximum de dommages, mais se briseront aussitôt après. Rien de ce qu’il possède, même le talisman le plus précieux, ne sera épargné à moins d’être confié à une tierce personne.

- Pestilence : contre celui qui aura ramené les germes dans son village ou empoisonné les bêtes de son voisin. Celui-là sera condamné à infester ses proches. Ceux qui le touchent se sentiront nauséeux, mal à l’aise et chercheront à s’éloigner, ne recouvrant toute leur santé qu’au bout de quelques heures. S’ils demeurent à proximité trop longtemps, ceux-là peuvent être atteint du mal prononcé par l’imprécateur dans le Mot.

- Scission : ce maléfice s’en prend à celui qui, pour une raison ou pour une autre, a échappé à son destin. La victime n’est plus alors que la moitié d’elle-même : son Esprit s’incarne dans une représentation chétive, n’ayant qu’une force réduite et une santé précaire. Cette "moitié d’âme" sera poursuivie sans relâche par La Brute, son Ousia, son corps dénué d’âme. La Brute n’a aucune intelligence, aucune aptitude à communiquer, aucune volonté sinon retrouver et tuer sa moitié manquante. L’Esprit doit donc fuir éternellement ou neutraliser La Brute par ruse, sans la tuer car il se tuerait lui-même. Pour relier son corps et son esprit de nouveau, l’Esprit devra ramener victorieusement le corps de La Brute à l’endroit où la scission s’est produite, sans quoi la battue reprendra à son réveil.

- Temps critique : la personne désignée coupable vieillit plus vite qu’à l’accoutumée. Elle perdra une année de son espérance de vie par journée passée sans accomplir un geste de bonté gratuit. Elle vieillira sans cesse en apparence et perdra peu à peu sa capacité à se concentrer, à réaliser des gestes précis et à formuler des pensées cohérentes. Ce Mot particulièrement sévère s’en prend au criminel qui aurait refusé de rentrer dans le droit chemin. S’il ne paye pas cette dernière dette, il mourra en quelques semaines seulement.


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- Affliction éternelle : pour avoir abandonné ou humilié son promis (sa promise) devant l’autel, la victime d’affliction sera condamnée à ne plus être aimée. Lorsqu’elle éprouvera des sentiments envers quelqu’un, elle fera ou dira tout ce que l’autre ne souhaite ni voir ni entendre, se comportera de façon odieuse et fera preuve de muflerie à chaque instant de son existence, sans jamais réussir à conquérir le cœur de l’être aimé.

- Amour impossible : parce que la personne visée aura éconduit l’imprécateur ou l’imprécatrice, elle sera condamnée à ne plus tomber amoureux. Nul homme ou femme n’aura les faveurs de la victime, qui se désintéressera systématiquement des attentions qu’on lui apporte. Au contraire, plus on la sollicitera, plus celle-ci sera renfermée, préférant demeurer seule à moins qu’il ne s’agisse de la personne ayant prononcé le Mot.

- Cœur malade : pour ceux ou celles qui se sont interposé dans un couple ou ont volé un cœur promis. Sitôt qu’une personne de sexe opposé s’adresse à la victime, elle perdra tous ses moyens et bafouillera, sera incapable de formuler des phrases logiques, prononcera les banalités les plus affligeantes et sera prise d’étourdissements.

- Malédiction de fertilité : à l’encontre de la femme adultère ou matricide. S’obtient en ensevelissant un œuf de basilic sous le lit ou dans le jardin de la fautive. Si la femme est coupable, elle sera condamnée à ne plus avoir d’enfants ou à rendre malade tous ceux qu’elle approchera.


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- Ami imaginaire : pour ceux qui auront ôté la vie à un proche de l’imprécateur. La victime s’adressera ou fera régulièrement appel à une personne inexistante. Elle ne se rendra pas nécessairement compte qu’elle sera la seule à la voir ou la toucher. L’ami ou l’ennemi imaginaire ne se manifeste généralement que lorsque personne ne s’adresse directement à la victime, surtout si un de ses buts est de dissimuler sa "non-réalité". En fonction du caractère de la malédiction, cette chimère de l’esprit peut influencer les paroles et les gestes de la victime, sans jamais intervenir directement.

- Damnatio Memoriæ : condamnation à l’oubli, qui peut être prononcée à l’encontre d’un vivant ou d’une personne disparue. Cette peine très lourde est généralement réservée aux assassins, aux intriguants et aux traîtres. La damnatio memoriæ consiste à supprimer les honneurs et les droits d’un individu en lui ôtant son nom et en l’effaçant des mémoires. Ce nom sera alors maudit, imprononçable, rayé des monuments publics, des stèles de ses ancêtres, de tous les documents attestant de son existence. La personne qui n’a plus d’identité perd le droit d’être reconnue, de se montrer en public, de travailler ou d’avoir recours aux services d’une passeuse car celles-ci ont besoin d’un Nom pour leurs invocations.

- Psychopompe : parce qu’elle aura échappé à la mort à la place d’un autre, la victime de cette malédiction est poursuivie par un spectre psychopompe qui la perturbe et cherche à la distraire constamment, le but étant, à terme, de la faire tuer. Le spectre ne peut pas s’attaquer directement à la victime sans briser la frontière entre les vivants et les morts mais agira de façon détournée, en dissipant la magie, attirant les animaux sauvages, soufflant des insanités à ses oreilles, lui faisant perdre ses repères dans les moments critiques. A cause de son origine surnaturelle, le psychopompe n’est pas visible mais ceux qui ont une acuité particulièrement aiguë ou une connaissance approfondie de la nécromancie peuvent déceler sa présence.

- Reflet véritable : pour les meurtriers ayant fui la justice, leur reflet sera celui de leur propre corps décharné. Toutes les surfaces réfléchissantes (miroirs, étendues d’eau, bouclier lustré, argenterie) seront autant d’yeux morts qui le regarderont et le désigneront comme un assassin.

- Revenants : à l’encontre de celui qui aura beaucoup tué, même en temps de guerre. Tous les ennemis vaincus par la victime se relèveront d’entre les morts, seulement visibles par celui qui les aura combattu. Ces spectres décomposés le suivront partout, dégageant une puanteur bien réelle, faisant fuir les animaux, flétrissant les fleurs, pourrissant la nourriture. Chaque nouvelle victime s’ajoutera à cette horde de revenants, beuglant sans cesse, empêchant la victime de dormir en paix.

- Terre sacrée : pour avoir profané un sanctuaire, l’impie y sera désormais interdit. Il pourra voyager partout sauf dans le pays, la ville ou la région dite par l’imprécateur, sans quoi il y ressentira une vive douleur. En terre sacrée, il ne pourra pas se soigner, ses plaies s’infecteront plus vite et des miasmes purulentes lui vomiront par les narines. Même s’il n’est pas blessé, il s’affaiblira rapidement et deviendra vulnérable, perdant chaque jour un peu plus de vitalité.

- Vraie personnalité : parce qu’elle n’aura pas cru à la valeur d’une parole ou d’un serment, la victime de ce maléfice verra désormais la véritable personnalité des gens. Si ce sont des violeurs, des assassins, ou même seulement des menteurs ou des tricheurs, il les verra comme des créatures grotesques, difformes, effrayantes. Plus la personnalité de la personne en face sera tourmentée, plus cette vision sera cauchemardesque, au point que la victime de cette malédiction préférera la fuir plutôt que de lui adresser la parole.


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- Calvaire : parce qu’il aura trahi un secret, le condamné devra porter un fardeau semblable toute sa vie, qui lui infligera une profonde souffrance morale : un secret honteux propre à son passé – vrai ou non – sera placé sur le bout de sa langue, prêt à jaillir de sa bouche sitôt qu’il voudra parler, l’obligeant à garder ses lèvres scellées pour le restant de ses jours.

- Crime de sang : pour avoir ôté la vie de façon directe ou par son inaction, tout ce que la victime touchera sera marqué de traces ensanglantées, même si ses mains sont propres ou si elle porte des gants. Chacun de ses pas laissera des empreintes purpurines, qui s’effacent d’elle-même comme de l’eau sèche au soleil. Sitôt qu’elle portera les mains à son visage, des larmes de sang lui couleront des yeux et du nez, la marquant à jamais du masque de l’infamie.

- Franchise : parce que des mots non prononcés auront fait plus de mal que des paroles, la victime de ce maléfice est condamnée à ne dire que la vérité, devenant absolument incapable de garder ses lèvres closes sitôt qu’on lui pose une question. Même s’il lui reste la possibilité de jouer sur les mots, la personne ne pourra plus mentir sur quelque sujet que ce soit.

- Médisance : pour avoir médit en toute mauvaise foi, la personne sera forcée, dès ce jour, de colporter tous les ragots et les bruits de couloir, même contre sa volonté. Tout ce qui se dit de mesquin, néfaste, honteux sera alors répété à voix haute, sans vergogne, devant le plus de gens et autant que possible devant la personne la plus concernée par ces paroles blessantes.

- Quiproquo : pour un malentendu aux conséquences fâcheuses, le sort se retourne contre la victime. Celle-ci sera prise pour un(e) autre, constamment confondue avec quelqu’un aux mœurs douteuses, un tueur ou un voleur. Les gens lui adresseront des missives par erreur, lui réclameront des dettes impayées, lui demanderont des services qu’elle sera incapable de rendre, recevra des menaces ou des mots d’amour… Sa vie sera régie par le hasard des rencontres et malgré toutes les preuves dont elle disposera, n’arrivera jamais à convaincre qui que ce soit qu’il y a erreur sur la personne.


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Toute malédiction peut être levée à condition que le vœu de l’imprécateur soit réalisé. Chacun de ces souhaits comporte des conditions particulières qui rendent la tâche la plus ardue possible pour la victime, ceci dans l’idée de ne pas la pardonner trop facilement et de lui infliger une leçon qui la marquera profondément.

Enfin, parce que certaines malédictions sont faîtes pour ne jamais être levées, il est possible de formuler un Vœu que la victime rechignera à accomplir, ou n’arrivera pas à effectuer de son vivant.

- Ange exterminateur : la victime doit massacrer un certain nombre de personnes, choisies préalablement, dans les quatre coins du monde. La malédiction ne sera levée que lorsque les quotas énoncés dans le Mot seront atteints. Dans certains cas, et pour faire d’une pierre deux coups, l’imprécateur choisit le nom d’une personnalité haut placé ou d’un ennemi mortel dont il souhaiterait se débarrasser.

- Avarice : la malédiction peut aussi avoir un but tout à fait intéressé : la victime devra rapporter autant de richesses et joyaux que le souhaitera l’imprécateur, qui pourrait ne jamais se satisfaire complètement. Dans le même ordre d’idées, la victime peut être amenée à récolter des ingrédients, recettes, potions ou objets magiques qui renforceraient le pouvoir de l’imprécateur.

- Bonté : parfois, la malédiction peut être levée en effectuant de bonnes actions au quotidien, sans jamais avoir à accomplir quoi que ce soit d’exceptionnel, sinon de régulier…

- Charité : d’autres fois, il peut être demandé à la victime de se tourner elle-même en ridicule pour gagner sa pitance et la compassion d’autrui. Ces petites actions journalières, cumulées les unes aux autres, sont souvent une meilleure leçon de vie qu’une seule action d’éclat.

- Psychopompe : la victime doit capturer ou ramener l’âme d’un tiers à l’endroit même où la malédiction a été prononcée. En échange de cette âme, le personnage regagnera sa liberté et sa vie. Généralement, l’imprécateur s’arrange pour tourmenter la victime en choisissant une personne de son entourage (une relation amoureuse par exemple) ou en l’obligeant à ramener l’âme d’une personne disparue depuis longtemps…

- Sauveur : parce qu’elle n’aura pu sauver un proche, la rédemption de la victime passera par les actes de soutien les plus difficiles : elle devra constamment aider, soigner ou sauver de la mort ou du suicide toutes les personnes qu’elle jugera en difficulté, sans tenir compte des notions de races ou d’inimitié.


Les quelques malédictions notées ici ne sont, bien entendu, qu’un extrait du très volumineux ouvrage Tabulæ Defixiones, dont la traduction est encore en cours. D’autres chapitres seront ajoutés au fur et à mesure de leur élaboration afin d’éclairer le lecteur sur ces maléfices rares. Chacun gagne à apprendre, même si tout le monde ne fait pas un bon usage de ces leçons.