Liudiwynn

Ici se trouvent les BGs des héros décédés, paix à leurs âmes.

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liudi
Zombie Lord Farakelsus
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Liudiwynn

Message par liudi » ven. 15 juin 2007 à 10h26

~ Prélude : Bons Baisers de Rune ~
- Liudiwynn -

Le bureau de son Eminence Monariel Delth Bricassar ressemblait beaucoup à ce dernier. Tout était présent pour donner une impression de tassement bureaucratique écrasant, de richesse pieuse et d'honneurs consacrés. Ceux qui comme moi savaient lire entre les lignes pouvaient cependant saisir au cours d'un examen plus minutieux quelques détails qui juraient avec le reste du décors, et les apparences extérieures du personnage.
J'avais fait campagne à de nombreuses reprises avec Monariel du temps de ma jeunesse, et peu se douteraient aujourd'hui en détaillant la silhouette trapue et avachie de l'elfe, engoncée dans son lourd manteau aux couleurs sombres mais riches de sa haute fonction ecclésiastique, que ce dernier fut l'un des plus féroces combattants à avoir fouler le sol des champs de bataille pour la gloire de notre Eglise et la sauvegarde de la Sainte Parole.
En le voyant ainsi, presque fondu d'une seule pièce dans son énorme fauteuil de velour violacé, les quelques brins de cheveux blancs épars dissimulant à grand peine sa calvitie avancée, ses paupières lourdes dissimulant avec paresse son regard de prédateur, beaucoup le prenaient pour une relique du passé tout juste bonne à japper de veines menaces de temps à autre. Il jouait de cette image à dessein; mais je savais que, de là où je me tenais, il ne lui faudrait guère plus que le temps de deux battements de coeur pour sauter par dessus l'imposant bureau de bois précieux et franchir la quinzaine de mètres nous séparant pour venir me fendre le crane en deux d'un revers nonchalant de la masse de guerre dont il ne se séparait jamais.
Enfin bien sûr, cela si je lui laissais le loisir de disposer de moi ainsi.

"Royan, fit la voix suave de mon ancien compagnon d'armes derrière moi depuis son fauteuil capiteux, mon vieil ami Royan... n'est-il point plaisant pour deux fossiles comme nous de pouvoir ainsi contempler la jeunesse grandir et s'épanouir en notre sein protecteur et... juste?"

Appuyé contre l'une des fenêtre-meurtrières élancées qui filtrait la lumière extérieur un peu comme un maître-loup laisse passer avec d'infinies précautions un visiteur inopportun, j'observais effectivement l'une des récentes recrues s'entrainer avec un maître d'armes dans le luxuriant petit jardin clos en contrebas.
Il n'était pas dans les habitudes des règles du Chapitre de donner des leçons particulières à un acolyte à l'écart de ses Frères et Soeurs, mais cela nous donnait le loisir, à Monariel et à moi, de pouvoir l'observer confortablement depuis notre nid d'aigle. Ou peut être devrais-je dire, notre nid de vautours.

L'objet de notre attention était une femme.
Je me souviens encore parfaitement du jour où elle s'était présentée aux portes du Chapitre.
Ses cheveux étaient alors longs jusqu'à la taille, et bien qu'on les lui aie coupés depuis pour l'aligner à la discipline religieuse et la rigueur militaire omniprésente des lieux, elle conservait la même grâce, le même port altier et la même beauté fière et racée qu'à son arrivée.

J'étais sur le point de partir en mission vers les terres de l'est de la capitale ce jour là, et me trouvais à proximité de l'arche sud où elle souhaitait qu'on lui livre passage afin de s'entretenir avec le Seigneur des lieux. Le conciliabule qui s'ensuivit entre elle et les Gardes-Sceau qui refusaient d'aller déranger son Eminence pour un visiteur sans rendez-vous ne me revient pas en détails, mais le ton calme de sa voix, l'expression de sa résolution présente dans le moindre des traits aristocratiques de son visage, la flamme froide dans son regard bleu-gris... tout cela il me suffit de fermer les yeux un instant pour le revivre.

Que le Seigneur de Bricassar lui permit de monter le voir ce jour-là, malgré sa réputation de vieil ermite, passait encore. Mais quand la nouvelle se répandit qu'une inconnue avait été admise en nos murs pour suivre la redoutable formation de Défenseur de la Foi, les bruits de couloir fusèrent de toute part.

Une inconnue vraiment? Pas tout à fait. Certains avaient comme moi entendu parler de l'histoire tragique de cette Maison de la noblesse elfique qui était tombée suite à l'attaque et la mise à sac de leur castel, et la mise à mort de tout ses occupants par les assaillants. On raconte que comme le benjamin de la lignée avait pris pour femme une humaine, cette dernière était mal vue par sa belle-famille et avait fait l'objet de tentatives répétées d' "éloignement" de la cour, afin de limiter son influence dans les affaires familiales.
Indésirable, la fille qui était née de cette union avait été maintenue à l'écart depuis sa naissance. Reléguée dans un manoir de campagne, c'était cette "punition" qui lui valut d'avoir la vie sauve le jour fatidique de l'attaque.

Mais étant une sang-mêlé, elle ne trouva aucun soutien auprès des alliés séculaires d'aucun côté de sa famille.
La rumeur voulait qu'étant rapidement arrivée à court de moyens, la survivante désormais esseulée avait fini par venir frapper aux portes de notre Chapitre et que, par amitié pour sa famille qu'il connaissait bien, son Eminence de Bricassar avait dans sa grande bonté, accepté de lui fournir asile...


Bien que les rumeurs prennent souvent racine dans des faits à la nature plus ou moins véridique, je savais pour ma part qu'à partir du moment où Monariel était impliqué, rien ne pouvait plus être pris pour argent comptant.
Mais cette explication avait l'avantage de contenter tout les esprits point trop indélicats.



"Je suis Liudiwynn Selentharis de la Maison de Griffargent. C'est un honneur et un privilège d'avoir été placée sous votre haut patronnage Coordinateur Khanbel."

Elle était venue me trouver à ma porte arnachée dans sa tenue de combat complète, la chevelure fraichement raccourcie, aux première lueurs de l'aube, heure à laquelle je quittais mes appartements. J'avais reçu un contre-ordre la veille et ma mission pour Aden avait été confiée à un autre.
Pour toute réponse à mon regard inquisiteur, elle me tendit la missive qu'avait rédigée Monariel à mon attention et qui portait son sceau officiel.

Je me souviens qu'à ce moment précis, je ne savais trop si je devais prendre cette directive comme un cadeau d'Einhasad ou un piège savamment imaginé pour éprouver ma foi.


"Elle a franchi ses vingts premiers Cercles avec une aisance remarquable pour quelqu'un qui n'est pas entré en nos murs par conviction, n'est-il pas? Dire que demain, elle laissera définitivement derrière elle son statut d'Acolyte du Temple. Demain déjà... comme le temps passe vite..."

Monariel s'était rapproché derrière moi et observait par dessus mon épaule les passes d'armes de la jeune femme. Je réalisais soudain avec un certain malaise que perdu dans mes pensées, je ne l'avais pas senti s'approcher. Instinctivement, ma main trouva le pommeau de ma fidèle Vifargent ceinte à mon côté, et le contact familier de l'acier laniéré de cuir me rassura un peu, même si en l'absence de mon bouclier, je me sentais infiniment vulnérable.

"Le temps passe plus ou moins vite, selon la manière dont on l'occupe, lui fis-je, comme pour chasser mon propre trouble. Et malgré les progrès rapides de ta protégée, j'ose émettre quelques réserves sur son degré de préparation à affronter le terrain.

- Des inquiétudes? Pourtant on l'a dit être parmi les élèves les plus doués au maniement de la lame... Pourquoi dis-tu qu'elle est ma protégée, c'est sous ta tutelle qu'elle se trouve il me semble
, ajoute-t-il dans un fin plissement des lèvres.

- Toujours à poser deux questions à la fois... le temps ne t'arrange pas Monari. -moue souriante de sa part- Elle a certes d'excellentes dispositions, mais son style est trop téméraire, elle néglige trop souvent l'usage de son bouclier, ce qui est à mon sens, un frein à son apprentissage de nos valeurs de défense et de protection. Sur le plan psychologique, elle ne semble pas manquer de dévotion et de compassion, mais j'émet quelques réserves sur sa motivation profonde, voilà tout. Après tout, elle ne nous a pas rejoints par vocation.

- Je te comprends. Mais n'oublies pas que certains d'entre nous ont besoin de se retrouver confrontés à eux-même pour trouver la Vraie Foi. C'est pourquoi la prendre dans ta troupe sur le champs de bataille constituerait peut être à mon sens le meilleur des apprentissages. Au point où elle en est, ce n'est plus entre ces murs qu'elle pourra continuer à progresser.

- Si tu le dis... après tout, c'est ta protégée, tu dois en savoir plus long sur elle que moi ou quiconque en ces lieux.

- Oh, vous me portez plus de crédit que je n'en mérite réellement, Coordinateur Khanbel..."


Il partit alors d'un grand éclat de rire qui me mis étrangement mal à l'aise.



************************************************



C'était le jour J pour tout les moines guerriers maintenant un peu moins jeunes qui avaient survécu aux dures réalités du champs de bataille et dont la foi en était sortie intacte, voir renforcée. En ce jour de réjouissance tout le monde était réuni dans la Grand Cour du Chapitre.
Monariel présidait la cérémonie d'adoubement d'un air distant, siégeant derrière son imposante tribune, comme à son habitude.
Il ne semblait nullement troublé et je faisais de mon mieux pour ne rien laisser paraître non plus.
Mais nous savions tout deux qu'elle ne viendrait pas réclamer son titre de Paladin d'Einhasad.

Monariel avait eu raison. Ces dernières années passées au coeur des batailles m'avaient permis de voir ma... notre pupile évoluer, se révêler à elle-même.
Je me rends compte aujourd'hui que je l'avais sans doute toujours su.
La détermination qu'elle metait dans chacun de ses gestes, la précision dans ses coups. Ce n'était pas au nom d'une quelconque divinité qu'elle luttait.

Je ne dis mot lorsque Monariel conclut la cérémonie sans avoir appelé son nom.
Je ne dis mot quand on vint prendre le bouclier aux armes de notre Ordre divin et l'épée laissés en trop faute d'avoir été réclamés par celle à laquelle ils étaient destinés.

Tout comme je ne dirai mot lorsque je rentrerai dans mes quartiers ce soir où je sais que je trouverai sa lettre de résignation.



Lorsque l'on a passé des années à aimer une femme en silence, ce n'est pas sur la fin que l'on se trouve soudain quelque chose à dire.
Dernière modification par liudi le ven. 15 juin 2007 à 19h35, modifié 2 fois.
"Laissons les anges se battre, et les soldats se reposer." Liudiwynn Selentharis -Esprit du Duelliste

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Message par liudi » ven. 15 juin 2007 à 10h27

"Laissons les anges se battre, et les soldats se reposer." Liudiwynn Selentharis -Esprit du Duelliste

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Message par liudi » ven. 15 juin 2007 à 10h29

~ chapitre II : Mourir et laisser vivre ~
- Liuvana -


Le Silence.

La petite fille s'avance seule dans le couloir plongé dans les ténèbres.
Ses cheveux sombres sont très longs dans son dos et elle porte une robe de chambre blanche nacrée.
La nuit est noire à travers les fenêtres closes, et dans le manoir endormi, les pieds nus de la petite fille ne font de bruit aucun.
L'enfant s'approche de la porte entrebâillée.
Elle est attirée par la lumière de l'autre côté.
La lumière, c'est la vie.
De l'autre côté, des voix.
La petite fille pose sa tête contre la porte et écoute.
Elle hasarde un coup d'oeil par la mince ouverture et regarde.

Dans la pièce, les adultes.
Les adultes.
Ca parle fort et ça se dispute, ou bien ça ment.
La petite fille l'avait compris à la longue, il valait mieux ne pas répliquer.

"...car vous l'effrayiez. Cette distance que vous mettez dans chacune de vos paroles et le moindre de vos gestes avec elle la fait se sentir malheureuse et différente. Ne pourriez-vous consentir un léger effort et...

- Je l'ai surprise assise par terre seule dans la remise à fixer le chandelier. J'ai vu les flammes s'allumer une à une à chacune des neuf bougies au seul effet de son regard. Aucune enfant de cet âge ne devrait pouvoir faire cela, même sous la tutelle d'un aîné.

- Le castel respire encore une certaine magie, particulièrement dans l'aile Ouest. Il n'est pas si rare d'y croiser un Esprit farceur, et les enfants au coeur pur ont les faveurs de ces derniers...

- En épousant cette femme, c'est le mauvais oeil que tu attires sur la Maison de tes ancêtres. Et cette enfant est le fruit de la Ruine que tu as apporté en notre demeure. Elle porte le Mal ancré en elle, plus encore que sa mère.

- J'aime ma femme et ma fille, vous ne pourrez rien y changer Mère. Et si mon épouse dispose de quelque parcelle d’un certain Don, mon enfant est tout à fait normale.

- ...Sorcellerie te dis-je... L'Art Humain qui a travesti nos Arcanes Sacrées. Ils prétendent manier les Forces de la Nature à notre image, mais ce n'est qu'incompréhension et corruption de leur part. Ils caressent de près les Arts Scellés de la Destruction..."


La petite fille n'entend pas la suite. Elle a senti quelque chose l'agripper fort par l'épaule, la tirer à nouveau dans les ténèbres, ça lui fait mal.
Une nouvelle voix, sépulcrale, raisonne derrière elle et l'appelle dans un
sifflement de colère:

"Liu..."

Alors qu'elle se retourne pour voir, la bouche de la petite fille se tord sur un cri de terreur muet...


...et c'est sur ce cri muet que la jeune femme se réveille soudain, les yeux grand ouverts, baignés de larmes retenues, elle est dressée dans le lit. Ses cheveux courts sont collés à son visage par les fines perles de sueur de son front et ses pommettes.

Ma voix n'est qu'un murmure inaudible depuis le centre de la pièce.

"C'est fini mon bel amour, ce n'était qu'un mauvais rêve..."

D'un geste gracieux, elle passe ses jambes hors de la couche, à moitié drapée dans les couvertures, et se penche, quelques mèches cachant son regard, elle intime à sa respiration un rythme régulier.
Finalement elle se lève et se dirige vers moi de sa démarche résolue, féline, que je lui connais bien.
Elle est nue dans l'obscurité atténuée par la seule lueur de la lune, et sa nudité sculpturale, ses formes voluptueuses me plongent dans un sentiment mêlé de fierté sans bornes et de convoitises meurtrières.

Quand elle n'est plus qu'à un pas, j'ouvre grand les bras mon bel amour... qui se referment sur le vide.

Alors qu'elle traverse l'invisible, l'image de ma forme éthérée se trouble un instant, mais je peux sentir le frisson qui lui remonte l'échine comme une flamme glaciale après être passée à travers moi.

D'un mouvement de concert, nous nous retournons elle vers moi et moi vers elle, et l'éclair de l'acier luit brièvement alors qu'une longue lame Damasque semble presque lui avoir sauté dans les mains, mais cela n'a pas d'importance à mes yeux.
Ce qui importe, c'est de voir qu'alors qu'elle fait volte-face, les dizaines de bougies des chandeliers de la pièce s'embrasent comme balayées tour à tour par la vague d'un souffle ardent invisible.

Je peux sentir la lueur de peur en elle quand, d'une voix fluette de petite fille, elle hasarde, le souffle court:

"Maman?..."




Mon bel amour...
Je lui murmure durant de longues minutes quelques douceurs auxquelles elle restera sourde mais nous n'y pouvons rien.


Nous sommes toutes deux baignées de lumière, la vie, les innombrables petits éclats des bougies qu'elle a allumées grâce à l'étincelle du Pouvoir que je lui ai transmis. Notre Pouvoir. Ce pouvoir enseveli qui grandit au sein de ma fille de jour en jour sous mon impulsion patiente et répétée.

Je sais que je devrais la laisser aller, que les songes que je lui envoi lui font peur, et parfois lui font mal, je sais que je la harcèle, la poursuis, la hante.
Je suis devenu un Monstre, un monstre d'égoïsme, mais je suis satisfaite, malgré le Froid Sans Fin, je me sens bien.




Si mon Pouvoir Vit en elle...

...alors peut être ne suis-je pas tout à fait morte ?
"Laissons les anges se battre, et les soldats se reposer." Liudiwynn Selentharis -Esprit du Duelliste

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