[bghumain] Candelynthe Rhosgae

Ici se trouvent les BGs des héros décédés, paix à leurs âmes.

Modérateurs : Conseillères, Admins et GMs

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

[bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » ven. 16 juillet 2010 à 01h55

Nom :Rhosgae
Prenom : Candelynthe (alias Clothilde)
Age : 38 ans
Sexe : Féminin
Race : Humaine
Classe : Nécromancienne

Croyances : Gran Kain
Langues parlées : Commune

Descriptions physique : Candelynthe mesure un mètre quatre-vingt sept, taille tout à fait commune pour une sang-pur (les femmes étant généralement plus grandes que les hommes). Elle pèse environ soixante kilos, la peau sur les os néanmoins. Sa colonne vertébrale est déformée par la poussée de croissance mais elle se tient très droite, tachant au mieux de masquer cette difformité. Son cou est démesurément long, elle tente de le cacher sous d’épaisses rangées de colliers. Ses membres sont également plus longs que la moyenne, la rendant tout aussi gracieuse qu’arachnéenne.
Sa peau est blanche, presque translucide puisque ses journées sont exclusivement destinées à la lecture ou à l’écriture et qu’elle ne sort bien souvent que la nuit.
Ses traits sont fins, ses yeux clairs sont cernés par le manque de sommeil. Pourtant, un charme mystérieux l’habite. Son regard ne transperce pas, il voit à travers les gens, comme s’ils n’étaient ni plus ni moins que des éléments du décor. Lorsqu’elle travaille, elle porte des lunettes. Ses lèvres sont bien souvent pincées et il n’est pas rare de la surprendre à s’en mordre l’intérieur lorsqu’elle n’est pas occupée à fumer la pipe. En d’autres termes, Candelynthe affiche sur son visage le poids des dures années, des malheurs et de la fatigue permanente. Pourtant, peu de rides creusent son visage… Sûrement puisqu’il y a trop peu de peau pour en tracer. Sa chevelure est rousse, attachée en chignon bas sur sa nuque. Une mèche enroulée dans de la laine noire descend sous sa poitrine.

Ses mains sont tremblantes et ses mouvements parfois hasardeux. Elle se cogne facilement et perd parfois même l’équilibre. Certains jeunes médecins lui conseillent d’arrêter son cannibalisme rituel mais elle a préféré cesser de les consulter.
Elle porte des mitaines, cachant les paumes de ses mains et ses avant-bras. Lorsqu’elle sort, un chapeau aux larges bords cache sa peau du soleil qu’elle prend rarement. Elle porte de grandes robes foncées ou, au contraire, blanches. Un bâton de mage est enroulé dans une peau bas marché et attaché dans son dos.

Une fine cicatrice divise son dos en deux, proprement, suivant la déformation de sa colonne.

Couverture :
Nom : Haltegarde
Prénom : Clothilde
Activité : Bibliothécaire moyenne de la bibliothèque de Rune. Son travail est net, précis et sans bavure et les gouvernements successifs l’ont apprécié pour cela malgré son allure étrange et son odeur de vieille chose. De plus, à présent qu’elle est veuve, son silence est légendaire, sa discrétion tout autant mais les natifs de Rune l’ont aperçu au moins une fois.


Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » ven. 16 juillet 2010 à 02h03

Au clair de la Lune...




Petite, Candelynthe aimait peu de choses. Mais lorsqu'elle aimait, c'était pour de vrai, pour de bon.
Se blottir contre Mère-Grand, l'écouter parler des heures en se faisant caresser le haut du crâne comme un chaton, sentir son visage s'enfoncer dans cette poitrine généreuse qui avait connu de nombreux été. Le moment de la journée qu'elle préférait, jusqu'à l'âge de six ans, c'était lorsqu'elle la rejoignait alors que le soleil déclinait dans son gros fauteuil à bascule. Toutes les deux passaient la soirée à se balancer en regardant la nuit tomber sur l'Océan.
Son premier souvenir datait d'ailleurs de cette époque. Le vent marin, l'écume lointaine, les yeux délavés de Mère-Grand et le tissu vieillot de sa robe.


« Racontes-moi ma naissance, Mère-Grand. S'il te plaît. »

Candelynthe avait la tête sur la poitrine de la vieille femme, ses yeux étaient à demi-clos mais ses narines étaient dilatées, séchées par le sel. Mère-Grand donna un coup de talon sur le plancher blanc de sa bicoque et le fauteuil se balança, d'avant en arrière, imitant les vagues.


« Ta naissance, mon petit... C'était une chaude journée. L'Océan n'apportait que très peu d'air et le soleil qui se reflétait sur les flots nous aveuglait tandis que nous patientions tous ici. Car c'est dans ma maison que tu es née, ta mère ayant fortement insisté auprès de son époux. C'est ici qu'elle a grandi, tout comme toi. Pourtant, après son mariage, elle avait rejoint la demeure familiale de ton père en ville, seulement elle ne s'y étais jamais sentie à son aise. Peut-être était-ce du au fait qu'ici, elle avait toujours pu vivre sa foi comme nous l'entendions sans avoir à se cacher. Je pense qu'elle souhaitait que tu aies au moins cette attache, qui lui était à elle-même si chère. La pauvre était loin d'imaginer que tu y resterais plus longtemps... »

Un nouveau coup de talon, brisant les quelques secondes de silence que la vieille femme s'accordait pour trouver ses mots.


« En réalité, ta mère était d'ailleurs bien loin de penser que le vent tournerait pour elle avec tant de brutalité. Son mariage était très heureux, de ce que j'en sais. Clément Rhosgae était un homme honorable. Il était enfant unique et s'évertuait néanmoins à multiplier les petits exploits pour combler sa famille. Ainsi à vingt ans, il travailla pour le Conseil en occupant la place de scribe de l'Imperator. Il pu ainsi choisir une épouse, ma fille, ta mère. Je me souviens que Ycinthe a longtemps hésité avant de rentrer dans le jeu de la cour de Clément. A part son acharnement à faire le meilleur travail, ce pauvre homme n'avait pas grand chose pour lui. Ni beau, ni spirituel... Bref, pour une jeune fille romantique comme ta mère, ce n'était pas le parti qu'aurait choisit son coeur. Mais pour mon bien, je pense, elle l'a épousé. Et finalement, les deux s'entendirent plus que de raison. Puis, quatre ans plus tard, Ycinthe t'attendait. Autant te dire qu'ils ont persévéré longtemps pour ça, nous désespérions. Dès lors que ta mère fut enceinte, ton père était le plus heureux des hommes.
Et puis, à ta naissance, la famille Rhosgae pria pour que tu sois en bonne santé. Comme le voulait la coutume, tu as passé la première semaine avec une disciple, elle s'appelait Montaine. Elle a annoncé ta réussite plus tôt que prévu tant tu étais vive. Mais jamais tu n'as pleuré, ni babillé. On te pensait muette. Alors la disciple conseilla à tes parents de bien s'occuper de toi pour conjurer cette malédiction. Ils te firent voyager dans tout Elmoreden, sans résultat, jusqu'à l'accident en voilier là-bas. »

Mère-Grand pointa le doigt vers l'Océan. Elle ne le quittait plus des yeux depuis qu'il avait engloutit sa fille et son gendre, espérant peut-être un temps qu'ils réapparaissent. Dorénavant, elle attendait d'avantage qu'il vienne la chercher à son tour.

« Ensuite, la famille de ton père, accablée, accepta que je m'occupe de ton éducation puisque tu étais prédisposée à ressembler d'avantage à ta mère... En réalité, tu leurs ressembles à tous les deux. Tu as les cheveux de ta mère, mes yeux, et notre taille. Mais tu as son intelligence et sa passion. Ca, évidemment, à l'époque ce n'était pas un trait remarquable. J'ai fait de mon mieux jusque là, et jusqu'à ce que je rejoigne ta mère et la mienne, il en sera ainsi. »

Elle ferma les paupières tout en se balançant et Candelynthe l'imita. Pendant près d'une heure, elles somnolèrent ainsi, blotties l'une contre l'autre. La nuit tombait lentement, rendant l'air marin plus agressif à mesure que les vagues grossissaient en contre-bas. La petite finit par s'endormir l'estomac vide et sa grand-mère la porta jusqu'à sa paillasse. Elle s'assit à côté d'elle, veillant sur le début de son sommeil en lui caressant doucement les cheveux. Sa peau, tannée par cet air si particulier, se creusa d'un sourire triste. Candelynthe était tout ce qu'elle possédait, et elle était tout pour cet enfant également. Qu'adviendrait il d'elle si elle venait à disparaître plus tôt que prévu ?

Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » ven. 16 juillet 2010 à 02h15

Et moi j'ai besoin de ta vie de chien.








« Candelynthe ! NON ! »

Trop tard. Le chien fidèle gisait là, comme s'il venait de succomber à une maladie qui lui avait pompé toute son énergie vitale. Seulement, quelques minutes auparavant, il était encore vif et en pleine santé.
Mère-Grand se rua sur sa petite-fille, accroupie et penchée au dessus de la dépouille. Malgré son âge avancé, elle parvînt à l'attraper et à la tirer en arrière par les aisselles. L'enfant manqua de tomber en arrière mais ne résista point. Ses yeux étaient fixés sur le pauvre animal.

« Tu ne l'as pas voulu, ce n'est pas de ta faute... Allez Candelynthe, rentre à la maison, je m'en occupe maintenant. »

La petite s'exécuta, muette. La porte se referma doucement derrière elle. La vieille femme, après s'être munie d'un linceul improvisé, recouvrit le pauvre chien. Il était petit et elle n'eut pas trop de mal à le porter dans ses bras sans force. Elle l'éloigna autant que possible de la maison en attendant que quelqu'un puisse l'enterrer. Refaisant le chemin inverse, la grand-mère avait la mine de ses mauvais jours. Comment faire comprendre à Candelynthe que ce qu'elle venait de faire était mal sans pour autant la faire culpabiliser ? Sa propre fille n'avait jamais développé un tel don et elle se sentait bien démunie d'un seul coup. L'enfant n'avait que six ans, il faudrait attendre encore deux ans avant qu'elle trouve un apprentissage. Pendant ce temps, qui sait ce qu'elle pourrait faire sans s'en rendre compte... ?

« Candelynthe, mon enfant ? »

Mère-Grand ferma la porte derrière elle tout en appelant sa petite fille. La chaumière était plongée dans une obscurité seulement brisée par les quelques flammes qui s'échappaient de la cheminée. Candelynthe était là, les mains tendues vers les braises.

« Pourquoi n'as-tu pas raviver le feu, on n'y voit rien ici... »

La vieille femme se laissa tomber dans son fauteuil, fixant le dos de la prunelle de ses yeux. Elle se demandait encore comment aborder le sujet. Soudainement, Candelynthe se leva et se retourna vers elle. Ses yeux brillaient d'une étrange lumière alors que son visage, impassible et pâle, n'offrait aucune émotion apparente.


« C'était mal, Mère-Grand, mais je l'ai fait exprès. »


Sans attendre une quelconque réaction, l'enfant tourna les talons pour rejoindre sa chambre à l'étage. La vieille femme resta donc assise et muette, les yeux rivés vers le feu qui doucement s'éteignait. Elle passa la nuit à contempler braises et enfin cendres.
Pour la première fois, sa petite-fille lui fit peur. Ce ne serait point la dernière et elle savait, au fond d'elle, que c'en était terminé de leur relation d'antan. Dorénavant Candelynthe se nourrirait de cette peur pour pousser toujours plus loin ses expériences...


[...]





Des mois avaient passé depuis la mort de Bilbon, le petit chien de Mère-Grand. Candelynthe l'avait tout de suite détesté, malgré qu'à l'origine, c'était son cadeau d'anniversaire de ses six ans. La petite chose aux yeux mouillés avait rapidement volé sa place au creux des bras de grand-mère et l'enfant avait du s'improviser une nouvelle place sur le palier de la chaumière. Bilbon était un ennemi.
Pourtant, il fallait l'avouer, il était mignon. C'était un chiot, une boule de poil noirs avec une tâche blanche autour du museau et une autre sur la pâte arrière gauche. Il faisait la fête à tout le monde, même si le nouveau venu ne s'était absenté qu'une dizaine de minutes pour aller se soulager à l'arrière du potager. Oui, il était mignon. Mais avant son arrivée, c'était Candelynthe que tout le monde trouvait mignonne.
Pendant six mois elle l'avait haït de tout son coeur, faisant semblant pourtant de l'adorer, si bien que sa grand-mère ne s'aperçut de rien. Elle gagna sa confiance et il ne la quittait jamais d'une semelle sauf pour dormir sur les genoux de Mère-Grand. Le matin, il la réveillait en lui léchant les orteils et en jappant jusqu'à ce qu'elle daigne ouvrir un œil. Puis, jusqu'à leur du déjeuner, ils jouaient tous les deux à tout un tas de jeux débiles. Pendant ce temps, Candelynthe se creusait la cervelle pour trouver un moyen de s'en débarrasser.
Et puis l'accident survînt. Le petit chien se jeta sur le dos, les quatre pattes en l'air, invitant Candelynthe à lui grattouiller le ventre. La petite le fixait depuis un bon moment, imaginant pour lui les pires tourments alors qu'il se roulait devant elle pour l'attendrir. Soudainement, sa vision se troubla. Le chien était recouvert d'un millier de vaisseaux rouges, pulsant en rythme. Candelynthe s'aperçut rapidement qu'elle pouvait les contrôler par la force de la pensée. Un doigt en avant, elle tira un à un les vaisseaux rouges vers elle. Le petit chien semblait ne pas comprendre ce qui lui arrivait mais, se sentant faiblir, il rampa vers Candelynthe, posant sa petite tête sur son genoux. Il leva les yeux vers elle, la suppliant de l'aider et de le prendre dans ses bras. Alors elle éclata d'un rire noir et tonitruant, comme si elle était possédée. Le petit Bilbon inspira et gémit. Il était mort, son regard toujours posé sur la jeune fille. Peu à peu, les dernières lueurs suppliantes de son regard laissèrent place à un grand vide. Candelynthe jubilait, sans pouvoir s'arrêter de rire, exprimant ainsi sa victoire. Et c'est à ce moment que sa grand-mère couru vers elle, mais c'était trop tard.
Depuis, Candelynthe avait réitéré son expérience cherchant à retrouver cette sensation si grisante. Un chat, trois poules, un autre chien et enfin un petit renard, mais rien n'y fit. La sensation de la première fois s'était évanouie. Alors, chaque soir avant de s'endormir, Candelynthe revivait ce moment intime partagé avec la mort et Bilbon. Elle arrivait même à pleurer devant sa grand-mère lorsqu'elle évoquait la mort du petit chiot. Si cette vieille folle savait à quel point ça avait été bon...


Dernière modification par Crepuscule le ven. 16 juillet 2010 à 07h55, modifié 2 fois.

Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » ven. 16 juillet 2010 à 02h25

Quand les souris sont là, le chat danse.









Un coup de vent gelé souffla la dernière bougie qui restait pour éclairer les deux enfants. Ce n'était pourtant pas l'air glacé qu'ils devaient subir qui glaça les sangs de la pauvre vieille femme. Cachée derrière un pan rocheux, cela faisait maintenant plus de trois heures qu'elle était prostrée là, s'attendant au pire. Depuis des mois Candelynthe découchait de plus en plus fréquemment mais ses mensonges avaient terminé de convaincre sa grand-mère. Prenant son courage à deux mains, elle s'était décidé la veille à suivre sa petite fille pour connaître le secret de ses escapades nocturnes.
Quinze minutes après être sortie, Candelynthe avait retrouvé Bécadine qui l'attendait assise sur un rocher, portant un lourd baluchon. La vieille femme savait que Candelynthe n'aimait pas la compagnie de cette pauvre fille frêle et molle. Elle ne s'était bien entendu pas confié à elle pour lui apprendre une telle chose mais elle avait surprit sa conversation avec un jeune homme pas très fréquentable qui venait souvent rendre visite à sa petite-fille. Sa curiosité grimpa d'un cran quand elle la vit pourtant lui donner l'accolade. Toutes deux se mirent en route sans tarder, resserrant leurs capes autour de leurs maigres cous à mesure que la température baissait. Heureusement la grand-mère arrivait à les suivre, leur pas n'était pas rapide à cause du chemin escarpé qu'elle-même connaissait bien pour n'avoir connu que cela depuis sa plus tendre enfance. La marche dura cependant près d'une heure et elle commençait à sentir ses rhumatismes la tirailler. Puis, les deux gamines s'arrêtèrent devant une paroi rocheuse gelée et c'est seulement lorsque Bécadine pénétra dans celle-ci que la vieille femme distingua qu'en effet, un ouverture avait été creusée de la main de l'homme. Jetant un coup d'oeil à ses arrières, Candelynthe lui emboîta le pas et, si elle avait remarqué la présence de sa grand-mère, elle ne le montra point. Patientant quelques secondes, la vieille dame entra à son tour et déboucha sur un long couloir aux murs taillés de fresques étranges. Elle n'en aperçu pas grand chose car déjà le soleil tombait sur l'horizon, mais ce qu'elle vit la fit frissonner pour la première fois de la nuit.
Au bout d'une dizaine de minute qui lui parurent une heure à force de prendre des précautions tout en tâchant de suivre la trace des enfants, elle entendit leurs voix à quelques pas d'elle. Elles s'étaient arrêté. Le dos au mur, au sens propre comme au figuré, la grand-mère s'immobilisa.


« Etales ça ici, sur la pierre mais là où elle est lisse sinon les bougies risquent de tomber... »

C'était la voix de Candelynthe. Que manigançaient-elles toutes les deux ? Elle entendit ensuite le bruit d'une allumette craquer et la petite caverne s'illumina de plus en plus au rythme des bougies allumées. Si le couloir et l'entrée n'étaient pas naturels, la caverne quant à elle l'était et paraissait sans âge. De plus, quelques objets dispersés dans les coins laissaient penser qu'elle avait été utilisée longtemps avec les deux gamines.

« Tu n'as pas oublié de prendre le livre au moins, Béca ?
- Non, mais à l'avenir, j'aimerais que tu t'en occupes. Ma mère a faillit tomber dessus lorsqu'elle faisait le ménage... J'ai du inventer le fait d'écrire un journal intime pour qu'elle me lâche. Mais depuis elle me harcèle pour que je lui en lise des passages...
- Hm, d'accord. De toute façon ma vieille n'y voit plus assez clair. Elle pourrait le confondre avec un livre de cuisine. »

Les deux gamines s'esclaffèrent et la vieille dame se rembrunit. Certes, elle n'y voyait plus aussi nettement qu'avant mais de là à la faire passer pour une idiote... Elle s'autorisa un coup d'oeil vers l'endroit où les deux enfants s'étaient installées. A genoux et dos au couloir, elles ne risquaient pas de découvrir la cachette improvisée que la vieille femme s'était trouvée. Le vent glacé ne lui soufflait plus désagréablement dans la nuque et son point de vue lui permettait de voir ce que les jeunes filles faisaient sans être vues.
Bécadine était au centre d'une peau tannée sensée les protéger du froid. Huit bougies noires l'entouraient, projetant sur les parois une lugubre luminosité. La vieille femme se souvenait de ces bougies bon marché qu'un imbécile d'Einhasadien vendait à la foire. Elles étaient sensés faciliter l'accès au monde des Ténèbres. Elle était persuadée que ce n'étaient que de vulgaires babioles mais cela en disait long sur les espérances des deux jeunes filles. Posé devant les genoux de Bécadine, un gros livre à la couverture épaisse trônait. Elle effleura du bout des doigts le titre illisible et l'ouvrit au marque page. Candelynthe quant à elle se tenait derrière, plus ou moins dans l'ombre.


« Pour parler aux morts, il faut que tu récites le chapitre trois jusqu'à ce que ça fonctionne. Ensuite tu me laisseras te prélever une goute de sang au cou pour le rituel. 
- Une goute hein ? Pas plus, c'est bien d'accord ?
- Mais oui, allez vas-y. »

Alors c'était donc ça. Candelynthe se servait de la malheureuse enfant pour tester un bouquin sûrement acheté à la même étale que les bougies. La grand-mère fut rassurée mais néanmoins remontée contre sa petite-fille. A la réflexion, elle se souvînt que la petite Bécadine avait perdu une soeur aînée qu'on avait retrouvé après trois jours de battue intensive. La malheureuse avait été sexuellement agressée puis frappée à mort avant d'être abandonnée au pieds des falaises. Ca avait été une perte affligeante pour l'ensemble de la communauté Kainiste.
S'exécutant avec application, Bécadine entama sa lecture. De longues phrases sans queue ni tête. La vieille femme prit en pitié cette pauvre fille. Haute d'un mètre cinquante pour une quarantaine de kilos, elle n'avait dans son enfance subit que moqueries de la part des autres gamines toutes plus grandes qu'elle. Le temps n'avait pas arrangé les choses. Ses cheveux blonds avaient séché à cause du trop plein de soleil, des tâches de rousseurs avaient envahit son visage rond et, comble du malheur, elle n'avait encore développé aucun talent particulier à part dénouer les noeuds des filets de pêcheurs...
Une bourrasque de vent éteignit plusieurs bougies et la petite blonde s'était tournée vers son mentor pour savoir si elle devait continuer. Candelynthe la pressa de poursuivre d'un geste de la main. Son attitude avait d'ailleurs changé. A mesure que la lecture avançait, les lèvres de Candelynthe se mirent à remuer sans émettre le moindre son. Sous sa cape, ses bras s'agitaient comme si elle préparait quelque chose que son amie ne devait pas voir.

Trois heures déjà et Bécadine continuait de lire. Elle s'était voûtée et sa voix, abîmée par le froid et l'assèchement, était devenue rauque et lancinante. La vieille femme n'avait perdu aucune miette de ce qu'il se passait bien qu'aucun événement attendu ne vînt durant tout ce temps.


« Cande... Candelynthe. Je crois que... 

- Tu te sens faible, ça y est ? »

La petite acquiesça et Candelynthe avança vers elle. La grand-mère faillit soupirer d'aise mais, à la seconde où son soulagement allait devenir réel, Candelynthe sorti de sa cape une dague qui n'avait rien d'un jouet. Il s'agissait d'une arme dont la lame recourbée était ornée d'arabesques et dont la poignée luisait faiblement d'éclats rouges comme s'il avait été incrusté de rubis.

« Allonges-toi et fermes les yeux pour te concentrer sur le visage de ta soeur.»

Bécadine s'exécuta, érintée et pétrifiée de froid. Candelynthe s'agenouilla à côté d'elle et, sans prévenir, lui asséna un violent coup de pommeau entre les deux yeux. La blonde n'eut aucune réaction si bien que la grand-mère en conclut qu'elle était assommée. La situation tournait mal et elle ignorait si son devoir devait primer sur sa curiosité. Elle décida d'attendre encore un peu. Candelynthe posa la dague à côté de sa cuisse et contempla son amie évanouie quelques instants. Puis, sans savoir dans quel but, la grand-mère distingua les gestes lents de Candelynthe qui commençait à déshabiller la pauvre fille. Elle va mourir de froid, pensa t-elle. La cape fut grande ouverte, puis la sous-cape. Candelynthe marqua une hésitation puis, à gestes plus brusques, elle déboutonna le corsage et, soulevant les membres mous de Bécadine, elle se débarrassa des vêtements, laissant l'enfant torse nu. Elle s'attela ensuite à faire glisser sa longue jupe sur ses genoux jusqu'à l'en priver tout à fait mais, pour une obscure raison, elle laissa les bottines. Les rondeurs de l'adolescence marquaient déjà ce corps pâle. Ses petits seins semblables à deux boutons de roses en bourgeons étaient dressés par le froid tandis que ses hanches épaisses entouraient une toison dorée sauvage. Les petites mains osseuses de Candelynthe caressèrent la peau rendue dure par la température, puis devenant nerveuses, elles pétrirent avec vigueur tout ce qui était à prendre, à commencer par la poitrine juvénile. Le manège dura de longues minutes durant lesquelles Candelynthe profita de ce corps jusqu'à ce qu'il s'éveille.

« Cande... ? Qu'est-ce que... 

- Ah, tu t'es réveillée... »

Grelottante, Bécadine tenta sans succès de se redresser sans que Candelynthe ne l'en empêche. Le froid la paralysait totalement.

« J'ai parlé à ta soeur, Béca... Oui, je lui ai parlé. Elle est venue ici.
- Le rituel à fonctio... fonctionné ? 
- Non. »

La voix déçue de Béca était à se tordre d'émotion. Son amour pour sa soeur devait être sans borne. Mais la voix tranchante et froide de Candelynthe acheva d'attrister la pauvre créature nue. Des larmes roulèrent lentement sur ses joues tandis que ses yeux tentaient de comprendre l'incompréhensible.

« Non, il n'a pas marché puisque nous n'étions pas là pour ça. Ou plutôt, toi si, mais moi... Moi je suis là pour un tout autre rituel. Ta soeur était venu pour m'y aider, comme toi. Mais ça a échoué, comme tu as pu t'en douter puisque vous l'avez retrouvée morte.
- Tu es... folle. Qu'est-ce que tu... tu racontes ? Candelynthe ? »

La réponse semblait évidente ainsi Candelynthe ne prit pas la peine de répondre, esquissant un simple sourire ironique. Elle s'empara alors de la dague et la fit glisser sur l'abdomen de Bécadine puis, sans théâtralité, l'enfonça toute entière dans son ventre.

« Ne t'inquiètes pas, tu vas mourir et tu ne sauras pas ce qui se passera ensuite. Il vaut mieux d'ailleurs. »

Elle gloussa et sa voix soudain si enfantine faillit faire tourner de l'oeil sa grand-mère. Comment un tel monstre avait-il pu voir le jour chez elle ? Etait-ce elle qui l'avait créé ? Pourtant, elle avait fait de son mieux...
Bécadine agonisait dans des râles de plus en plus insupportable alors que son sang sombre s'écoulait de ses entrailles par gros filets. Candelynthe dégagea alors de sa lourde cape une besace en cuir étiré par un gros ouvrage. Elle l'en tira et ouvrit la page souhaitée sans hésitation, comme si elle connaissait le livre par cœur.
Mère-Grand devait intervenir. Ne lui avait-elle pas promit, alors qu'elle était toute petite, qu'elle ferait de son mieux pour l'éduquer jusqu'à son dernier souffle ? Il fallait l'arrêter, ici et maintenant. Alors, poussant sur ses jambes engourdies, elle se redressa et sa voix raisonna dans la caverne :


« Candelynthe je t'en supplie ! Candelynthe, arrêtes toi, ne la tues pas ! »

L'intéressée arrêta ses gestes et leva doucement la tête vers sa grand-mère.

« Tu m'étonneras toujours, Mère-Grand. Attendre que tout soit déjà terminé pour sauter à la rescousse d'un cadavre... Parce qu'elle est déjà condamnée, Mère-Grand. »

La vieille femme avança avec précaution vers le corps de la jeune fille allongée. La plaie n'était pas commune et le sang en sortait en bouillonnant. Du poison.

« Mais qui es-tu ? Tu ne peux pas être ma petite Candelynthe ! »

Prise d'une folie qui depuis quelques minutes déjà couvait dans son inconscient, la vieille femme se jeta sur sa petite fille, les mains en avant vers son cou. Elle lui enserra avec force sans que Candelynthe n'émette la moindre objection. Elle ferma même les yeux, comme se résignant. Mais elle rouvrit les yeux alors que l'air commençait à lui manquer. Elles avaient roulé au sol.

« Mè...Mère-Grand ? C'est moi... Aides moi... Je t'en supplie, il me possède ! »

Deux secondes plus tard, la vieille femme relâchait sa pression. Candelynthe la regardait avec des yeux qu'elle connaissait bien, ses yeux d'enfant triste. Etait-elle vraiment possédée ? Avant qu'elle ait pu reprendre un nouvel équilibre, Candelynthe se redressa vivement et s'empara une nouvelle fois de la dague et, avec une rapidité qu'une vieille femme ne pouvait contrer, elle enfonça la lame droit dans son flanc. Mère-Grand tomba à la renverse dans un gémissement terrible. La morsure du poison s'empara de son buste tout entier tandis que Candelynthe se levait et époussetait sa robe. Elle la regarda de haut, avec tout le mépris dont elle était capable.

« Vieille folle stupide... Moi, possédée ? »

Elle marqua une pause en retirant l'arme du flanc de sa grand-mère.

« Ne t'inquiètes pas, tu ne vas pas mourir. Il restait trop peu de poison sur la lame... Ceci-dit, restes tranquille sinon je devrai finir le travail. »

La vieille femme tomba sur le dos, les yeux rivés sur le plafond de la caverne. L'esprit embué par le poison, elle n'était capable de rien sinon de se laisser mourir. Cependant, un coin de son esprit n'était pas encore tout à fait inconscient. Candelynthe se baissa au dessus d'elle et tourna son visage dans sa direction.

« Bien, maintenant, regardes bien. »

Candelynthe se pencha et ramassa son livre. Ca ne prit pas beaucoup de temps. Bécadine ouvrit la bouche et un grognement guttural s'échappa du fond de sa gorge. Ses membres bougèrent, entravés par la rigité cadavérique précoce à cause du froid. Puis elle finit par se lever, à peu près. Postée sur ses jambes frêles et blanches, dégoulinant de sang, le dos voûté comme brisé au plein centre de sa colonne vertébrale et la mâchoire tombante, ce n'était bel et bien plus Bécadine mais une créature qui avait son apparence. Candelynthe jubilait mais elle ne regardait pas sa créature. C'était sa grand-mère qu'elle fixait droit dans les yeux.

« Bien, maintenant... Essayons. »

Un doigt sur ses lèvres close dans une moue de réflexion, elle semblait se creuser les méninges. Finalement un éclair traversa son regard. Elle avait trouvé.

« Tues-la . »

La vieille femme ne senti rien mais entendit les bruits de succion et de gargouillements de la bête qui la dévorait. Elle voyait aussi sa petite-fille dominer le spectacle de toute sa hauteur. Enfin, avant de s'enfoncer dans les ténèbres qui l'appelaient, elle vit Candelynthe arracher son coeur fumant de sa poitrine et l'offrir à sa créature...
Au village on ne retrouva les cadavres qu'un mois plus tard alors que la température s'était adoucie et que les premiers bergers conduisaient leurs bêtes pour les transhumances. Candelynthe pleura beaucoup avant d'être finalement accusée par un témoin. On ne la revît plus durant de longues années, sauvée de justesse de pendaison par un maître nécromant qui décida d'en faire sa Disciple.



Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » ven. 16 juillet 2010 à 02h33

Chassez le naturel. Vous le rattraperez au galop.




L'aube n'allait pas tarder et Clothilde était éreintée. Ses yeux lui piquaient et ses membres étaient ankylosés. Alors, suivant sa raison plus que sa passion, elle ferma le livre qu'elle étudiait et alla le ranger à sa place, sur les rayons pleins de la bibliothèque de Rune.
Elle s'étira avec application et se dirigea vers la sortie où elle récupéra sa cape et son chapeau. Nulle âme ne travaillait à cette heure à part elle et c'est avec un certain délice qu'elle profitait d'un silence jamais brisé. Poussant la lourde porte elle constata que la journée risquait d'être très chaude alors, haïssant le soleil et sa chaleur, elle se hâta de rejoindre sa demeure. Sur le chemin, elle repassa en revue tout ce qu'elle avait pu lire durant la nuit. Des textes kainistes secrètement conservés par les Einhasadiens au pouvoir, en particulier, avaient été riches d'instruction.
Un feu avait été allumé chez elle et de l'eau devait donc déjà y bouillir. Elle pressa le pas, dénouant déjà sa cape.
Arrivée à la porte, une impression étrange s'empara d'elle. Elle se senti observée. Sans prêter plus de crédit à cette nouvelle affabulation, elle poussa la porte et entra.
Devant la cheminée ses aînés terminaient leur nuit, les yeux encore collés de fatigue. Ils se décalèrent lentement pour laisser une place à leur mère sur le large tapis de fourrure. Lâchant sa cape sur le porte-manteau, elle alla les embrasser tous les trois. Ils avaient bien grandit, mais elle regrettait de ne pouvoir suivre. La chaumière devenait petite et les revenus manquaient depuis...
Elle se laissa aller à leurs câlins muets puis se leva pour rejoindre sa chambre. Versant un peu d'eau chaude dans une tasse et y jetant quelques feuilles de thé, Clothilde songea qu'il serait bientôt temps qu'elle reprenne ses anciennes activités pour emmener ses enfants en ville pour qu'ils y trouvent à leur tour un apprentissage. Son cadet, quant à lui, avait déjà été prit pour une formation un peu particulière mais son autre fils lui, devrait également s'y soumettre. Sa fille savait ce qu'elle voulait et des lettres avaient déjà été envoyé à ses contacts. Traînant des pieds dans l'escalier, elle s'endormait déjà debout. Dans trois heures sa nuit serait terminée et il serait l'heure d'aller au marché avec sa fille.

Après s'être dévêtue et débarbouillée, elle s'assit sur son lit face à la fenêtre et but à petites gorgée son thé fumant. La vie ici était douce mais elle se refusait à faire vivre à ses enfants sa propre enfance éloignée de tout car il avait fallut ensuite tout réapprendre. Ces terres balayées par l'air marin étaient si différentes de la ville...
Elle somnola quelques minutes jusqu'à ce que lui reviennent en mémoire ces sensations qu'elle avait depuis maintenant deux semaines. Elle s'était sentie suivie jusqu'à la bibliothèque plusieurs fois, puis observée de loin sans pouvoir apercevoir la moindre ombre suspecte. Clothilde frissonna dans son lit , que pouvait on lui vouloir ?


« Maman ? … »

Clothilde ouvrit les yeux sans avoir eu l'impression de s'endormir. Jason dépassait à peine du matelas sur la pointe des pieds. Un sourire illuminait son visage et il fut contagieux. Quel bonheur que d'être réveillée par un être qui vous regarde comme si vous étiez tout au monde. Derrière lui, elle devinait dans l'entrée ses deux autres enfants. Chacun savait, à part Jason, que réveiller Clothilde Haltegarde était très dangereux... Elle se leva, s'emmitoufla dans une robe de chambre confortable et souleva son fils qu'elle porta contre sa hanche osseuse. Accompagnée de ses enfants, elle déjeuna tandis que la journée était déjà bien avancée. Elle avait dormi plus que prévu.
Deux heures plus tard, mère et fille étaient prêtes. Un panier sur chaque bras, elles laissèrent les garçons à leurs activités quotidiennes qu'ils prenaient très à coeur depuis... Elles prirent le chemin de la ville et la petite Ycinthe était surexcitée. Dès qu'elle posa le pied en dehors de la propriété cependant, la bonne humeur de Clothilde se dissipa. A nouveau elle se sentait observée et suivie. La désagréable sensation ne la quitta pas un seul instant, même lorsque le marché battait son plein. Ycinthe fut déçue car elles rentrèrent plus tôt que prévu et que, tout ce temps, sa mère n'avait pas ouvert la bouche.
Cette nuit, elle s'en chargerait.
La pluie battait sur les carreaux depuis dix bonnes minutes tandis que la jeune femme se préparait à sortir. Le ciel était noir et les nuages s'agitaient, prévenant un orage pour la nuit. Tant pis, elle serait à l'abri jusqu'à l'aube. Beaucoup de travail l'attendait aujourd'hui.
Une heure plus tôt, elle avait néanmoins hésité à rester au chaud sous son édredon. Elle s'était finalement décidé à se lever pour fuir les pensées sombres qui contaminaient son moral.
Elle se contempla dans la glace en s'habillant. Sa maigreur était désespérante. Elle avait beau essayer de manger plus, rien n'y faisait. C'était comme si tout avait prit fin depuis...
Lentement, elle enfila une robe noire et de longs gants ainsi qu'une chaîne d'homme à son cou. Une fois son chignon refait, elle noua sa cape et s'enfonça dans ses bottines.
Après avoir embrassé ses enfants couchés elle sortit sous la pluie qui s'abattit[ sur elle comme un mur d'eau gelée. Elle avança durant cinq minutes à grande vitesse, ne distinguant rien sur son chemin. Il ou elle n'allait pas tarder à se montrer, c'était certain. Alors, elle s'éloigna le plus possible de sa maison.
Puis, arrivée à mi-distance entre Rune et chez elle, elle s'arrêta. La pluie éclaboussait sa cape de boue en tombant au sol mais son visage était épargné par les trombes d'eau, protégé par les grands rebords de son chapeau.
Elle ne l'entendit pas arriver avec le vacarme assourdissant. Mais, lorsqu'elle leva les yeux, elle aperçu le bout de ses lourdes chaussures. Alors son regard glissa jusqu'à son visage. Interdite, elle resserra les mâchoires et les poings.


« Bonjour... Candelynthe », murmura t-il.

Elle déglutit difficilement. Personne ne l'avait appelé ainsi depuis longtemps, cela datait de la fin de son apprentissage. Même son époux et ses proches, aussi kainistes soient-ils, continuaient même en privé à l'appeler Clothilde. Le nom de Candelynthe était entaché d'un passé dont elle n'avait pas honte mais qui risquait à tout moment de faire revenir de vieux fantômes qu'elle devrait éliminer.

« Monsieur Lhoys », répondit-elle en le saluant de la tête.

Il écarta un des pans de son vêtement de pluie et la lame d'une machette étincela dans le noir. La lune perça à ce moment d'entre les nuages. Alors qu'il se jetait sur elle, Clothilde leva la main vers le père de Bécadine. Il fut automatiquement immobilisé, ses membres ne lui répondant plus. Alors Clothilde s'approcha tout prêt de son oreille. Elle s'était pourtant juré de ne jamais redevenir celle qu'elle avait été...

« J'aurais du finir les restes de vos filles moi-même. »

Puis, visualisant les vaisseaux de vie, elle les tira à elle par poignées. Il s'affaissa dans la boue, face contre terre. S'il n'avait pas été le seul à se souvenir, elle ne l'aurait pas tué. Mais c'était devenu un vieux fou, son épouse ayant mis fin à ses jours peu après la mort de ses filles. Lui enfonçant la tête entièrement dans le sol avec aisance, elle reprit son chemin pour entamer une nouvelle journée de labeur comme les autres.
Candelynthe avait de nouveau prit possession de Clothilde cette nuit là.



Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » ven. 16 juillet 2010 à 19h48

La veuve est l'avenir de l'homme.





Quelques amis étaient là, attablés autour d'un gâteau appétissant. La tension était palpable et tout le repas n'avait fait que l'alimenter.
C'était l'anniversaire de Clothilde en ce jour de Vertefeuille de l'an 45. L'eau avait coulé sous les ponts et son passé n'avait jamais refait surface. Enfin, pas tout à fait car, parmi ses invités ce jour là il y avait trois personnes qui venaient tout droit des souvenirs les plus sombres de sa vie, ses préférés. Elle n'avait jamais raconté à quiconque ce qu'avait été son apprentissage et ce pour deux raisons. On le lui avait défendu d'une part. Et, d'autre part, la qualité intime de certains épisodes de sa vie demeuraient beaucoup trop intense. Or, elle était fragile et le serait toute sa vie. N'ayant pas été prise en main assez tôt par des nécromants, son esprit avait à tout jamais connu des fêlures. On lui avait cependant apprit à ne rien regretter. Mais, souvent, elle aimait revoir des visages qui lui rappelaient cette époque hors du temps et de l'espace. Ghylroy, Humine et Astel. Ces trois là avaient jusqu'au bout partagé son apprentissage, ils n'en étaient que les trois survivants.
Cependant, à sa table siégeait aussi sa collègue, Lorine, et son époux. Ils étaient Einhasadiens. Bien que les trois amis de Clothilde faisaient leur maximum, comme elle, pour paraître normaux, quelque chose de malsain se dégageait d'eux. Quelque chose que Lorine ressentait. Son malaise, Clothilde aurait du le prévoir mais ce ne fut pas le cas. Elle n'appréciait pas cette femme, donc elle ne s'était guère posé ce genre de questions... En réalité, Lorine était là pour une raison bien précise. Son époux, René, était un membre haut placé du clergé Einhasadien et comme le fils de Clothilde, Arthur, souhaitait ardemment se donner tout entier au culte de Kain, il lui fallait néanmoins une couverture sociale. Or, si ce fameux René pouvait lui obtenir une bonne place... Il aurait les faveurs des Disciples du Reniement car il aurait accès à des informations de haute importance. Seulement le repas n'avait pas été très chaleureux et le pauvre homme était tout simplement terrifié. Qui plus est, Clothilde craignait même qu'il entame une procédure d'enquête... Les Einhasadiens étaient tous pétris de paranoïa et, en l'occurrence, ils avaient raison.
Clothilde souffla ses bougies puis ils finirent la soirée à discuter de la situation économique du nord de l'Elmoraden. Les tensions se dissipèrent tout de même au bout d'un moment, l'alcool aidant. Puis Lorine et René prirent congé laissant les Kainistes entre eux.


« Comment peux-tu supporter cela... C'est d'un dégradant, Candelynthe ! 
- Hm, fais donc des enfants, Humine et tu verras ce que c'est de devoir leur assurer un avenir toute seule.
- Alors tu ne sais toujours pas où est passé ton époux ?
- Non, et je crois qu'il est bel et bien mort. »

Elle n'y croyait pas une seconde, mais elle devait s'en convaincre pour continuer d'avancer sans rester bloquer en arrière par un souvenir et un espoir. On lui avait annoncé sa disparition des années auparavant, alors que Jason n'avait que deux ans. Aujourd'hui, il en avait huit... Et il était Imperator des Kainistes.
Car, peu après la disparition de son époux, les médecins avaient décelé chez l'Imperator régnant une maladie grave qui l'emporterait dans la dizaine d'années qui suivraient. Alors, comme l'éxigeait la coutume, il du choisir des enfants en bas âge pour lui succéder après une longue formation. Et, à sa mort, c'est Jason Rhosgae qui avait été élu. N'étant pas en âge de régner, c'est sa mère qui, élue Régente, devait prendre les grandes décisions, aidée du Conseil et du Champion de l'ancien Imperator. Ce n'était donc pas une tâche très difficile dans la mesure où il s'agissait plus d'un titre honorifique que vraiment de pouvoir.


« Parlons donc des vivants pour une fois... , murmura Astel, comment va l'Imperator ?
- Il va bien, je te remercie. Mais il est très pris par ses nouvelles fonctions...
- Tu parles, ronchonna Ghylroy, nous ne menons aucune guerre, qu'a t-il donc d'autre à gérer ?
- Peut-être... Celle qui vient. »

Les trois invités se tournèrent d'un bloc vers Clothilde.

« Nous attentions qu'Aldur décède car, dans son état de santé, ce n'était pas très prudent de mener une offensive. Seulement maintenant, c'est le meilleur moment. L'Imperator, car encore trop jeune, est très protégé et à l'abris et ma couverture est bonne. Ils ne verront jamais d'où le coup vient, pas avant que nous nous dévoilions....
- Mais dans quel but, Candel' ? »

Astel vînt s'assoir sur le bras du fauteuil de Clothilde et cette dernière leva les yeux vers elle.

« Dans le but de nous conquérir un territoire, une ville... Et de pouvoir offrir aux nôtres la possibilité de vivre à visage découvert. »

Tous hochèrent la tête. La Régente les mènerait donc aussi loin qu'elle le pourrait pour son peuple et au nom de son fils, Jason IV, Imperator Kainiste, reconnu par ceux qui suivent les Disciples du Reniement.

Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » ven. 16 juillet 2010 à 20h41

Extrait de l'ouvrage « De la Magie Elfique au service de l'Equilibre », par Candelynthe Rhosgae.






Tome II – Chapitre XII

[…] c'est ainsi que par Sa bonne grâce, il m'eut été donné, au cours de mes recherches, d'approcher de près les notes personnelles du plus grand sorcier de tous les temps, le dénommé Dasparion. Ces précieux écrits ont été classés par mon maître et prédécesseur Msgr Albert Rhosgae.
Tout d'abord la préface place les évènements dans un contexte aujourd'hui trop mal connu, celui de la Guerre des Races. Puis, l'équivalent de cinq livres se partagent toutes les connaissances emmagasinées par le maître nécromant. Le premier concerne l'Art de la magie élémentaire, le second l'art de la magie d'incantation. Viennent ensuite le troisième et le quatrième qui traitent tous les deux de la population elfique contemporaine de Dasparion. Enfin, le dernier et celui qui nous intéresse ici, l'Art des bénédictions. D'autres feuillets, au nombre de 233, relatent les contacts entre le sorcier et le peuple elfique. Mais ces derniers ont été endommagé par des siècles d'envieux et d'irrespectueux que nous n'avons guère besoin de nommer... […]



Tome II – Chapitre XXI

[…] Par ailleurs, Aldanyar Sylvf, cité plus haut, a offert à notre Bibliothèque d'éminents ouvrages traitant des bénédictions elfiques qui complètent les informations déjà apportées par le livre V des Notes de Dasparion. Il m'a donc été donné l'opportunité d'étudier ces textes et de les comprendre. Dorénavant mon analyse porte sur leurs pouvoirs et notamment sur leur complémentarité avec la magie noire qui, nous le savons, a été dévoilée au Monde par les Kainistes, maître de cet Art. […]

[…], et parce que leur envie de combattre était trop forte qu'ils acceptèrent l'échange qu'il leur proposait. Ainsi le peuple elfique connu une division datant de cette époque, de la Grande Guerre. Et non, comme l'avancent certain, de la nuit des temps. La Vicieuse, rejetée dans les fanges de la terre accepta de recueillir ceux qui avaient user d'une magie bien trop puissantes pour leurs âmes. Elle ne les créa pas car nul ne lui a donné ce pouvoir. Cependant, ceux que l'on appelle aujourd'hui ses Enfants sont bel et bien la preuve qu'un mélange entre nos deux magies conduit à des conséquences plutôt surprenantes. […]



Tome III – Epilogue


C'est ainsi que s'achèvent mes travaux concernant l'Equilibre, enrichit par la magie elfique revue et corrigée par nos talentueux théologiens. Je peux d'ors et déjà affirmer que ces deux magies, dont les sources sont pourtant contraires, peuvent tout à fait être user par une seule et même personne sans qu'elles ne s'affrontent comme nous le supposions au début de cet ouvrage. J'affirme également qu'il est possible d'en tirer un avantage à ne pas dénigrer ou ignorer. [...]


[Mise à jour pour les classes elfiques]
Dernière modification par Crepuscule le sam. 18 septembre 2010 à 17h38, modifié 1 fois.

Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » mer. 21 juillet 2010 à 02h40

Le monde entier tombe en ruine, et ce pauvre chat fait grise mine...







Le front posé contre la fine vitre de sa chambre d'auberge, Candelynthe regardait les passants joyeux s'activer dans le centre de Rune. Ils portaient dans leurs bras des paniers remplis à raz-bord de coquillages rares, les femmes étaient ornées de couronnes de fleurs aux couleurs toutes plus extravagantes les unes que les autres et les enfants s'amusaient à tâcher leurs nouveaux vêtements. Il y avait de la musique aussi, entraînante mais discrète...

Elle ferma les yeux pour les ouvrir à nouveau quelques secondes plus tard.



Dehors, une vieille femme voutée par l'âge et la misère fouillait du bout du pied les ordures odorantes à la recherche d'un quelconque trognon de pomme à se mettre sous sa dent gâtée. Plus loin, le forgeron tâchait, tant bien que mal, de refouler les miséreux qui se pressaient devant sa porte soit pour être engagé, soit pour obtenir une pièce. La forge avait été parmi les premières reconstructions. La bibliothèque n'avait pas eu cette chance, si bien que Candelynthe faisait des allers et retours entre l'auberge et son lieu de travail plusieurs fois par jour, tentant de sauver les livres qu'elle pouvait. Seulement la plupart d'entre eux avaient été brûlés et seuls ses propres notes pouvaient encore servir de preuve de leurs anciennes existences.

Même sa demeure avait été détruite. Elle venait pourtant de l'acquérir, suite à son souhait de faire vivre ses enfants à la ville. Elle relativisa néanmoins, ils n'étaient pas présents lorsque la ville connue ces heures si sombres. Depuis, elle même était rentrée pour aider du mieux qu'elle pouvait cette cité qui l'avait vue naître mais ses enfants étaient restés dans la famille de leur père. Ils étaient en sécurité et leur éducation serait prise en charge le temps qu'ils puissent revenir et reprendre leurs formations. Seul son fils cadet, Jason, qui avait de nombreux devoirs en ces temps de crise, était tout proche d'elle.
En effet, proche du terme, Candelynthe s'était souvenue de la Disciple qui s'était occupée d'elle à sa naissance, Montaine. Jason avait donc aussi passé ses premiers jours à sa garde et depuis elles ne s'étaient jamais perdues de vue. La Disciple avait accepté de s'occuper de Jason récemment, afin qu'il reste proche de son peuple et de sa mère tout en étant en sécurité.

Elle décolla son front de la fenêtre et effaça du poing la trace de buée qu'elle y avait laissé. Son fils lui manquait terriblement, autant que ses deux autres enfants. Ils avaient vécu les pires drames ensemble, les plus grandes tristesses aussi. C'est pour cette raison qu'ils n'avaient pas comprit que leur mère leur refuse leur retour à Rune avec elle. Cette fois, il y avait un grand danger. Candelynthe ne savait pas lequel, mais il lui avait été prédit en rêve. Depuis, lorsqu'elle avait du temps libre, elle le consacrait à la méditation.
En utilisant les ouvrages traitant de la magie elfique et ses propres recherches sur l' Interdisciplinarité, elle était capable de faire barrage de son corps afin de protéger ceux qui devaient l'être mais que pouvait-elle contre une malédiction, contre une traîtrise ?

C'est de ce sujet que les deux femmes parlèrent toute la nuit. Montaine vînt la chercher aux abords de Rune et la ramena, dans la plus parfaite discrétion, chez elle. Après avoir rattrapé le temps perdu avec son fils et l'avoir bordé, Candelynthe la rejoignit dans son petit salon où le thé brulant l'attendait.
Ensemble, elles décidèrent de tout mettre en oeuvre pour favoriser la protection de Jason sans qu'il s'en aperçoive. L'enfant était en effet fragile et la vue des gardes lui était insupportable. Pas étonnant, il était tout jeune à la mort de son père et les histoires qui se chuchotaient à ce sujet avaient probablement pénétré son esprit avec plus de vigueur que prévu.
Montaine s'occuperait des sorts de protection, et Candelynthe ressortirait de ses placards les vieilles peluches qui lui servait à amuser ses enfants. Des chats grotesques. Elle n'avait dorénavant plus qu'à apprendre à les animer à sa guise pour qu'ils soient aptes à protéger et défendre son jeune fils... Il n'aurait pas peur d'eux, mais ils seraient aussi efficaces que de bons gardes jusqu'à ce qu'il grandisse et comprenne...



Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » mar. 27 juillet 2010 à 18h42

N'ayons ni la tête dans le cœur, ni le cœur dans la tête.





La pluie tombait drue cette nuit là dans les rues de Dion et seules quelques torches protégées par des cloches de verre éclairaient les allées sinistres et boueuses.
Candelynthe attendait depuis quelques minutes à l'abri d'un porche qu'un contact lui avait indiqué. On devrait la rejoindre et la personne porterait un chapeau vert usé orné d'une plume. Elle guettait donc tant bien que mal les allées et venues qui, malgré le mauvais temps, continuaient leurs activités tardives.


"Que faisais-tu à Dion, mon petit...", murmura t-elle alors que l'humidité commençait à s'infiltrer dans ses vieux bottillons.

Ca faisait des années qu'elle ne l'avait pas vu. Des années très difficiles pour lui comme pour elle d'ailleurs. Pourtant elle aurait aimé pouvoir lui tenir compagnie, après tout elle avait bien connu sa famille lorsqu'elle était revenue sur les terres qui l'avaient vue naître. Puis elle l'avait vu grandir jusqu'à sa majorité où, contre toute attente, il était parti à l'assaut d'une formation de nécromancien. Quelle curieuse idée...

"M'dame ? ..."

Ce n'était probablement pas le premier appel que le jeune homme lui lançait. Campé sur ses deux jambes arquées, trempé comme une soupe sous son chapeau vert, il la fixait avec un soupçon de perplexité dans le regard. Il portait dans son dos une pelle qui ne datait pas d'hier.

"Je vous suis."

Elle ne s'excusa pas, préférant aller droit au but. Il haussa légèrement les épaules et tourna les talons, baissant sur son visage les bords de son couvre-chef. Ouvrant son parapluie, elle lui emboîta le pas. Sa robe traînait dans une boue infâme et ses pieds s'y enfonçaient. S'il voulait engager la conversation durant leur courte promenade, il n'en montra aucun signe.




Ils arrivèrent, au bout de quelques minutes, près d'un arbre mort qui rendait ce paysage normalement agréable plutôt sinistre et la pluie, qui ne cessait pas, réduisait leur champ de vision mais aussi celle des curieux qui auraient eu la mauvaise idée de les suivre. Candelynthe alla se réfugier sous les maigres branches.


"Creusez."

Il s'éxecuta sans broncher puisque c'était ce pourquoi on l'avait envoyé, mais surtout parce que la somme rondelette qu'on lui avait promit valait bien quelques heures de labeur, même si ce dernier était des plus révulsant. Au bout d'un quart d'heure il se débarrassa de son lourd manteau, le jetant sur la terre foncée qu'il venait d'extraire. Candelynthe ne perdait pas un seul de ses gestes et elle devina qu'il en faisait de même. Il n'avait pourtant rien à craindre d'elle, mais c'était ainsi, elle avait tendance à effrayer ceux qui la voyait sous un jour plus sombre.
Vingt minute plus tard, un trou béant avait été creusé, si énorme que seule la tête du jeune garçon dépassait encore. Elle su qu'il avait terminé lorsqu'il poussa un juron et rendit son dîner.

"Bien, aidez-moi à descendre maintenant."

Il lui tendit la main après s'être rincé la bouche à l'eau de pluie. A présent son regard était terrifié, et terrifiant aussi. Candelynthe n'avait jamais eu la moindre confiance en ces gens, des culs-terreux trop enclins à s'effrayer de tout et à rendre les choses plus catastrophiques qu'elles ne le sont déjà. Elle attrapa le bout de ses doigts dans sa main, et, sans prendre appuie, sauta tout simplement à pieds joins dans la fosse dans une giclée de boue. Elle se baissa vers ce qu'elle cherchait, sans savoir quel élément était le bon alors, de sa main gantée, elle fouilla.

Finalement, ses doigts s'accrochèrent à quelque chose. Après l'avoir longuement observée, elle la souleva et la rangea dans un sac en toile. C'était fait. Le jeune homme, qui était remonté puisque ne supportant pas l'odeur et la vue de ce qui se trouvait là, lui tendit les deux bras et la souleva tandis qu'elle enfonçait ses pieds dans la terre molle des bords du trou pour remonter à la surface.
D'un geste de la tête, elle lui ordonna de reboucher. Dix minutes plus tard, c'était chose faite. Alors, au lieu de rentrer en ville, il s'éloigna dans la campagne noyée sous les cataractes glacées. Elle le perdit de vue très vite et s'en retourna à Dion, son baluchon sous le bras.

[...]

A l'aube, dans un temple caché, une stèle avait été ajoutée aux centaines précédentes.

Ci-gît Ragean Inch, fils d'Edna Uhta et d'Alfonse Inch.


Candelynthe resta un instant à la contempler. Le pauvre enfant, massacré par une horde de villageois aussi terrifiés que lui. Ces fous l'avaient ensuite démembrés, puis ils avaient donné ses restes aux porcs mais, pour une raison obscure, sa tête avait été épargnée. C'était ce qu'elle était venue récupérer afin que l'enfant, d'obédience kainiste, puisse trouver le repos dans une terre consacrée.
Avant de sortir, elle fit un détour pour s'arrêter devant un cénotaphe plus ancien. Elle esquissa un sourire.

"Mère-Grand, un nouveau chiot pour t'occuper..."

Puis la porte du temple claqua dans un fracas qui fit se soulever la poussière du lieu sans âge.

Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » sam. 31 juillet 2010 à 01h54

Les choses les plus obscures ou qui vous semblent-elles, sont souvent les plus limpides, c'est une question d'éclairage.

Comme une enfant chétive, horrible, sombre, immonde,
Dont sa famille rougirait,
Et qu'elle aurait longtemps, pour la cacher au monde,
Dans un caveau mise au secret.
[Charles Baudelaire, Confession.]
Iann de Rune


Candelynthe reposa, avec une lenteur encore engourdie par le sommeil ou par l'intensité de son songe qui doucement s'évanouissait, sa plume de jais. Elle souffla avec précaution sur le papier fin qui buvait un peu trop l'encre qu'elle venait de noircir. Un rêve, un nouveau. Un peu trop réel, un peu trop.

Cette nuit, elle avait revu une personne qu'elle pensait avoir oublié. A l'époque c'était un gamin qui ne sortait pas. Au sens premier du terme, mais aussi au second. Enfermé dans un corps fragilisé par le malheur, par l'ignorance de certaines choses indispensables... Son visage l'avait touché alors qu'elle même venait tout juste de s'épanouir. Lorsqu'elle fut engagée à Rune, à la bibliothèque, c'est son père qu'elle fréquenta en premier lieux. Il s'appelait Ammoth, c'était un marchand "de tout et de rien", comme lui confierait un jour son fils. Cette expression l'avait fait sourire. Ce brave homme était venu la trouver un jour sur son lieu de travail. Son chapeau usé entre ses lourdes paluches, il avait bégayé devant elle, comme s'il ne se sentait pas à sa place dans un tel lieu.


"J'ai... J'ai entendu dire que vous vendiez des livres."

Au début, elle pensait qu'il voulait s'en procurer pour son usage personnel mais, lorsqu'elle lui indiqua les caisses de vieux ouvrages dont la bibliothèque souhaitait se débarrasser à bas prix, il n'y chercha que des contes pour jeunes enfants. Il paya la somme dûe et s'en fut comme il était venu.

Quelques jours plus tard, le même homme revînt. Un peu plus à l'aise, il laissa son regard parcourir les grands rayons mis en valeurs par des boiseries sans prix et sans âge. Il alla directement trouver Clothilde afin qu'il la conseille.

"Mon fils a bien aimé "L'homme qui marchait sur les nuages" et "Astronomie pour les petits". Vous n'en auriez du même genre à nouveau ?"


Alors elle lui en avait proposé plusieurs, et il les avait tous pris. Elle jugea que ce devait être un bon père. Quelques années passèrent ainsi et, quand ses propres enfants terminaient l'un de leurs livres, elle l'offrait au marchand. Ils ne discutèrent jamais vraiment, à peine quelques politesses échangées. C'était un homme brisé, au fond, elle l'avait deviné dès le premier jour où son regard avait croisé le sien. Une faille, si profonde et si béante, que rien ne pourrait jamais la combler. Candelynthe avait alors apprit qu'il s'agissait d'Ammoth Richter, le marchand. Le pauvre homme avait perdu son épouse en couche et devait à présent élever deux jeunes garçons. Prémonition ou non, Candelynthe ressentit un étrange sentiment... Cependant, bien que désireuse d'aider son prochain à rejoindre une voie plus apte à l'aider, elle ne prit aucun engagement vis à vis de cette famille qui semblait d'ailleurs très renfermée sur elle-même.

Puis les années passèrent, l'homme triste passait régulièrement jusqu'à ce qu'un jour... Candelynthe soupira. Elle ne l'avait pas vraiment connu, ce petit garçon. Non, pas vraiment. Mais assez peut-être pour qu'il ait, en quelque regards, le temps de dévoiler parmi ses plus intimes secrets. Il n'avait pas le droit de sortir mais, puisque son père connaissait bien la brave Clothilde, il pouvait néanmoins venir dorénavant chercher ses livres lui même.
Le petit homme - car il était déjà bien grand et bien robuste du haut de ses dix années - portait un vieux costume usé, rapiécé, le jour où ils s'étaient rencontrés. Peut-être sortait-il d'une messe ? Elle ne lui demanda pas, de peur de le gêner. Son visage était propre, mais, de manière globale, Candelynthe reconnu la pauvreté du père. Elle s'était alors penchée au dessus de son comptoir :


"Que puis-je pour toi ?, lui demanda t-elle en souriant doucement.
- Heu... Je.. Vous pourriez... M'aider ?"

Elle avait toujours eu cette fâcheuse tendance à effrayer les enfants... Pourtant elle avait fait un effort. Cependant, après mûre réflexion, elle se dit qu'elle n'était peut-être pas la seule fautive. Que l'enfant ne devait pas avoir connu de femmes et que, de ce fait, une timidité à ce niveau était légitime.

"Expliques moi et je verrai ce que je peux faire pour t'aider."

Il devait avoir à peine dix ans. Et il était beau. Un visage expressif, une touffe de cheveux d'un blond des blés. Il regarda de chaque côté puis, se dressant sur la pointe de ses pieds, il s'était exprimé d'une petite voix qui se voulait être discrète :

"Qu'est-ce que signifie le terme procrastination m'dame, s'il vous plaît ?"


Candelynthe resta interdite, quelques instants.

"Mais où as tu entendu un mot pareil, mon petit ?"

Et il lui tendit un manuel de psychologie traitant d'un sujet qui la fit beaucoup rire - intérieurement. "Psychologie d'un être infâme : le kainiste".

"Eh bien, ça signifie... Attends voir. Remettre quelque chose au lendemain qu'on aurait pu faire le jour même.
- Les Kainistes remettent donc toujours au lendemain ?
- Hm, certains peut-être."

Puis, après l'avoir poliement saluée, il s'en retourna vers les rayons et emprunta quelques ouvrages qu'il ne pouvait pas acheter.

Et ainsi de suite, pendant deux ans. Deux ans durant lesquels ils partagèrent quelques discussions concernant des ouvrages que le petit avait lu. Mais jamais plus.

Alors, pourquoi cette nuit avait-elle rêvé de cet enfant ? Etait-ce pour lui rappeler ce petit garçon qui lui avait donné envie d'en faire à son tour ? Ou bien avait-il un rôle à jouer, indirectement ou directement... Elle soupira pour la seconde fois. Ce genre de rêve, elle les connaissait bien. Alors, pour ne pas l'oublier, elle l'avait consigné en prenant soin de coder son écriture. Au cas où.



Qu'elle ne fut pas sa surprise lorsque, étant de passage à Giran, la rumeur racontait que "Iann de Rune" cherchait du soutient...


"Si je peux t'être à nouveau utile, Iann Richter...", elle esquissa un sourire et s'en alla pour la place principale.

Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » mer. 4 août 2010 à 01h20

"Pouvoir et Essence du Chant de Guerre Orc", par Candelynthe Rhosgae.




Extrait du Livre I


"Une chose est certaine, s'il existe un peuple sachant prendre partie de toute émotion, c'est ce peuple ô combien sage qu'est le peuple Orc. Dans une édition au préalable rédigée par Msrg Oblit, il était question d'un peuple barbare, aux moeurs pas toujours avouables et aux pratiques dépourvues d'un quelconque ressentit. Or, et c'est sur ce point que Msrg Oblit se fourvoyait, le peuple Orc se différencie du peuple Sombre sur ce dernier point : si le peuple Sombre se prive de presque toute émotion pour donner à son style une froideur caractéristique d'une exactitude du geste, le peuple Orc quand à lui canalise la force de ses états d'âmes dans ce qu'il appelle "Totem" ou "Totin" en langage orc. Cette faculté de concentration multiplie les aptitudes guerrières. Un guerrier orc confirmé appartient à une communauté soumise à un "Totin" précis mais peut également invoquer le pouvoir des autres. Cette notion de Totem est l'exemple le plus révélateur quant à l'existence d'une vraie magie orc basée sur la maîtrise des émotions ainsi que sur la concentration, et donc l'intelligence - ce qui réfute totalement le caractère "barbare" qu'on a pu leur attribuer par le passé."

"Si, jadis, nous considérions que les orcs chamans ou "zlanam", étaient des êtres doués d'une intelligence plus avancée que leurs confrères guerriers c'est en partie grâce à leurs Chants Guerriers, dont cet ouvrage traite particulièrement. Nous pourrons par la même occasion entrevoir une infime parcelle de cette vaste culture qu'est la culture orc et ainsi démonter tout argument visant à les réduire au rang d'humanoïde basique.

Liste exhaustive de quelques chants guerriers orcs :

Qlamt ohfe Hefi("Chant de Vie")
Qlamt ohfe Feri ("Chant de Feu")
Qlamt ohfe Batthi ("Chant de Combat")
Qlamt ohfe Zleihjemg ("Chant du Bouclier")
Qlamt ohfe Ivazeom ("Chant de l'Évasion")
Qlamt ohfe Ragi ("Chant de Rage")
Qlamt ohfe Fhani ("Chant de Flamme")
Qlamt ohfe Iaghi ("Chant de l'Aigle")
Qlamt ohfe Feeroe ("Chant de Furie")
Qlamt ohfe Prijator ("Chant du Prédateur")
Qlamt ohfe Vanperi ("Chant du Vampire")
Qlamt ohfe Rivimgi ("Chant de la Revanche")
Qlamt ohfe Iartl ("Chant de la Terre")
Qlamt ohfe Qonbat ("Chant du Duel")
Qlamt ohfe Qreteqah Attaqkuk ("Chant de l'Attaque Critique")
Qlamt ohfe Novinimt ("Chant du Mouvement")
Qlamt ohef Bhooj Awakimemg ("Chant du Sang Éveillé")
Qlamt ohfe Zperet ("Chant de l'Esprit")
Qlamt ohfe Veqtory("Chant de la Victoire")
Qlamt ohfe Gati ("Chant de la Porte")
Qlamt ohfe Protiqteom ("Chant de la Protection")
Qlamt ohfe Nagmuz ("Chant de Grandeur")



Ces chants, qui finalement ressemblent beaucoup à des bénédictions, visent à réunir les assaillants dans une transe commune, significativement proche d'une concentration visant à relier les membres d'un groupe les uns aux autres.

[...]



Extrait du Livre VII

[...] Il est donc question de comprendre de quelle manière ce genre de bénédictions, de Qlamt, peut être à ce point révélateur d'une sagesse infiniment plus vaste que nous pouvions imaginer il y a de cela à peine quelques années. Pour cela il est nécessaire de comprendre la société orc dans les grandes lignes et, pour ce faire, pénétrer cette culture exotique. Seulement ce n'est pas donné à tout le monde et, aujourd'hui comme c'était vrai il y a des siècles, c'est un peuple qui ne s'ouvre pas à n'importe qui, préférant même paraître plus barbare et inculte qu'il n'est vraiment.[...]

[...] Par conséquent, je peux d'ors et déjà confirmer que l'apprentissage de ces chants n'est véritablement pas qu'affaire de religion, ou de culte, mais bel et bien de Conscience. Celle des orcs étant naturellement très largement ouverte au monde qui les entoure, il n'est pas rare qu'un étranger ne puisse pas atteindre ce niveau de concentration ultime mais, néanmoins, il est possible de maîtriser quelques uns des chants cités dans le Livre I. J'en fais moi-même l'expérience depuis quelques années déjà et je commence tout juste à intégrer certains principes.
Par exemple, le Qlamt ohfe Ivazeom (ou "Chant de l'Évasion"), a été celui que j'ai étudié en premier lieu. Il m'a suffit, pour cela, de visualiser le concept d'évasion. En imaginant un animal, comme on me l'avait conseillé, à savoir la loutre puisqu'il en résidait une famille non loin de chez moi, j'ai réussit à ouvrir ma conscience à cet animal au bout, la première fois, de trois heures entières d'une concentration frôlant la folie. Aujourd'hui, je suis capable de répéter l'exercice en moins de cinq minutes en ouvrant ma conscience à ceux m'entourant afin de leur faire profiter de cette extra-lucidité. Il en est de même pour d'autres chants basiques mais les plus difficiles, faisant appel à des concepts difficilement imaginables en détails et en profondeurs, sont encore loin de m'être acquis. Mais un vieil orc m'a dit un jour que peu importait à quel point le chemin était long, puisqu'avec les bons instruments, nous pouvons nous créer des raccourcis. J'ignore cependant encore s'il me conseillait de séquestrer l'un des siens pour qu'il me livre tous ses secrets, ou s'il tentait tout simplement de m'aider... !

Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » ven. 13 août 2010 à 10h45


Elle avait changé sa bibliothèque comme on change sa veste ; après tout, les bibliothèques peuvent bien devenir trop étriquées ou trop larges pour l'âme.






Comme à son habitude, Candelynthe traversait les rues presque désertes de la ville qu'elle chérissait tant. L'air marin s'engouffrait dans les ruelles avec force et la matinée semblait présager d'une douce journée. Peut-être en profiterait-elle pour aller voir son fils. Peut-être même l'amènerait-elle ici et, tous les trois accompagnés de la vieille Montaine, s'offriraient-ils un déjeuner sur les falaises surplombant le bras de mer encore agité qui se creusait un chemin entre la ville lumineuse et la forêt sans âge qui la bordait.

Peut-être, oui. Mais elle le savait, ce ne pouvait être une bonne idée. Jason ne devait pas revenir à Rune avant que la situation ne se soit stabilisée. C'était ce qu'avait décidé le Conseil lorsqu'elle leur avait soumit l'idée qu'il puisse la rejoindre. Sa question en avait même soulevée d'autres... la Régente elle-même pouvait-elle et devait-elle rester ? Elle avait défendu bec et ongles ses objectifs, avec un argumentaire bien réfléchit. Après tout, elle s'était déjà interrogée à ce sujet. C'était dangereux, qu'elle le veuille ou non.

Elle acheta à un jeune enfant quelques pommes qu'il présentait comme venant de Dion, puis un bout de venaison à un chasseur des environs qu'elle connaissait bien. Mais l'appétit lui manquait en cette fraîche matinée. C'est donc en rêvassant qu'elle continuait son circuit habituel.

Suite à son souhait de rester ici, le Conseil avait fait venir une religieuse. Elle s'appelait Soeur Montaine du Cervint, du couvent des Orphelines. Montaine, comme sa vieille nourrice, comme celle de son fils. Etait-ce un présage ? La jeune fille était arrivée en ville en conquérante, la lame de sa lance étincelant dans son dos alors que son cheval, à bout de souffle, l'avait conduite jusqu'à l'auberge où résidait Candelynthe. Cette dernière avait du user de patience et de diplomatie afin que la jeune fille comprenne qu'il n'était pas de bon ton qu'on les voit ensemble. Mais c'était trop tard, elle avait attiré l'attention. Elles échafaudèrent donc un plan visant à ce qu'on les associe sans éveiller de doute dérangeant. Puisque Montaine avait dix-sept ans, Candelynthe proposa de se faire passer pour sa tutrice. On expliquerait ensuite que la religieuse était ici en mission, sans préciser laquelle. Les plus curieux seraient traités avec... courtoisie.
La bibliothécaire n'avait point rejetée l'idée qu'on lui envoie cette enfant. Qui plus est, elle était intéressante et vive, bien qu'un peu trop bavarde. Peut-être qu'elle rejoindrait un jour ses idéaux et favoriserait ses chances de vote positif au Conseil. Soeur Montaine était après tout considérée comme une envoyée de Gran Kain, presque comme une miraculée également.

Alors que le fil de ses pensées devenait de plus en plus absorbant, Candelynthe manqua de peu de bousculer la personne qui se tenait à quelques mettre d'elle. Elle leva les yeux à temps pour éviter l'aile majestueuse que l'individu avait dans le dos. Lui ne fit pas attention à elle, absorbé peut-être également par une pensée bien profonde... En quelques instants, Candelynthe le reconnu. Ce n'était pas difficile. Il prenait soin de se montrer à Rune autant que possible depuis ces derniers mois. Hoel, le chef de la poignée de Kamaël qui avait prit possession des lieux.


"Bonjour, Sire Hoel."

Elle n'avait, contrairement à beaucoup de Runois, aucune animosité envers cette personne. Ca lui arrivait même parfois de le défendre. Certes il ne comprenait pas encore la ville et ses habitants, et Candelynthe doutait qu'il ait ce souhait, mais il n'était pas mauvais. Il chassait violemment les intrus, et pactisait avec des gens peu recommandables, mais il était relativement bon envers les quelques personnes qui n'avaient pas abandonné leur cité. Peut-être prévoyait-il un jour de les faire travailler à son compte. Qui sait ? En attendant, il valait mieux figurer dans ses bons papiers.

Il la salua d'un geste gracieux de la tête tandis que son aile suivait le mouvement. Savaient-ils à quel point le charme qu'ils dégageaient pouvait être dévastateur ? Oh peut-être pas par le commun des mortels, non. Mais l'aura ténébreuse qui les entourait était d'une puissance quasiment pur et Candelynthe apprécia cela.


"Serait il possible que mon humble personne subtilise quelques minutes de votre temps, Sire ?
- Je vous écoute, Dame... ?
- Clothilde Haltegarde. Je travaille pour la Bibliothèque.
- C'est un plaisir."

Sa voix, sa façon de parler, ses attitudes... Elles n'étaient pas forcément tout à fait naturelles, mais qu'elles étaient belles ! Tout chez cet homme, si tant est qu'on puisse estimer qu'il existât deux sexes distincts chez cette race, respirait la modération et la grande maîtrise de soi.

"Voila, des gens du coin m'ont proposé de l'aide il y a quelques jours. Ils souhaiteraient réellement voir à nouveau les rayons de la bibliothèque se garnir. Pour cela, ils comptent me soutenir dans les travaux que je ne peux pas accomplir, comme la maçonnerie, l'ébénisterie... Je leur ai assuré que je viendrai vous demander votre avis et votre accord."

L'être magnifique plongea un regard calculateur dans le sien. Un petit rictus anima ses traits parfaits tandis qu'il réfléchissait.

"Je trouve le projet noble, sans conteste. La culture est un domaine que je souhaiterais en effet soutenir par moi-même. J'approuve donc ces travaux... Toutefois, les habitations sont et doivent rester la priorité.
- Naturellement, mais comprenez les. La fierté de Rune résidait, avant son ravage, dans ce centre culturel...
- Mais je comprends, Dame Haltegarde. Je comprends."

A nouveau son regard se perdit dans la réflexion.

"Prenez-donc la direction de la Bibliothèque, puisque c'est ce que vous me demandez au fond. Et je me chargerai, de mon côté, de vous fournir une collection d'ouvrages que les miens iront trouver dans une bibliothèque voisine que l'on dit être riche et fameuse.
- Parlez-vous de celle du Monastère du Silence ?
- C'est ainsi qu'on la nomme ? ... Hm..."

Et l'être tourna lentement les talons après l'avoir saluée d'un signe de la tête parfait et majestueux. Candelynthe resta à le contempler, presque pantoise. Elle avait obtenu bien plus qu'elle ne l'avait voulu, et elle s'en souviendrai, du moins si sa parole valait sa beauté.

Peu de temps après elle regagna sa chambre d'auberge et déjeuna avec plus d'appétit qu'elle ne s'en trouvait capable quelques temps plus tôt.

Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » mer. 8 décembre 2010 à 10h51

S'il y a une seule oasis demeurée ici-bas, c'est bien le couvent, hors du monde, marchant à son rythme propre, et que l'agitation de vivre ne heurte pas continuellement.


L'Expédition au Couvent d'Ehlrod




La neige les avait épargné les premières heures du jour, alors qu'ils progressaient lentement vers le sommet. Parfois, Caleb se retournait vers elle, son nez rougit par le froid reniflant par désarroi. Il l'attendait, puis repartait avant même qu'elle n'ait pu reprendre son souffle. C'était une ballade qu'elle aurait aimé pouvoir éviter, et, elle s'en doutait, il aurait certainement apprécié une autre compagnie que la sienne pour celle-ci. Dire que ce n'était plus de son âge était un peu dur, toutefois c'était le cas en terme de fatigue et de forme physique.
L'ascension devait, selon Caleb, durer trois jours. Seulement, ce matin, c'était le quatrième. Ils étaient lents, pourtant très peu chargés, mais le vent soufflait sur leurs visages, ce qui n'aidait en rien leur avancée. Puis, quand les premiers flocons poudreux s'écrasèrent mollement sur ses joues mordues par l'air déjà glacial, Candelynthe su qu'elle n'échapperait pas à la mauvaise humeur de son camarade de randonnée. Caleb était quelqu'un d'une nature plutôt agréable lorsqu'il se sentait en terrain plus ou moins conquis, mais, en pleine nature, ce guerrier qui ne rêvait que de conduire à nouveau une armée se transformait. Il devenait autoritaire, excessif, à la limite de l'insulte. Candelynthe pensa que c'était justement ce qui devait plaire aux jeunes soldats, alors elle n'émit pas la moitié d'un reproche.


"Bon, Candelynthe, ici, c'est son terrain, laisses le faire à sa guise comme il te laisse faire à la tienne sur ton terrain à toi ", pensa t-elle en soufflant comme un mufle à travers des flocons d'une grosseur qu'elle n'aurait jamais cru possible.

Le vieux soldat marqua une pause, stabilisant sa position dans une poudreuse de plus en plus épaisse. Portant sa main en visière et hurlant pour qu'elle l'entende :

" Régente, elles sont là les ruines qu'on a repéré ! Vous croyez que ce sont celles-là ?"

Candelynthe s'arrêta à sa hauteur et fixa le point grisâtre qu'il lui désignait. Elle aperçu alors, se découpant sur le ciel couleur gris perle, les hauts murs du vieux couvent. Oui, c'était là. La certitude vînt lui empoigner l'estomac mais elle répondit, avec une certaine retenue :

"Mon cher Caleb, nous verrons bien. Dans le cas inverse, s'il me reste un peu de force, je vous assassine pour m'avoir fait grimper jusque là-bas pour rien..."

Elle ponctua sa menace d'un rire un peu trop aigüe. Caleb ne s'y trompa pas, elle avait en effet une envie de meurtre et ça le fit rire. Vexée, Candelynthe reprit le chemin du monastère abandonné et le soldat lui emboîta le pas.

[...]

"Aaaaaah ... !"

Candelynthe poussa un soupire de soulagement lorsque Caleb parvînt à faire rouler sur ses gongs la grande porte encore debout. Le métal avait gelé et le bois, trop épais, avait refusé de se rompre. Le courant d'air qu'ils laissèrent passer cessa brusquement lorsque la porte se referma, brutalement, derrière eux. Ils y étaient.

Une odeur lourde agressa leurs narines, une odeur de tombeau qu'on vient d'ouvrir. Une odeur qui plaisait beaucoup à la Régente qui resta quelques instants immobile, attendant que ses yeux s'habituent à l'obscurité. Le silence était aussi celui d'une tombe, mis à part le vent qui soufflait au dehors. La nuit avait commencé à tomber, ils avaient pensé à s'arrêter à une heure du monastère afin d'éviter les dangers d'un chemin qui n'avait plus été utilisé depuis des siècles et des siècles mais la tempête se préparait, alors ils avaient poursuivit.

Candelynthe cligna des paupières et distingua un escalier, en même temps que Caleb qui s'y avachit presque. Le soldat retira ses bottes de cuir et étala son matériel devant lui. Il retira la neige qui les maculait avec une brosse et les graissa afin que la peau ne se craquèle pas. D'un geste de tête, il invita Candelynthe à en faire de même.


"Non, merci. Si je les retire, je doute pouvoir les remettre..."

Il haussa des épaules pour lui faire plaisir. Candelynthe sourit dans l'obscurité. Elle était sur son terrain maintenant, ils le savaient tous les deux. D'ailleurs, elle le devina frissonner. Caleb était très courageux mais comme tout les soldats, le mysticisme des ruines, les ambiances sombres et magiques, ça lui faisait peur. Elle parcourut alors du regard l'entrée du couvent. Ils se trouvaient dans un corridor de pierres froides, un escalier menait aux étages supérieurs et un autre vers les sous-sol, c'est celui-ci qui l'interpella. Elle le fixa tandis que Caleb remettait ses bottes. Il se leva pour la rejoindre et secoua la tête.

"Si ça ne vous fait rien, pourrait-on commencer par le haut... ?"

Elle hocha la tête, connaissant bien le Champion. Une tête de mule d'une rareté sans pareille. Alors ils gravirent le premier escalier. Sa construction n'était pas banale et, à plusieurs reprises, Candelynthe soupçonna l'existence de plusieurs passages secrets menant aux parties sûrement privées de la bâtisse. Au bout d'un moment, ils tombèrent sur le réfectoire.

"Elles devaient bien s'amuser le soir les Soeurs ici...
- Caleb, je crois que..."

Candelynthe ralluma sa torche et avança vers une des longues tables. Elle se baissa et ramassa un objet qui avait attiré son attention, coincé entre deux pavés déchaussés. L'approchant tout près de la flamme, elle retînt un hoquet de surprise.

"Je crois qu'elles ont eu de la visite..."

Elle approcha l'objet de Caleb. Une épingle qui servait à refermer les capes des soldats de l'Inquisition, d'après le symbole gravé sur l'un des longs côtés. Alors que Caleb se remettait de sa surprise, Candelynthe balaya la salle de sa torche. Des tables avaient été renversées, des bancs déplacés et une sorte de vaisselle en bois trainait sur le sol. Un détachement de l'Inquisition avait bel et bien séjourné là, quelques soirs peut-être, attendant sûrement qu'une tempête se calme... Le désordre prouvait qu'ils n'avaient pas été invités et reçus comme il se devait. Cependant, nulle tache de sang ne venait étayer la thèse de la violence.

"Nous devrions profiter de cet endroit pour établir notre campement, Régente."

Elle acquiesça et Caleb commença à allonger leurs paillasses de fortune sur des tables afin qu'ils évitent l'humidité du sol. Candelynthe fit le tour de la salle à la recherche de bois encore un tant soit peu sec et alluma un petit feu. Ils dînèrent ensuite les maigres rations militaires que Caleb avait préparé avant le départ tout en discutant d'un temps perdu, où légendes et histoire se mêlaient, donnant leur avis sur le vrai du faux. Puis Caleb mit fin à toute discussion par un ronflement sonore qui fit sursauter la Régente. Son coeur ne se calma pas avant cinq bonnes minutes et elle finit par l'imiter en plongeant dans un sommeil sans rêve.

[...]

Un bruit les tira de leurs sommeils respectifs. Un bruit, ou plusieurs, en fait. Allongés sur le dos, fixant le haut plafond du réfectoire du couvent, ils tendirent l'oreille. Autour d'eux, sur le sol, quelque chose s'agitait. Candelynthe aurait pu jurer percevoir comme un bruit de griffe raclant contre le sol de pierre. Un chien ? Non, la fluidité du mouvement n'était pas la même. La chose reniflait le sol, se faufilait sous les tables. Candelynthe devina Caleb remuer et, d'un geste de la main, elle lui interdit tout mouvement. Alors il s'immobilisa, fixant la main de la Régente toujours tendue, jusqu'à ce que la chose qu'ils n'avaient pas aperçue soit repartie de là d'où elle venait. Candelynthe soupira, espérant que Caleb garde le silence jusqu'au matin. D'une part, elle ne tenait pas particulièrement à ce que la chose revienne à cause d'un bruit qu'elle aurait entendu venant du réfectoire et, d'autre part, la Régente ne souhaitait pas non plus à mettre des mots sur ce qu'ils venaient de vivre à l'instant.

Autant dire que le reste de la nuit ne fut pas des plus reposant. Ils ne fermèrent plus l'œil, ne baissèrent jamais leur garde. Mais aucun bruit étrange ne vînt plus les déranger et l'aube se leva. Trois fenêtres de taille moyenne éclairaient faiblement le réfectoire. Candelynthe osa bouger la première, s'asseyant sur sa couche et se frotta le visage, tentant de détendre ses traits. Alors Caleb se redressa, tout droit, comme la vision populaire d'un mort-vivant. Ses yeux étaient rouges, injectés de sang, brillants et secs. Candelynthe prit alors conscience de l'enfer qu'il venait de vivre.

"Une ghoule, Caleb. Juste une ghoule."

Elle avait voulu parler de manière rassurante mais sa voix rauque matinale ne l'était pas. Il tourna un visage fiévreux vers elle, sans la voir réellement. Alors Candelynthe se leva et avala une gorgée de sa fameuse flasque. Elle la lança ensuite à Caleb qui faillit presque la vider.

"Doucement, Caleb. Quelque chose me dit que nous en aurons encore besoin..."

Il déglutit, s'essuya la bouche d'un revers de la main et se leva à son tour.

Très vite, ils furent près à reprendre leur découverte des lieux. Ils reprirent l'escalier par lequel ils étaient arrivés, gravissant encore quelques volées de marches. C'était, de manière sûre et certaine, un édifice kainiste. En haut, ils débouchèrent sur les bureaux du couvent : l'office de la Mère Supérieure, sa bibliothèque personnelle vidée, saccagée. Candelynthe ramassa respectueusement quelques pages qui avaient survécu au désastre. L'encre avait été effacée par le temps mais elle les rangea tout de même précautionneusement dans son sac de voyage. Elle en sortit aussi un parchemin plié en quatre à l'écriture de Montaine. Il s'agissait d'un code connu seulement des Soeurs de la Sororité du Crépuscule.
Alors Candelynthe retourna dans l'office de la Mère Supérieure et, aidée de Caleb, elle dénicha huit pierres du mur face à l'entrée qui semblaient légèrement plus décollée de la façade que les autres. En s'appuyant du code, elle appuya sur les pierre dans un sens bien précis jusqu'à entendre un "clic". Les pierres se déchaussèrent d'elles-mêmes. Caleb les retira de leurs emplacements et Candelynthe s'empara du minuscule coffre qui n'avait été découvert de personne avant eux. Elle l'ouvrit en utilisant à nouveau les recommandations de Montaine. Dans un écrin de tissu précieux, Candelynthe trouva un trousseau de clefs ainsi qu'une bague à sceau. Le chiffre XXIV, celui de la Mère Supérieure Mahault Fanagan, d'après la légende.

Car c'était pour cette raison unique qu'ils étaient là, Caleb et elle. Pour une légende, celle du couvent d'Ehlrod. On racontait qu'il avait vécu des instants d'une horreur sans nom, où les Soeurs avaient été torturées, profanées même et qu'avec leur disparition, d'antiques secrets avaient été perdu. Notamment d'anciennes reliques qui auraient beaucoup aidé les affaires actuelles de la Régente... Caleb avait accepté de l'accompagner là où, quelques pleines lunes auparavant, des éclaireurs avaient retrouvé des ruines qui, de loin, ressemblaient à celles de la Légende d'Ehlrod. Les évènements de cette dernières s'étaient déroulés lors de la direction du couvent par la Mère Supérieure Mahault Fanagan. On n'avait jamais retrouvé son corps, et la légende racontait que les Soeurs avaient finalement été dévorées par les soldats de l'Inquisition. Cette dernière anecdote, Candelynthe n'y avait jamais cru, mais le reste méritait bien qu'on s'y penche.

Mahault Fanagan avait dont été la Mère Supérieure du couvent qu'ils visitaient tous les deux. Donc ils se trouvaient véritablement dans l'ancien couvent d'Ehlrod et l'excitation fit frissonner la Régente. Elle passa l'anneau à son majeur et attache le trousseau à sa ceinture puis elle referma le coffre pour l'enfermer à nouveau dans sa cachette. Ne restait plus qu'à savoir quelle clef ouvrait quelle porte et quelle porte confirmait ou réfutait tel ou tel secret.


[Mise à jour pour clantage chez les VIII, à coupler avec le BG clan]

Avatar de l’utilisateur
Crepuscule
Spirit of Andras, the Betrayer
Messages : 453
Inscription : jeu. 5 juin 2008 à 21h37
Personnages : Candelynthe & Montaine

Edith & Thonau

Imonophène & Imonohiry

Re: [bghumain] Candelynthe Rhosgae

Message par Crepuscule » mer. 8 décembre 2010 à 11h34

Et je suis l'habitant tranquille de la foudre et de l'ouragan.






Alors, c'était donc cela, la vieillesse ?
Son corps tout entier hurlait sa douleur dans des craquements osseux aussi répugnants que la glaire qui remontait intempestivement de ses poumons en feu. Elle crachait, toussait, ruminant en silence les plans les plus noirs qu'elle n'avait jamais conçu.
Comment avaient-ils osé ?

[...]

C'était un jeune homme, à peine plus âgé que Veddyn mais avec beaucoup moins d'assurance que lui, qu'on avait forcé à agir. Candelynthe avait perçu ses tremblements avant même qu'il ne la rejoigne au centre de la pièce où on l'avait enfermée. Captive, moi ?, ne cessait-elle de penser. Oui, captive. Les mots d'Eloïse continuaient de marteler ses tympans, sourdement, tel un échos sans fin :


"Ne le prenez pas mal, Régente, c'est pour votre bien et celui de l'Imperator. Nous savons que sans cette mesure, vous n'en feriez qu'à votre tête. Or nous nous estimons être en droit de la prendre, puisque jusqu'à présent nous avons courbé l'échine à la moindre de vos requêtes...
- Manifestez-vous donc là votre autorité ? Est-cela que le Conseil m'inflige ? Une crise d'identité ?"

Eloïse avait serré les mâchoires, ses dents avaient grincé. Après tout, ce n'était que pure vérité. Elle-même avait tenté de défendre Candelynthe, mais à quoi bon. Puis elle avait frappé dans ses mains, et le jeune homme était entré.

"Je... Je...
- C'est bon, fais ce que tu as à faire mon enfant, tu n'as rien à craindre."

Evidemment, cela ne sonnait pas très juste dans la bouche de la Régente... Toujours est-il qu'elle n'avait pas le choix, lui non plus, et qu'elle ne pourrait pas lui faire le moindre mal dans la mesure où ce genre de sortilège ne pouvait être défait que par celui qui le posait. Le jeune homme s'agenouilla devant la Régente et lui prit les mains. L'opération dura, dura... Au bout de deux heures, il se releva, tremblant comme une feuille de chêne, pâle comme la mort. La fatigue. L'énergie qu'il venait de dépenser à lui apposer la Marque fit craindre à la Régente le pouvoir qu'elle aurait sur elle. Il sortit de la pièce, et Eloïse revînt, tandis que Candelynthe observait la tâche sombre qui venait d'apparaître sur sa main gauche.

"Vous n'ignorez pas ce que c'est, Régente."

Ce n'était pas une question, aussi Candelynthe ne répondit pas.


"Celle-ci vous sera déliée lorsque le Conseil jugera que nous serons en état d'agir. Veuillez prendre cela comme un sacrifice nécessaire pour votre peuple."


Cette fois, la Régente abandonna la contemplation de sa main pour relever des yeux haineux vers son interlocutrice. Elle cracha les mots suivant avec tant de verve que la pauvre femme faillit s'évanouir :


"Pauvre folle, profites donc bien. Lorsqu'on me l'aura retirée, fuis. Mon courroux contre ta misérable existence n'aura de répit que lorsque je mangerai ton coeur encore battant."

La Régente se leva, dans un craquement d'os terrifiant, le premier d'une longue série. A l'extérieur, Caleb l'attendait. A mi hauteur du gigantesque escalier qu'ils devaient remonter, il la chargea sur son dos pour la laisser retomber sur ses jambes à la sortie, afin que ce détail ne soit connu qu'eux seuls. Lorsque la porte s'ouvrit sur la lumière du jour, la Régente était déjà physiquement l'ombre d'elle-même.


"Caleb, ils vont payer pour cela. Ils vont payer. Ramenez-moi chez moi, je vous prie."

[...]

Des jours, des semaines. Et le mal s'infiltrait en elle, la maladie la possédait. On aurait du lui enlever sa Marque depuis presque trois jours, seulement la brume qui avait envahit Rune était un bon prétexte... Et elle ne pouvait pas quitter la ville sans commencer à se nécroser de toute part. Elle avait essayé, pourtant. Depuis son pied la faisait extrêmement souffrir. Montaine elle-même avait mit dix minutes avant de supporter la vue du moignon purulent. La Régente avait perdu un pied dans la bataille. Bataille, oui. Elle leur montrerait à tous la force de ses armes, sans nul doute, et ils se prosterneront, que ce soit de leur plein gré ou dans la mort !

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 1 invité