[BGElfe] Laën

Ici se trouvent les BGs des héros décédés, paix à leurs âmes.

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[BGElfe] Laën

Message par Laën » lun. 4 juillet 2011 à 22h24

[Il s'agit de la "réécriture" du BG de mon elfe.
Le but est autant de me perfectionner, encore et toujours, à l'écriture, que d'offrir une vue complète du personnage, plus claire et mieux écrite que l'ancien BG qui me faisait honte ne me plaisait plus. En plus du fait de me faire plaisir à écrire sur un sujet qui occupe pas mal de mon temps et de mon imaginaire.
BG en cours donc. Merci à ceux qui prendront le temps de lire :hu2_21: ]


Nom : Archibald.
Prénom : Laën.
Âge : 114 ans.
Race : Elfique.
Croyances : Eva (très modérée)
Son visage, très banal, a le mérite de ne pas être laid. Ses cheveux blonds se répandent en ondulations le long de son dos. Paraissant stoïque au premier abord, la jeune reine d'Aden ne semble pas dépasser l'âge de dix-neuf ans sur l'échelle humaine. Elle garde un visage juvénile, aux yeux bleus délavés. Très cynique, passée maître dans l'art du sarcasme, elle se révèle être d'un tempérament impulsif (mais peut recoudre vos chaussettes si vous lui demandez assez aimablement).
Des bracelets, et la qualité de ses étoffes, laissent comprendre qu'elle est loin de vivre dans la pauvreté. De manière générale, l'elfe reste d'un naturel feutré, discret. Laën est parfois accompagnée d'une fée de l'automne, qui prend la forme d'une dryade fine, au regard sinistre.
L'elfe arbore une alliance, ainsi qu'une chevalière frappée aux armoiries de la Vindicte Écarlate.


Ce sont nos actes qui nous définissent, nos choix qui nous rendent hommes. Et nos noms qui nous immortalisent.
(à écouter durant la lecture)

[ image externe ]

I. Lâche
Les flocons de neige pleuvaient des nuages, venant habiller la surface du monde d'une douce couverture imacculée. C'était un soir de Blancheterre, et c'étaient les premières neiges de la saison. Une longue semaine de labeur venait de s'achever dans la sérénité caractéristique des lieux, chacun profitant de la chaleur de l'âtre.

A l'intérieur d'une minuscule maison vieillie aux fenêtres fêlées, au bois vermoulu, une ombre frêle et fragile, vêtue de vêtements dont on devinait qu'ils avaient autrefois été beaux avant de se transformer en haillons, tentait de se réchauffer. Cette silhouette avait une histoire, tout comme les autres êtres. Cette malheureuse femme dont le visage était creusé par la maladie et la pauvreté avait une histoire, comme toutes les autres femmes. Mais qui s'intéresserait à cette femme blottie dans les ténèbres, dont la beauté s'était évanouie... ? Qui aurait une once d'intérêt pour cette pauvre comme les autres, transie de froid ?


Lilas fixait l'âtre de la cheminée, avec toute la ferveur qu'elle pouvait mettre dans son acte. Les cendres grises, s'étaient éteintes depuis longtemps. Depuis si longtemps... Couleur charbon, parcourue d'éclats poivre-et-sel, cette déchéance ne cessait de lui rappeler ce qu'elle avait été, ce qu'elle était, et ce qu'elle serait sûrement à jamais. Comme si cette agréable tiédeur ne parvenait à effacer la froideur d'un hiver qui semblait sans fin. Comme si elle ne parvenait pas à effacer les souvenirs, accrochés à elle comme les neiges éternelles à leur sommet.

Les flocons tourbillonnèrent au dehors, encore, encore, dans une danse naïve et endiablée. Le feu trembla une dernière fois, et s'éteignit brutalement. Lilas ne put se retenir, et laissa échapper un gémissement craintif.

Froid, il faisait froid. Il fallait qu'elle ferme cette fichue fenêtre. Hésitante, le pas saccadé, la respiration hachée, la jeune elfe aux cheveux d'un blond presque blancs, se dirigea vers la source de ses problèmes. Dans la pièce aux murs étroits qui lui servait de demeure, au bois vermoulu sali, elle referma la fenêtre à guillotine d'un geste vif.

Elle allait mourir, et elle le savait.
Le pâle visage de Lilas semblait celui d'une morte. Elle étouffait de sa main maigrie la toux opiniâtre qui lui montait à la gorge, puis elle se frictionnait les bras pour éviter les secousses qui l'épuisaient. Faible, les jambes vacillantes, elle fit le tour de son matelas, et s'adossa au mur. Oui, c'étaient les premières neiges de la saison. Mais la maladie qui la rongeait, elle, avait pris place dans son corps depuis trop longtemps.

La réalité, dans toute sa cruauté, lui tenaillait les entrailles, serrait impitoyablement son coeur.
Il s'en était allé. Parti, évanoui. Toujours personne, et ce froid qui soufflait en elle... Elle gémit son nom, dans un sanglot étranglé. Personne.

Elle n'avait pas compris, sur le coup. Que c'était la distance. Que c'était des adieux. Il était parti, avant qu'elle puisse lui annoncer qu'elle attendait un enfant de lui. Lorsqu'elle comprit, il était trop tard.

Il l'avait abandonnée. Et au fond d'elle, tout au fond, elle savait qu'elle voulait ignorer pourquoi. Quelques semaines après, sa fille venait au monde, suivie de près par la maladie de poumons, létale, de sa mère.

« Tu grandis vite, ma puce... »

L'enfant, somnolant dans des draps et des étoffes pauvres, sommeillait à côté. Un sourire tendre se peignit sur le visage de la femme, contrastant avec ses yeux cernés et embués, telle une fleur fanée. Sa progéniture, âgée de quelques années elfiques tout au plus... Laën. Les yeux bleus délavés de l'enfant lui rappelaient, incessamment, ceux de son amant évanoui dans la nature. Elle avait le même visage que sa mère.
Peut-être la laisser à son oncle, ou à l'un de ses amis... Ils s'occuperaient très bien de la responsabilité qu'elle laisserait derrière elle, créature lâche et souffreteuse... « Car je vais mourir ».


« Ma chérie, reste là, et... ne bouge surtout pas. Je reviens. »

Les lèvres de la femme s'étirèrent, délivrant un sourire douloureux et des yeux embués de larmes. Ceux de sa fille la regardèrent, trop naïfs, et acquiescèrent docilement.

« Oui ! »

Et la petite Elfe resta sous le porche, s'asseyant contre le mur, frictionnant ses bras contre le froid qui faisait trembler son jeune corps sous les vêtements trop fins.
Encore trop jeune, elle ne sut pas que sa mère ne reviendrait jamais.

De cette femme coquille, coquille vide, les mains crispées sur sa poitrine, cette femme qui pleurerait son amant parti jusqu'à ce que la mort ait raison de sa vie, Laën ne garderait à l'avenir que des souvenirs effacés, ceux de la femme qui l'abandonna aux mains du destin alors qu'elle était encore à l'aube de sa vie.

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Re: [BGElfe] Laën

Message par Laën » mer. 6 juillet 2011 à 16h13

[ image externe ]

II - Horizon
Nous sommes en automne, à Gludin, qui est une ville alors particulièrement prospère et peuplée. Propre, tranquille, ses entrées sont gardées par des miliciens qui veillent à ce que son climat calme se préserve comme il le fait depuis des années. A Gludin, on aime sa neutralité, et on est fier de faire prévaloir la force physique pour travailler aux champs.

Mais c'est le centre de la ville qui nous intéresse présentément. La populace locale s'était massée autour des joutes hebdomadaires qui se tenaient dans la ville. Elles avaient, du moins, le mérite d'occuper la plupart des paysans.



Collée contre la barrière de bois, la jeune Laën assista à la chute héroïque d'un des deux combattants dans un stroboscope d'images nettes, la bouche grande ouverte, les yeux pétillants, le cœur palpitant d'inquiétude. Son allure accusait une certaine maigreur, et elle était vêtue très simplement, ses sandales usées foulant le pavé. Dans la foule, elle était la seule elfe, et elle applaudissait le vainqueur avec des yeux émerveillés. Une fois le duel fini, quelques paysans se dispersèrent, retournant à leurs besognes quotidiennes.

Des mains rugueuses se posaient sur l'épaule du gagnant de la joute, celui-ci affichant à tous sa victoire en faisant tournoyer son épée d'un air satisfait. Personne ne regardait le perdant, le nez dans la poussière, blessures ouvertes. Laën se pencha un peu plus sur la barrière de bois pour entrapercevoir le visage de l'homme blessé. Pourquoi diable personne ne s'intéressait à lui ?

La petite Elfe releva sa tête emplie de questions vers l'homme qui se tenait à ses côtés. Cet humain était habillé tout comme elle, la peau tannée par les intempéries, ses vêtements de petite facture reposant sur ses épaules. C'était un paysan tout ce qu'il y a de plus normal, et la courte barbe grise qu'il arborait laissait entendre qu'il entrait dans la vieillesse. Il se nommait Haldir, et surveillait la fillette – qui n'en était presque plus une à vrai dire – d'un oeil protecteur.

Il l'avait trouvée, il y a de ça des années, errant en appelant un nom qu'il ne comprit pas sur le coup. Cherchant encore sa voie, le jeune homme qu'il était alors n'avait pas de fiancée, encore moins d'entourage solide, mais il avait l'argent que lui avait laissé l'héritage de ses parents. Cette gamine avait l'équivalent d'un an en âge humain, tout au plus... Un bébé non désiré ? Un enfant de pauvres ? Certainement... Il avait fait des centaines de suppositions, et il n'avait jamais rien su...

Qu'un seul nom, « Laën ». En tout cas, elle ne fut reconnue par personne. Il l'accueillit, et Laën eut à partir de ce moment-là une dette énorme envers cet humain qui l'avait cueillie au coin d'une rue et amenée dans sa maison, regardant autour d'elle cet endroit, de ses yeux bleus et troubles.

Aussi, dès que l'enfant put comprendre, Haldir lui fit connaître son histoire et fit rentrer dans son esprit qu'elle était pour lui une fille adoptive, réfugiée, mais somme toute une étrangère. L'homme grandit, vieillit, tandis qu'au fur et à mesure des années qui s'étiraient, la surprenante longévité et lenteur de croissance de sa fille adoptive le frappait. Elle fut éduquée, apprit à parler le Commun, à aider aux champs.
Et, docile et reconnaissante, Laën sut prendre la place qui lui était laissée.

Le fermier possédait une ferme sur l'une des routes menant à la ville. Les affaires marchaient bien pour lui, et il se targuait d'avoir une assistante qui ne bronchait jamais en la personne de sa fille adoptive. Mais en grandissant, celle-ci était devenue consciente que, au-delà de la bienveillance que lui portait son père adoptif, il y avait aussi la haine et le mépris de tous ces voyageurs fortunés, qui la regardaient en ricanant, ou l'ignoraient complètement.



Haldir s'affaissa sur la dite barrière, tandis que Laën se hissait du haut de sa petite taille pour regarder l'homme vaincu, à terre.

« Père... Personne ne se préoccupe-t-il du perdant ? »
« Eh bien... Non. Vois-tu, la chute d'un homme n'intéresse personne. Les perdants restent dans l'ombre. »


L'elfe posa ses mains sous son menton, contrariée, et retint la leçon.

« Oui. »


Elle s'épanouissait. Bien sûr, la concernant, le terme était à prendre avec mesure. Peu à peu, les pensées de la pré-adolescente s'égaraient vers ses origines.
Haldir pensait qu'elle s'y était faite, que cela lui importait peu. Après tout, c'était un humain, un edain... Pas comme elle. Un jour, il vieillirait, et mourrait.

Elle se savait différente, incomplète. Et cette impression en appelait une autre, comme dans un effet boule de neige, mystérieusement orchestré. Comment une absence de souvenir pouvait-elle solliciter une telle envie ? Au fond, le peuple Elfique était son espoir, son identité. Cefedellen... Elle s'y rendrait. La certitude lui sembla si claire qu'elle se demanda comment elle n'avait pas pu le réaliser avant.

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Re: [BGElfe] Laën

Message par Laën » sam. 9 juillet 2011 à 18h33

« Je tiens ce monde pour ce qu'il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle. »
William Shakespeare.

[ image externe ]

Une donnée quantifiable.

III – Transparence
L'elfe frottait avec un zèle quasi-inexistant le bois de l'objet qui lui avait été confié, observant avec ahurissement les magnifiques étoffes des prêtresses qui passaient près du temple d'Eva.

Laën était arrivée à Cefedellen il y a maintenant quelques semaines, et ne semblait pas causer de remous au Temple d'Eva où on l'avait domiciliée. Bien que le village Elfe soit renfermé par nature, ses habitants n'eurent pas de mal à accepter l'arrivée d'une de leurs semblables. Elle était arrivée comme n'importe qui, et elle avait demandé à apprendre auprès des siens. On lui céda une place au Temple.

Ses compagnons étaient des Elfes nés ici, de bonne famille, qui n'aspiraient à rien d'autre qu'à passer leur vie ici, à protéger leurs terres et la Déesse. Si elle était ici, c'est qu'elle avait été abandonnée, qu'elle n'avait pas d'accroche et qu'elle s'en cherchait une ; et après tout, mieux vaut ne pas courir après les souvenirs, lui dit-on. On l'enseigna au combat, au fleuret, à l'archerie. Elle regardait parfois avec une envie qu'elle tentait de réprimer les soigneurs délier leur magie blanche au-dessus du corps des blessés, refermer les plaies. Qu'il devait être grisant de palper la magie, la puissance sous ses doigts !

Les années s'étirèrent. Chaque jour, on la fit participer aux prières à l'honneur d'Eva. Chaque jour, elle fût entraînée à honorer la déesse de son peuple, à ne jurer que par elle, tant et si bien qu'elle s'en trouva convertie, comme devait l'être n'importe quel Elfe né dans une bonne famille.
On lui apprit des chants à la gloire de sa déesse, des lyres qu'elle suivit méticuleusement et docilement, et réutilisait pour exalter les esprits lors des cérémonies ou lors des duels.

Elle ne se sentait pas envahie par la foi, pour autant. Elle n'avait jamais connu l'exaltation, la joie qui emplit n'importe quel fanatique de servir, de se sentir unique aux yeux de sa Déesse.
C'était une plutôt croyance vague, nonchalante, sans ferme conviction, comme tout ce qu'elle avait entrepris depuis qu'elle avait élu domicile comme apprentie dans le Temple de Cefedellen.

Elle, elle n'était ni un prodige, ni une arcaniste de génie : elle n'était, après tout, qu'une fille de ferme qu'un humain avait recueilli avant de vieillir puis de s'éteindre. Au coeur de cette vaste scène de théâtre qu'était la société des Elfes comme celles des autres êtres. Elle était une donnée quantifiable, se fondant avec les murs richement ornés des temples luxueux dans lesquels elle s'exerçait... avec l'espoir que peut-être, elle deviendrait l'un de ces gens solaires, ces personnages auréolés de gloire que tous regardaient. Et une seule question tourmentait alors l'esprit de Laën.
Brillerait-elle sur la scène ou demeurerait-elle un personnage secondaire ?

Un autre jour, non loin du village, dans les plaines tranquilles de Cefedellen.
L'herbe verte des terres elfiques était doucement caressée par une brise tiède, cela causait de grands frissons à la surface du monde. Des bruits parasites venaient cependant troubler le calme millénaire de cette nature. Autour d'une petite arène délimitée par des rondins de bois, grouillait une petite dizaine d'apprentis, tous Elfes.
Au milieu de cette arène, Laën faisait face à l'un de ses camarades de classe, dans un duel amical, organisé tous les ans pour les apprentis, dans le cadre des marches consacrées à Eva.

L'adolescente considéra le jeune Elfe en face d'elle, puis détourna les yeux, une rougeur apparaissant sur son visage que personne ne vit. Son adversaire se nommait Idril, et il était plus grand, en tout : en âge, en taille, en beauté, en talent. Elle, n'avait été que derrière, en tout. Observer les exploits de son aîné, ce regard plein de fierté que son mentor n'avait jamais eu que pour ce dernier et essayer, juste essayer de se hisser à sa hauteur.

Le duel démarra, laissant les deux apprentis se mettre dans la position de combat règlementaire. D'une pression sur ses jambes, Laën éxécuta un saut agile vers son adversaire. Esquivant rapidement d'un pas en retrait sur le côté, ce dernier ne sentit que le souffle de la dague frôler sa joue. Dans un tintement métallique, la dague de l'adolescente fut succinctement bloquée par la lame de l'épée d'Idril. Les coups étaient précis et réfléchis mais l'un des élèves ne semblait mettre en jeu dans ce duel autre chose que le besoin de défier l'autre, de se confronter à lui, de rechercher la domination.

Laën reculait mais la lame l'accompagna, suivant la chair de son cou, lui rappelant péniblement à quel point ses réflexes étaient mauvais. Butant bientôt contre les limites du terrain d'entraînement, elle dût stopper là son retrait et sentit le tranchant de la lame pénétrer sa chair, ne s'arrêtant que lorsque la première goutte de sang s'y forma.

« Touchée. »

S'animant d'un sourire méprisant, acide, Idril la toisa avec l'assurance des vainqueurs. Satisfait de sa victoire, il se détourna d'elle. Laën avait eu beau faire tous les efforts possibles, elle n'avait pu que le regarder de loin, lever ses yeux sur lui, indéfiniment, et supporter de ne jamais parvenir à le rattraper. Et jamais elle n'avait gagné.
… Elle aurait juste aimé qu'il tourne son regard vers elle... Mais il fixait les autres filles, les filles au visage de porcelaine et à la grâce nymphatique. Seule une amitié insipide la liait à ses congénères, et contempler leur bonheur accessible lui était trop douloureux.
A côté, son amitié fragile lui paraissait fade et sans saveur. Y avait-il des êtres indignes d'être aimés... ?

Invisible, c'était pourtant quotidiennement qu'elle s'exerçait.

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Re: [BGElfe] Laën

Message par Laën » dim. 10 juillet 2011 à 19h15

IV - Furtif
[ image externe ]
Les verres tintaient sous les flots d'alcool. Contre le bois vermoulu du comptoir, une elfe posait ses coudes, le regard absent, au milieu de l'animation enjouée des voix des convives. Ses pensées étaient là, défilaient, alors qu'elle fixait avec ennui l'horloge accrochée au mur. L'objet vivait sa vie de mécanique, son tic-tac régulier couvert par le bruit des convives.
Elle aurait voulu arrêter le temps, arrêter l'heure et se complaire dans cet instant rêveur ; mais le temps allait, il passait et lui prenait un peu d'elle, de seconde en seconde.

Apporter des soins à ses frères et combattre contre les ennemis du peuple Elfique, voilà ce que Laën, alors âgée de 84 ans, avait prétendu pour quitter le village de ses ancêtres. Le prétexte niais avait fonctionné à la perfection, et ses supérieurs l'autorisèrent à quitter sa division.

L'elfe, à force d'entraînements infructueux, avait pris comme dernier recours l'enseignement à la médecine. Alors que le roi Garius venait de se révéler dans une chute aussi soudaine que fatale, elle avait établi ses bagages à Giran, en même temps que son indépendance. Ce jour-là, elle avait réussi à dénicher une habitation, qui, à bien des égards, lui sembla le reflet de son âme, celui qu'elle aurait aperçu dans un miroir. L'ensemble des passants l'ignoraient, et, à moins de précisément savoir où elle était, on ne pouvait que passer à côté de cette petite maison nichée au milieu des autres.
L'ennui comme la routine s'installèrent, et elle se laissa vivre dans un alanguissement distrait pendant une année.

Elle s'était un jour trouvé un talent dans le maniement de l'eau, mais son estime avait été revue à la baisse à force de côtoyer l'élite des arcanistes, qui la mettaient face à ce qu'elle ne serait jamais : une mage respectée, capable de protéger et défendre pour ses valeurs – présomption naïve, que bien des êtres en ce monde détenaient. Le seul talent qui lui restait était cette forme de félin, qu'elle avait appris à adopter à force d'études... elle pouvait adopter la forme d'un félin immaculé, furtif tout comme elle.
Spoiler:
Sub Spell Singer

La jeune femme déposa quelques pièces sur le comptoir, et s'en alla. Au sortir de l'auberge, les rues n'étaient que peu fréquentées, et elle n'eut aucun mal à regagner la place, ses pieds heurtant les roches éparpillées sur toute la surface de la ville détruite. Alors qu'elle franchissait le porche, une silhouette retint son regard.

Un jeune homme, dont elle ne put déterminer l'âge tant ses blessures pesaient sur ses épaules et son visage, se tenait appuyé sur une béquille, discret, fugace, et seul. Un jeune homme aux habits pauvres, qu'elle trouva captivant. Deux yeux gris abritant une réalité détruite. Une volonté, qui ne demandait qu'à jaillir. Une force. Un jeune homme au milieu de tous les autres, plus beau dans sa troublante solitude. Si fascinant...
Bouge, corps, bouge ! Rejoins-le !

Il était l'aimant, le miroir qui l'attirait. Et elle était la répulsion. Paralysée, figée.
Comme toujours.

Angueran Archibald.

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Re: [BGElfe] Laën

Message par Laën » dim. 10 juillet 2011 à 20h25

[ image externe ]

V - Refuge
Laën, établie à la cité détruite depuis plusieurs mois, s'était significativement rapprochée de la Vindicte Écarlate. Elle n'avait pas encore rencontré officiellement la moitié de ses membres, même si sa tendance à l'indiscrétion lui avait permis d'en connaître un certain nombre - non réciproquement. C'était à peine si elle osait paraître devant eux, persuadée que sa faiblesse la rendait pour l'heure inutile.

Les yeux bleus exprimaient encore et toujours le doute, mais semblaient s’être démunis de cette méfiance farouche qui les caractérisait. Pour la première fois, l'Elfe avait le sentiment d’appartenir aux lieux où elle se trouvait. Elle ne leur avait pas prêté allégéance, mais chaque jour passait en renforçant ses liens avec les membres de la Vindicte.
Elle avait, de tout temps, appris à suivre ce qu'on lui ordonnait, et ce avec le sourire. Mais cette fois-ci, c'était différent. Ici, peut-être...

Un certain écuyer à la chevelure charbonneuse n’était pas étranger à ce changement. Une fascination restait en elle, qu'elle n'osait nommer ou formuler. Une flamme frémissante, qu’elle regardait avec inquiétude, de peur qu’elle ne s’embrase et la consume entièrement. Mais elle ne voulait pas qu’elle disparaisse… Parce que, cette fois, ce n’était pas le besoin d’avoir quelqu’un pour rival…
C'était bien loin de l'admiration mêlée de rancoeur qu'elle avait ressenti autrefois, au temple, il y a tant d'années déjà.

Elle était quelqu'un de faible, autant dans le physique que dans le caractère. On le lui avait répété. On avait imprimé, petit à petit, cette réalité au fond d'elle. Se trompait-elle ?
S'il existait autre chose en ce monde, quelque chose auquel elle puisse, petite nuisible, aspirer, elle fut persuadée, au fil du temps, qu'ils lui en montreraient le chemin.
Spoiler:
Clantage Vindicte Ecarlate.

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Re: [BGElfe] Laën

Message par Laën » dim. 17 juillet 2011 à 00h07

Le destin est impitoyable et la comédie se joue, les Dieux riant de l'ironie du sort qui semble fatalement s'abattre sur les âmes de ce monde.
[ image externe ]
VI - Funèbre
15, Rougefeuille de l'an 46.
Althena était détruite. Près de la mer, de là où l'île fumante, dévorée par les forces de Zaken, était encore en vue, un petit campement s'était installé, où des soigneurs en sous-effectif s'affairaient autour des blessés. Il s'était produit un véritable massacre, et les armées d'Aden et des autres villes avaient subi de très lourdes pertes.

Elle commençait à appréhender de rencontrer les cadavres des champs de bataille, les blessés gisant sur les lits d'hôpitaux... A prendre, enfin, totalement conscience de l'utilité qu'elle représenterait en tant que soigneuse, sans en être jamais remerciée.

Au détour d'un lit, le premier corps gisait sur un matelas, le visage du mourant figé dans une expression vaguement surprise. Le visage la choqua. On ne prenait pas attention à ce jeune soldat, dont le corps gisait sur un matelas de fortune, étendu à même le sol fangeux - les armoiries présentes sur son armure défoncée indiquèrent à la jeune soigneuse qu'il appartenait à la Légion Eclatante. On l'avait ramené de l'île décimée par la bataille, et il était là, délaissé, seul. Laën tendit sa main tremblante, et lui ferma les yeux. Doucement. On aurait dit qu'il dormait, maintenant. Mais il ne se réveillerait pas. Un de ses bras semblait comme déchiré et la cause de la mort était évidente : son ventre avait été transpercé. La mort l'avait cueilli rapidement, constata-t-elle.

Ces visions la rendaient malade, et elle détourna la regard l'espace d'un instant. N'était-elle pas médecin, pourtant ?
Durant ces mois pendant lesquelles elle s'était lancée corps et âme dans son métier de soigneuse, enchaînant les soins magiques les plus difficiles, elle avait participé aux batailles, de celles qui vous propulsent en plein dans l'ampleur de l'atrocité du monde...

Depuis que Noct avait surgi des profondeurs abyssales, elle avait vu des charniers, et son innocence s'était dégradée lentement mais sûrement, au contact de ces immenses morgues que créait la folie de l'Immuable, l'ironie de cette éternelle guerre que menaient les mortels. Et la souffrance, celle de la chair qui ne cesse jamais. Lentement, elle prenait la mesure du monde qui l'entourait, de chaque implication qu'engageait chacun de ses choix.

La peur se jouait de sa petite fierté et la saisissait contre sa volonté, lui glaçant le sang et la remplissant d'appréhension face à ce que ses yeux allaient bien encore pouvoir rencontrer.
Quand elle aperçut la blessée suivante, son souffle se coupa un instant. C'était une humaine, prostrée, tandis que l'état de ses vêtements, les traces sur son corps et son expression éteinte ne lui laissèrent pas de doute sur le sort que son agresseur lui avait réservé... Il était mauvais d'être une femme. Elle frissonna, choquée par l'image qui s'imprimait sur sa pupille. Cela lui jetait à l'âme un dégoût plus grand, une plus haute mésestime des êtres.

Ses yeux croisèrent ceux de la blessée. Lui annoncer de but en blanc que son île avait été détruite ? Que ses parents et ses amis étaient tragiquement décédés en tentant de fuir leur village qui avait été décimé par les pirates ? Dissimulant son malaise à la perfection, l'elfe lui tendit une main souriante. Pour lui offrir le soulagement, l'apaisement tant recherché qu'elle s'était engagée à parsemer dans le corps des âmes blessées, depuis ce qui lui semblait une éternité.

Au loin, une aube rosée se levait dans le ciel, insensible au carnage. Le camp de blessés, les corps froids et les tristes acteurs de la bataille furent éclairés dans une lumière traîtresse. Au loin, la mer restait insensible au destin tragique et à la souffrance, insensible pour toujours à chaque tombeau de cadavres.

« Nubile, mon amie, j'ignore où tu es partie, toi aussi. Ne reviens pas... Tout n'est que terreur et sang, ici-bas. »

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Re: [BGElfe] Laën

Message par Laën » jeu. 28 juillet 2011 à 10h51

[ image externe ]

VII - Sursis

8, Tourneterre de l'an 47.
Un pas, deux pas. Chaque pas que je fais ne me mène nulle part. Où es-tu parti... ? Tout tourne, semble s'éloigner. Implorante, j'appelle ton nom.
Mon regard se pose sur la mer. Le roulis des eaux me berce dans une lente mélodie. Mon coeur cesse de battre follement, se calme, s'accorde. Juste un creux, sans fond, au milieu de ma poitrine. Le tumulte des vagues fouette mes chevilles, éclabousse ma peau de ses flots cruels et insondables. L'eau, amie traîtresse, glace mes pieds, la neige mord ma peau mais je ne sens rien.

Que je ferme les yeux, et la douceur de ses lèvres, son odeur ou la sensation de sa main emprisonnant la mienne tourmentent mes sens. S'enivrer, juste une seconde, fuir la solitude et rester prisonnière des rêves. Sadiquement son absence attise sans cesse la peine qui me dévore, et la douleur revient. Le désespoir perle à mes yeux, humide. Oublier, juste une seconde. Paupières serrées, je lutte pour oublier ce tourment incessant... Mais le noir ne reste pas vierge bien longtemps. Des images défilent, des phrases, éparses, qui le concernent toutes.
Ce n'est pas moi, cette femme, dans le reflet, qui me regarde, figée, glacée. Elle est laide, hideuse dans l'eau qui déforme tout. Où est-tu parti, mon Amour ? Je t'aime, comme aucun d'entre eux ne pourront t'aimer... Pourquoi ?
Je m'accroupis pour raffermir mes jambes chancelantes, et reprends une gorgée – sensation de faiblesse, presque un envol, presque agréable. Comme l'abandon qui suit l'alcool. Mais on ne plane pas éternellement. La chute vient. Mortelle.

Visages flous. Bribes de souvenirs heureux. Moments sans importance. Le reflet translucide d'un verre posé sur un coin de table et une voix dont le timbre ne lui est que trop connu. Le sourire d'un homme aux cheveux noirs comme le charbon, pour lequel elle s'est consumée d'amour. Elle a beau se poser la question, inlassablement, elle ne parvient jamais à entrevoir de réponse.
Tout est noir désormais ; le manteau de glace de l'extérieur, et celui des ténèbres qui assombrit l'esprit et engourdit les sens. Seul le besoin de le retrouver la garde vivante.


Où es-tu ?


27, Tourneterre de l'an 47.
Progressivement les fils de sa longue vie se déliaient, s'étiolaient, fins rubans déchiquetés qu'elle voyait s'envoler. Le souffle provoqué par sa chute leur fit décrire quelques arabesques colorées, avant de disparaître mollement. Qui chercher ? Qui haïr ? Tous, pour être vivants, pour être là, et pour continuer à vivre, insouciamment, et à ne pas savoir, et à ne pas connaître ce qu'elle vivait, elle, ce qu'elle ressentait.
Elle avait tout laissé derrière elle.

Elle courait. Une traque sans fin, à la recherche de l'être aimé. Le vent sifflait à ses oreilles. Elle voulait combler le vide dans son ventre, réchauffer son cœur glacé. Peine perdue, quelle importance ? Chaque pas qu’elle faisait le menait vers lui, sans qu’elle puisse l’empêcher. Elle exaltait sa magie, comme si mettre l'eau en furie allait lui faire trouver sa piste plus rapidement.

C’était comme si son image était partout autour de l'elfe. Une illusion, probablement. Elle ne sentait plus les émotions autour d’elle, ni en elle. Tout cela basculait dans le gouffre de ses entrailles déchirées. Tout était flou, dénué d'importance. Elle courait. Le paysage défilait à toute allure. Etait-ce bien lui ? A travers l'hiver de Sirra chaque humain qu’elle croisait semblait porter son visage. Les jours et les nuits avaient défilé, sans qu’elle s’en rende compte. Une traque inlassable, qu’elle n’avait pas interrompue une seule minute.
Mon Aimée,

Les jours passent, et ton absence me revient chaque seconde comme un poignard en plein cœur. Je ne parviens à oublier le moindre instant les courbes parfaites de ton visage, ou la douceur satinée de ta peau contre la mienne. Ces bribes de souvenirs sont ma seule attache encore à ce monde torturé de maux, tels des brasiers me réchauffant dans cet hiver interminable.

Je sais que tu ne comprends mes actes, ni même mon départ. Et te connaissant, tu dois garder cela au plus profond de ton cœur pour n'offrir que des sourires voilés aux personnes s'entichant de ton état. Et je te supplie de me pardonner de mon départ. Pour le moment, je ne peux t'en donner les raisons, mais sache une chose : quand on ne peut détruire le Mal, on doit s'allier avec pour le détruire même au prix de sa vie. Et c'est cela que je fais, simplement pour toi, et les autres. Ce sacrifice de ma propre âme et ma vie sont que pour ton sourire perdure dans les Âges.

Je te suis, sans que tu le saches. Je t'épie parfois déambuler dans Aden à parler avec Mariel, ou encore Sayuri. Ou encore quand tu dors, emmitouflée dans nos draps, serrant l'oreiller contre toi pour combler ma présence. Je suis là, tapis dans l'ombre, à rappeler nos souvenirs par ta contemplation.

Je reviendrai. Ici, ou Ailleurs.
Promet-moi de ne point m'oublier.

Je t'aime.

A.A.

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Laën
Flame of Splendor Barakiel
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Re: [BGElfe] Laën

Message par Laën » sam. 18 février 2012 à 12h44

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Il n'y a pas de fins heureuses dans ce monde – juste des batailles et du regret : Laën avait pressenti celle du Sud, de son royaume et de ses espoirs, tandis que sur l'esprit de tous les elfes planait une menace sourde, trop grande pour qu'elle puisse en comprendre la pleine mesure. Comment l'avait-elle su ? Le destin, sûrement, ou la fatalité. Mais c'est ce jour-là qu'ils avaient fui.

Finalement, rester en vie, loin de tout, lavée de soupçons et de sang, était la pire des culpabilités qui pouvait enserrer son être. Mais pourtant, ils avaient fui. Pas pour Aden, pas pour la Vindicte.
De mauvaises raisons.

Mais ça n'avait rien de surprenant. Elle se trouvait elle-même répugnante. Mais que pouvait-elle faire d'autre, sinon le suivre ? Elle s'était décidée. Une fuite en avant, loin du sang et de la menace qui planait sous leurs yeux impuissants. Jamais, jamais elle ne dépasserait deux siècles – pas sans Angueran.
L'amour, nom masculin, comme lui.
La folie, nom féminin, comme elle.



Par réflexe, le regard de l'elfe se porte à la bague, frappée d'un V, qui n'avait pas quitté son index, alors que des dizaines de noms reviennent dans son esprit, chacun résonnant dans un ton accusateur. Une insigne bien indigne d'elle.

Ne pas penser...
Partir.

"Pardon... Pardon..."

Ne pas penser à ce qu'elle laisse derrière elle, et à ce que l'avenir réserve.
[Disparition de Laën.]

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