[BG] Ciaran

[Coutsait]

Le soleil s’endormait lentement à l’horizon, offrant à l’océan un doux glacis, habile mélange de carmin et d’orange… Des couleurs rappelant le vin et l’or, mais également le sang et le feu.
Ces deux teintures sont les reflets de ma vie… Elles peignent mon chemin…
Du début, jusqu'à la fin… Si Einhasad le veut…




Au loin, enfermés dans les appartements du navire, les pirates chantaient leur joie au Dieu des festins, de l’alcool et des femmes.

« C’est quand le rhu meuh cou ou leuuh
Quand les va gueuh s’enrou ou leuuh
Que l’on chant’ra à tue tête
On est, leeees rois de la fête »



Pendant ce temps, suspendu au dessus de la proue, un seau sous le coude, un torchon dans la main droite, Ciaran nettoyait avec attention la dame sculptée, repassant chaque volume, soulignant chaque trait, creusant chaque ride…

Il effectuait la tache, silencieux, bercé par le doux chant des vagues, enlacé entre les bras des sylphes. Il ignorait simplement, la joie de ses camarades, les rires, les chants, et les parfums de tabac et d’alcool.
Un parfait moment de paix venant briser le rythme infernal des abordages sanglants et autres pillages chaotiques.

Enfin, un moment à lui…
Enfin, un moment pour lui…

…Le silence…


Puis soudain, le son d’une prothèse en bois martelant le pont de manière saccadée. Quelque raclement de gorge, un ou deux rires étouffés sous une barbe…
Pas de doute, le Boiteux arrive… Toujours trahi par sa démarche de vieillard claudiquant.

Le jeune marin sourit doucement avant de se retourner habillement, puis de s’allonger sur la proue, les yeux tournés en direction des nuages, attendant l’apparition du loup de mer.


« Faolan !
Ah, t’es là gamin. »

Le boiteux se penchant par-dessus le pont, renifla un bon coup et sourit largement, dévoilant son unique dent, une gencive tout aussi enflée que rougie, et quelques chicots au fond de la bouche.

« Quand t’auras fini, viens nous r’joindre dans la calle gamin, ya d’la putain fraîche ahah ! »

Le rire du capitaine donna naissance à une toux grasse, maladive. Il cracha une glaire, s’essuya les lèvres avec sa manche, et repris, oubliant la substance jaunâtre qui pendait encore à la pointe de sa barbe.

« Aaaah, par Einhasad, ces chiens d’Heine n’avaient pas un gramme d’or sur eux, que de la femelle vierge, poursuivit il, crachant une nouvelle fois.

_Mauvaise pèche mon Capitaine, mauvaise pèche… Mais on pourrait peut être revendre les femmes sur les ports de Gracia, non ? C’est que ça se vend cher les filles de la haute.

_Hummmm, le vieillard semblait réfléchir tout en caressant sa barbe hirsute.
T’as p’t’être pas tort gamin… Ouais, t’es pas stupide hey hey. Mais avant, je compte bien leur passer dessus ahah. »

Le Boiteux retira sa ceinture en cuir, enroula la peau usé autour de son poing, puis s’écria par-dessus le pont.

« Chiens de galeux ! On a pas pu voler votre or, qu’Einhasad le garde, on violera vos femmes ! »

Les deux humains se mirent à rire ensemble…


« Capitaine ?

_Ouais Faolan ?

_Je… Festoyez sans moi, cette nuit encore j’écouterai les sylphes, j’ai besoin…

_Par Fafurion, encore avec tes fadaises ? Peuh !
Va donc écouter les vents pendant que les hommes se videront les bourses… Ca fera plus de chair fraîche pour moi après tout ahahahah !
Allez, que la mer te garde mon gamin. »



Quelques mois plus tard, le scorbut emporta le Boiteux.