[bghumain] Jaëlle Durlois

Ici se trouvent les BGs des héros décédés, paix à leurs âmes.

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Jaëlle
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[bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Jaëlle » sam. 17 avril 2010 à 15h12

Nom : Durlois
Prénom : Jaëlle
Race : Humaine
Sexe : Féminin
Age : 19 ans
Poids : 54 kg
Taile : 1m72

Classe : Magicienne
Métier : Apprentie médecin et femme de chambre
Alignement : Chaotique bon
Religion : Aucune
Apparence : Fine, semble frêle. Des yeux vert olive, des cheveux auburn lui tombant jusqu'au milieu du dos, un poitrine menue et des formes pas encore bien assurées. Ses yeux reflètent souvent de la curiosité ou de l'espièglerie et son visage arbore généralement un léger sourire. Assez souple, ses mains légèrement calleuses attestent de travaux manuels fréquents. Loin d'être belle, et enviant les elfes à ce sujet, elle n'en reste pas moins une agréable jeune femme en devenir.

Attitude : Jaëlle a pour le moment l'attitude de la parfaite péquenaude et ne cesse de s'émerveiller des choses les plus communes. On la croisera le plus souvent en train de courir vers quelques chose, s'émerveiller devant quelques instants, puis s'en désintéresser totalement pour se précipiter vers un nouveau centre d'intérêt. Sociable et sans grand aprioris, elle n'hésite pas à aller parler aux gens qu'elle croise et à essayer tout ce qu'elle peut, à ses risques et périls.

Caractère : Rêveuse, ignorante, naïve et risque tout, Jaëlle possède la capacité de concentration d'un moineau, mais peut s'avérer aussi têtue qu'une mule lorsqu'elle le décide. Elle a depuis longtemps appris à noyer ses problèmes et questionnements dans un océan de bonne humeur et de joies simples. Dangereusement curieuse, elle n'hésitera pas à se lancer dans un métier, un jeu, une aventure, ou à goûter n'importe quoi tant que ça lui paraît amusant, appréciant les émotions fortes qui accompagnent les situations parfois étriquées dans lesquelles elle se place.
Bien que n'aimant pas particulièrement faire du mal aux autres, elle n'hésitera que peu à faire des choses qui pourraient être mal vues, et n'a cure des agissements des autres.

Aime : La découverte sous toutes ses formes (travail, nourriture, jeux, villes, monuments, ruines...), les mystères, les énigmes, les belles histoires, les animaux (notamment les loups), la magie...

N'aime pas : La méchanceté gratuite, ses origines et ce qu'elles impliquent, l'impudeur, les gens obtus.

Devise : Aucune

(Merci à Ombrelongue pour le chablon, et Eowyn pour la correction ^_^)

Histoire :

De la lucarne en hauteur entraient les rayons d'un soleil levant que l'on voyait se dessiner dans l'atmosphère poussiéreuse du grenier. Jaëlle, l'esprit ailleurs, jouant avec une mèche de ses longs cheveux auburn, tendit lentement une main vers cette lumière dorée, comme si elle s'attendait à pouvoir la toucher.
La jeune femme inspira profondément, humant pour la dernière fois l'air de ce lieu dans lequel se mêlaient les odeurs du bois et de la moisissure. Revenant un peu à la réalité, elle ferma le couvercle de la malle face à laquelle elle était agenouillée, dernier témoin du désordre dans lequel le grenier avait été plongé des décennies durant.
La clé tourna dans la serrure et son cœur se serra à l'idée que ce son, plus que toute autre chose, sonnait le glas de l'existence tranquille à laquelle elle avait été habituée. Une dernière fois, elle parcourut la pièce d'un regard teinté de nostalgie; de toute la maison, ce serait le seul endroit qu'elle allait regretter, son refuge pendant les jours sombres, où elle ne rêvait que d'évasion et d'aventure.

Elle avait passé ces cinq dernières années à imaginer ce jour merveilleux où le monde s'ouvrirait à elle, où elle serait vraiment libre. Mais à présent, la jeune femme voyait aussi que de tristes vérités assombrissaient cet instant tant attendu : Elle était seule, sans plus de famille, et être libre ne servait à rien si l'on ne savait que faire de cette liberté.
Celle que tous au village appelaient "la fille de Perick", tant et si bien qu'elle commençait à douter avoir un prénom, se releva en soupirant, épousseta sa robe et traîna la malle hors du grenier en soufflant.

Monsieur Plantieux attendait dehors, un sourire nerveux sur les lèvres, tapotant sa bedaine du bout des doigts, inconscient de l'air ridicule que lui donnait son costume bien trop serré. Des cernes sous ses yeux accusaient du remord qui était né en lui d'avoir ainsi roulé une gamine innocente, et qui l'avait empêché de dormir.
Un peu en retrait, immobile, fixant d'un regard hautain la demeure familiale des Durlois, se tenait Monsieur Rasseneur, le notaire, ou du moins était-il celui qui se rapprochait le plus d'une telle fonction dans un si petit village. Malgré son air impassible et sévère, Monsieur Rasseneur n'était pas un mauvais homme, et bien que quelque peu vénal, ce qui le dérangeait le plus à l'heure actuelle, eh bien... c'était l'heure, justement. Il était vraiment très tôt, il faisait encore froid et humide et le soleil, pourtant réputé pour être un travailleur acharné, ne devait même pas avoir fini son petit-déjeuner au vu de la tête qu'il faisait.

Pour la vingtième fois en dix minutes, Monsieur Rasseneur se prit à penser à la chaleur de ses couettes, et à celle de sa douce épouse, qu'il n'aspirait qu'à retrouver le plus rapidement possible après avoir officialisé cette vente qui n'allait, d'ailleurs, pas lui rapporter grand chose. Alors qu'il se prenait à réfléchir à la possibilité de faire grossir un peu ses honoraires en les faisant passer au tarif de nuit, la lourde porte au bois usé de la maison s'ouvrit sur une paire de fesses.

Une paire de fesses habillée, Dieux merci! Grognant sous l'effort, Jaëlle sortit à reculons, tirant de toutes ses forces sur la poignée de la lourde malle. Monsieur Plantieux, devant une si surprenante apparition, prit quelques couleurs, observa le spectacle un petit moment, puis se pressa d'aller aider la jeune Durlois. Le coffre rejoignit enfin le tas d'affaire empaquetées et les meubles qui avaient, autrefois, remplit la maison de Perick le meunier, et c'est presque plus essoufflé qu'elle que Monsieur Plantieux souhaita le bonjour à Jaëlle.

- Bonjour ma chère enfant! C'est une bien belle journée qui s'annonce, n'est-ce pas? Et un nouveau départ pour vous qui, je vous le souhaite, comblera toutes vos attentes. Je... Bien sûr, je ne me réjouis pas le moins du monde des circonstances de votre départ, croyez-le bien! C'est un petit village, et la mort de cette chère Andréa nous affecte tous, autant que votre départ, pour sûr. Mais c'est tout de même une belle journée, claire... ensoleillée...

- ... fraîche.

Plus pressé que jamais d'en finir et de retrouver son foyer, Monsieur Rasseneur s'était approché sans un bruit, les documents à la main, et fixait à présent d'un regard morne le pauvre Monsieur Plantieux. Ce dernier, d'un geste nerveux, s'empara des documents et les tendit à la jeune fille qui s'était, jusque là, contentée de sourire poliment, le fixant de ses deux yeux d'un vert olive qui, disait-on, avaient fait tourner la tête à plus d'un garçon.

- Hem... oui certes! Fraîche, c'est un fait. Ma chère enfant, voici donc le contrat dont nous avions discuté. Comme convenu, il stipule que vous me cédez la propriété de cette demeure, du moulin et des terres sur lesquelles ces bâtiments sont construits, et dont vous avez hérités de vos parents, Einhasad les bénisse. En échange, bien sûr de euh... hem! Eh bien... la... la somme dont nous avions parlé, ça va de soi, n'est-ce pas...

Monsieur Plantieux n'était pas très à l'aise lorsqu'il devait parler d'argent, et encore moins lorsqu'il s'agissait de racheter à une gamine les seules possessions terrestres qui lui restaient, au tiers de leur véritable valeur. Le petit homme bedonnant avait beau se répéter que les affaires, c'était les affaires, et qu'après tout, c'était Jaëlle qui était venue le trouver, il ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable sitôt qu'il devait supporter le regard poli et innocent de la demoiselle.

- Et... Haha! Oui, je sais! Je vais aussi garder toutes vos affaires ma petite! Le voyage sera long et vous n'allez pas vous encombrer de toutes ces vieiller... ces jolies choses! Ça non! Je vais les faire chercher et les entreposerai quelque part en attendant de vos nouvelles, puis je vous les enverrai, à mes frais! Si si, ne dites pas un mot, j'insiste!

Jaëlle ne dit donc pas un mot. Elle n'avait, de toute façon, pas vraiment eu l'intention de s'encombrer d'autant de choses, et y avait déjà renoncé. Elle s'inclina et remercia le petit homme pour sa générosité, puis prit la plume que Monsieur Rasseneur, dans son impatience, lui agitait presque sous le nez, et signa les documents. Au grand désespoir de la jeune femme et de l'officiel, Monsieur Plantieux insista pour que Jaëlle compte l'argent qu'il lui remettait, et celle-ci passa donc un quart d'heure à faire semblant de savoir compter avant que les deux hommes ne puissent repartir à leurs besognes.

La jeune Durlois rentra dans la maison qui n'était plus la sienne, attrapa un de ses bagages, et cala la bourse entre le bocal de prunes confites que Madame Gointeaux lui avait offert en larmoyant, et la dague a peine rouillée que Jonas le forgeron lui avait donnée en même temps que de nombreux et effrayants avertissements sur les dangers qui l'attendaient dans le monde. Elle avait reçu beaucoup de cadeaux d'adieu de la part des villageois, mais elle n'avait pris que les plus utiles ou appétissants, prenant soin de cacher les autres dans les affaires entassées à l'extérieure pour ne vexer personne.
Ses sacs sur le dos, elle passa le seuil pour la dernière fois, et prit soin de fermer la porte à clef tout en constatant que le réflexe était idiot puisque tout ce qu'il y avait à voler écrasait à présent les lilas déjà moribonds de sa défunte mère. Elle fit glisser la clé sous la porte, soupirant en entendant le son triste et presque fantomatique que l'objet fit en raclant le sol du salon désormais vide, puis elle se ressaisit, hocha la tête, carra les épaules d'un air résolu, et attaqua le chemin qui descendait jusqu'à la grand route à coups de talon, les yeux tournés vers un monde qui l'effrayait et la fascinait.
Dernière modification par Jaëlle le jeu. 6 mai 2010 à 14h09, modifié 5 fois.

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Re: [bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Jaëlle » mar. 20 avril 2010 à 12h24

Admirez!
Admirez ce monde, regorgeant de trésors, de joies, d'amours, de mystère, mais aussi de peines, de morts et de misères! Regardez-le depuis le ciel, émerveillez-vous devant ces petits points de lumière tout en bas qui semblent être le reflet des étoiles au-dessus. Admirez-les rayons du soleil, qui peu à peu s'étendent sur ce monde, révélant les détails que la nuit nous cachait.
Rapprochons-nous un peu si vous le voulez bien. Tel un insecte, dirigeons-nous vers un de ces points lumineux au sol, mais évitons de vrombir dans les oreilles des Dieux ô combien susceptibles.

Admirez! Ce qui n'était qu'une étincelle nous apparaît à présent comme une vaste étendue faite d'une myriade de lueurs aux intensités différentes. Elles ne reflètent pas les astres lointains, mais sont les témoins dans l'obscurité de l'existence de la vie. Plus communément appelées bougies, torches, feux, et autre, elles illuminent les rues et les demeures de la belle cité d'Aden.
Rapprochons-nous encore un peu, dans l'une de ces rues... voila... encore un peu...

Admirez! Ce qui n'était tout à l'heure même pas discernable nous apparaît dans toute sa splendeur! Observez ce superbe pavé aux contours usés par les pieds de milliers de passants, les petites imperfections de la pierre lisse, le superbe joint qui la lie à ses consœurs... Bien, vous êtes trop près, reculez un peu et levez les yeux sur le bâtiment face à nous.

Le jour ne se lèvera que dans une heure, et les rues de la ville sont bien calmes. Les individus peu recommandable et les femmes à la vertu négociable partent se reposer, et peu à peu, les fenêtres des chaumières des honnêtes gens s'illuminent en silence. Pourtant, nous voila face au seul établissement duquel s'échappe une lumière vive, des cris, des chants, des accords incertains... une taverne!

La fête a battu son plein toute la nuit, au grand mécontentement des voisins. Des mineurs ont trouvé un riche gisement la veille et, comme de juste, sont venus dépenser leur future fortune en alcool et autres formes de débauche dont nous passerons les détails. Mais entrons donc, ne soyez pas timide! Les mineurs, et de nombreux pique-assiette ayant profité de l'euphorie générale pour boire à l'œil sont assis aux tables ou vautrés au bar. Tous semblent bien éméchés, promesse d'une journée fort peu productive pour les employeurs de la cinquantaine d'individus présents. L'ambiance retombe peu à peu, les femmes sont parties, l'alcool fait son office, et le tavernier s'est endormi, des rêves de richesses plein la tête.

Certains jouent aux dés en inventant des règles à chaque lancé, quelques uns chantent mollement des chansons grivoises qui font sottement glousser ceux encore en état de les entendre, mais la majorité d'entre eux, la tête entre les bras, commence à regretter d'avoir autant bu.
Soudain, la raison de notre visite bondit sur la table la plus au centre de la pièce, un sourire éclatant sur le visage, et observe son auditoire. Il se nomme Languagile, du moins il aimerait bien... pour le moment, tout le monde l'appelle plutôt Clubert, ou "gamin". Clubert a envie de devenir barde! Bien que sa voix n'ait pas encore perdu le léger éraillement qu'il doit à son jeune âge, ce garçon chante plutôt bien, et il est convaincu qu'il deviendra un grand conteur. Mais chanter de vieilles épopées, c'est ringard, et lui, il est jeune que diable!

Ce qu'il veut avant tout, c'est pouvoir être le premier à mettre en chanson une belle aventure de son temps, une longue et fascinante geste, pleine de lyrisme et des jolis mots qu'il a vu dans les livres, qui fera le tour du royaume, immortalisant son nom et lui garantissant une vie prospère. Le futur Languagile est sûr qu'avec la bonne histoire, les nobles de toutes les villes le feront venir pour qu'il les ravisse de ses vers.

Mais en attendant, il s'entraîne sur un public d'ivrognes trop saouls pour pouvoir lui lancer quoi que ce soit, avec l'histoire la moins ennuyeuse qu'il a pu entendre ces derniers jours. Le voila qui s'apprête à commencer, il se racle la gorge nerveusement, sourit aux plus attentifs de ses spectateurs... Écoutez-le, pardonnez son jeune âge, et retenez, car tout est vrai.


Oyez, oyez, bonnes gens!
Oyez l'histoire de cette douce enfant
qui, frappée par le malheur dès son plus jeune âge,
est partie découvrir le monde pour devenir sage.

Oui messieurs, je parle là d'une femme!
Une femme qui bien que mince, fluette
et, selon les dires, quelque peu bête,
jouit sans modération d'une incroyable grandeur d'âme.

Ce soir, de nulle héroïne je ne ferai l'éloge.
Ce soir, c'est d'une vilaine, comme nous tous ici,
d'une demoiselle sans nom, née dans la fange,
dont je vous conterai une écharde de vie.

Oyez, curieuse et débordante d'énergie,
voici Jaëlle, douce demoiselle aux yeux jolis,
qui quitte sa demeure et ses malheurs d'enfant,
et arpente seule la route en direction de Giran.

Misère! Déception! Amertume et peines!
Notre amie, ô combien candide et naïve,
se trouve dans un monde bien différent de celui des livres,
encombrée de lacunes qui souvent la freinent!

Voici la belle malmenée, leurrée, secouée, trahie!
Mais obstinée et déterminée, elle ne se laisse pas faire!
Prenant courage, prête à tout pour satisfaire ses envies,
elle brave, tempête, endure et se forge une volonté de fer!

Dans quel but, me demanderez-vous?
Qu'est-ce qui peut bien pousser une si jeune dame,
a s'élancer corps et âme dans notre monde si cruel,
allant jusqu'à faire fi de sa propre vie?
Nulle quête épique, j'en suis le premier contrit...
Mais un noble but assurément, un désir immortel,
essence de sa vie comme un phare et sa flamme,
que seuls possèdent les sages et les fous.

C'est la volonté de savoir qui la motive,
le besoin viscérale de ces vérités qui enivrent.
C'est un "pourquoi" qui l'a conduite jusqu'à moi
et, je le crains, c'en est un autre qui un jour la tuera.

Elle découvre, apprend, et s'instruit auprès de tous,
Sa bouche finement tracée est pleine de questions,
ses yeux au si beau vert sont brillants de fascination.
Elle vit chaque jour pour ces interrogations qui la poussent.

Faisant de nouvelles connaissances,
elle se découvre des amis, et s'y lie avec joie.
Mais ceux qui étaient amusés par son insouciance,
la trahissent, la délaissent, et n'en font que peu de cas.

A nouveau seule, triste et désemparée,
la voila qui se met pitoyablement à chercher
de nouveaux savoirs, seuls à lui permettre l'oubli,
tentant désespérément de combler le vide qui l'emplit.

Malheur! Ses pas la conduisent à Goddard!
Elle tremble, inquiète, son esprit est marqué
par ce qu'elle a vu d'horrible s'y produire par le passé.
Mais on l'y accueille avec plus de chaleur que nulle part.

La belle y vit toujours, y travaille et y apprend.
Elle se consacre à la noble pratique de la médecine,
et lave les caleçons du Prince en guise de paiement.
Priez pour la croiser, que sa joie vous illumine!

Voila messieurs, c'est sur ce que je vous quitte!
Puissent-mes vers et ma voix avoir été à votre goût,
et vous avoir suffisamment distraits,
pour que vous les remerciez par quelques sous.


Le pauvre Culbert n'eut pas grand succès auprès des quelques rustres fort peu amateurs d'art encore en état de l'écouter... Admirez-le descendre, le rouge aux joues, l'air outré, alors que de tous côtés, fusent les remarques avinées.

- Eh ben gamin, t'as eu le béguin?
- 'Sont où les monstres et les chevaliers? C'est quoi cette histoire de bonne femme?!
- Eh petit! Tu veux pas nous raconter la vie de ton chat maintenant?
- Gu's'quis'passe?
- J'espère au moins qu'elle avait une belle paire de...

Hem! Arrêtons-là et sortons, pendant qu'à l'intérieur, le ton monte. Reculons, reculons encore, éloignons-nous de ce petit morceau du monde, pour l'admirer à nouveau dans son intégralité alors que les rayons du soleil continuent leur course à sa surface. Car il y a des choses qu'il vaut mieux voir de loin, pour pouvoir les apprécier.

[HRP------------------------------------------------------------------------]

Mise à jour du bg de Jaëlle pour "justifier" son entrée dans le clan du Lys Rouge, quelle a rejoint automatiquement à partir du moment où elle s'est mise à travailler pour Goddard et à y vivre.

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Re: [bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Jaëlle » mar. 4 mai 2010 à 18h14

Neuf mois.
Il ne lui avait pas fallu moins de neuf mois pour venir au monde.
Il en avait fallu autant à ce même monde pour la tuer, à partir de l'instant où elle s'était mise en tête de l'explorer.

Comme elle regrettait à présent d'avoir quitté sa maison! Elle avait fui ses mauvais souvenirs, ses hontes et ses craintes, certaine que le monde recelait suffisamment de belles choses pour l'aider à oublier et à vivre heureuse. Mais au final, elle n'avait fini que par se créer des souvenirs, hontes et craintes bien pires que celles qui noircissaient sa candide enfance. Oh oui, qu'elle regrettait ses malheurs passés, tant ils semblaient futiles face à ceux qui l'accablaient aujourd'hui.

Elle avait donné énormément, s'était investie pour des gens, et qu'en avait-elle retiré? Une boule de feu dans le dos, de la condescendance, du mépris, des menaces, des insultes, des humiliations, des mensonges et des trahisons. La moindre petite joie qu'elle avait pu ressentir amenait derrière elle une nouvelle déception. Quiconque s'était prétendu son ami l'avait finalement abandonnée, quiconque prétendait se soucier d'elle ne disait cela que pour justifier ses manipulations.

Dieux que le monde était laid, quand on ne faisait pas que l'observer.

C'est dans cet état d'esprit que Jaëlle franchit l'une des grandes portes de la cité de Goddard, certaine qu'elle n'y retournerait plus. L'armure de cuir rigide qu'elle avait acheté lui semblait trop lourde, la pinçait aux articulations et lui faisait déjà mal là où elle appuyait sur son corps. L'épée de mauvaise facture qu'elle avait acheté en même temps, et gauchement glissé dans sa ceinture au flanc droit lui avait déjà piqué deux fois le mollet, et sa démarche était raide.
La jeune femme avait la gorge nouée et irritée par les pleurs, les vomissements et les longs hurlements plaintifs qui avaient régulièrement brisé le silence de sa petite chambre au château alors qu'elle se lamentait sur son triste sort, la tête enfoncée dans son oreiller. Ses yeux rougis, qui surplombaient d'épais cernes presque mauves, la brûlaient et lui semblaient secs, et son estomac semblait s'être tordu tant il l'élançait.

Intérieurement, elle maudit tous ceux en lesquels elle avait cru, en qui elle avait eu confiance, pour lesquels elle avait donné de sa personne. Malice, Arowan, Kizzt, Drathir, Tamika, Xelia et tant d'autres... où étaient-ils, maintenant qu'elle avait vraiment besoin d'eux? Pas là en tout cas, elle était seule, certaine que malgré les apparences, elle l'avait toujours été. Convaincue que les rares qui ne l'avaient pas encore trahie ou manipulée se feraient une joie de corriger cela si elle allait les voir.

Persuadée qu'au fond, elle méritait ce qui lui arrivait.

Malgré un désir qu'elle estimait sincère, elle n'avait pas trouvé le courage de se tuer, ce qui ne faisait que révéler un peu plus à ses yeux la lâcheté qui l'avait toujours caractérisée. Mais elle allait au moins s'arranger pour ne plus jamais avoir la force de vivre, espérant que quelqu'un ou quelque chose finirait bien par lui apporter ce qu'elle n'osait s'infliger.

Elle s'arrêta un instant au milieu des larges marches taillées dans la pierre qui conduisaient à la cité dans son dos. Elle avait le sentiment d'être revenue neuf mois en arrière, alors qu'elle fuyait Floran. A la différence près que cette fois, elle n'avait plus d'objectif ou d'espoir. Son cœur se serra d'une profonde terreur à l'idée du néant qui l'attendait. Peut-être qu'il n'était pas trop tard pour faire demi-tour? Peut-être que Drathir n'avait pas encore lu la lettre qu'elle avait laissé à l'hôpital? Que personne n'était encore rentré dans sa chambre bien rangée et vidée de ses effets personnels?

Si elle faisait demi-tour maintenant, avec de la chance, elle pourrait effacer toute trace de son départ, et faire comme si de rien n'était.

Jaëlle poussa un long soupir, la tête basse, l'air las.

- A quoi bon...

Elle secoua mollement la tête, les épaules affaissées, et descendit les marches qui descendaient jusqu'à la grand route d'un pas lent et incertain, détournant les yeux d'un monde qui l'effrayait et l'écœurait.
Dernière modification par Jaëlle le jeu. 6 mai 2010 à 14h11, modifié 1 fois.

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Re: [bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Jaëlle » mar. 4 mai 2010 à 21h10

[HRP: Âmes sensibles, s'abstenir :)]

Une chambre, à l'étage de l'auberge d'Aden. La pièce est plutôt grande, coquette. Le mobilier, sans être chic, donne un certain cachet à l'endroit, et si les draps ne sont pas en soie, le matelas a au moins le mérite de ne pas être plein de puces. Les volets sont clos, et bloquent le peu de lumière qu'aurait pu apporter une lune régulièrement masquée par de lourds nuages gris, plongeant le lieu dans une obscurité presque totale.

Culbert est allongé sur le dos, au milieu du lit, nu, fixant les poutres apparentes du plafond d'un regard dans lequel se mêlent une insondable peur, une pure douleur et une intrigante surprise. Son visage ne fait qu'accentuer ces sentiments, les dizaines de muscles le constituant s'étant contractés et figés pour former un masque de douleur que les plus morbides des observateurs trouveraient probablement parfait. Son abdomen est ouvert sur toute la largeur, et si le trou originel semble net et avoir été fait par une lame, les chairs déchirées de la plaie ne laissent que peu de doute sur l'agrandissement violent et manuel de celle-ci. Les entrailles du jeune barde ne sont plus vraiment à leur place, arrachées, déchiquetées, taillées, dévorées... rependant une odeur écœurante. Ses mains sont levées rigides, ses doigts crispés ressemblent d'avantage à des serres destinées à agripper et lacérer la source de ses maux. Est-il nécessaire de le préciser, Languagile n'aura jamais l'occasion de se faire connaître sous ce nom.

Blottie nue contre le corps froid, la tête sur l'épaule peu musclée du jeune homme, une main posée sur son thorax, Jaëlle dormait d'un sommeil agité. Elle se réveilla brusquement de son cauchemar éthéré, plongeant dans un autre bien plus réel, et inspira profondément.
Aussitôt, l'odeur bien caractéristique qui saturait la chambre fit remonter en elle des souvenirs qui ne l'avaient jamais vraiment quittée. Avant même d'ouvrir les yeux, elle sut ce qu'elle avait fait, bien que n'en conservant aucun souvenir. Mais à la différence de la fois précédente, elle sut pourquoi.

Elle expira lentement, peu pressée d'emplir à nouveau ses poumons de cette odeur qui lui soulevait le cœur. Elle sentit son visage comme figé, et s'humecta doucement les lèvres pour en ôter le sang séché qui les scellait. Tentant de fermer le poing, sa peau la tira, retenue par le liquide rouge et écaillé dont elle était couverte jusqu'aux coudes.
Sans un regard, la jeune fille se leva et alla jusqu'à la fenêtre pour en ouvrir les volets et respirer l'air très frais à cette heure avancée de la nuit. Elle s'appuya un instant, contemplant les toits humides de la belle ville endormie, offrant aux étoiles le spectacle horriblement sensuel d'une jeune femme nue couverte de sang, les cheveux en bataille.

Jaëlle quitta enfin la fenêtre, et se dirigea vers la petite table sur laquelle reposaient une cruche pleine d'eau et un petit bac. Versant de l'eau dans ce dernier, elle entreprit de débarrasser lentement et consciencieusement son corps de toute trace des horreurs qui s'étaient commises en ce lieu. Elle s'observa durant de longues minutes dans le miroir ébréché accroché au mur devant elle, contemplant son visage sans vraiment le reconnaître, puis le lava aussi.
Toujours lentement, comme si chaque geste lui coûtait des efforts surhumains, la demoiselle se rhabilla, grimaçant au contact de l'armure qui déjà lui promettait de nouvelles douleurs lancinantes et des bleus. Elle essuya la lame de son épée sur les draps, récupéra son baluchon, et sortit en silence.
Pas une fois elle ne posa les yeux sur feu Culbert. Elle savait parfaitement ce qu'elle avait fait, et n'avait guère besoin de graver l'image du mort dans sa mémoire pour être certaine que les remords de son acte ne la quitteraient jamais. Et puis après tout, était-ce si grave? Elle en avait bien trop dit au barde par le passé, et ce n'était jamais qu'un acte monstrueux de plus, commis par un être monstrueux, dans un monde qui ne l'était pas moins.

Sortant de la ville par le Sud, Jaëlle reprit sa route, décidée à corriger les quelques injustices qui avaient ruiné son enfance avant de mourir, pleurant la nouvelle victime de sa folie en silence.

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Re: [bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Jaëlle » mer. 5 mai 2010 à 23h17

[HRP: Pareil. Âmes sensibles, s'abstenir. Et écoutez ça, ça vous détendra!]

Le bruit immonde et caractéristique du cartilage d'une articulation que l'on brise, suivi d'une longue plainte étouffée, me réveilla. Aussitôt j'essaye d'ouvrir les yeux et, ne rencontrant que la même obscurité, constate qu'ils sont bandés.
A quelques mètres, le propriétaire de l'articulation douloureuse semble pleurer.
Peu importe, il me faut garder la tête froide, de toute évidence, la situation est plus que délicate. Mais ce n'est pas la première fois, et je sais exactement quoi faire.

Dans un premier temps, vérifier l'état de mon corps, puis me repérer, évaluer le ou les ennemis, puis dresser la liste de mes options. Le tout rapidement, les dieux seuls savaient quand ce serait mon tour. Ma tête me lance, une douleur sourde à l'arrière de mon crâne, et j'entends régulièrement une goutte de sang tomber sur le sol. Cela explique probablement pourquoi je ne me souviens plus de grand chose entre le moment ou je rentrais chez moi, et celui de mon réveil.
Une sensation de flottement, mes pieds sont liés et je ne les sens presque plus. J'essaye de gigoter un peu, et obtiens la confirmation que je suis pendu la tête en bas. Mes mains sont attachées aussi, dans mon dos, la corde est terriblement serrée et je sens le moindre battement un peu affolé de mon cœur.
Je reprends mes esprits peu à peu, le brouillard se dissipe et malgré la douleur, mes sens me reviennent. On m'a enfoncé quelque chose dans la bouche, probablement un chiffon roulé en boule, au goût de poussière, et qui me prive de toute salive.

Rapidement, je constate avec une certaine angoisse que je ne parviendrai pas à me défaire de mes liens, bien trop serrés et au bon endroit. Mes mains n'ont pas rencontré d'objet sur lequel je pourrais m'accrocher ou couper. J'ai beau peser de tout mon poids, les liens à mes pieds et ce à quoi ils m'attachent refusent de céder.

Une nouvelle articulation qui se brise, un nouveau cri étouffé. Quel bruit insupportable et écœurant... je lutte pour ne pas vomir, certain que mon bâillon m'étoufferait. Des bruits de pas, le son de talons de bottes sur de la terre battue. L'endroit semble humide, sent le moisi, résonne un peu... une cave? Ma cave peut-être!
Mon cœur s'emballe, enfin une lueur d'espoir! Si je suis bien dans ma cave, alors je n'aurais aucun mal à trouver de quoi couper mes liens à la première occasion. Mais inutile d'essayer de briser la poutre à laquelle je suis probablement attaché. Ne me reste qu'à identifier l'ennemi, prier pour qu'on me ramène au sol, ou m'arranger pour qu'on le fasse.

Les talons passent dans l'autre sens. Le bruit caractéristique du cuir qu'on fait craquer, et celui, sordide, d'un fouet qui claque. Encore une fois, une autre... la victime, qui qu'elle soit, hurle dans son bâillon après chaque coup. Le dixième coup de fouet retentit, et alors que je me prend à espérer que quelqu'un dehors les entendra, la torture cesse. Un frisson parcours mon échine alors que le son feutré d'une lame qu'on sort de son fourreau parvient à mes oreilles. La victime s'agite, hurle, confirmant mes craintes. Puis un bruit, aussi doux qu'il est affreux... et le silence... angoissant.
Dernière modification par Jaëlle le jeu. 6 mai 2010 à 14h18, modifié 5 fois.

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Re: [bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Jaëlle » jeu. 6 mai 2010 à 14h22

[HRP: Âmes sensibles, s'abstenir encore!]

Jaëlle essuya la lame d'un poignard rouillé sur les vêtements de Salem. Salem l'exécuteur, Salem le bourreau, celui qui, plus que les lois elles-même, dissuadait les gens de commettre des crimes, tant son sadisme était connu. L'homme qui se vantait de pouvoir tuer un homme en trente coups de fouet, qui exhibait ses cicatrices pour effrayer les jeunes filles, et courait après les enfants en hurlant avant d'éclater de rire. Salem, le salopard qui avait tant et si bien fouetté le père de Jaëlle, qu'il n'avait plus été capable de travailler durant des mois. L'homme dans les yeux duquel, au jour de la punition de Perick le meunier, elle avait vu du plaisir.

La jeune fille lâcha le fouet. Elle n'avait pas pu le manier aussi bien que Salem, mais elle espérait au moins qu'il avait vu dans ses yeux à elle un reflet de l'intense joie qui l'irradiait à chaque coup. Un instant encore, elle contempla le corps inanimé de feu le bourreau de Dion, à moitié vautré sur un meuble ancien et poussiéreux, sa gorge ouverte laissant s'échapper quelques derniers flots de sang épais et noir alors que son cœur cessait de battre.

Elle laissa le temps à son propre cœur de reprendre un rythme normal, aux effets de l'adrénaline et de l'excitation de retomber, puis elle se retourna vers le propriétaire de la cave, pendu par les pieds à une poutre, qui tremblait d'appréhension. Avec lenteur, elle s'approcha de lui, s'accroupit, et retira le bandeau qui masquait les yeux de sa prochaine victime, lui offrant son plus beau sourire. Puis, d'une voix douce, presque chantante :

- Bonsoir, papy. Tu dormais encore quand j'ai expliqué à Salem pourquoi il allait mourir, mais toi, je pense que tu le sais déjà... Ne crie pas.

Avec douceur, elle ôta le bâillon de la bouche de Patrick Durlois. Celui-ci s'humecta les lèvres, et parla d'une voix fébrile.

- Jaëlle... Jaëlle! Qu'est-ce que tu es devenue... qu'est-ce que c'est que ce regard... cette allure... tu as perdu la r...

Patrick, qui tout en parlant, repérait les lieux à la recherche d'un moyen de se débarrasser de ses liens à la première occasion, arrêta son regard sur le corps inerte de Salem.

- Jaëlle... c'est... non... c'est toi qui a fait ça? Mais... pourquoi?! Qu'est-ce qui t'arrive?!

L'intéressée se releva, arpentant nerveusement le peu d'espace laissé libre par les bibelots que son grand-père aimait à collectionner, se tenant la tête.

- Ce qui m'arrive? CE QUI M'ARRIVE?! - revenant vers Patrick, furieuse, elle pointa sa dague sur le coeur du vieil homme- T'as jugé papa! T... tu l'as tué! Ton fils! Tu savais très bien! Oui! Oui tu le savais que c'était pas ma faute! Il était malheureux! Et tu l'as jugé! Ton fils! Ton fils! Tu l'as brisé! Tu M'AS brisée!

- Jaëlle... non! Jaëlle, écoute-moi! Ne fais rien que tu regretterais, je suis sûr qu'on peut s'arranger! Personne n'aimait Salem... on peut... on peut le cacher, et faire comme si rien ne s'était passé! Allons Jaëlle, tout peut s'améliorer, je t'aiderai. Détache-moi, il faut qu'on aille enterrer le corps rapidement. Jaëlle!

La jeune fille s'accroupit devant le magistrat, en larmes, et plaça la pointe de son arme devant son œil gauche.

- T'étais censé apporter la justice papy... LA JUSTICE! A quoi te servent tes yeux si tu sais pas voir les gens innocents?

Cinq minutes plus tard, Jaëlle quittait la cave en courant, et sortit par la porte de derrière avant que les hurlement de douleur qui avaient retentit un peu plus tôt dans la cave n'alertent les gardes. Au sous-sol, le corps de Patrick Durlois oscillait légèrement, une dague plantée jusqu'à la garde dans la gorge, les yeux crevés.

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Re: [bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Jaëlle » lun. 21 juin 2010 à 16h04

Le tonnerre assourdissant et exaltant des chutes d'Anghel la faisait vibrer. Les yeux clos, Jaëlle laissa la fine brume soulevée par les tonnes d'eau qui se déversaient en contrebas lui humidifier la peau et la rafraîchir. Tamika, la tête posée sur les genoux de l'humaine, semblait dormir.

Si, évidemment, on exceptait le fait qu'il n'y avait que sa tête.

Amoureusement, la jeune fille caressait la longue chevelure de la sombre, faisant lentement et difficilement le deuil de son amour pour elle. Quelques larmes perlèrent au coin de ses yeux alors qu'elle affichait un sourire triste et incertain.
Tout venait de prendre fin, les souffrances s'apaisaient. Si peu fervente d'habitude, Jaëlle priait ardemment tous les dieux en même temps d'accorder une belle place dans leur domaine à cette sombre qui avait tant souffert de son vivant, et mérité la paix.

Elle posa des yeux baignés de larmes sur le visage figé de Tamika, et un souvenir l'empreignant de nostalgie surgit d'un passé qui lui semblait déjà bien loin. Il était question, comme souvent, de son père qui, alors qu'elle se plaignait de ne pas être belle, lui répondait en souriant que les Dieux avaient eu la bonne intelligence de placer toute sa beauté dans les yeux et la voix de sa fille.
Elle n'avait jamais chanté qu'avec son père, que pour ce père qu'elle aimait tant, et son dernier chant s'était éteint avec la vie de celui-ci. Sept années durant lesquelles sa voix n'avait plus retenti, se privant de ce si grand plaisir par pure désir de se punir pour ses crimes et entretenir sa honte.

Se raclant la gorge, et après quelques fausses notes, la jeune femme chanta de nouveau pour son amour perdu, d'une voix superbe, douce et empreinte de tristesse, espérant que où qu'elle soit, ses mots parviendraient à Tamika en guise de dernier présent.
Trop tard
Il est trop tard désormais
J'ai tout gâché
J'ai tout brisé
Trop tard
Je dois payer mes erreurs
Au prix d'un cœur
Qui aime
Je lutte avec moi-même
Cherchant un peu d'espoir
Trop tard
Ils sont perdus, je le vois,
Les jours de joie
Pour toi et moi
Trop tard
Il est trop tard, mon amour
Car notre amour
Meurt, mon amour
Trop tard
Je ne vis plus dans ta vie
Et mon cœur crie
D'angoisse
Je sais, quoi que je fasse
Qu'au fond, c'est sans espoir
Trop tard
Mon cœur devra, loin de toi
Battre sans toi
Vivre sans toi

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Re: [bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Jaëlle » dim. 18 juillet 2010 à 03h26

Nous n'arrivons pas à changer les choses suivant notre désir.
Mais peu à peu, notre désir change.
Dans un profond soupir de soulagement, Jaëlle laissa sa sacoche bondée choir sur le sol, et contempla le lieu qui allait devenir sa maison durant les prochains mois.
Des arbres, à perte de vue, et rien de plus. La forêt s'étendait à n'en plus finir, plongée dans la pénombre par l'épais feuillage de conifères qui s'élevaient plus haut qu'aucun arbre que la jeune fille ait jamais vu. L'après-midi touchait à sa fin et l'air était d'une chaleur moite qui contrastait étrangement avec le climat froid qu'elle avait quitté quelques jours plus tôt.
Ça et là, quelques rayons du soleil déclinant parvenaient à percer l'épaisse canopée pour venir mourir sur un sol recouvert d'un épais tapis d'épines et de feuilles brunes, propice à la présence de plantes et d'arbustes de taille plus modestes qui profitaient allègrement de l'humidité ambiante pour pulluler et rendre le lieu quasiment impénétrable. Rares étaient les sentes, si loin dans la forêt, où peu des pairs de la jeune fille avaient intérêt à s'aventurer, obligeant cette dernière à se frayer un chemin ardu, tantôt rampant, tantôt escaladant, à grand renfort de jurons dont il sera préférable de ne pas faire l'inventaire.

C'est donc une Jaëlle en bien piteux état, mais satisfaite, qui se tenait au pied d'un arbre immense au tronc épais, entre deux larges racines qui formaient une légère cuvette lui semblant idéale pour un campement.
Couverte d'éraflures, de rougeurs, de bleus et de sueur, essoufflée, la jeune femme ne se lassait pas de contempler le spectacle sauvage de cette nature vierge qu'elle entendait comprendre et respecter. Sa longue chevelure auburn, d'ordinaire assez peu ordonnée, avait désormais des allure de crinière et étaient ponctuées de nombreuses brindilles, tâches sombres ou visqueuses, et même d'une petite araignée à la couleur inquiétante, comme autant de preuves des difficultés qu'elle avait pu rencontrer pour parvenir à destination.

Dans la sac de la jeune Durlois s'entassaient plusieurs livres, ainsi qu'un nécessaire de soins. Ni nourriture, ni vêtements de rechange n'avaient été prévus par celle qui comptait passer plusieurs mois au milieu de nulle part; Elle était venue apprendre, elle était venue changer, rien ne l'avait retenue, et même si dans son ignorance, elle n'avait qu'une piètre idée des difficultés qui l'attendaient, elle était bien décidée à réussir, ou à mourir.
Tout d'abord, repérer les lieux, pour ne plus se perdre, puis se construire un abris, trouver à manger, de l'eau et enfin... La trouver, Elle...

***

- BRÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔ!!!!

Jaëlle écarquilla les yeux sous l'effet de la surprise, en entendant son estomac gronder si fort. C'était de loin le grognement le plus puissant qu'elle avait pu entendre depuis une heure.
Accroupie derrière un buisson dans un futile élan de pudeur, les bras croisés sur le ventre et affichant un air contrit, la demoiselle recevait de la jungle sa première et plus importante leçon : Ne pas manger tout ce qui passe à portée de main.

***

La nuit était tombée, elle n'avait toujours pas trouvé d'eau, mais ses crampes d'estomac s'étaient apaisées après qu'elle se soit forcée à vomir le peu que contenait son estomac. Recroquevillée dans l'enceinte des racines du grand arbre qui offraient une protection toute relative, les genoux relevés sous le menton, Jaëlle scrutait l'obscurité de la forêt dans laquelle elle ne voyait presque rien. Force était de lui constater qu'en plus des moustiques et autres saletés volantes qui l'avaient harcelée toute la journée, l'endroit semblait habité par des créatures qui, aux bruits qu'elle entendait de toutes parts, devaient être bien plus grosses, et que son imagination galopante dotait de crocs et de griffes longs comme ses bras.
La jeune idiote frissonna et secoua vivement la tête pour chasser ses funestes pensées, avant qu'elles ne prennent le pas sur sa raison. Ici, seule, elle prenait conscience de son immense faiblesse et fragilité, entourée d'animaux autrement mieux armés qu'elle pour survivre. Elle deviendrait l'un d'eux, ou ne survivrait pas.

Serrant un peu plus ses genoux contre elle, Jaëlle émit un petit couinement inquiet.

Elle avait déjà envie de rentrer.

***

Jaëlle se réveilla peu après midi, les yeux rougis par la fatigue occasionnée par cette première nuit faite de frayeurs qui ne lui avaient pas offert le loisir de trouver le repos. Au premières lueurs de l'aube, qu'elle avait deviné à la chiche lumière qui se répandait, elle avait fini par s'endormir malgré toutes ses craintes, épuisée, tâchant de se réconforter en se disant que la plupart des prédateurs ne chassaient pas le jour... probablement.

En grognant, la demoiselle qui avait déjà des allures de sauvageonne se redressa, des épines collées à sa joue, et vérifia rapidement que tous ses membres étaient présents. Elle fouina dans sa besace et en sortit un livre aux pages jaunies par le temps et aux coins écornés, qui s'était intitulé "Comment survivre en milieu hostile", avant qu'il ne perde sa couverture.
Jaëlle avait trouvé le mince ouvrage sous le pied d'une bibliothèque bancale à Heine, et celui-ci constituait son unique source de savoir au sein de son nouvel environnement qui, au vu des évènements de ces dernières 24 heures, méritait largement d'être qualifié d'hostile.
Tout en marchant, l'aventurière en herbe feuilleta le livre, à la recherche d'indices sur comment faire taire ce fichu estomac qui n'en finissait pas de réclamer.

***

Trois heures plus tard, la dernière des Durlois était assise près d'un mince cours d'eau qui serpentait difficilement sur le sol chargé, et grimaçait comme si elle avait mordu dans un citron, tout en mâchant une racine qu'elle venait de déterrer. Ça avait goût de terre, c'était acide, ça crissait sous la dent, et elle préférait franchement ne pas savoir si les picotements sur son palais étaient le fruit de l'acidité ou d'un apport inattendu et grouillant de protéines.

- Huerk... c'est... dégueu...

Entendre sa propre voix la surprit légèrement, et elle réalisa qu'elle n'avait pas prononcé le moindre son depuis hier, lorsqu'elle était rentrée dans la forêt. Celle-ci avait quelque chose d'imposant, de majestueux, qui avait naturellement forcé la demoiselle à un silence respectueux. Le calme de son nouvel habitât n'était troublé que par les cris de quelques oiseaux haut perchés, les bruissements de petits animaux affolés par le moindre de ses mouvements, et le vrombissement, entêtant, agaçant, irritant, de ces bon dieux de saloperies de moustiques!!

***

Aussi mauvaises qu'aient été les racines, elles avaient au moins eu le mérite d'épargner l'estomac meurtrit de la pauvre aventurière, qui avait déjà fort à faire avec l'eau croupie qu'elle avait ingurgité. Tout en maugréant, Jaëlle s'efforçait de suivre le petit courant d'eau auquel elle avait bu, espérant qu'il la conduirait vers une source un peu plus potable. La végétation était si dense qu'elle devait souvent faire de larges détours et s'en remettre à son sens de l'orientation et à sa chance pour retrouver le ruisseau. Plusieurs fois elle erra, légèrement paniquée, certaine qu'elle s'était égarée.
Alors que le soleil de son deuxième jour de survie s'apprêtait à aller se coucher confortablement comme le gros égoïste qu'il était, et que Jaëlle avait perdu la trace de son ruisseau depuis plus d'une demi-heure, sa patience quasi légendaire fit son office.

- HAAAAA!!!! SALETE DE TROU PERDU!!!

Surprise par le hurlement, la faune environnante marqua une pause inquiète, laissant tomber sur la forêt un silence de mort. Silence qui fut salutaire à la jeune fille, car elle put alors percevoir le grondement lointain et assourdi d'une chute d'eau.
Arborant un sourire ravi, et se promettant de perdre patience plus souvent, Jaëlle se rua vers la source du bruit, et découvrit, près d'une heure plus tard, un spectacle qui l'émerveilla tant par sa beauté que par la promesse d'eau fraîche qu'il portait.
Se tenant au bord d'une petite falaise, elle contemplait à sa droite une belle et modeste cascade qui déversait inlassablement une eau à la clarté toute relative dans un petit lac d'une dizaine de mètres de diamètre en dessous d'elle.
Longeant la falaise avec d'infinies précautions, l'humaine parvint au bord du lac, sur une fine bande de terre boueuse marquée par les pattes de nombreux autres habitants de la forêt.

Soulagement! Si les bêtes du coin venaient boire ici, elle allait pouvoir boire aussi! Peut-être même en chasser quelques unes! Et surtout, surtout... prendre un bain!

Bon... par où était son campement, maintenant?

***

Une semaine après son arrivée, et malgré un étonnement que sa fierté ne lui permettrait jamais d'exprimer, Jaëlle était toujours vivante. Après une nouvelle nuit blanche passée près du point d'eau qu'elle venait de découvrir, à redouter la présence de terribles créatures tapies dans les ténèbres, la jeune femme s'était employée à remonter sa piste de la veille, constatant avec un soulagement teinté de dépit qu'elle n'était pas bien difficile à repérer.
Elle avait alors récupéré ses maigres possessions et quitté les accueillantes racines du grand arbre pour revenir s'installer plus près du point d'eau, prenant soin cette fois de suivre les conseils de son petite manuel de survie pour les nuls, en choisissant un lieu plus adéquat et au pied d'un arbre sur lequel elle pourrait grimper en cas de danger.
Les jours s'étaient écoulés, amenant leur lot de leçons, de frayeurs et de découvertes. Les repas de l'aventurière s'étaient enrichis de quelques fruits ou de fleurs, alors qu'elle répugnait toujours à manger des insectes dont son manuel lui affirmait qu'ils étaient une importante source de nourriture.
Adoptant un rythme de plus en plus nocturne, elle passait ses nuits près du point d'eau, à observer en hauteur et en silence, couchée sur le ventre, les animaux qui venaient s'abreuver. Avec inquiétude, elle constatait à chaque fois qu'Elle ne se montrait toujours pas, et commençait à nourrir des doutes sur l'exactitude des informations qui l'avaient guidée jusqu'en ces lieux reculés.

La tenue de Jaëlle s'était considérablement raccourcie, celle-ci n'étant évidemment pas prévue à l'origine pour ramper au sol et forcer le passage au milieu des ronces. La jupe qui lui tombait avant jusqu'aux genoux avaient été consciencieusement arrachés en plusieurs bandelettes et s'arrêtait désormais à mi-cuisse. Les manches de la robe avaient connu le même sort, laissant les épaules de la jeune fille à nu, tandis que ses bottes avaient été réduites à l'état de sandales. Sa chevelure était à présent marron clair, après qu'elle l'eut recouverte d'une boue qui avait séché depuis, estimant que sa couleur naturelle ne la rendait pas des plus discrète.

Le rythme était presque pris, la nourriture et l'eau acquises, le terrain connu, elle allait bientôt pouvoir se mettre en quête de l'objet de sa venue, et La chercher activement.

***

Le cœur de Jaëlle battait à tout rompre, alors qu'un sourire victorieux fendait son visage crasseux en deux. Depuis les hauteurs de la cachette où elle observait les animaux venant au point d'eau en contrebas, l'apprentie sauvageonne La contemplait. Un discret soupir exprima le profond soulagement qui lui dénouait l'estomac, alors qu'au bord du lac, seule, celle qui allait devenir le centre de tout son univers pour les semaines à venir buvait à la surface de l'eau avec le calme et l'aplomb que seuls les superprédateurs peuvent se permettre.
D'une hauteur au garrot de près d'un mètre, avoisinant les trois mètres de long et pesant probablement plus de deux cent kilos, la bête se trouvait là, d'une carrure intimidante, son corps tout en courbes modelé par de puissants muscles qui se dessinaient gracieusement sous une peau que recouvrait une fourrure d'un blanc rayé d'un bleu nuit qui paraissait immaculé dans la pénombre. La tigresse leva sa tête massive un instant, oreilles tendues, semblant percevoir des sons qui échappaient complètement à son observatrice émue, tandis que deux pupilles d'un bleu délavé scrutaient les ombres. Jaëlle put apercevoir les deux gigantesques canines sortant de la gueule de l'animal, et qui lui valaient son nom.

C'était Elle! Enfin!

***

Le lendemain, l'aventurière lut avec un entrain renouvelé le second livre qu'elle avait emporté, et qui traitait du mode de vie des tigres. C'était au moins la cinquième fois qu'elle dévorait l'ouvrage depuis qu'elle l'avait emprunté à la bibliothèque, mais elle voulait être certaine d'avoir retenu la moindre information qui pourrait l'aider. Ces créatures étaient profondément solitaires, et semblaient généralement limiter leurs contacts avec d'autres membres de leur espèce aux périodes de reproduction. Chaque mâle possédait un vaste territoire dont il faisait le tour et qui englobait ceux, plus petits, de plusieurs femelles. C'était un point positif, car la jeune Durlois n'aurait pas à s'intégrer à une meute ou une troupe pour parfaire son entraînement, mais cela signifiait aussi que son travail d'observation allait devoir être particulièrement méticuleux et ardu.

Jaëlle réajusta sa tenu pour la serrer au plus près de son corps. Elle allait devoir apprendre à faire le moins de bruit possible, et faire preuve de beaucoup d'agilité pour être en mesure d'épier dans ses moindres faits et gestes la tigresse en laquelle elle entendait se changer. Demain, elle allait se mettre en chasse d'un des plus grand chasseur à des kilomètres à la ronde.

Un frisson d'excitation et de crainte la parcourut, et elle ne put retenir un sourire nerveux.

C'était vraiment une idée débile.

***

Trois nouvelles semaines passèrent, et cela faisait plus d'un mois que Jaëlle était arrivée. Progressivement, elle avait adopté à la perfection le rythme de la tigresse qu'elle suivait sans relâche, mangeant lorsque celle-ci mangeait, dormant lorsque celle qui devait devenir son alter ego dormait...
Les nuits n'effrayaient plus la jeune fille, dont le regard vert olive s'était peu à peu teinté de la même dureté avec laquelle elle devait composer sa vie chaque jour. Sa tenue s'était d'avantage effilée et raccourcie, ne masquant plus grand chose de son corps dont elle n'avait cure en cet endroit où la pudeur n'avait pas lieu d'être. Observant avec attention celle qui était devenue sa professeur sans le vouloir, Jaëlle apprenait aussi à chasser, à se déplacer sans bruit, à se faufiler dans la forêt qui lui apparaissait bien moins impénétrable qu'aux premiers jours.
La sauvageonne adoptait aussi de plus en plus la mentalité de son animal, et si elle s'était contentée de jouer les charognards les premiers jours, passant ronger les carcasses inanimées des proies de la tigresse après que celle-ci fut partie, il n'en était plus ainsi maintenant. L'os qu'elle serrait dans sa main gauche n'en était plus à sa première victime, et la prochaine approchait.

Ramassée dans un fourré, tendue et prête à bondir, Jaëlle scrutait le jeune cerf qui avançait en humant l'air nerveusement. Avec une vitalité surprenant, la jeune fille sauta sur l'animal au moment où celui-ci était au plus près d'elle, et enfonça profondément son poignard de fortune dans la gorge du cervidé qui tomba sur le côté dans un cri rapidement étouffé par un flot de sang. D'un bond nerveux, Jaëlle s'éloigna du cerf qui dans un dernier élan désespéré, donnait des coups de sabots et ruait, le regard emplit de terreur. Elle se ramassa sur ses quatre membres, presque au raz du sol, et poussa un grognement satisfait en contemplant l'agonie de son futur repas, retroussant légèrement les lèvres qui dévoilèrent deux rangées de dents bien plus pointues qu'elles n'auraient dû.

***

Perchée en haut d'une arbre, Jaëlle observait sa tigresse. Cela faisait très longtemps, elle en était certaine, que l'animal l'avait repérée, la jeune fille ne se faisait aucun illusion quant à sa capacité à échapper à la vue et à l'ouïe de ce si admirable prédateur. Plusieurs fois déjà, la tigresse avait posé son regard si troublant sur l'aventurière, la fixant durant d'interminables secondes avant de s'éloigner dédaigneusement. "Je sais que tu es là. Et je ne te crains pas". Voila le message que Jaëlle croyait clairement lire dans les regards de sa professeur.
L'animal semblait supporter la présence de sa disciple auto-proclamée, ne voyant probablement pas en elle une grande menace. Mais la jeune femme savait que bientôt, elle devrait partir, lorsqu'elle ne serait plus humaine. Les tigres ne partageaient pas, et elle ne voulait pas s'engager dans un combat avec celle à qui elle devait tant, même si ses instincts l'y poussaient dangereusement.

***

Jaëlle mettait à disposition le moindre moment de répit que lui offrait sa professeur pour méditer et pratiquer la magie que son maître lui avait enseigné, et qui lui permettrait de se transmuter.
Après cinq semaines à s'entraîner et à vivre comme un tigre, la jeune fille était méconnaissable. Son nez s'était écrasé, assombrit et élargit tandis que ses oreilles étaient remontées bien plus haut sur son crâne et s'étaient allongées. Elle n'avait plus besoin de maculer sa chevelure de boue, celle-ci ayant pris une teinte grisâtre alors que tout son corps s'était recouvert d'une fourrure de poils courts et blancs sur lequel apparaissaient occasionnellement des rayures bleues. Alors que sa poitrine déjà menue tendait à disparaître, sa fine musculature s'était considérablement développée. La station debout lui devenait difficile à mesure que son squelette se modelait pour devenir celui d'un quadrupède et ses ongles étaient devenus bien plus épais et effilés. Ses dents d'omnivores avaient lentement mué en des crocs acérés, et déjà ses canines supérieures commençaient à dépasser de ses lèvres.
Plus dangereusement, l'esprit de la demoiselle changeait aussi, ses pensées devenant de plus en plus primitives à mesure que les instincts de l'animal qu'elle devenait prenaient le pas sur sa conscience humaine. C'était là le prix à payer, l'ultime risque, une plongée aveugle dans ce nouvel esprit qui cohabitait désormais avec le sien et menaçait de tout dominer et de faire disparaître celle qui était venue dans cette forêt, seul moyen pour achever la transmutation et ne faire qu'un, ou ne plus être.

***

Suli avançait lentement à travers l'épaisse végétation, les muscles de ses épaules montant et descendant gracieusement à chaque mouvement de ses puissantes pattes avant, aux griffes ô combien mortelles. Suli était jeune... Suli avait... quatre... jours? Suli ne savait pas trop ce qu'étaient des jours, en fait, ni ne s'expliquait pourquoi elle était si jeune. Et à bien y réfléchir, "quatre" n'avait pas beaucoup de signification non plus. Mais Suli avait décidé que ce n'était pas très important. Ce qui inquiétait vraiment Suli, pour le moment, c'était l'odeur de l'autre femelle sur le territoire de laquelle elle se trouvait. Suli était une intruse, Suli devait partir, parce que Suli ne voulait pas voler les terres de l'autre. Suli ne comprenait pas pourquoi, mais Suli ressentait le besoin impérieux de s'effacer, d'aller s'établir ailleurs. Suli savait aussi que l'autre femelle n'aurait pas les mêmes attentions à son égard si elle la trouvait.

Un grondement sourd monta de la gorge de Suli lorsqu'au sortir d'un buisson, elle tomba nez à nez avec celle qu'elle voulait à tout prix éviter. Assise sur son postérieur, l'autre femelle la toisait d'un air qu'on aurait pu prendre pour de la suffisance. Merde... manifestement, Suli avait été moins discrète qu'elle l'espérait, la vieille était très forte...

***

Boitant, Suli fuyait aussi vite qu'elle pouvait, sa queue battant furieusement l'air alors qu'elle se maudissait! Inconsciente! Imprudente! Elle s'était faite battre et chassée à plate couture! Honte!
Reniflant l'air, elle suivait une odeur presque effacée. Confusément, elle savait que c'était son odeur mais... ce n'était pas vraiment son odeur non plus. Suli s'en fichait. L'heure n'était pas vraiment aux questions métaphysiques.

L'important, c'était la promesse de cette odeur.

Refuge.

***

Le soleil était haut dans le ciel et la chaleur dans la forêt était étouffante. Allongée nue sur le flanc, la fièvre lui causant suées et grelottements, Jaëlle rouvrit les yeux péniblement. Épuisée magiquement, la transmutation s'était annulée et elle avait recouvré forme humaine. Tout était confus, que s'était-il passé exactement? Cette horrible sensation de n'être qu'une spectatrice dans son propre corps l'avaient enfin quittée, mais pour laisser place à bien pire!
Complètement épuisée, le moindre de ses muscles se faisait douloureusement sentir sitôt qu'elle trouvait assez de force pour les mouvoir. Sur son côté gauche, quelque chose l'élançait affreusement, mais avant qu'elle ne puisse regarder, elle sombra à nouveau dans l'inconscience.

***

Quelque chose de terriblement froid la réveilla et elle poussa un cri qui fit s'enfuir aussitôt le charognard qui était venu la renifler. Le teint blafard , Jaëlle s'efforça de recouvrer ses esprits. La nuit était tombée. Elle ignorait combien de temps elle était restée inconsciente, et à bien y réfléchir, elle préférait ne pas savoir. Essayant de se relever sur un coude avec précaution, une douleur fulgurante partit de son flanc pour irradier dans tout son torse, et elle cria à nouveau, un cri rauque, aux allures de rugissement.
Sur le côté gauche, au niveau des côtes, trois entailles parallèles, gonflées, nécrosées et purulentes dévoilaient des côtes sur lesquelles les griffes de la tigresse avaient laissé leur signature, faisant remonter à la surface de sa conscience le souvenir des évènements ayant conduit à son si pieux état.
Jaëlle faillit à nouveau faire une syncope en voyant de telles blessures. Elle avait pourtant vu bien pire sur certains patients, mais c'était tout autre chose quand c'était sur votre corps à vous qu'il fallait les constater!
Bandant le peu de volonté qui lui restait, certaine de ne pas survivre longtemps si elle tournait de l'œil et laissait l'infection se propager d'avantage, la jeune femme s'efforça de dominer ses émotions, respirant aussi profondément que ses plaies douloureuses le lui permettaient. Peu à peu, elle parvint à récupérer un certain calme, et tendit la main à tâtons jusqu'à trouver sa besace.

Il fallut quelques instants à l'apprentie mage pour cesser de gratter vainement sur l'avant de sa sacoche et redécouvrir les joies des pouces opposables. Mue par des gestes cent fois répétés, elle récupéra le nécessaire de soins qu'elle avait apporté, et entreprit de se désinfecter en grognant sous la douleur provoquée par l'alcool. Après une rapide détersion, Jaëlle marmonna quelques paroles, les mains apposées sur ses blessures, canalisant le sort de purification qu'on lui avait appris. La douleur et la fatigue ne facilitèrent pas l'exercice, déjà éprouvant en lui-même, et la demoiselle s'effondra à nouveau après quelques instants.

***

Plusieurs jours passèrent ainsi, durant lesquelles Jaëlle n'eut que de brèves périodes de conscience, qu'elle mettait à profit pour épuiser le peu de forces qu'elle avait récupéré durant ses sommeils forcés afin de faire disparaître l'infection et soigner autant que possible ses plaies.
Le charognard qui, sans le savoir, lui avait probablement sauvé la vie, faisait preuve d'une patience exemplaire, et rôdait dans les alentours, observant avec espoir la jeune fille sans oser l'approcher.

***

La petite chose à l'air appétissant semblait enfin à bout de force. Son souffle était court, elle ne bougeait presque plus. Le charognard, la bave aux lèvres et l'estomac noué, s'approcha avec précaution, prêt à détaler au moindre geste suspect. Il donna un coup de truffe à la drôle de créature à la peau claire et recula vivement par instinct.
Rien ne se passa. A table!

***

C'était un peu comme pêcher, en fin de compte.
Laisser la proie approcher, goûter, ferrer un peu, et au moment crucial...

Alors que le charognard approchait pour la seconde fois et commençait à mordiller la cuisse de Jaëlle, celle-ci s'anima. La bête n'avait pas pris conscience qu'elle ne convoitait pas une faible créature sans défense, mais un prédateur désormais dépourvu du moindre scrupule, et prêt à tout pour assurer sa survie.
Avant que le chasseur ne comprenne qu'il était le chassé, le poignard en os de Jaëlle était planté jusqu'au pommeau dans la cage thoracique de l'animal, ayant trouvé le chemin de son cœur. Les grands arbres firent écho à un glapissement mêlant douleur et surprise.

***

Jaëlle se réveilla à nouveau. Elle avait perdu le compte des jours et des heures. Le temps n'était plus qu'une succession de siestes et de courts réveils douloureux.
Cette fois-ci, une sensation morbide et familière accompagna son réveil, alors qu'elle constata que sa bouche et ses bras étaient couverts de sang séché.
Une terreur indicible lui serra le cœur alors que pendant une fraction de seconde, elle crut que sa folie avait encore pris le pas et lui avait fait commettre de nouvelles exactions meurtrières.
Ses yeux se posèrent alors sur la carcasse décharnée d'une créature qu'elle eut peine à reconnaître, et la mémoire lui revint, s'accompagnant d'un soulagement sincère.

Jaëlle porta son attention sur ses blessures. Elle avait apparemment fait un assez bon travail, et l'infection avait disparu. Les entailles, sous l'effet de faibles sorts de soin, et après avoir été recousues par des mains d'habitude agiles mais rendues hésitantes par la douleur et la faiblesse, s'étaient correctement refermées, laissant place à des plaies en bonne voie de guérison, qui malheureusement laisseraient des cicatrices inégales.

Se sachant enfin hors de danger, et l'estomac plein, la jeune femme s'adossa à l'arbre et ferma les yeux, un fin sourire satisfait aux lèvres.

Son expédition était une réussite.

***

Près de deux mois et demi après qu'une gamine aux idées stupides soit entrée dans la grande forêt à l'orée de laquelle il avait construit sa maison, Orten, assis dans un fauteuil à bascule qu'il avait fabriqué lui-même, se reprit à penser à cette fillette, tout en regardant le soleil disparaître sous le faîte des arbres.
Comment avait-elle dit s'appeler déjà? Javelle? Pimprenelle? Ce finissait en -elle en tout cas, pour sûr. Depuis le temps qu'il s'était établi ici, il n'avait jamais vu quelqu'un d'aussi agité, une vraie tornade cette petiote. Souriante, gentille, mais épuisante... Elle l'avait harcelé de question à propos des fauves dans le forêt tenant absolument à savoir s'ils existaient réellement, et où on les avait vus... Gentille, ça oui. Un peu folle aussi, probablement, vu qu'elle avait eu l'air ravie d'apprendre que le forêt comptait au moins cinq tigres trois fois plus gros qu'elle, et s'était aussitôt précipitée vers la vaste étendue boisée avant même qu'Orten ait pu émettre la moindre protestation.
Des protestations comme "Tu vas vraiment partir en forêt avec ta robe, andouille?" où encore "Il est magique ton sac, pour que t'emportes que lui?"...

- ... Andouille... Ouaip... Sûr'ment morte la p'tiote... Bien dommage... Fatigante, mais gentille.

Orten donna un large coup de son couteau aiguisé sur la petite sculpture en bois qu'il était en train de réaliser. Quelques dizaines d'autres du même style reposaient dans un coffre, au pied de son lit, et il retournerait bientôt en ville pour les vendre et acheter des provisions.
Un craquement le sortit de ses pensées et lui fit lever les yeux de son ouvrage.

Ce que vit Orten, il mit des heures à le croire, et fut bien le seul. Des profondeurs de la forêt, une tigresse au pelage soyeux dont les muscles glissaient avec souplesse sous la peau à chaque mouvement s'avançait. A la lumière du soleil couchant, l'animal à la fourrure blanche semblait avoir des reflets dorés qui s'accordaient parfaitement avec ses yeux perçants aux larges pupilles jaunes.
Modelée par l'esprit romantique et rêveur de Jaëlle, et très probablement par ses éternels complexes, l'apparence de Suli était de toute beauté. Chaque geste était empreint d'une grâce, d'une noblesse certaine, la silhouette élancée de l'animal donnait une impression de délicatesse qui contrastait avec la sensation de puissance qu'elle dégageait. Orten, subjugué, avait le sentiment que la créature serrait tout à fait capable de lui arracher la tête d'une seul coup de patte, sans perdre une once de sa prestance.
La tigresse approcha à une dizaine de mètres, observa le vieux sculpteur sur bois, puis se détourna et reprit son chemin, sa queue ondulant lentement, les rayures sur son dos se mouvant avec douceur.

Orten suivit l'animal du regard, bouche bée. Il cligna plusieurs fois des yeux, et se demanda si son esprit ne lui avait pas joué un tour. Il aurait juré avoir vu le félin lui sourire.


[HRP]Rp destiné à justifier l'absence de Jaëlle ces deux derniers mois IG, ainsi qu'à valider sa transformation en tigre à dents de sabre.

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Re: [bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Jaëlle » ven. 23 juillet 2010 à 15h03

Elle s'étira longuement, ignorant les quelques craquement de protestation de ses articulations. Toute vêtue de noir, une large écharpe d'étoffe sombre autour du visage tel un turban ne laissant plus paraître que ses yeux jaunes aux pupilles reflétant la chiche lumière d'une lune masquée par des nuages effilés, elle contemplait le paysage.
En un geste machinal, elle voulu ramener derrière son oreille les mèches de sa longue chevelure grisâtre d'une main fine gantée de cuir brun, mais ne rencontra que du vide. La reine avait donné des instructions terriblement précises, comme glisser tous ses cheveux sous sa tunique, se couvrir de la tête aux pieds, parler le moins possible, ne pas se faire voir, agir vite... Elle ne comprenait pas l'utilité de la moitié des consignes, mais elle respectait les vœux de sa reine, et surtout, elle comprenait l'idée générale : Sécurité.
Des images affluaient dans son esprit, des souvenirs qui n'étaient pas les siens. Elle eut la vague impression d'être déjà venue ici, savait avec certitude que la maison à laquelle elle faisait face était celle qu'elle cherchait, et pourtant... elle restait convaincue que c'était la première fois qu'elle venait en ces lieux et observait ce bâtiment.
Son cœur battait fort, c'était une chasse. Une chasse un peu différente, car il ne fallait surtout pas tuer les proies et qu'elle n'était plus dans son environnement naturel mais... une chasse, enfin!

Un sourire quasi extatique déforma légèrement les plis de son curieux masque de tissu, et elle se remit en branle. Elle avait fait une large détour, évitant soigneusement les autres maisons, et était parvenue dans l'arrière cour de la cible, comprenant en cela pourquoi la reine avait choisi ce village et cet édifice. Pas de murs, a peine quelques gardes inexpérimentés, et un accès direct et discret au nid des proies.
Progressant à quatre pattes avec une aisance étonnante, elle se faufila sans un bruit jusqu'à se retrouver devant la porte arrière. Elle se ramassa sur ses jambes arrière, bandant ses muscles puissants, et les détendit brusquement dans un bond surhumain. Elle atterrit sur le toit du auvent, ses griffes ne trouvant aucune prise sur les tuiles d'ardoise, et tomba de tout son long.
De longues minutes angoissantes s'écoulèrent. Fermement étalée contre les tuiles comme si elle espérait pouvoir se fondre dedans, elle attendit, aux aguets, ses oreilles bourdonnant des battements de son cœur affolé.
Après un temps qui lui parut une éternité, un peu plus calme et presque certaine que sa gaffe n'avait réveillé personne, elle se remit à avancer en rampant, lentement, jusqu'à la fenêtre de l'étage. Glissant une des griffes qui trouaient ses gants dans la fente du mur et du volet, elle la remonta jusqu'à trouver le loquet de bois simple et le souleva. Le volet grinça légèrement alors qu'elle l'ouvrait, et l'intruse grimaça, bien peu satisfaite de ce qui lui semblait être un intolérable manque de discrétion indigne d'elle.
Elle jeta un œil à travers les carreaux crasseux de la fenêtre, et vit que l'enfant dormait toujours.

Maintenant, agir vite.

***

Un bruit de verre brisé sortit Clara de son sommeil. Puis des grattements à l'étage, le raclement de meubles, quelques pas précipités, un gémissement plaintif. Them!
Sous l'impulsion d'une poussée d'adrénaline, la femme bondit hors de son lit, inquiète pour son fils, juste à temps pour voir son mari se précipiter dans l'escalier, mû par les mêmes craintes.
Elle le suivit aussi vite qu'elle le put. En haut, la porte de la chambre de Them s'ouvrit à la volée, puis la voix tendue de Fush.

- Them!

Puis plus rien... un silence épais, de mauvais augure. Clara, le cœur tordu d'angoisse, monta deux à deux les marches qui la séparaient de son mari. Celui-ci était toujours sur le pas de la porte, fixant quelque chose, la bouche entrouverte dans une expression mêlant effroi et stupeur.

- Chéri! Qu'est-ce que...

Clara ne termina pas sa phrase lorsque, arrivée auprès de son homme, elle put apercevoir ce qu'il voyait. Leur fils se trouvait debout au milieu de sa chambre, tremblant et en larmes, en proie à une peur panique. Derrière lui, se découpant dans l'encadrement de lumière bleutée que laissait passer la fenêtre, une sombre silhouette masquée plaquait fermement la bouche du jeune garçon d'une main, alors que l'autre maintenait la lame d'une dague sur sa gorge.
La silhouette parla d'une voix rauque, grondante.

- Pas crier. Sinon mourir.

Le ton implacable, et la froideur du regard qu'on discernait dans la pénombre ne laissaient que peu de doutes quant au sérieux des paroles de l'intrus.

- Qui êtes-vous! Nous n'avons pas d'argent, laissez notre fils!, répliqua Fush d'un ton mal assuré.

Le pauvre fermier était ébranlé par ce qui était en train de leur arriver, et son épouse n'en menait pas plus large. Les temps avaient été rudes, après la vague de froid de l'an dernier, les Ol'Mahum n'avaient pas tardé à les harasser, les ventes étaient maigres et la vie pas des plus simples. Et maintenant... un dingue s'était introduit dans leur demeure et menaçait la vie de leur fils unique!

- Reine veut parler vous. Tous suivre, et personne meurt. Comprendre?

Clara nota le teint blafard du menaçant individu et ses paroles hachées, maladroites. Un démon? Un drogué? Un fanatique? Et puis ces formes... se pouvait-il vraiment que ce soit une femme? Avec une voix pareille?
Une foule de questions se bousculaient dans l'esprit de la mère inquiète, mais il n'était pas temps de leur trouver des réponses. Une seule chose comptait : son fils.

- Nous ferons ce que vous voudrez, mais ne tuez pas notre fils, par pitié!

La jeune femme ne put retenir plus longtemps quelques larmes alors qu'elle gardait les yeux rivés sur le visage terrorisé de son enfant.
L'intruse sembla prendre le temps de réfléchir un moment.

- Prendre affaires, comme si partir vite, puis suivre. Su... *une pause* Jjjje reste ici avec petit. Si cri ou bêtise, il meurt. Pas danger si tout fait comme dit.

Fush regarda sa femme, hébété, pas certain de comprendre à quoi tout cela rimait. Son épouse lui rendit le même regard. La silhouette émit un grondement menaçant qui leur fit se hérisser les cheveux sur la tête.

- Vite...

- N-nous y allons. Ne lui faites pas de mal, je vous en conjure.

***

Moins d'une heure plus tard, alors que le ciel perdait de sa noirceur et annonçait le jour nouveau, la petite carriole de la famille avait été attelée et chargée de quelques meubles et sac de vivres et d'affaires. Blêmes, les traits tirés, Fush et Clara étaient assis sur le banc avant, résignés.
A l'arrière, au milieu des bien emballés, la silhouette se tapissait, tenant contre elle leur fils à présent bâillonné, que ce surplus d'émotions avait fait sombre dans l'inconscience.

- Partir. Ouest.

Fush songea un instant à poser de nouvelles questions à leur ravisseur, mais déjà sa femme lui arrachait les rênes des mains et sommait à leur âne d'avancer.
Le quatuor quitta le village endormi de Floran en direction de l'Ouest, alors qu'à l'arrière, Suli était perdue dans ses primitives pensées.

Sauver la femelle. Sauver la femelle. Sauver la femelle. Sauver la femelle. Sauver la femelle.

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Re: [bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Jaëlle » sam. 24 juillet 2010 à 14h52

Clara reprit peu à peu ses esprits. Sa tête lui faisait un mal de chien et elle avait l'impression qu'elle allait exploser à chaque battement de cœur. Ses poignets et ses chevilles étaient douloureux et elle avait des fourmis dans les mains. La pauvre fermière essaya de bouger, sans grand succès. Tout était noir dans la petite pièce qui lui renvoyait les échos de sa respiration haletante.
A mesure qu'elle revenait à elle, les souvenirs en faisaient de même : l'enlèvement! Prise d'une panique croissante, elle fouilla l'obscurité des yeux.

- Them! Fush!

Rien.

Clara se mit à sangloter, à bout de nerfs.

- MAIS QU'EST-CE QUE VOUS NOUS VOULEZ!!! LAISSEZ-NOUS EN PAIIIIIIIIX!!!!

Le bruit caractéristique d'une allumette qu'on craque se fit entendre en guise de réponse.
A un mètre devant elle, une petite flamme dansa, éclairant à peine une silhouette vêtue de sombre qu'elle reconnut aussitôt; La ravisseuse lui faisait face.
La mère de famille émit un gémissement pitoyable et s'enfonça le plus possible dans la chaise sur laquelle on l'avait ligotée.
La flamme se déplaça, et vint allumer une bougie posée sur une table entre les deux femmes. Bien que faible, la lueur émise par la bougie suffit à éblouir Clara qui mit quelques instants à s'habituer.
Leur ravisseuse était assise aussi, face à elle, le visage masqué tel qu'elle l'avait v... non. Celle-ci avait les yeux verts et une peau bien moins blanche! Par tous les Dieux mais combien étaient-ils! Une secte? Mais qu'est-ce qu'ils leur voulaient à eux? Pourquoi eux, bon sang?! Pourquoi eux...

La bougie éclairait autre chose. Sur la table de bois simple et moisi étaient posés à chaque bout deux grands bocaux remplis d'un liquide jaunâtre. Instantanément, l'esprit de Clara se refusa à admettre ce qu'il voyait flotter dans le liquide. Puis l'un de ces objets flottant tourna lentement, et un œil à la pupille marron la fixa.
La femme blêmit, à ce point saisie d'horreur qu'elle ne put hurler. Elle fixait l'œil qui continuait de tournoyer mollement jusqu'au fond, partant rejoindre doigts, orteils, oreilles et bouts de chair... Incrédule, le souffle court et les yeux exorbités, un doute insidieux s'empara d'elle, que la femme qui lui faisait face ne tarda pas à confirmer.

- J'ai t'ai amené une partie de ta famille.

Clara n'y tint plus, les larmes coulaient sans qu'elle puisse les retenir alors que tout son corps protestait et qu'elle s'urinait dessus, elle hurla enfin à plein poumons.
Le cri dura longtemps, emplit de désespoir et d'une certaine rage. La jeune mère eut à peine le temps de reprendre son souffle qu'elle fut prise de haut le cœur et vomit bruyamment le peu de bile que contenait son estomac, creux depuis de trop nombreuses heures.

***

La ravisseuse grimaça. Ça commençait mal. Des relents d'urine parvinrent à ses narines, et le dégoût qu'elle s'inspirait augmenta. Découper la famille de Clara avait déjà été très éprouvant pour elle, mais au moins elle les avait endormis, et n'avait pas eu à supporter leur terreur et leur douleur. Elle appréhendait toutefois leur réveil.
Et voila qu'elle exposait des morceaux de sa famille à cette femme. Elle était vraiment un monstre, plus de doute permis. Le pire, c'est qu'elle savait qu'elle allait aller jusqu'au bout, sans une once de regret. Les remords la hanteraient toute sa vie, mais ils ne feraient que s'ajouter à ceux qui harcelaient son esprit depuis huit ans. L'important, c'était qu'Elle vive, qu'Elle soit la plus heureuse possible. Et si pour ça, elle était obligée de massacrer à tour de bras ou de mettre des villes à feu et à sang, elle le ferait sans hésiter.
Elle se prit à se demander comment "l'autre" aurait réagit, et comme souvent, le regret d'avoir passé ce marché il y a plus d'un an revint au galop. Mais il était trop tard de toute façon, elle ne la retrouverait jamais, et n'était pas certaine que la vie qu'elle avait laissée vaudrait mieux. Pire, elle était convaincue qu'elle parviendrait à la ruiner tout comme elle avait ruiné celle-ci.

Elle attendit que Clara se calme un peu, que son souffle soit moins chaotique, ses sanglots plus espacés. Puis d'une voix neutre, elle lui apporta les réponses aux questions qu'elle devait sûrement se poser.

- Ils sont en vie, tous les deux.

La femme face à elle leva des yeux rougis et pleins d'un espoir incrédule.

- En piteux état, tu t'en doutes. Mais en "bonne" santé.

La ravisseuse se pencha un peu et s'accouda à la table, faisant légèrement craquer sa chaise. Elle fixa Clara d'un air mauvais.

- Toi et ton mari avez été parmi les acteurs qui ont ruiné l'existence de quelqu'un qui m'est très cher. Pour cela, vous mériteriez la mort.

Le ton était froid, presque malsain, et fit l'effet désiré sur la mère de famille effondrée.

- Au contraire de quoi, je vais me contenter de te prendre neuf mois de ta vie, Clara. Tu vas porter un enfant assez... exigeant. Tu souffriras, tu voudras mourir, et il voudra te tuer. A la moindre faiblesse de ta part, tu mourras. Tu vas devoir endurer des horreurs indicibles durant neuf mois, puis... tout sera fini. - elle tapota les bocaux de sa main gantée - Tout ce que tu vois là, je peux le remettre. Ils baignent dans une solution particulière qui va parfaitement les conserver, et j'ai les compétences médicales et magiques pour tout greffer quasiment sans que ça se voie.
Écoute-moi bien Clara... - elle se pencha un peu plus, les yeux plissés - Tu es coupable de la destruction d'une vie. Je te propose de payer ton crime en neuf mois. Suite à quoi tu retrouveras ta famille en un seul morceau, et tu pourras en plus te consoler en te disant que ton sacrifice aura sauvé deux vies supplémentaires.

La folle posa la main sur un des bocal.

- Ça, c'est la première motivation que je t'offre à vouloir mener mes exigences à bien. La seconde, motivation, tu la découvriras lorsque tu seras sur place. Je t'envoie dans un des pires endroit du monde, où l'on sacrifie sans pitié les enfants, où l'on fait des expériences à vomir, où l'on crée des monstres et s'adonne à des rituels sordides. Et je te jure, Clara, que si jamais tu ne donnes pas naissance correctement à cet enfant, j'envoie le reste de ta famille là-bas en qualité d'esclave. Ce qui sera cent fois pire que la mort, tu auras l'occasion de le constater.

***

Clara, figée, écoutait avec toute l'attention que son état lui permettait. Elle ne voyait aucune once de pitié dans les yeux de sa ravisseuse, son ton était teinté de mépris et de colère. On sentait une détermination évidente. La femme se rassit correctement, s'adossant à sa chaise sans quitter la fermière des yeux, et conclut.

- Si tu refuses, je vous envoie tous les trois là-bas où vous passerez votre vie dans la souffrance. Tu n'as pas d'autres choix. J'ai besoin de toi.

Besoin d'elle! Une haine glaciale déforma le visage de Clara. Quelle putain de manière de demander un service! Non seulement cette folle coupait sa famille en morceau, mais en plus elle osait se moquer d'elle?!
Tremblante, se mordant la langue pour se retenir de cracher toute sa colère et sa peur au visage de la femme masquée, elle réfléchit. Elle réfléchit longtemps.
Elle n'avait pas le choix en effet... mais elle n'avait aucune garantie que la femme disait vrai et qu'ils pourraient reprendre une vie normale ensuite. Mais l'autre option n'offrait aucune fin heureuse, pas même une petite incertaine. Tu parles d'un choix.

- Je... je veux votre parole.

La ravisseuse pencha un peu la tête, l'air surprise.

- Et si je te la donne, tu vas me croire? - elle soupira - Enfin... tu l'as. J'ai bien des défauts, mais pas celui-là. Ce sera dur, tu devras mettre à profit tout l'amour que tu as pour ta famille pour trouver la motivation de survivre. Mais si tu y parviens, tu m'auras prouvé ta valeur et je considèrerai que nous sommes quitte.

- Quitte?

La femme soupira.

- Oui... je me doute bien que tu as oublié. Ou que tu n'as même pas conscience de ce que tu as pu faire. Peu importe. Tu me dois une vie, Clara, et même si tu refuses de l'admettre, tu n'es pas en position de contester mon jugement. Je vous envoie tous à jamais dans cet enfer, ou tu y pars seule avec l'espoir d'en ressortir. Choisis.

***

Toujours vêtue de ses habits souillés, l'air misérable et usé, Clara marchait sur le chemin de terre, mettant difficilement un pied devant l'autre. Elle serrait dans sa main la dent de loup de son fils. C'est Fush qui la lui avait achetée un jour qu'il était allé à Dion. Them avait été enchanté, et s'était empressé d'y creuser un trou pour y passer une lanière de cuir et la porter en collier qu'il ne quittait plus, même pour dormir.
La jeune mère ne put s'empêcher de sourire à ce souvenir, quelques larmes glissant sur ses joues.
Elle était convaincue que leur ravisseuse ne lui avait pas donné cet objet par compassion, cette femme là n'avait plus rien d'humain. Ce n'était qu'un moyen de plus de rappeler à Clara pourquoi elle était là, et la menace qui planait sur les siens.

Elle se fichait pas mal de payer sa soi-disant dette à cette dingue. Tout comme elle se moquait royalement de savoir qu'elle sauverait deux vies en plus de celles de sa famille. Tout ce qui comptait, c'était son fils, et son époux. Si pour eux elle devait endurer neufs mois d'horreur, alors elle le ferait. Et espérait vivement qu'à sa sortie, elle trouverait une occasion de se venger des deux salopes qui avaient réduit à néant sa paisible existence.

Deux hommes à l'air aussi intelligent qu'ils étaient propres surgirent de derrière un des gros rochers qui hérissaient le paysage aride aux reliefs escarpés. Adoptant des postures menaçantes et qu'ils pensaient probablement avantageuses, ils s'avancèrent vers la femme.

- Et alors mignonne, on est perdue? C'est dangereux par ici, tu sais...

- Je viens voir maître Hardin. Je viens honorer le marché et payer pour le cœur. - récita Clara d'une voix faible, répétant mot pour mot ce que la ravisseuse lui avait dit.

Les deux lourdauds échangèrent un regard bovin, puis haussèrent les épaules et conduisirent la mère de famille éplorée à l'intérieur d'une caverne, de laquelle elle ne ressortirait que neufs mois plus tard... si elle survivait.

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Re: [bghumain] Jaëlle Durlois

Message par Lotradas » mar. 23 novembre 2010 à 16h00

Compte supprimé par conséquent de même pour le perso

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