[bghumain] Picare Calantre

Ici se trouvent les BGs des héros décédés, paix à leurs âmes.

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[bghumain] Picare Calantre

Message par Elios » lun. 24 mai 2010 à 18h50

Nom : Calantre
Prénom : Picare
Titre : Docteur, Professeur
Age : 28 années
Sexe : masculin
Race : humaine d'origine, son âme réside actuellement dans le corps d'un golem

Métier : apothicaire
Compétences : alchimie, herboristerie, chirurgie, rhétorique
  • Combat : utilise des armes dissimulées dans son corps
    Magie : néant
Alignement : chaotique neutre
Langues parlées : commun

Description physique : Tout de noir vêtu, cet homme haut et mince ne laisse aucune parcelle de peau découverte. Son chapeau haut-de-forme, son long manteau, ses fins gants ainsi que ses hautes bottes attachées à sa culotte arborent la même couleur sombre. Ajoutés à son masque pourvu d'un long bec courbé, dont les trous au niveau des yeux sont obstrués par des bésicles opaques, ses vêtements le rendent hermétiquement et parfaitement protégé. Inviolable, il se sert par ailleurs d'une canne pour appréhender tout corps étranger, son autre main tenant une sacoche noire. Le timbre de sa voix est mécanique.
Caractère : Curieux, Picare est fasciné par le fonctionnement des êtres vivants. Afin de parvenir à ses fins, il n'hésite guère à duper mais s'efforce de ne point nuire physiquement à autrui. Roublard, il peut s'avérer fin diplomate tant que son excentricité ne le trahit pas. Astucieux, il s'avère aussi habile auprès de la science que face aux esprits.
Autres : L'intégralité de son corps est composée d'un alliage à base de mithril. Ce corps, façonné par Thyla Fordenong, contient divers outils et armes (lames, crochets, réservoirs, gaz, lance-flammes). Cette véritable armure pèse 200 kg et lui alloue la force d'un orque.

Situation financière : aisée, ses honoraires sont outrageusement élevés
Comportement social : froid, il optimise chaque phrase
Type d’éducation reçue : autodidacte
Popularité et/ou influence : constitue l'actuelle seule référence en matière de médecine non magique
Pensée politique : néant

Croyances :
  • Einhasad : indifférence
    Gran Kain : indifférence
    Eva : indifférence
    Shilen : indifférence
    Sahya : indifférence
    Pa’agrio : indifférence
    Maphr : indifférence
Relations extérieures :
  • Elfes : utilitaire
    Humains : utilitaire
    Kamaels : utilitaire
    Nains : utilitaire
    Orques : utilitaire
    Sombres : utilitaire
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Re: [bghumain] Picare Calantre

Message par Elios » lun. 24 mai 2010 à 19h15

Chapitre premier : Au travers de nos travers
Peut-être devrais-je déplacer le foie pour permettre à l'intestin grêle de... Non, ce serait folie d'y relier directement l'estomac... Où est passée la vésicule biliaire?

Le pauvre bougre émit un pitoyable râle pour toute réponse, ce qui eut pour effet de colorer son propre œsophage d'une inquiétante teinte sombre. Picare soupira, ôtant ses mains ensanglantées du corps de son patient.

Tu peux dire adieu à ton pancréas...

Mais il était déjà trop tard : l'homme était mort.

Celui qui se tenait encore debout retira ses gants et les jeta sur l'appareil digestif gangréné de feu son père en pestant :
-Quelle plaie cela va être à nettoyer.
Outre cette ingrate tâche, c'était bien le triste échec qui agaçait l'enfant au plus haut point. Invariablement, tous ceux qui se trouvaient infectés par cette épidémie finissaient de la même façon. Or, la nécrose qui les dévorait empêchait quiconque le souhaitait d'étudier plus longuement l'affaire. En l'occurrence, il s'agissait bel et bien de la première dissection de Picare.

Le remède doit conséquemment tenir compte de l'usage des défenses immunitaires vitales. Ce fléau s'en sert judicieusement pour subsister dans le corps. Ainsi ne peut-on parvenir à un résultat satisfaisant qu'en faisant présenter à la drogue un aspect analogue à la maladie qu'elle doit assimiler et annihiler.

Considérant un instant le flacon qui trônait sur la table de chevet, l'enfant plissa les yeux, certain d'être proche de la solution.

Il me faut utiliser un autre individu infecté. C'est le seul moyen de vérifier ma théorie.


Picare habitait un modeste village au sud de Gludio. Un hameau dont l'autarcie s'était précisée depuis l'apparition d'un mal étrange, une épidémie qui rongeait peu à peu la population locale et dont l'origine demeurait inconnue. Les premiers symptômes apparaissaient sous la forme de frissons, d'une fièvre, de myalgies, d'arthralgies, de céphalées, d'asthénie, ainsi que d'abcès scrofuleux auxquels se substituait en quelques jours une nécrose aussi bien externe qu'interne, accompagnée d'expectorations purulentes. Des formes évoluées de cette maladie se sont par ailleurs développées, induisant quelque souffrance supplémentaire à la victime, voire d'importantes mutations physiques.

Face à ce fléau, les habitants ont confusément entamé de bien étranges procédures en vue d'enrayer sa propagation. La prière à Einhasad tout d'abord, suivie d'une traque de tous les hérétiques naturellement accusés d'être la cause du mal, avec les gueux, les précepteurs, parfois le clergé voire les malades eux-mêmes... Ainsi régnait la confusion au sein de la bourgade.

Alors que les charlatans se multipliaient, prodiguant potions et dragées, baumes et saignées, Picare acquérait ses propres connaissances à travers les multiples expérimentations qu'il effectuait sur les animaux. Jusqu'à la dissection de son père, il n'eut en effet jamais l'occasion d'étudier les réactions du corps humain vis-à-vis de ses découvertes scientifiques. Au final, son esprit empli d'innombrables supputations n'était jamais certain de rien.
Ce jour-là, Picare sortit de demeure familiale avec hâte, emmitouflé dans plusieurs couches de manteaux, gants, écharpes, et autres morceaux de tissu, rendant seuls ses yeux visibles. Il se rendit au cimetière en courant ainsi équipé, emportant avec lui une grande sacoche de cuir. Une fois sur place, il commença à prospecter aux alentours des stèles, se gardant bien de les profaner en présence du fossoyeur. Les enterrements se succédant, l'enfant devrait se contenter des plantes locales. La flore de ces lieux était en effet fort riche.


Il s'agissait pour lui d'un tâche quotidienne, un devoir qu'il répétait sans cesse dans le but de contribuer au progrès de la science. Fervemment, Picare collectait les trésors de la Nature, ce que les Hommes n'avaient pas encore souillé. Manipulant ses trouvailles avec la plus infime précaution, l'enfant imaginait avec enthousiasme les épreuves biologiques qu'il pourrait effectuer avec celles-ci. Alors que les lamentations des familles éplorées résonnaient dans le cimetière, Picare fredonnait une joyeuse mélodie, guilleret.

J'apporterai la potion a Mosoline. Elle sera contente d'aller mieux.

Ainsi le jeune garçon se rendit-il au chevet de son amie d'enfance après avoir préparé une nouvelle décoction dans la maison de feu ses géniteurs. Pénétrer chez Mosoline n'était point tâche aisée. Ses parents l'avaient en effet enfermée afin d'empêcher toute visite susceptible d'aggraver son état. Mais la petite fille ayant appris à Picare la manière de se débarrasser du loquet qui maintenait la trappe de la cave close à l'occasion d'une promenade nocturne, celui-ci parvint jusqu'à elle sans dommages.
-Mosoline! cria-t-il en frappant à la porte de sa chambre. C'est moi! J'ai trouvé un remède!
Le jeune garçon entra et découvrit son amie alitée, le teint blême.
-Picare? souffla-t-elle d'une voix éthérée. Tu es venu...
-Je suis là pour te guérir, affirma-t-il en brandissant le précieux flacon. Bois ça et tu te sentiras mieux.
La petite fille se saisit faiblement de la main du visiteur en grimaçant.
-Ne me touche pas si cela te fait souffrir, dit-il.
-Non... Ca me fait... plaisir... de te voir.
-Nous retournerons jouer ensemble quand tu seras rétablie. Tu pourras te mouvoir comme avant.
Comme il approchait la potion des lèvres de Mosoline, cette dernière susurra avant d'accueillir le goulot entre ses lèvres bleues :
-Merci... Picare.
Et elle s'exécuta, buvant alors que le jeune garçon lui parlait pour la rassurer :
-Même malade, tu es toujours jolie. Mais je te préfère souriante et en bonne santé. Tout le monde est triste avec cette épidémie, c'est ennuyeux. Les adultes deviennent fous, mais ils boiront le remède, ils riront de ce mauvais souvenir.
Il éloigna le flacon vide du visage de son Mosoline qui affichait une mine réjouie bien qu'épuisée.
-Je me sens... déjà... mieux. Picare... tu es un... génie...
Mais elle fut interrompue par l'arrivée soudaine de sang dans sa gorge. Comme elle tentait de contenir le liquide avec sa main, quelques gouttes coulèrent sur ses doigts. Une quinte de toux la força à ouvrir la bouche, lui faisant ainsi déverser le contenu de celle-ci sur les draps de son lit.
-Ah... déclara-t-elle d'une voix rauque en s'adossant a son oreiller. J'ai besoin... de repos...
-Mosoline?
Mais son interlocutrice s'était tue.
-Mosoline... Tu es guérie?
N'appréciant guère ce silence oppressant, le jeune garçon avança sa tête contre la poitrine de son amie et y colla son oreille. Au bout de quelques secondes, il essuya ce triste constat : elle était morte.
-Hmm j'ai peut-être forcé sur la dose de gru... Mosoline!
Picare venait de prendre conscience de son méfait. Horrifié, il laissa échapper un hurlement qui retentit jusqu'à l'extérieur de la maison. Se couvrant la tête, son esprit confus faisait défiler d'innombrables pensées.

Quelle erreur ai-je commise? La pauvre, elle est morte! C'était infaillible! Elle est morte! J'avais tout vérifié! Morte! Je dois partir! MORTE! M'enfuir!

Le jeune garçon considéra les dégâts de son erreur avec peine.

Je... Je ne peux pas l'abandonner... Il... Il me faut... un échantillon!

L'enfant sortit fébrilement un couteau de sa sacoche.

Pardonne-moi, Mosoline...
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Re: [bghumain] Picare Calantre

Message par Elios » ven. 24 septembre 2010 à 12h10

Chapitre deuxième : Charlatan
-Approchez! Approchez! Je vends les meilleurs remèdes de tout Elmoreden! Verrues, fièvre, douleurs musculaires, calvitie; rien ne résiste à mes drogues!
L'homme tout de noir vêtu qui palabrait ainsi portait un étrange masque au bec courbé. A travers ses couches de vêtements, aucune parcelle de peau n'était discernable. Une canne a la main et sa sacoche dans l'autre, il énumérait ses médicaments et en vantait les mérites.
-Voici une potion contre le rhume de Blancheterre. Buvez-en et vous serez guéris en deux jours!
-Parlons-en de votre décoction! clama une roturière parmi les badauds.
Picare s'approcha de celle qui avait osé élever la voix et put ainsi constater les effets de son breuvage sur le visage boursouflé de la jeune femme.
-Voyez comme elle m'a défigurée! poursuivit-elle. Je réclame réparation!
-Chansons, répliqua l'apothicaire. Mes remèdes sont infaillibles.
-Ma fourche elle est infaillible! Et mon tisonnier aussi! Croyez-moi qu'il va vous en cuire...
-Je n'ai que faire de vos calomnies, l'interrompit le médecin. Mais je suis magnanime.... Voici un baume qui dissimulera vos affreuses pustules!
-Ah oui?
-Vous ne serez plus un monstre...
-J'entends...
-... d'une effroyable laideur...
-C'est vrai...
-... à effrayer les pires démons...
-Holà!
-... par une abominable répugnance...
-Ca suffit!
-... d'une abjection repoussante...
-Donnez-moi ça! ordonna-t-elle en s'emparant du précieux récipient.
Ne laissant guère à son interlocuteur l'occasion de répliquer, elle ouvrit la boîte cylindrique et préleva une portion de l'onguent pour l'appliquer sur son visage ravagé. Son entreprise fut volontairement stoppée lorsqu'elle évalua l'odeur du prétendu liniment.
-Mais... c'est de la...
La jeune femme tourna son regard plein de haine vers Picare, mais celui-ci avait déjà disparu, ne laissant derrière lui qu'une décoction fumigène répandue sur les pavés.
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Re: [bghumain] Picare Calantre

Message par Elios » lun. 25 octobre 2010 à 01h22

Chapitre troisième : Le petit être dans l'homme

Picare n'avait jamais eu l'intention de le considérer considérer comme une entité à part entière. Cependant ces intrusions systématiques dans ses songes lui suggéraient que ce parasite pensait.

Laisse-moi vivre... Je veux vivre!

Ses voyages successifs entre inconscience et lucidité, dus à ses souffrances indicibles, mettaient à mal sa clairvoyance. Y avait-il réellement un être pensant en lui?

Pars! Dis-moi comment te faire disparaître!
Je vis grâce à toi. Ne me tue pas.
Tu n'as rien à faire ici! Je ne veux point de toi!
Tu m'as pourtant donné vie.
C'est faux! Tu me tortures. Et si je meurs, je t'emporte avec moi.
C'est toi qui as décidé de dévorer le cœur de cette fille. Quant à moi, je suis né de ton sang.
Ce n'était que pour mieux t'éradiquer, abomination!
Fais-moi vivre! Propage-moi!
Paix! Je ne suis point ta marionnette!
Je veux vivre! Je veux vivre à travers tout le monde!
Tu consumes certes mon corps, mais mon cerveau te sera à jamais inaccessible! Pars!
Pourtant, je m'y trouve déjà...

A son réveil, Picare s'aperçut que le liquide noirâtre avait une fois de plus envahi son masque. Le système d'évacuation pour le moins archaïque lui permit de transférer la substance souillée dans ses bottes. Même contaminé, son sang lui était encore précieux. Malheureusement, la présence de celui-ci était trahie par le bruit écœurant suscité par la marche de Picare. Il pataugeait littéralement.

Il va me falloir faire renouveler mon matériel. Je suis scientifique, point forgeron.

En sortant du village en ruines, le médecin songea :
Cette ville un peu au nord est remplie de nains. Comment s'appelle-t-elle déjà... Gludio?
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Re: [bghumain] Picare Calantre

Message par Elios » lun. 9 avril 2012 à 11h19

Chapitre quatrième : Immortel
Lorsque la vision lui revint, Thyla se tenait devant lui, l'examinant sous tous les angles, étudiant ses moindres faits et gestes. Comme il vacillait, le kamael à sa droite vint prévenir sa chute.
—Laissez-le, dit la naine. Il doit s'habituer.
Picare repoussa la main de l'être ailé et commença à marcher, traversant la pièce de long en large. Sa vitesse de déplacement oscillait de façon irrégulière. Lorsqu'il s'arrêta, il essaya de faire fonctionner ses cordes vocales. Une voix métallique retentit :
—Sainfoin, salsepareille, sandersonia, sapin, saponaire, sardoine, sauge...
—Vous pouvez parler... Cela fonctionne mieux que je ne l'espérais. Picare, m'entendez-vous?
L'apostrophé hocha la tête.
—Je vais vous dire des chiffres. Indiquez le nombre avec vos doigts... Trois!
Le docteur présenta trois de ses doigts.
—Bien... Est-ce que vous voyez les couleurs?
—Oui.
La naine se plaça dans son dos et lui porta un petit coup sec au bas du de celui-ci.
—Est-ce que vous sentez quelque chose?
—Non.
Et à elle de frapper plus fort, ce qui ne provoqua aucune réaction de la part de Picare.
—Je me suis peut-être trompée sur une rune... Si vous ne ressentez toujours rien dans la semaine, venez me voir.
Le kamael sortit de la salle, laissant le docteur et le Bailli du Gludio seuls. Après avoir habillé le scientifique d'une blouse de la clinique, Thyla attendit celui-ci qui pénétra la chambre de quarantaine et en ressortit quelques secondes plus tard avec une clef, qu'il lui tendit.
—Je ne peux décemment pas sortir ainsi. Mes affaires se trouvent dans le laboratoire.
Son interlocutrice s'empara de la clef avant de tourner les talons et de s'exécuter. Elle revint avec des vêtements noirs exquis, une canne, ainsi qu'une lourde sacoche.
—Je vous laisse vous habiller. Même ainsi, vous avez le droit à un peu de pudeur.
—Encore votre éthique...
La naine sortit en souriant.
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Re: [bghumain] Picare Calantre

Message par Elios » mer. 6 juin 2012 à 22h26

Chapitre cinquième : Le nouveau scientifique
« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. »
François Rabelais
Dans son laboratoire secret à Gludin, Picare contemplait des cylindres dans lesquels baignaient des formes de vie, humanoïdes pour la plupart.
« Peu importe combien de fois je les dupliquerai, jamais je ne pourrai obtenir la même créature. L'identique n'est qu'une chimère. Ce seront donc tous des ersatz. Même les nombreuses dalles accolées sur ce sol sont différentes. Depuis la création de notre monde, ce fait est indéniable : une structure simple engendre des ensembles complexes. Tout est unique, même les protozoaires. C'est l'œuvre du Chaos. »
Si certaines d'entre elles demeuraient aussi immobiles que des cadavres, d'autres en revanche se développaient si rapidement que leur croissance était perceptible à l'œil nu. Çà et là, quelques abominations imploraient que l'on achevât de leur donner la mort. Face à ce spectacle, le scientifique restait de marbre.
« On prélève, on mélange, on constate, et on recommence. On ajoute, on enlève, on essaie autre chose. On ampute, on augmente, on diminue, on attend. On essaie autre chose. On multiplie et on mélange encore, encore, encore. On teste toutes les possibilités. Si c'est utile, on conserve. Si c'est inutile, on supprime. On essaie autre chose. On prend, on assemble, et on détruit. On essaie autre chose. »
Le docteur était absorbé par son propre esprit. Dans ce silence presque parfait de la salle d'expérimentation, même les moteurs des machines semblaient s'être tues. Ce n'était plus un corps, avec sa chair, ses boyaux, son sang, ses cellules, qui émettait des pulsions électriques au cerveau. Depuis qu'il habitait ce corps de mithril et d'acier, tout cela n'était plus qu'un lointain souvenir. C'était à présent une âme plongée dans ses pensées, un être de pure spiritualité qui réfléchissait. Il n'y avait désormais que lui et son imagination pour seule compagnie.
Dans ces moments de solitude absolue, Picare réunissait tout ce que son intellect avait acquis et mémorisé, et tentait de découvrir de nouvelles issues aux multiples combinaisons de ces éléments. La somme de ceux-ci était alors plus importante que leur simple juxtaposition. Ainsi pouvait-il recommencer le processus avec ce qu'il avait obtenu du précédent.

« De tout temps, les supputations d'êtres humains furent jugées insensées avant d'être acceptées par tous, sans que subsiste aujourd'hui le moindre doute à leur propos. En supposant que tout soit possible, nul ne peut être certain de quoi que ce soit. Néanmoins, les six races découvrent, apprennent et évoluent en usant de leurs connaissances, elles-mêmes acquises à l'aide d'expérimentations et de démonstrations. Mais il est possible que bien des facteurs leur échappent. Il s'agit donc d'approximation. Et force d'approximations, ils finissent par commettre des erreurs. Même lorsqu'ils en sont conscients, ils conservent le résultat obtenu. Cette négligence amène à croire que nombre de leurs connaissances sont erronées. Il devient alors difficile de distinguer le vrai du faux, d'autant plus que les premières découvertes des cinq races peuvent s'avérer incorrectes, car des facteurs qui leur échappaient ne furent pas pris en compte. Mais rechercher ce qui leur échappe avec des informations erronées est-il judicieux ? »
« Tant de métaphores, de comparaisons, de personnifications imaginées par des individus qui ignorent que tout ces faits sont incomparables, confortent les cinq races dans leur certitude que leurs comportements ne sont guère paradoxaux. Certaines d'entre elles sont devenues des expressions tellement usuelles, que nul n'en connaît la réelle signification ou n'en réalise la portée. »
« La science elle-même est marquée par le paradoxe. Elle fut en effet de tout temps un moyen d'évolution pour les cinq races, dont l'objectif demeure aujourd'hui la création d'êtres parfaits. Or, l'existence de la perfection rendrait la science obsolète. Ces deux concepts sont si proches et pourtant si hostiles l'un à l'autre, tout comme l'ombre et la lumière, mais qui, comble du paradoxe, ont besoin l'une de l'autre pour exister, d'où leur proximité. Voilà un nouveau paradoxe : récolter des informations exactes, la perfection étant utopique. Que cette notion soit relative ou bien absolue, sachant que l'absolu ne devrait accepter aucune notion des cinq races, cela demeure un paradoxe. L'absolu est d'ailleurs lui-même une notion des cinq races. »
« Quelle est la raison de l'existence des paradoxes ? Preuves de cohabitation d'incompatibilités, ils m'entravent sur le chemin de la science vers la compréhension de ce qui échappe aux cinq races. Pourquoi ces désaccords existent-ils ? Pourquoi l'absurdité existe-t-elle ? »
En proie à une véritable suffocation spirituelle, mais victime de convulsions bien corporelles, Picare poussa son raisonnement plus loin, comme à son habitude. La vérité lui était en effet fort précieuse.
« Tout sens est ôté du monde. La logique n'existe plus. La raison n'existe plus. Une raison à cela, il n'y a point. C'est ainsi. L'absolu n'inclut rien. Des choses existent et surviennent. Des actions et des réactions se produisent. Il suffit de constater, d'étudier, puis d'utiliser. C'est ainsi qu'est le monde. C'est ainsi que fonctionne la science. »
Ainsi apaisa-t-il sa douleur en devenant Ouroboros. Ainsi conclut-il son analyse par les bases de celle-ci. Ainsi renouvela-t-il le cycle de sa réflexion.
« Chaque être vivant est pourvu d'un corps basé sur un schéma commun à tous les représentants de cette race. L'usage de cette enveloppe charnelle diffère selon les individus, et c'est pour cette raison que l'évolution est possible. Leur sottise les laisse toutefois inconscients de ce potentiel. Outre quoi ils s'avèrent si versatiles, qu'ils sont capables d'interrompre leurs progrès en vue de se perdre dans les méandres d'une transformation oscillant constamment entre le vice et la vertu. C'est donc à nous les scientifiques de les guider vers la meilleure issue possible. »
Considérant à nouveau la pièce dans laquelle étaient exposées ses créations, le golem qui fut jadis humain se leva lentement avant d'aller les contempler de plus près.
« Nous? Le docteur Articulus n'a plus donné signe d'existence depuis bien trop longtemps. Je dois me rendre à l'évidence : je suis maintenant le seul représentant public de cette cause, et à ce titre, je dispose désormais des pleins pouvoirs en cette ville et au-delà. Il est temps pour moi de prendre la relève et de tracer la voie vers ce dessein. »
« Ah, et m'occuper de cette Main Rouge... »
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Re: [bghumain] Picare Calantre

Message par Elios » jeu. 7 juin 2012 à 04h27

Chapitre sixième : Docteur Avarice

Négligemment entassée dans un appendice du laboratoire, la fortune de Picare venait accueillir un nouveau cachet, aussi faramineux que les précédents.

« La valeur de la vie... »

À sa façon, la petite âme dans le golem se constituait déjà professeur. Et si ses soi-disant confrères le considéraient ainsi, ses principaux élèves – malgré eux – ne lui adressaient que haine et mépris. Comment pouvait-on estimer autrement un médecin qui exigeait pareilles sommes d'argent en guise d'honoraires ?

La Science nécessite certes toujours davantage de fonds. Mais une telle accumulation se révélait plus que suffisante à tous les besoins du tisseur de vie. C'était égal au docteur qui continuerait de faire payer à ses patients le juste prix de leur existence ; qu'importait le devenir de toute cette richesse...

Financièrement dépouillés, nombre de ses clients avaient fini par nourrir une solidarité apparente, simple prétexte à une profonde aversion commune envers l'illustre mais controversé docteur Picare Calantre. Ce dernier eut l'occasion d'en constater les effets, notamment à Gludio, lorsqu'il se fit prendre en tenaille par un attroupement d'anciens patients, désormais désireux de lui faire payer le prix de son avidité.

Euphorisés par le si proche assouvissement de leur désir de vengeance, les pauvres bougres se sentaient animés d'une force indomptable, et c'est ainsi encouragés par l'excitation de leur corps qu'ils se jetèrent à l'unisson sur l'homme en noir masqué de blanc.

Solide de constitution, le golem n'eut pas à redouter l'assaut. Médecin de profession, l'âme qu'il recelait eut tôt fait d'en terminer avec ses nouveaux patients. Des ecchymoses, quelques incisions tout au plus. Il ne s'agissait pas de traumatiser les organes plus qu'il n'était nécessaire pour que les esprits le fussent assez, afin de leur inculquer une nouvelle leçon.

À peine le dernier des plus téméraires s'effondra-t-il que le docteur Picare s'agenouilla auprès de l'un d'eux, et ouvrit sa sacoche.


« Vous avez payé d'avance aujourd'hui. Je n'en demanderai pas davantage pour ces soins-là. »

Les soins prodigués à ses agresseurs qu'il s'était évertué à blesser il y a quelques instants leur laissa un goût amer. Imperméables à la pédagogie du golem, ils ne ressortiraient de cette douloureuse expérience guère plus assagis qu'après le premier paiement. Pour le docteur, il ne s'agissait pas d'un échec, mais d'une fatalité indifférente à son entreprise légitime, aussi indifférente que lui vis-à-vis du résultat.

[Justification de sous-classe bishop]
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