Age: 21 ans
Sexe: Masculin
Race: Humain
Classe: Guerrier ( plus de détails dans le BG ci dessous )
Iann n'a jamais été à l'aise avec la magie, d'autant plus que son frère était un mystique. Plutôt athlétique et robuste, Iann s'est tourné vers le corps à corps et les armes tranchantes.
Culte: Anti-déiste
Carrière envisagée: Iann veut pour le moment devenir un gladiateur destructeur au combat. Mais il n'est pas qu'un guerrier; il aime aussi les sciences et aimerait que cela se sache un peu plus.
Caractère et moralité: À 21 ans, Iann découvre le monde et commence à se lier d'amitié avec des individus tous différents. Il est d'une sociabilité exemplaire, aime rire. Sa curiosité poussive donne l'impression d'avoir à faire à un enfant, alors que derrière ce bout en train se cache un homme qui a déjà trop réfléchi. Il est plein de bon sens, ouvert d'esprit, mais parfois un peu amoral sur les bords. Il n'est pas mauvais, mais ne sera bon qu'avec les gens qu'il aime et qui l'aime. Il n'a pour l'instant pas grand chose à défendre, hormis ses idées qui dérangent; en particulier sur les religions.
Description physique: Iann est assez grand, bien bâti par des heures de natation depuis son adolescence. Il a un visage aux traits particulièrement fins, avec un nez droit assez commun et des lèvres un peu fines. Ses yeux sont d'un bleu-vert assez rare qui donne au regard de Iann une grande expressivité. Il a des cheveux blonds raides comme des baguettes, qui lui tombent de part et d'autre du visage pour s'arrêter en haut de la nuque.
La plupart du temps Iann est souriant, ce qui lui donne un visage doux et agréable à regarder, s'alliant parfois à merveille avec son rire communicatif.
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Par où commencer.
Peut être tout simplement par moi.
Je suis Iann, fils de feu Ammoth. Je viens de la ville de Rune. Je suis, au moment d'écrire ces lignes, en train de contempler la grande cascade des chutes de Windtail. Mon amie Eilistraee m'y a mené. En effet, après 21 ans de ma pitoyable vie d'humain, j'avais besoin de trouver un havre de paix, pour réfléchir.
Pourquoi? Je ne sais même plus ce que je fais là. Je n'ai jamais su ce que je faisais là où j'étais je crois. Maintenant je n'ai plus rien de ce que j'avais. Je crois qu'il est l'heure de démarrer une nouvelle vie de plein pied. Mais je ne sais pas où aller, j'ai tellement de choses dans ma petite tête c'__ * Il y a ici de grandes ratures énervées *
* Il y a de la terre et des traces vertes sur ces deux pages...et une petite note qui est: Je ne te félicite pas imbécile *
Je ne peux guère avancer sans chasser mes vieux démons. J'écris? Je vais en profiter alors et écrire les miettes de mon passé que ma mémoire a bien voulu épargner.
Mémoires d'un bon à rien, parmi les corbeaux de Rune
I - Ma petite non enfance
Je suis né il y a vingt et une années. J'ai pris mon premier souffle lorsque ma mère a rendu son dernier. En effet, elle a trépassé en m'enfantant. Voilà une vie qui commence bien, n'est-ce pas?
Ma mère se prénommait Rynn. Elle ne devrait être qu'une inconnue qui m'a donné la vie. Mais elle m'a malheureusement conçu avec un coeur et restera alors la femme qui manquera éternellement à la petite chose que j'étais, pour que cette petite chose daigne vivre comme un enfant.
Bien sûr les premiers mois, peut-être les deux premières années, je n'avais pas trop conscience de ce qu'une mère pouvait être. En fait n'en ayant jamais eu je ne sais toujours pas ce que c'est.
J'avais néanmoins un grand frère, Kyrrhan, plus âgé que moi de huit années, mais aussi bien entendu un père. Mon frère et moi étions fils de marchand. Marchand de quoi? Marchand de tout, marchand de rien. Ca passait par l'équipement de base pour les voyageurs en quête d'aventure, aux pommes de terre du peuple.
C'est bon les patates.
Mon père Ammoth s'est occupé de moi seul jusqu'à mes 4 ans. Mon frère s'occupait ensuite parfois de moi. A 12 ans il avait déjà d'énormes responsabilités, et je crois que cela ne l'enchantait guère. À son âge on a tous envie de faire autre chose. Malheureusement, on ne peut pas dire qu'il ait pris ses responsabilités à coeur et ne m'a pas fait part d'une grande affection fraternelle. Mon père était littéralement absent, Kyrrhan me pourrissait la vie.
" C'est de ta faute s'il n'y a plus maman! Sale petit monstre tu l'as tué et maintenant je dois passer mon temps à te surveiller! J'ai des copains moi, pas comme toi! "
Faire culpabiliser un petit enfant, quelle merveilleuse idée. Sa conduite m'a poussé à grandir trop vite dans ma tête. Très jeune je me suis renfermé sur moi même. Mon père m'a envoyé à l'école, j'y ai appris à lire et compter très vite. Puis je coûtais déjà suffisamment cher: la vie d'une femme, maintenant il fallait payer mon éducation!
" Tu seras un guerrier mon fils tu n'as pas besoin d'apprendre toutes ces choses inutiles! Tu feras ton service à l'armée de Rune et deviendras un grand soldat! "
Mais mon père, s'occupant trop peu de moi, ne savait pas qu'à 6 ans je savais déjà dire " N O N ". N'étant pas du genre autoritaire, il a toujours essayé de " m'enrôler " gentiment. Néanmoins, je suis têtu.
Il a alors, pour une rare fois, pris la peine d'agir comme un bon papa: il m'a fourni en livres. Je me suis donc instruit de cette façon, par moi même. J'ai commencé avec des contes pour mon âge, puis des vieux livres d'écoles un peu usés. J'avais des dictionnaires pour les mots compliqués. J'ai d'ailleurs toujours du mal à lâcher ces énormes livres qui renferment tellement de mots inconnus.
Mais il y a encore plus d'inconnus: les autres langues, les autres cultures. Vers 8 ans, alors que Kyrrhan poursuivait paisiblement ses études, qu'il vivait ses premiers amours... * un long trait ne rayant rien se trouve ici jusqu'au bout de la page *
Vers 8 ans, alors que Kyrrhan vivait, j'ai découvert qu'il y avait une vie avant ma naissance, ainsi que de la vie ailleurs qu'en dehors de ma maison et de Rune. N'ayant pas le droit de sortir, je passais alors mon temps dans les livres d'histoire, de géographie, d'art ...
et puis les écrits religieux qui regroupaient un peut tout ça à la fois mais avec un ton que j'ai toujours comparé à celui de l'épopée, voir parfois celui du conte de fée.
" Papa pourquoi tu veux que je prie Einhasad ? " ais-je osé demander à mon père un beau jour. J'ai son expression gravée à jamais dans ma mémoire. Heureusement que je n'ai pas celle de sa main sur ma joue. Je n'ai pas voulu pleurer devant lui, pensant que ça aurait pu lui faire plaisir... Penser que mon père était un sadique, alors qu'il était tout simplement trop fragile, trop faible, trop seul, pour pouvoir m'élever et me guider. Après tout, même lui, cette question, il ne se l'était jamais posée.
Après cette gifle qui me remua plus l'esprit que le visage, je suis allé me réfugier là où j'ai passé le plus clair de mon temps, c'est à dire l'entrepôt de marchandises de papa. J'ai pleuré tout ce que j'ai su, et je me suis promis de ne jamais prier aucun dieu ou quoique ce soit. Après tout, un dieu qu'est ce que c'est? Certains disent les avoir vu de leurs yeux, d'autres qu'ils ont des pouvoirs divins... Moi tout ce que je sais, c'est qu'on critique beaucoup les vivants, que l'on adule les dieux, alors qu'ils sont bien plus avides de violence, bien plus lâches, bref, bien plus détestables que nous.
Je n'ai pas à admirer ces êtres infâmes, pour qui on se tue, pour qui on se dévoue, sans ne jamais avoir quelconque preuve de leur affection pour nous. Qu'ils existent ou non, je les hais. Je n'ai pas besoin de symboles, d'allégories, pour me dicter une morale. J'avais besoin de parents pour cela.
* La page est blanche d'une bonne moitié, comme pour accentuer la séparation entre le récit précédent et celui qui suit, en haut de la page suivante *
Kyrrhan, bien que très occupé à apprendre la magie dans le château de Rune, vivait encore à la maison. Il était excellent alors il touchait des subventions. Il en donnait une partie à papa et mettait le reste de côté pour ses affaires personnelles. Je n'ai jamais su ce qu'il faisait de cet argent, peut être offrait-il des bijoux à cette femme chez qui il allait dîner voir coucher parfois. Quoiqu'il en soit je n'en avais que faire à l'époque, et n'ai jamais su non plus où il planquait ses économies dans la maison. Néanmoins, quelques milliers d'Adena disparurent étrangement quand je devais avoir à peu près 12 ans.
" Sale petit vaurien, il fallait que tu viennes au monde en ravageant tout sur ton passage, et maintenant tu me voles? Tu oses voler ton frère, tu n'as donc aucun amour pour ta famille ? " s'exclama alors Kyrrhan, furax. Il voulut d'abord me rosser avec un bâton. Mon père était désemparé, désarmé, passif. Seulement, à 12 ans j'étais déjà presque aussi grand que mon frère, et je dois avouer qu'il n'était pas très robuste, même pour un mystique. Il tenta alors de me mettre un coup: je saisis le bâton de mes mains qui me brûla l'intérieur des doigts à l'impacte. J'ai hurlé de douleur, mais Kyrrhan ne cessa point pour autant.
C'est alors qu'une force qui me venait de nulle part me fit serrer le poing droit, pour l'envoyer droit sur la figure de mon frère. Il en était tombé sur les fesses, en se tenant le nez de ses deux mains, les larmes qui perlaient sur son visage de jeune adulte. Il n'y avait pas que des larmes, il y avait aussi énormément de sang. J'avais brisé le nez à mon frère d'un seul coup de poing. Papa affolé me consigna dans ma chambre, mais je préférai me cacher dans l'entrepôt. Il s'est sans doute chargé de Kyrrhan ensuite.
Je venais donc d'être accusé, à tort, d'un vol que je n'avais pas commis, par mon propre frère avec l'approbation implicite de mon père. Je venais aussi de prouver que j'existais. Mais j'avais en plus compris que je n'étais pas un enfant comme les autres, qui se plaint d'avoir des devoirs, qui se bat pendant la récréation, qui joue avec des pétards... J'étais un animal solitaire, qui semblait déranger son entourage plus qu'autre chose. C'est ma foi, bien peu encourageant pour vous donner l'envie de vivre... Je n'avais pourtant pas de raison d'être malheureux n'étant pas un clochard! Néanmoins, je me suis dit ce jour là une phrase que je me répète tous les jours:
" On a tous le droit d'être malheureux à son échelle. "
II - Ma seconde naissance
En brisant le nez de mon frère j'avais aussi brisé ma coquille. Cette scène violente avait radicalement modifié le climat à la maison. Mon père était venu me parler après l'évènement. Il toqua doucement à la porte de l'entrepôt, puis entra sans bruit. Il n'avait pas l'air en colère, mais plutôt triste. J'étais assis dans un coin, la tête entre les genoux, les bras recroisés sur ma tignasse blonde. J'étais en pleine convolution.
Papa s'approcha et posa délicatement sa main sur mon épaule droite, et il me dit:
" Mon fils... tu n'as pas à t'en vouloir, même moi je ne t'en veux pas. Kyrrhan a eu ce qu'il méritait. De plus, je sais qu'il n'y a pas eu vol. Cet argent c'est moi qui l'ai pris, car nous en avons grand besoin. J'allais lui en parler mais je suis arrivé malheureusement trop tard. Je suis désolé de ce qu'il s'est passé mais... " je relevai subitement la tête en le regardant droit dans les yeux. Il ne continua pas sa phrase et je pris du coup immédiatement la parole:
" Tu ne comprends pas que tes excuses papa, je m'en fiche? Je veux celles de Kyrrhan. Je n'en peux plus. Je ne peux pas aller plus loin que notre terrasse délabrée lorsque je veux prendre l'air et de l'air j'en ai pourtant grand besoin! On sait tous que cette surprotection n'est là que par peur que je me blesse: ce serait regrettable de payer des soins si la blessure était trop grave. A la maison je n'existe qu'au repas car il faut nourrir une bouche en plus. Cette sale et vilaine bouche qui a épuisé maman pendant neuf mois, cette sale et vilaine bouche que l'on fait semblant de ne pas voir, sur laquelle on se défoule lorsque tout va de travers, celle que l'on néglige, celle que l'on ne désire pas comme si elle n'avait jamais été désirée!!! "
Le regard de mon père se vida. Il me prit alors dans ses bras tout en plaquant ma petite tête sur le haut de son torse, comme pour me cacher la vue de son visage. Il me chuchota alors, en sanglot :
" Je viens de me rendre compte que j'avais un second fils, qu'il avait déjà vécu 12 années et que je n'ai pas pris la peine de m'occuper de lui pendant une seule de ces années. Je me suis contenté de te garder en vie pour honorer le souvenir de ta mère. Je suis un être infâme et j'ai laissé ton frère te malmener et te mettre dans la tête de très sombres idées, alors que tu sembles plus futé que lui à un âge improbable. Les choses doivent changer Iann. "
Après tout, personne n'est irrattrapable. Je n'avais jamais vu mon père comme cela, je crois que c'est la première fois que j'ai pu avoir autant d'affection de sa part. Je lui en voulais tout de même de ne m'avoir pas rassuré plus tôt vis a vis de ce qui était arrivé à ma mère.
* on peut voir ici un magnifique croquis de la grande cascade des chutes de Windtail, très ressemblant bien que monochrome *
Lorsque je suis rentré chez moi, avec mon père, Kyrrhan faisait la tête. En effet, papa l'avait vigoureusement (mais seulement verbalement) houspillé, à propos de la façon dont il s'était occupé de moi depuis toutes ces années. Je n'en revenais pas. Je ne réalisais pas trop ce qu'il se passait, mais je savais que ma vie allait changer.
La preuve: dès le lendemain mon père m'emmena à la plage avec mon frère, et son amante. La mer de Rune, je la voyais pour la première fois de près, avec ses vagues agressives et son vent qui fait fouetter mes cheveux contre mon visage. Mon père a commencé à m'apprendre à nager. Vaut mieux tard que jamais. J'y ai fortement pris goût, et nous sommes retournés à la plage deux fois par semaines pendant un mois. En un mois je nageais la brasse sans problèmes, dans cette eau froide et salée que j'aurais aimé connaître plus tôt.
Je découvrais un peu plus la ville chaque jour, grâce à des ballades quotidiennes. Je me rendais compte de tout ce que j'avais loupé depuis tout ce temps là, mais ma joie m'empêchait de nourrir la rancune que j'aurais pu avoir envers mon père. Au contraire, papa avait toute ma gratitude.
Cependant, hélas, je dus me confronter à plus bêtes que mon frère: les autres enfants de mon âge. Je ne m'éterniserai pas sur eux, les ayant peu côtoyés. J'ai eu le droit à " t'es bizarre " ou encore " tu parles bizarre " ou même " tu dis des choses bizarres ". C'était insupportable. Ils avaient encore leur mère, je les observais alors, vivre des situations que je ne connaissais pas. " Elle est où ta maman ? Moi ma maman elle est trop gentille elle me fait des gâteaux trop bons " etc.
Ils n'avaient que faire de la poésie, de l'exclusion des elfes noirs dans notre société, ou encore de savoir à quoi ressemble la grande statue de Maphr à Giran... Je l'ai du reste enfin vue, elle est à la fois étrange et magnifique.
Je faisais de mon mieux pour essayer de jouer avec eux, mais j'étais apparemment trop " bizarre " pour eux et ils n'ont eu de cesse de m'exclure. Alors je lisais toujours et encore pour m'occuper. Mais peut être un mois avant mes 13 ans, je fis une rencontre déterminante, non pas avec un individu, mais avec un livre. Il était là, posé sur la table de notre salon, abandonné, omis par mon frère sans doute dans un départ trop précipité. La couverture était sobre, en cuir teint en rouge. Le titre, dans une police relativement martiale, était écrit avec de la feuille d'or. On pouvait lire :
" MATHÉMATIQUES APPLIQUÉES AUX SCIENCES PHYSIQUES NAINES "
Curieux, j'ouvris le livre dans ses premières pages pour voir de quoi cela pouvait bien parler. Je me noyais alors dans un flot de symboles que je ne connaissais pour la plupart, absolument pas. Il y avait des chiffres, mais pas que. Bien qu'encore inconscient de ce que toutes ces équations signifiaient, il émanait de ces écrits qu'un néophyte jugerait purement mystique en temps normal, un aura de cohérence, une beauté informelle mais indestructible. Je voulus d'emblée comprendre l'intégralité de l'ouvrage, ce qui fut ambitieux, ne sachant à l'époque à peine poser une division.
Malheureusement, mon frère débarqua dans la pièce avec fracas. Il me jeta un regard terrifiant en m'arrachant le livre des mains sous mes yeux surpris. Kyrrhan me lança avec hargne:
" Tu n'as rien à faire avec ça! Tu es de toute façon bien trop stupide pour y comprendre quoique ce soit... " mais alors qu'il s'apprêtait à repartir, j'osai lui répondre " Mais de quoi as tu donc peur? C'est toi qui es bien trop stupide et bien trop incapable. Je ne sais peut être pas faire de magie comme toi, mais je suis bien plus humain que tu ne l'es, toi qui me violente gratuitement.
- Et mon nez alors ? " s'exclama-t-il
-" Ce n'était pas gratuit, tu voulais me battre! ", rétorquais-je, " après m'avoir torturé l'âme tu voulais aussi me mutiler? La fraternité n'existe que dans les romans. Si je n'avais pas ici l'accès à tous ces livres qui me passionnent, j'aurais fugué depuis bien longtemps; et tu ne m'aurais point manqué. Maintenant va donc retrouver ton énorme amante. Tu sais autant que moi qu'elle est laide et stupide mais que c'est par dépit que tu t'es attaché, car c'est la seule andouille en cette ville qui ait bien voulu s'intéresser à l'abruti sans coeur que tu es!
- Je te hais...
- Et la réciproque est vraie!" C'était une formulation lue quelques instants avant dans l'objet de notre dispute.
Il s'en alla d'un pas lourd et rapide, sans fermer la porte derrière lui. Après son départ, on n'entendait plus que les corbeaux brailler dans le vent hurlant et humide de Rune.
* Le paragraphe suivant est rédigé sur une page à part, intégralement en Sombre, plutôt clair *
Je reprends mes écrits après une soirée qui devait être agréable. Elle ne l'a pas été par ma faute et j'ai fait de la peine à quelqu'un de très spécial pour moi. Je m'en veux et me déteste. Mon écriture sera donc plus difficilement lisible par la suite: j'ai les mains meurtries et tremblantes.
* Après cet aparté l'auteur a entamé un nouveau paragraphe sur une autre page. *
Arriva l'anniversaire de mes 13 ans. Papa avait fait un gâteau, c'était fort aimable de sa part, sachant qu'on avait à l'époque, pas forcément les moyens pour se permettre ce genre d'excès. Fort malheureusement, la pâtisserie était immangeable, comme pour toutes les années suivantes. Nous étions tous les trois, mon père, Kyrrhan et moi, à table. Mon frère était étrangement souriant. Auparavant mes anniversaires étaient enfouis sous la tristesse engendrée par l'anniversaire de la mort de ma mère, qui tombait bien entendu le même jour. Cette fois ci, nous étions tous les trois unis, dans une bonne humeur dérangeante car inhabituelle.
Mais là n'était pas le plus marquant. Mon frère m'avait fait un cadeau. Kyrrhan m'avait offert quelque chose, à moi, rien qu'à moi. Il me donna quelque chose, sans me demander quoique ce soit en retour. Lorsqu'il me tendit le petit paquet de tissu, je n'eus point confiance, pensant qu'il pouvait s'agir d'une très mauvaise farce. Il me dit " Aller prends le! S'il te plaît. "
Il avait l'air plus excité que moi. Du moins, avant que je ne découvre mon cadeau. C'était un manuel de sciences, approprié à mon niveau bien entendu. Je m'en souviens comme si j'y étais encore; on pouvait lire sur la couverture marron " INITIATION AUX SCIENCES EN TOUS GENRES " écrit de la même façon que le bouquin de mon frère. Le livre sentait une odeur de nouveauté et d'inconnu que je n'oublierai jamais, qui ne faisait qu'amplifier ma soif de connaissance. J'ai dévoré cet ouvrage, je connaissais chaque exercice sur le bout des doigts. J'avais de bonnes bases mais c'était insuffisant. Dans ma frénésie, j'ai demandé très rapidement à être conduit à l'énorme bibliothèque de Rune pour apprendre encore plus. A la place, mon frère me prêta ses anciens manuels.
Grâce à Kyrrhan j'ajoutais alors à mes livres d'histoire et autres romans, des ouvrages de mathématiques, de biologie, de botanique, de physique et de chimie... J'étais fasciné par tout ce que je découvrais et jusqu'à aujourd'hui je n'ai jamais eu de cesse de me passionner pour tous ces domaines.
Mais à mes 13 ans, ce livre n'était qu'une partie du cadeau. Oui, notre dernière rixe avec Kyrrhan l'avait profondément bouleversé. Il est vrai que je n'y étais pas allé de main morte. Il avait glissé dans mon livre une petite carte avec simplement écrit " Pardon ". C'était facile, mais tellement improbable, que cela ne pouvait être que des plus sincères. De surcroît, il avait quitté son amante.
Nous vécûmes alors, papa, Kyrrhan et moi, une routine agréable pendant deux courtes années, pendant lesquelles je passais mon temps à nager et m'instruire... et parler de sciences avec mon frère, mais aussi d'histoire, de géographie. De tout en fait, sauf de religion. Nous en avons parlé une seule fois, Kyrrhan m'avait trouvé tellement violent dans mes propos qu'il avait préféré partir aider papa à vendre de la farine!
J'ai vécu les meilleurs moments de ma vie, j'avais de l'attention de la part de mon père et de mon frère, je découvrais de nouvelles choses chaque jour. Dans une logique imprenable mon corps aussi changeait, je grandissais et ma pratique quotidienne de la natation m'avait procuré un développement musculaire non négligeable. J'avais une famille, un toit et étais en bonne santé. J'étais heureux.
III - ___
* Suit un autre paragraphe en Sombre, toujours très compréhensible *
Je ne tremble plus. Ca me brûle encore un peu les phalanges mais c'est bien fait pour moi. Tout cela ne m'empêchera pas d'écrire les pires moments de ma vie. Je me demande par contre ce qui retiendra mes larmes d'étaler l'encre sur ces dernières pages.
* L'écrit reprend, en Commun, juste après ce paragraphe *
Je n'ai pas titré cette partie de ma vie.
J'avais 15 ans, j'étais toujours aussi heureux. Mon frère en avait donc 23, tout allait bien pour lui, il étudiait toujours et faisait parfois quelques voyages. Sa présence me manquait lorsqu'il n'était pas là, chose que je n'aurais jamais cru possible deux années auparavant. Papa était toujours en forme du haut de ses 50 ans et faisait d'excellentes affaires. Je commençais même à l'assister dans son travail pour mon plus grand plaisir. Je tenais cependant rarement la caisse, n'appréciant guère le contact avec la monnaie. J'aimais toutefois le contact avec la clientèle, conseiller des produits, m'occuper des insatisfaits et réussir à résoudre leurs problèmes au point de les faire revenir chez nous. Je devais aussi parfois faire l'inventaire.
Étant plutôt bien formé mon père m'avait aussi chargé de certains transports de marchandises. Décharger une charrette de devant la maison il pouvait encore le faire. C'est toutefois moi qui me chargeais de remonter les marchandises en provenance du port. Je connais le chemin par coeur, et remonter cette côte chargé comme un âne m'a permis de prendre tout mon temps pour contempler le paysage... Je détestais faire cela mais c'était pour papa, et il fallait bien faire " tourner la boutique " comme il disait.
Nous avions un fournisseur de parchemins magiques qui venait nous rendre visite de temps à autre, mais point de manière périodique. Il s'appelait Ivahn, était plutôt bon vivant, un visage tout aussi sympathique que le personnage. Il avait une grosse barbe noire qui lui donnait un air festif et joyeux avec son sourire perpétuel. Il blaguait tout le temps, s'entendait à merveille avec mon père et m'avait pris en affection. A chacune de ses venues, il m'apportait de la lecture, des livres que je n'aurais jamais pu trouver autrement. Ivahn était très instruit en histoire, mais aussi en géographie car il voyageait beaucoup. Je lui avais parlé de mon amour pour les mathématiques et la physique: il réussit alors à me ramener des ouvrages forts riches mais aussi relativement complexes. Mon frère m'aidait parfois à comprendre certains théorèmes, mais cela a toujours été un délice de comprendre par moi même.
Ivahn était bien plus qu'un fournisseur, il était un ami de la famille. Il adorait faire des blagues aux propos licencieux à mon frère, qui ne pouvait s'empêcher de rougir, gêné par l'humour graveleux de notre ami. Pour ma part, je ne pouvais guère m'empêcher de rire, bien que je n'ai jamais eu, " d'expériences " dans le domaine. Les romans sont très instructifs.
J'adorais cet homme, je me confiais parfois à lui, je lui demandais même certaines choses sur les filles, alors que je n'avais même pas d'amis à Rune. Ses conseils m'apportaient de la confiance, mais cette confiance en moi a toujours fini ruinée par les mots blessants d'une femme, de mes 15 ans à aujourd'hui. Bref, des anecdotes peu passionnantes sans doute, mais auxquelles je m'attache comme je m'étais attaché à Ivahn.
J'avais des repères à l'époque, mais je restais tout de même assez solitaire. Mon père au travail, mon frère en voyage. C'est pour cela que je n'ai jamais cessé de nager par plaisir et de m'instruire par passion.
Lorsque j'avais encore 15 ans, Kyrrhan dut partir faire une grande expédition. Je le revois encore nous en parler à table:
" On va faire le tour du monde! Non pas le tour du continent, mais le tour de la Terre ! " Mon père ne saisissait pas vraiment, mais je voyais là où Kyrrhan voulait en venir. J'avais lu dans un des livres apporté par Ivahn que notre planète était un globe, une sphère, avec sa circonférence. Ca n'a jamais été prouvé. " On va partir du port de Rune, et revenir à l'Est, sans doute de l'autre côté des mines de Mithril naines ! " disait Kyrrhan, enthousiaste.
Le jour du départ, nous étions dans la foule, pour dire au revoir à mon frère qui partait avec d'autres. Mais la mer était agitée, l'horizon noir comme le charbon, le ciel semblait s'écrouler sur l'eau au loin, dans une chute lourde et lente. Nous étions inquiets. Mais le chef de l'expédition n'arrêtait pas de dire qu'une tempête n'arrêtera pas son navire, que le Roi Garius ne devait pas être déçu et qu'il méritait que son peuple lui montre son courage et sa dévotion. Foutaises.
Le bateau s'éloignait alors du port, avec une mer de bras levés à son bord. Tout le monde hurlait des prénoms et des "au revoir" dans une cacophonie conviviale. Moi je pleurais, mais absolument pas de joie. Mon père tentait tant bien que mal de me réconforter, mais il mentait très mal et était aussi angoissé que moi.
Une semaine plus tard, alors que je nageais paisiblement, mon bras heurta une planche qui flottait sur une vaguelette. Je la laissai là puis continuais ma promenade aquatique, jusqu'à ce que je m'emmêle les membres dans ce qui semblait être un bout de voile déchiqueté. D'autres débris arrivèrent alors, mais pas que. Des corps erraient sur les flots, sans vie, soumis aux caprices des rouleaux d'eau qui ramenaient indifféremment ces masses macabres vers la côte.
Je me suis précipité pour rejoindre la plage, ne prenant même pas la peine de me sécher et de me rhabiller. Je courus vers le port hurlant à l'aide; la patrouille se hâta pour me rejoindre et écouter mon récit haché par une pléthore d'orcs. Les gardes firent alors hurler le cor pour alerter la population qu'un drame allait heurter Rune. J'avais remonté le chemin du port en courant, arrivant chez moi essoufflé, épuisé, choqué. Papa me prit dans ses bras en me secouant un peu pour me faire revenir à la raison en me demandant ce qu'il se passait. Je ne pus que lui répondre " Kyrrhan... pleins de cadavres. "
L'air s'était alors figé à la maison. Il me fit enfiler une veste, puis nous partîmes alors sur la plage. Le niveau de la mer baissait progressivement. Nous attendions la marée basse, qui révèlerait alors la profonde horreur que mon père et moi même redoutions, dans l'appréhension la plus dévorante qu'il soit.
Les vagues qui se retiraient lentement du sable nous retenaient le souffle: en effet, on avait à la fois envie de se cacher les yeux par peur de découvrir des horreurs, mais nous voulions aussi affronter la vérité avec courage. C'est alors que mon père découvrit un premier corps, celui d'un jeune homme qui nous était inconnu à tous les deux. Je détournai rapidement le regard de la dépouille du pauvre homme sans dire un mot, puis nous fouillâmes ensuite les récifs en attendant que la mer révèle un peu plus de plage, en déposant autre chose que des bouts de mat et de coque.
Je pris un peu d'avance sur mon père et marchais d'un pas déterminé, mais alourdi par l'eau dans laquelle je scrutais désespérément pour retrouver le corps de mon frère. Puis soudain, une vague un peu forte vint plaquer mon corps contre le sable qui se trouvait à un bras de ma taille. Je bus la tasse et l'eau se retira en substituant sa présence sur mon corps par celle de mon frère. J'avais la mort en face de moi. Kyrrhan avait un visage blanchâtre et inexpressif, les paupières ni ouvertes ni fermées.
Vision d’horreur, qui m’ôta la conscience instantanément après un hurlement qui ne manqua pas d’alerter mon père.
J’aimerai bien écrire ce qu'il s’est passé ensuite, mais à vrai dire je n’en ai strictement aucun souvenir. Pas une miette. Je crois que tout s’est dissous dans les larmes refoulées face à ce terrible évènement. Je perdis donc mon frère, beaucoup trop tôt, alors que lui et moi on s’entendait enfin.
L’océan n’est ni juste ni injuste, il est juste dangereux. Tu me manques frérot.
* L’encre a un peu bavé ici, comme s’il avait plu sur la page *
Il ne restait plus que mon père et moi à la maison. L’ambiance est restée constamment dépressive. Les rares fois où le silence se brisait pour un peu de gaieté, c’était pour accueillir ce très cher Ivahn. Après les grandes funérailles à Rune, Ivahn m’avait donné plusieurs ouvrages pédagogiques pour apprendre la langue des Sombres. Je les ai encore et je m’en sers vraiment que depuis peu.
Ivahn avait une fille qui devait avoir peut être 2 ans de plus que moi. Elle se prénommait Élysa ; elle faisait une tête de moins que moi, des cheveux noirs assez longs, raides comme les branches d’un saule pleureur. Son teint de porcelaine s’harmonisait à merveille avec le ciel mou de Rune, mais ses yeux au bleu gris perçant, contrastaient largement avec un éclat que la plus belle pierre précieuse naine n’égalerait même pas. Elle était mince, avec des hanches profondes et courbes. Je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer mes bras enroulés autour de celles-ci. Élysa était d’un charme incontestable, très aimable, relativement cultivée, avec un mauvais caractère attendrissant. Je l’aimais beaucoup, mais son seul défaut a été de ne jamais avoir voulu de moi.
Peu importe, je la présente seulement pour qu’elle ne tombe pas comme un cheveu dans la soupe, à l’intérieur de mon récit. En effet, un an après la disparition de Kyrrhan, Élysa vint seule à la maison, sans marchandise. Elle était venue nous annoncer la mort d’Ivahn, son père. Nous éclatâmes tous trois en sanglots, avec papa. Ivahn avait succombé à une longue maladie que l’on disait incurable. Quelle tristesse, cet homme était exceptionnel, je lui dois tellement. Ce fut un bouleversement de plus pour mon père et moi-même.
Les meilleurs partent toujours en premier. Tu me manques Ivahn.
Comme ci cela ne suffisait pas, les affaires allaient de moins en moins bien pour notre boutique. Oui Kyrrhan n’étant plus là, on ne touchait plus de subventions. Alors il fallut déranger toute la stratégie commerciale établie jusqu’ici. Malheureusement les clients se faisaient rares, les commandes spéciales aussi. Alors pour compenser, mon père me chargea de livrer la nourriture au château de Rune. Deux fois par jour je faisais plusieurs allers-retours, pour fournir les soldats en formation etc. J’avais sympathisé là bas avec quelques militaires, alors que je n’avais encore jamais touché une épée de ma vie. Ils me montraient quelques coups et me laissaient parfois me défouler sur des mannequins de bois. Ils me disaient souvent que j’étais taillé pour devenir un bon guerrier…
Malgré mes efforts pour aider mon père, il déprimait comme jamais. Je faisais mon possible pour lui faire retrouver la joie de vivre, mais c’est bien connu, on est plus préoccupé par ce que l’on a perdu que par ce qu’il nous reste. Papa ne voulait même plus vivre, il était profondément dégoûté de l’existence, au point qu’il tenta même de se suicider. Je rentrai une fois d’une livraison et le trouvai dans le salon debout sur une chaise, la corde au coup, près à faire tomber ce qui le tenait encore à la vie, pour se laisser retenir par le cou à ce qui l’emmènerait vers la mort. Malgré les 18 années de vies qui précédaient ce spectacle, ce fut de loin, l’expérience la plus traumatisante que je pus vivre. J’eus le courage et le reflexe de bondir sur mon père qui n’avait pas remarqué ma présence. Il n’eut pas le temps de se couper le souffle, que je l’avais déjà saisi et fermement empoigné pour qu’il reste en l’air.
« DÉTACHE TA CORDE IMBÉCILE !!! » lui dis-je. Il me défia du regard. Je réussis à libérer mon bras droit pour lui mettre une taloche. Effroyable sensation que de frapper son père. Je criai à nouveau « ALLER ! ». Il s’exécuta, les larmes aux yeux, puis je perdis subitement l’équilibre, et nous nous écroulâmes bruyamment. Je me relevais, je le relevais aussi. J’étais en colère et terrorisé. J’hurlais, je l’insultais, je lui disais qu’il était lâche, que je lui en voulais d’avoir voulu m’abandonner comme cela, d’avoir baissé les bras après tout ce temps.
Je n’ai rien contre le suicide, fondamentalement ; mais c’était tout de même mon père. Je suis heureux d’être arrivé à temps.
Nous n’avons jamais reparlé de cet évènement par la suite. Les affaires se sont étrangement arrangées les mois suivant sa tentative… Au départ je pensais que cela était dû à un regain de vie de mon père. Mais j’ai vite compris qu’il y avait un financement « informel ». J’ai questionné mon père mais il a toujours fait comme si de rien n’était. Je lui ai simplement demandé si ce qu’il faisait nous mettait en danger. Il m’a répondu qu’il ne faisait rien et que de toute façon il ne ferait jamais quoique ce soit pouvant nous nuire. Alors bon… je baissai les bras. Je continuais à travailler, à m’instruire, à nager, en boucle.
Puis j’ai eu 20 ans. Alors oui bien sûr l’humain que je suis aurait dû se dire « ça y est je suis un homme ! C’est la liberté qui m’attend ! ». Puis je relis toutes les pages précédentes. Et en fin de compte je ne savais toujours pas ce que j’étais, ce que je voulais, ce que j’allais faire de moi. Je voulais voyager, comme mon frère. Je voulais devenir un guerrier, marquer l’histoire.
J’étais un bon à rien, qui ne faisait rien de bien passionnant, à Rune, avec ses corbeaux et son air marin. Je suis donc aller voir mon père et je lui ai dit :
« Papa, comme les affaires vont mieux, tu crois que je peux aller voyager un temps ? »
Il me dit simplement « non » tout en farfouillant entre un filet d’oignons et un balai. Je lui demandai pourquoi, il me regarda et répondit :
« Sans toi ça ne marchera plus, ni pour les affaires, ni pour moi. Alors je t’en prie reste mon fils.
- Mais je veux m’en aller moi ! Rencontrer des gens, voir du pays ailleurs que dans des bouquins. J’ai 20 ans je n’ai encore jamais touché une femme de ma vie. Je ne pars pas pour toujours, je reviendrai !
- J’ai dit non.
- Hé bien ! Je le ferai quand même papa. »
Il était rouge de colère et remuait son bazar en grommelant à voix basse. On aurait cru entendre un ours fouiller un terrier. Je fis semblant de l’ignorer et partis avec ma déception, sans rien ajouter à la dispute. Je suis allé nager plusieurs heures pour me défouler. Pendant ma promenade aquatique j’aperçus sur une plage reculée du port, un bateau à l’allure un peu étrange, qui avait jeté l’ancre à plusieurs dizaines de mètres du sable épais et rugueux. Sur ce sable il y avait néanmoins 3 barques, vides. Elles n’avaient pas l’air échouées ni abandonnées, surtout avec ce gros bateau pas loin. Il n’y avait que le bruit des vagues et du vent, alors je me suis approché silencieusement. Je me suis rapproché des barques mais je n’eus pas le temps de poursuivre mes observations. Une explosion retentit et une vague de sable m’aveuglait sans prévenir ! Je me suis jeté à la mer, en repérant sa position de mémoire. La détonation m’avait aussi un peu assourdi. L’eau me rinçait un peu les yeux et l’ouïe me revint subitement. Un homme sur le pont du gros bateau me cria :
« Dégage de là abruti ou bien la prochaine fois je tire au boulet sur ta sale gueule ! »
Il ne fallut point me prier deux fois, je plongeai sous l’eau et m’évadai à travers quelques récifs qui aurait pu me protéger d’un second tir. Il n’y avait aucun doute, il s’agissait de pirates. Je me suis tout de suite dit qu’ils trafiquaient quelque chose étant donné leur accueil un peu trop chaleureux à mon goût. Je ne pris pas le temps de laisser la peur se passer. Je voulus alerter la garde, au port, mais arrivé là bas, il n’y avait personne.
Je levai la tête et aperçus une épaisse fumée noire dans laquelle planait de la cendre comme planent les feuilles en tombant des arbres au milieu de l’automne. Mon cœur s’arrêta de battre, mes organes digestifs se nouèrent et mes poumons déraillèrent. J’ai remonté le petit chemin du port avec précipitation et inquiétude. Je me suis souvenu des cadavres dans l’eau et de la vision de mon frère mort.
Ma maison était en feu, tout le monde autour essayait d’éteindre les flammes en se relayant des récipients remplis d’eaux. Quelques sorciers lançaient des sorts aquatiques, mais en vain, car trop peu nombreux ou trop peu puissants. Peut-être même les deux. J’appelais mon père en hurlant, je criais même « Ammoth » mais pas de réponses. Je me suis rué vers ma maison, à travers un mur de feu impressionnant. Les gardes n’ont même pas eu le temps de me retenir, j’étais à l’intérieur, les yeux dans toute la maison.
C’était une véritable fournaise, ca sentait le brûlé, puis il y avait une odeur plus piquante. J’avançais un peu, mais l’air était tellement épais et brûlant, qu’il me donnait l’impression d’avaler des braises. Soudain, un sifflement, une détonation, une poutre qui s’écrase devant moi, des craquements, un souffle, une déflagration de plus et je me retrouve les fesses par terre. Je me lève d’un sursaut, bondis par-dessus les débris puis défonce la porte menant à la chambre de mon père. Les flammes sont partout, j’ai du mal à tenir debout et suffoque un peu. Je vois une masse inerte au sol, derrière des poutres croisées et enflammées. Je tente d’approcher mais ma peau me brûle horriblement. J’essaye de contourner les obstacles mais rien à faire, je ne peux pas passer. Je me mets sur la pointe des pieds avec la peur de voir mon père.
En effet c’était bien lui, qui baignait dans son sang, le crâne fendu. J’eus un cri de (mauvaise) surprise. Je fis demi-tour, en passant à travers toutes les pièces. Une poutre de plus manque de me retenir avec papa mais une roulade instinctive vers la sortie me permis d’échapper à une mort certaine. Je n’eus guère le temps de me relever que deux soldats torses-nus me trainèrent en vitesse au sol, pour m’éloigner de la fournaise. J’avais la peau noircie par endroits, des courbatures partout et des crampes aux cuisses. J’avais l’impression d’avoir porté deux chevaux tout en nageant à contre courant. Ma maison finit par s’effondrer sur elle-même. Je fis de même, en me vomissant sur les pieds et m’évanouissant à moitié.
Ca y était. Plus rien. Tout perdu. Tous perdus. Dire que j’étais arrivé à temps la fois d’avant et que cette fois ci, une dispute futile m’a fait faillir. J’avais l’impression d’être mort. Je n’avais plus rien à perdre. Puis, ça m’est revenu comme un éclair dans ma tête : ça puait la poudre chez moi. Le rapprochement n’était pas difficile. Il fallait que je me venge, que je venge mon père surtout. Ca ne l’aurait pas fait revenir, mais justice devait être faite non ?
Je me suis reposé en attendant que la nuit tombe ; j’étais à la caserne avec les quelques gars qui s’étaient occupés de moi pendant l’incendie, qui étaient aussi ceux à qui j’apportais de quoi se nourrir tous les jours. Je ne parlais pas, j’étais à la fois désespéré et en train de réfléchir à comment j’allais régler le compte à ces chiens de pirates. Je savais déjà où me fournir une épée. Il me fallait aussi une barque, pour me rapprocher de leur navire. Je pris la décision d’en voler une au port militaire.
La nuit était enfin tombée. Je demandai à un soldat si je pouvais aller me défouler sur un mannequin de bois comme j’aimais le faire. Il n’osa pas me dire non étant donné les circonstances. Je me suis débiné rapidement dans la salle d’armes. Je me suis expliqué au garde puis il me laissa saisir une lame. Elle avait l’air de trancher comme il faut, bien qu’un peu usée sur les côtés plats. C’était une épée banale, on en avait vendu des centaines avec mon père.
J’ai ensuite pris plusieurs détours pour éviter de me faire remarquer dans les couloirs du château avec l’épée dans le dos. Je ne pris point le chemin principal pour atteindre le port. À la place j’avais plongé d’une falaise pas trop haute sans trop de récifs en contrebas. Jusqu’ici tout allait bien. Je me suis ensuite mis à nager vers le port. Quelques torches crevaient la nuit, leur lumière se reflétait sur les armes et armures des trois gardes en patrouille. Je tâchais de me mouvoir dans l’eau le plus silencieusement possible. Heureusement que l’océan lui ne dort pas, le claquement des vagues couvrait donc le moindre bruit. Par chance je suis tombé nez à nez avec une barque en bonne état très rapidement. Je n’embarquai point de suite, traînant le petit bateau à la nage, afin de m’assurer qu’aucun craquement de bois ne perce le bruit de la marée montante.
Je me retrouve enfin près de la plage où il y avait les trois barques des pirates. Je grimpai dans la coque d’un bond puis commençai à ramer. Au loin le bateau pirate avait jeté l’ancre. Ils n’avaient pas vraiment fuit : je pense qu’ils voulaient avoir ma peau, étant donné que je les avais vu. Malheureusement pour eux, la réciproque était vraie.
* Un nouveau passage rédigé en Sombre *
Mon récit va prendre une tournure excessivement violente et sanglante. Je ne tiens pas à rendre cela gratuit. Je décris simplement les faits. Je les ai vécus. J’en assume la responsabilité. Il fallait qu’ils payent.
* L’ouvrage continue en Commun sur une nouvelle page *
J’étais assez près du navire pirate désormais. Je me mis à l’eau silencieusement, pour atteindre le gros bateau. J’atteignis la chaîne de l’ancre après quelques brasses ; je la saisis et commençais à l’escalader, très doucement. Après quelques minutes je me retrouvai sur le pont, à découvert. Je ne vis personne. Je me suis ensuite précipité derrière des caisses recouvertes par un épais tissu dont la couleur était imperceptible dans l’obscurité. Enfin, des bruits de pas plutôt lents et peu discrets. Un homme, qui sentait la liqueur de poire à 100 mètres, s’approchait de ma planque, une lanterne dans une main et un glaive dans l’autre. Il ne m’avait pas repéré. Il se rapprochait de plus en plus. Mon rythme cardiaque sursauta lorsque le pirate voulut faire le tour des caisses en titubant. Je fis le tour un peu plus vite que lui, dans le même sens, de façon à me retrouver derrière ce dernier.
Je sortais mon épée sans émettre un seul son tout en m’approchant. Arrivé derrière lui, je lui cramponnai l’épaule gauche de ma main, en ramenant son corps vers moi. D’un mouvement horizontal et circulaire, la lame de mon épée vint traverser son cou de part et d’autre. Sa chair ne résista point, lorsque je dus pousser sur le pommeau de mon arme à deux mains pour sectionner la trachée de ma victime. Une gerbe de sang gicla dans un flot épais, puis d’un coup de coude entre les deux omoplates, je projetai le cadavre encore debout par-dessus bord. On entendit un gros « plouf ». Je pris conscience de mon erreur dans un instant où l’air semblait s’être figé, le temps arrêté.
J’avais été seul à entendre ce plongeon macabre.
Je tuais pour la première fois. De sang froid, un inconnu. Et le pire c’est que j’en suis encore fier.
Je n’avais plus que quelques pas à faire et j’étais dans les cabines. Je m’approchais et la porte s’ouvrit sous mes yeux. L’homme qui venait de la pousser n’avait rien dans les mains. Il inspira profondément de surprise. Il n’aurait jamais dû autant manquer de reflexes, car sa bouche entrouverte accueillit ma lame. Au moins comme cela, il n’aura pas fait trop de bruit en rendant son dernier souffle. J’extirpais difficilement ma lame bien enfoncée dans l’arrière de son crâne, puis je laissais retomber le corps sans vie au sol.
Je voulais maintenant trouver le capitaine. J’avais su rester furtif jusqu’ici, mais les choses allaient se compliquer. Je me mouvais à pas de chat en allant tout droit dans le couloir étroit. J’arrivais enfin près d’une porte couronnée d’un filet lumineux, sans doute celui de plusieurs lanternes qui s’échappait à travers les rebords de l’épaisse planche de bois.
Je toquai trois fois sur celle-ci. Une voix rauque, agressive et grasse me répondit :
« Je t’ai dis de dégager abruti ! Demain on retrouve ce sale type et on lui fait la peau comme ce vieux porc qui a fini grillé comme le porc qu’il était ! »
Pensant qu’il se trompait de personne, j’entrai sans gêne. Un grand gars mal rasé, sentant fortement le tabac, était debout devant une table une main dans le pantalon. Il se tourna enfin vers moi, mais ne manifesta aucune surprise. « T’es qui toi ? » me lança-t-il. Je lui demandai alors :
« Le porc en question, ca ne serait pas, à tout hasard hein, un marchand de Rune avec qui vous trafiquiez de la poudre ?
- Ouais, qu’est ce ça peut t’foutre ? T’es un…
- Je suis son fils, sale chien. »
Mon bras s’est levé tout seul et mon poing écrasa le nez du patron. Il explosa comme une patate restée trop longtemps à cuire. Ca saignait comme pas permis et devenait purulent… L’homme s’écroula sur un meuble qui tomba par terre dans un brouhaha plus que bruyant. Il hurlait au secours en pleurant à moitié. Je lui mis le pied sur la tempe et le talon sur la mâchoire pour qu’il se taise. Je relevais ensuite délicatement mon talon tout en lui demandant de tout me raconter.
Il me dit alors que Ammoth avaient de bonnes relations avec un nain qui lui fournissait de gros stocks de poudre à canon haut de gamme. Même les navires de guerre n’ont pas ça. C’était de la marchandise illégale. Mon père était donc trafiquant. Je compris mieux pourquoi les affaires semblaient aller de mieux en mieux. Il me dit qu’ensuite mon père ne voulait plus trafiquer avec eux, que de toute façon son fils allait bientôt quitter la maison et qu’il avait de quoi se faire une bonne retraite maintenant. Alors bien sûr ça n’a pas vraiment plu à ces sales gens. Ils ont donc répandu de la poudre un peu partout dans la maison pour tout faire sauter, mais avant ils avaient tabassé mon père.
Le patron, sadique de surcroît voulut me détailler l’agonie de mon paternel, mais mon talon lui rappela rapidement qui allait rapidement agoniser dans quelques instants.
Puis j’entends des cris derrière moi. Je lève la jambe droite et élance mon pied à la même position qu’avant sur la tête du chef des pirates. Il résiste. Alors du coup je recommence, puis je continue même à pieds joints. Je sentais sont crâne se fissurer sous ma rage, et j’en éprouvais une certaine satisfaction. Sa tête s’était enfoncée d’un bon pouce à travers les planches brisées. Il avait la mâchoire déboitée, le visage tordu, la face entièrement bleue et rouge. Il avait eu son compte je pense. Du moins c’est ce que ses yeux révulsés et injectés de sang me disaient.
Puis la porte s’ouvre à nouveau et deux nigauds armés s’approchent. Je me mets en garde, un peu paniqué. Pour un premier affrontement direct, un contre deux, je n’étais pas très fier. Un premier court en avant une dague dans chaque main. Il tente de m’en planter une dans le poignet gauche, je le pare mais la seconde dague vient me caresser la joue. C’est vraiment passé près. Mon genou lui n’a pas loupé les parties intimes de mon assaillant, pendant que mon épaule est venue heurter son menton. Il recule de quelques mètres puis son collègue bondit à son tour, avec une masse, le bougre. J’essaye de me protéger avec mon épée, mais le poids de son arme me plie en deux. Je reçois un violent coup de pied dans le ventre et un coup de masse dans les côtes. Ma respiration se bloque, j’ai peur.
Je me relève en remontant ma lame du bas vers le haut. Elle passe près du visage de mon opposant mais il se penche en arrière pour l’esquiver. Il fonce à nouveau vers moi. Je me baisse et avance d’un pas, pointe de l’épée vers l’avant. Je l’enfonce d’un demi-décimètre dans son buste et la ressort aussi nette. L’homme à la masse s’écroule en hurlant de douleur. L’autre cherche ses dagues par terre. Je l’attrape par le col et le relève d’une main. Une fois sur pieds il tente de me frapper avec sa tête ; je le repousse d’un coup de pied dans l’abdomen, puis je fais un tour sur moi-même pour lancer une attaque d’un revers de lame. À mon plus grand étonnement sa tête sauta de son corps après la traversée de mon épée. Le reste du corps semblait encore animé ; mais les mouvements étaient désordonnés jusqu’à ce que le tout finisse tremblant au sol.
Je laissais alors derrière moi dans la cabine trois corps : un à la tête défaite, un autre qui finissait de mourir en crachant son sang et ses tripes, puis un dernier sans tête et animé de convulsions post-mortem. C’était bizarrement jouissif.
Je sors alors de là exténué. Je cours tout de même vers l’avant du bateau pour rejoindre la cale. Malheureusement en face de moi se tient un nouveau pirate avec une arbalète. Je n’ai pas trop le temps de comprendre ce qu’il se passe et une flèche vient lacérer mon épaule gauche. L’adrénaline m’empêchait clairement de sentir la douleur. Alors qu’il perd son temps à recharger, je coupe d’un coup sec un cordage pour laisser tomber une voile. A la place c’est une poulie qui tombe en se balançant vers moi. Je l’entends siffler à toute vitesse. Je me plaque au sol et tandis que le pirate relève sa tête pour me viser, il se prend la masse métallique en plein visage. J’ai entendu un « crac », le même crac que fait une carcasse de poulet qu’un chien affamé dépiaute avec fureur. L’arbalétrier ne se relevant pas, j’en conclus que ses cervicales s’étaient brisées.
Je poursuivis alors vers la trappe qui menait à la cale, en tâchant de ne pas subir le même sort que le précédent pirate (en effet l’inertie de la poulie la faisait encore se balancer aléatoirement sur le pont). J’ouvre la trappe et aperçois un autre homme en dessous. Je ne réfléchis pas et plonge lame vers le bas en direction du pirate. Il lève la tête, vraisemblablement surpris. Mon arme se loge profondément dans tout le haut de son corps, je crois même que son sternum s’est brisé. Cette fois ci par contre, l’épée était bien coincée.
Tout d’un coup, un bras vient écraser ma gorge. Je fais balancer ma tête d’avant en arrière en espérant casser le nez de celui qui m’agresse en traître ; mais mon crâne se heurte à de solides muscles pectoraux. Rien à faire, je suis à sa merci. Je commence à voir trouble, puis sombre, je sens que mes yeux veulent fuir leurs orbites. Je n’arrive à rien, c’est une force de la nature. Puis dans un dernier effort, je me contorsionne à m’en déboîter l’épaule droite. Mon bras tourne et je saisis je ne sais quoi. J’empoigne fermement un bout de chair, y enfonce mes ongles et tire brutalement dessus, d’un coup sec. Le pirate m’envoie valdinguer contre un mur en bêlant comme une truie qu’on égorge. J’avais entre mes mains un fragment de l’une de ses joues. Sauf que le bout de viande que je tenais là avait la peau noire. Distrait par cette constatation, je me suis laissé surprendre une seconde fois par l’orc. Cette brute, le visage ensanglanté, m’attrapa de ses deux énormes mains par le cou. Il commence à serrer ses doigts gigantesques, mes narines se dessèchent instantanément. Il me soulève en pleine strangulation et je patauge dans l’air. Il esquisse un sourire effroyablement chaleureux, jusqu’à ce que mes épaules arrivent à hauteur de son visage.
Oui, ensuite, avec un pouce dans chaque œil, il avait beaucoup moins envie de sourire. Il grognait. Mes quatre autres doigts se sont agrippés à l’arrière de sa tête, pendant que je pressais de toutes les forces qui me restaient sur ses yeux. J’enfonçais mes pouces le plus loin possible, puis les mains de l’orc devinrent plus lâches. Je respirais à nouveau ! Son sang épais et bouillant dégoulinait lentement de ses orifices oculaires.
Retirant mes mains de son visage rapidement, je mis mes avant bras devant ma bouche pour empêcher ma nausée d’arriver à ses fins. Le corps de la brute épaisse tomba en arrière, en produisant un bruit grave et sourd qui résonna quelques secondes dans toute la cale.
Je suis resté debout une bonne minute, silencieux, devant mon œuvre terrifiante. J’avais sauvé ma peau, mais quel geste infâme !
Je repris lentement mes esprits. Le premier pirate de la cale avait une lanterne. A défaut de lui arracher mon épée du corps, j’arrachai donc sa lampe de sa main froide et crispée. Je voyais un peu plus clair dans la cale. C’était rempli de barriques de poudre. On aurait pu faire sauter Giran avec tout ce qu’il y avait là dedans !
Je saisis un tonneau et le perça d’un coup de poing. J’avais les doigts pleins d’échardes mais cela importait peu, je n’étais plus à ça près. J’ai ensuite fait rouler le tonneau sur une tranche dans tout la cale en effectuant un long chemin sinueux, afin de me laisser le plus de temps possible pour m’enfuir. Le chemin de poudre s’achevait sur un tas de barriques entassées les unes sur les autres. Une fois le tonneau vidé, je remontai sur le pont, lanterne à la main.
J’ai ensuite jeté de toutes mes forces la lanterne en contrebas, à travers la trappe. Elle se brise et la bougie enflamme le début du chemin de poudre, bien placé. Je me mets à courir le plus vite possible après autant d’efforts. Je ne prends pas le temps de descendre « conventionnellement » du navire et m’élance par-dessus la rambarde de la poupe, en groupant mes membres sur moi. Je plonge à travers l’eau et m’enfonce d’au moins 5 fois ma taille. L’eau salée agresse mes plaies, qui me picotent assez douloureusement et par-dessus tout, de façon très agaçante. Puis je me suis rappelé le gars jeté par-dessus bords, celui qui a ouvert la bouche, les trois dans la cabine, l’arbalétrier à la poulie, celui qui a gardé mon épée et bien entendu l’orc énucléé. Je n’avais tout compte fait, pas si mal que ça.
Je remonte à la surface en battant des jambes comme je l’ai fait tout à l’heure lorsque la brute m’a fait décoller du plancher en m’étranglant. Je reprends ensuite difficilement la nage avec un seul bras. Je rejoins enfin ma barque, l’escalade avec peine puis m’y affale. Je reprends mon souffle et me rappelle la poudre. Je me redresse comme ressuscité et entreprends une course contre le temps avec mes rames. Je m’éloigne, je m’éloigne… J’ai peut être laissé trop de poudre me dis-je. Ou bien la flamme s’est éteinte et je dois faire demi-tour.
Il n’en est rien. Une explosion monumentale décima le bateau pirate en une seconde. Des débris volèrent dans tous les sens. La déflagration m’aplatit sur mon embarcation qui se secouait sous les vagues excitées par l’onde de choc explosive. L’épave des pirates naviguait au hasard, en flammes, avant de s’enfoncer lentement dans l’eau. Je ne pus m’empêcher d’hurler à la fois de joie, de rage, de tristesse, de douleur. J’extériorisais de la façon la plus bestiale qu’il soit.
Je profitais du spectacle jusqu’à son dernier instant, puis continuais de ramer jusqu’à la plage. J’étais mal en point, mais je tenais debout. Je m’inquiétais surtout pour mon épaule qui s’était pris une flèche. L’eau de mer avait sans doute aseptisé la plaie, mais ça saignait encore un peu. Je suis alors retourné à Rune par la route, difficilement. Un soldat en patrouille m’a vite réceptionné. J’ai dit que je m’étais fait attaquer par une bête sauvage alors que je me baladais calmement. On m’a ramené au château, à nouveau, pour me soigner. Ils m’ont demandé où était la bête et d’où venait tout ce sang sur mon corps. Je leurs ai répondu d’un ton sinistre que leurs deux questions étaient antagonistes et qu’elles se répondaient mutuellement. On ne me dit plus rien et me soigna avec quelques sorts.
Le lendemain on m’éjecta poliment du château. Il y avait du mouvement : on aurait aperçu un vaisseau fantôme enflammé, au large, la nuit précédente. Personne ne se doutait de rien, quelle joie.
Je suis retourné à l’entrepôt, pour prendre quelques livres et deux trois bricoles. Je suis ensuite allé au port demander quand le prochain bateau pour l’île parlante partait. Il y en avait un à midi ce jour là, je le pris.
C’est la tête et le cœur vide que je quittais Rune, après y avoir vécu 20 ans. J’étais totalement perdu, entre mes souvenirs et l’ambition pour l’avenir. Complètement divisé, entre l’anéantissement absolu et le plaisir de Vivre l’aventure.
Je suis Iann, fils de feu Ammoth. Je viens de la ville de Rune. J’ai longuement erré sans buts. C’est seulement après une formation classique de guerrier et vingt et une année de vie que j’ai commencé à voir le monde ailleurs qu’à travers des écrits.
Je veux devenir un grand combattant, marquer l’histoire, faire des découvertes et visiter la Terre dans tous ses recoins. Je veux aussi rencontrer des gens tous différents avec qui je pourrais discuter jusqu’à mes derniers jours comme je discutais avec Ivahn. Je veux devenir un homme, un grand homme. Je veux me sentir Vivant.