Prélude
Chapitre I, Le royaume perdu d'Arda :
Par une chaude soirée d’été, alors que les derniers rayons du soleil arrachaient à la nuit quelque ultime instant de clarté, des hurlements se firent entendre. La cité, réveillée de sa torpeur, se prit à s’agiter. La curiosité piqua bientôt les habitants qui s’empressèrent de sortir dans les rues. Là dehors, un Hérault, mandaté par Sa Majesté, annonçait déjà à la foule « Ça y est ! Le roi a deux fils ! » Après l’inquiétude, la joie. Elle envahit le cœur de la populace, qui, dans un fracas épouvantable, se dirigea vers le palais royal. La moitié de la ville fut rapidement aux portes de la demeure princière. Non, ce n’était pas une émeute, seulement la manifestation d’un soulagement. Tous se mirent à acclamer leur roi et à remercier le ciel de leur avoir donné deux héritiers pour les gouverner. Comme à l’accoutumée dans de tels circonstances, on fit donner les trompettes. Le son cuivré des instruments emplit le ciel, retentissant dans tous les coins de la cité et partout dans les coeurs. La ville frissonna toute entière puis s’accorda à répéter les notes, de sorte qu'aucune province de l’île ne fusse en reste. Le bruit mêlé de la musique à celui des exclamations du peuple finit par avoir raison des derniers dormeurs. Le reste de la nuit se résuma par la fête qui suivit la nouvelle.
Le lendemain, sur les murs de la capitale, les sujets pouvaient lire :
« Chers habitants,
La nuit dernière m’a apporté deux fils.
Il s’agit de jumeaux, Beregond et Baranor.
Tout deux sont les héritiers légitimes du royaume d’Arda.
La nouvelle m’a enchanté et a semblé également vous réjouir.
Les temps sont sombres et cette naissance est le symbole d’un renouveau.
N’ayez crainte, mes enfants seront à la hauteur de vos attentes.
Tout homme souhaitant voir les nouveaux nés est bien sûr convié au palais royal.
Votre roi,
Valendil. »
On murmurait dans les tavernes que ces enfants représentaient le dernier espoir d’Arda, que les conflits armés avec les orcs ne faisaient qu’affaiblir le royaume, qu’un jour, si rien ne changeait, celui-ci serait amené à disparaître et laisser place au chaos et à la tyrannie. Durant les années qui s’écoulèrent, le royaume fut déchiré par de nombreux conflits, aussi bien extérieurs qu’internes. Cela n’empêcha pas Beregond et Baranor de grandir à l’abri des tensions. On les forma néanmoins, très jeune, à l’art de la guerre et aux idéaux du royaume. Ils reçurent par ailleurs un enseignement complet qui leur offrit de solides bases en sciences et une maîtrise de l'art des lettres. L’un préféra l’enseignement militaire, Beregond. L’autre, Baranor, s’intéressa d’avantage à la littérature et aux autres champs du savoir. A l’âge de dix neufs ans, Beregond et son frère, jugés aptes à commander, furent chargés de la défense du royaume. On envoya le premier défendre le front à l’Est tandis que son frère surveillerait l’Ouest. C’est à cette période que les conflits avec les royaumes voisins s'intensifièrent. Beregond n’eut aucun mal à se faire obéir des hommes qu’il était chargé de diriger. Les trois premières années, on crut à un nouvel essor. En effet, Beregond, à l'Est, mit en déroute l’armée ennemie pendant que le front de l’Ouest semblait lui aussi se stabiliser. Ces victoires accordèrent un peu de sérénité au royaume.
Malheureusement, tout a une fin. L’Ennemi reforma ses rangs, les combats redoublèrent de violence et, pendant que les armées d’Arda s’essoufflaient, celle de l’Ennemi ne cessaient de croître. En quelques mois, le royaume s'en trouva réduit de moitié et les armées de Baranor décimées. Les envahisseurs s’étaient amassés aux portes de la capitale. Seules, Beregond et ses hommes lancèrent un assaut désespéré sur le camp adverse. Celui-ci ne fut pas vain. L’ennemi, pris de court, fut chassé et son armée taillée en pièce. La victoire n’apporta toutefois pas le réconfort escompté aux troupes. Elle eut pour unique effet, celui d’accentuer leur lassitude pour les armes. Le visage des soldats en disait long sur leurs craintes ; « Nous avons gagné cette fois-ci. Certes, mais à quel prix et pour combien de temps ? Pendant que nos forces s’amenuisent, l’Ennemi, même vaincu, redouble de puissance. »
Beregond et son frère, furent rappelés à la capitale afin de fêter leur héroïque succès. A l’approche de la ville, au loin, ils distinguèrent une tâche blanche, éblouissante, s’étendant du bord de la mer et éclairant toute la campagne. Ce devait être elle. Plissant les yeux, ils la virent. Ses pierres blanches, ses hautes tours perçant l’horizon et ses longues bannières, caressées par la douce brise du matin, flottant, avec la plus extrême grâce, au dessus des remparts. Peut-être parce qu'elle constituait un phare dans un océan de ténèbres, la cité, dont la lumière ne s'était pas tarie en dépit des tempêtes, leur sembla plus étincelante et plus belle que jamais. Ils pénétrèrent, triomphant, dans la ville, accueillis, comme le jour où ils ouvrirent les yeux, par le bruit des trompettes d’argent, des cors et des clameurs de la foule. Le peuple criait leurs noms avec transport, rendant hommage à leurs héros et rependant des pétales de fleurs rosées le long du passage. Les deux hommes traversèrent toute la ville, jusqu’au palais royal. Là haut, ils furent accueillis plus froidement. Beregond et Baranor se présentèrent aux portes du vieux sérail. Vingt officiers de la garde de Sa Majesté, leur père, vinrent les désarmer, après quoi ils les menèrent à la salle du trône. Un soldat annonça, d’un ton bref et sec « Les seigneur Beregond et Baranor sont arrivés.
—
Faites les entrer », ordonna le vieux souverain.
Les deux frères entrèrent et saluèrent avec les honneurs qui s’imposent, leur père. D’un geste, le roi congédia tous ses gardes. Ils restèrent seul, tous les trois, pendants de longues minutes, à se fixer silencieusement. Puis, brisant le silence, Valendil s’approcha d’eux, l’air affable, et s’exclama :
«
Mes chers fils, je suis heureux de vous revoir vivant, qui plus est, victorieux.
—
Moi aussi père, humer à nouveau l’air de cette cité est un bonheur, répliqua Beregond. »
Baranor, la main sur une de ses côtes, indiqua qu’il ne se sentait pas bien, et demanda à prendre congé d’eux, ajoutant qu’il avait feint d’aller bien devant la foule pour n’inquiéter personne. Valendil fit appeler un médecin, à qui il recommanda de rester discret. Une fois seul avec Beregond, il lui demanda :
«
Vous mon fils, n’avez-vous aucune blessure ?
—
Si fait monseigneur, mais elles ont déjà toutes cicatrisé.
—
Et comment avez-vous vécu cette guerre ? »
Le visage de Beregond se crispa, ses yeux devinrent humides, laissant échapper une larme. Beregond hésitant une fraction de seconde, reprit :
— Ces années ont été horriblement longues, elles ont profondément meurtrie mon âme. J’ai vu s’éteindre beaucoup trop d’hommes. Si vous connaissiez ma haine à l’égard de ceux qui nous harcèlent ! Ces gens-là n’ont pas leur place dans notre monde. Ils méritent mille fois la mort. Si je le pouvais, j’irais détruire tour à tour chacune de leur ville, de leurs familles, de.. »
Valendil, ne voulant visiblement pas en entendre d’avantage, coupa net l’élan de son fils. Puis, posant la main sur son épaule, objecta :
— Et puis quoi ensuite ? Mon fils, ton cœur est remplie de haine et d’amertume. Je comprends ta peine. Cependant, ne te laisse pas aller à ta colère, tu sais que ce n’est pas la voie que je t’ai enseignée. Tu es là pour garantir la paix et protéger la liberté et non pour apporter ta part de haine Ecoute bien ce que je vais te dire, je me fais vieux et je sens que mon autorité décroît, je m’appuie de plus en plus sur toi. Je sais que tu seras amené à prendre ma place..
Le roi marqua un instant de pause, au court duquel il fut pris d'une toux assez violente. Le vieillard cracha ses poumons pendant de longues minutes, sous le regard inquiet et désemparé de son fils. Une fois la toux calmée, Beregond rétorqua :
—
Et Baranor ?
— Ton frère est bien trop doux et il ne s’intéresse pas à ces choses là. Tu le sais mieux que moi. Je le comprends, mener les hommes est une tâche bien fatigante. Et puis, le peuple semble t’avoir choisi. Tant que tu resteras noble, droit et fidèle aux principes que je t’ai enseignés, alors il y aura un peu d’espoir pour Arda et notre race. Ne me déçoit pas.
Le fils approuva, d'un hochement de tête. Puis, la voix grave, conclut :
—
Je tâcherai père.
— Par ailleurs, j’ai de biens piètres nouvelles à t’annoncer. D’après le dernier rapport des éclaireurs, nos ennemis rassemblent à nouveau leurs osts. Ils sont bien plus nombreux et puissants qu’auparavant. La dernière campagne a été un désastre, le peuple est à bout. Nous n'aurons pas la force de souffrir un nouvel assaut.
—
Je sais. Où voulez vous en venir ?
—
Le conseil royal t’envoie quérir l’aide des royaumes du continent.
—
Comment ça ? Ma place est ici à défendre mon peuple, pas ailleurs.
—
Ici ou ailleurs tu dois restaurer la paix, pour qu'un jour, tes fils puissent connaître ne serait-ce qu’un instant de bonheur. Va quérir l’aide de ces royaumes et si la guerre est déjà chez eux, alors aide les.
—
Je..
—
C’est la volonté du conseil. Nous n’avons pas la moindre chance sans appui. Tu partiras au plus tôt.
Le surlendemain, Beregond était prêt pour son départ. Il regarda une dernière fois la bannière bleutée de la cité étincelante, s’agiter dans la brume. Son lot était de ne plus la revoir avant longtemps. Il partit par la mer en direction du continent avec un équipage soigneusement sélectionné. Durant le voyage, son navire dut faire face à une tempête. Elle fit se fracasser le bateau contre les côtes d'une vaste terre. La seule chose dont Beregond se souvienne, c’est qu’à son réveil il était seul, dans une auberge. Un homme l’avait découvert effondré sur la plage. D’après les dires de l’aubergiste, tout son équipage était mort et il ne figurait plus aucun objet à bord de la carcasse. Beregond, bouleversé, remercia son hôte et se mit en route à la découverte d'Elmoraden.
Chapitre II, L’abîme :
L’infortuné jeune homme était là, presque inconscient, étalé sur le sol, la tête de son ami entre les mains. Il baignait dans ses larmes. Un crissement de porte lui fit soudainement reprendre conscience. Où était-il ?! Que faisait-il dans cet endroit ?! Ouvrant péniblement les yeux, il dirigea son regard vers le mort qu’il tenait et ne pu retenir un hurlement de douleur. Il se souvenait maintenant. Après avoir rôdé, pendant de longs mois, sur tout le long des côtes du continent, attendant un navire de son peuple, Beregond avait, un jour, entendu la rumeur de l’arrivée d’un étrange émissaire. Sûr qu’il s’agissait d’un homme de chez lui, il s’était précipité à sa recherche. Le pauvre homme avait suivi sa trace jusqu’à une maison isolée en forêt, près du littoral. A son grand désespoir, il y avait découvert, quelques heures plus tôt, un corps inanimé. Ce cadavre n’était autre que celui de Cirion, un de ses grands amis d’enfance. La mort de son ami ne symbolisait pas seulement la perte d’un être cher, mais aussi celle de ne jamais plus revoir son royaume.
Mais, à présent, il fallait agir. Quelqu’un venait de rentrer dans la maison. Beregond, tressaillant, mit la main à la garde de son épée. La porte s’ouvrit, laissant apparaître un homme masqué. Celui-ci lui s’enquit de savoir ce que l'étranger faisait chez lui, question à laquelle le triste prince s’empressa de répondre « Je cherchais cet homme, je l’ai trouvé mort. Que lui avez-vous fait ?
—
C’est mes affaires »,
rétorqua le meurtrier et, coupant court à la discussion, tira son épée tandis que le jeune homme s’armait de la sienne. Un combat acharné s’engagea, au terme duquel, Beregond mit à terre son adversaire. Des voix vinrent troubler la lutte, « Papa ! Papa ! » Le visage du jeune prince, s’assombrit, puis, fixant furieusement son adversaire, lui enfonça, de sang froid, son épée dans le sein. Il se dirigea ensuite vers les voix des enfants et, dans sa colère, les égorgea sous les yeux agonisants de leurs père, en hurlant « — Ainsi tu voulais me tuer, et bien meurs chien ! Tu m’as séparé de mon ami. Moi je t’offre la chance de mourir avec tes enfants. » Après avoir prononcé ces mots, il contempla, les yeux brûlants, ses victimes, se vider, peu à peu, de leur sang. Dans les instants qui suivirent, Beregond, prenant conscience de son erreur, s’enfuit loin, très loin, et finit par s’effondrer sur les genoux aux abords d’une rivière. Il y jeta l’arme avec laquelle il avait brisé la famille, en même temps que ses valeurs. Le jeune homme venait d’agir contre tout ce qu’on lui avait, jusqu’à présent, enseigné.
Après son double crime, il fit route vers le Nord, sans trop savoir ce qui l’y attendait. Il avait entendu des rumeurs. Rumeurs selon lesquelles une ombre s’y était répandue, ombre qui prendrait différents visages, pervertirait le cœur de hommes et causerait nombre de malheur. Qu’importe, à présent n’était-t-il pas lui aussi mauvais ? C’est une part de ce raisonnement qui le conduisit à Shuttgart. Une fois arrivé dans la ville, il fut pris à partie par des hommes de la souveraine Eileen. Peut-être pour se prouver qu’il n’était pas comme eux, il les provoqua, faisant affront à la reine. Les hommes de la garde, le firent sortir de la ville. Aussi étrange que cela puisse paraître, on ne le tua pas, on l’enjoignit seulement à repartir vers le Sud, à pied. Le chevalier noir Naal, lui laissa une marque, une profonde entaille dans l’épaule droite, qu’il fit avec sa lame. Beregond, chancelant, marcha jusqu’à Gludio, où il arriva dans un effrayant état. Les bêtes n’avaient cessé de le harceler sur son chemin. et il présentait d’inquiétantes morsures sur tout le long du corps. Le jeune homme, blessé, s’effondra au pied de Wiel, qui par chance se trouvait dans la ville. L’homme, accompagné d’Elvane, une elfe, le fit soigner. Beregond expliqua qu’il s’était égaré, sans trop rentrer dans les détails. Ils ne pouvaient pas comprendre.
Chapitre III, Un Éclairci :
Après de longues semaines de convalescence, où il eut tout le loisir de repenser à ses actes, Beregond s’enrôla dans l’armée de Gludio. En apparence, une nouvelle peu honorable pour un homme de sa condition, mais au moins, il combattait au même titre que ceux du Sud. Après tout, sa mission ne fut-elle pas de défendre la paix ? Son père le lui avait souvent répété. Ses paroles revenaient en boucle, « Qu’importe l’endroit ta quête reste la même ». Une philosophie, en réalité, bien difficile à tenir. Et il est souvent idiot de s’attacher à des paroles trop contraignantes et, peu réfléchies. Mais notre homme s'obstina à suivre les principes de son père. La période noire qu’avait traversé l'instable jeune homme, donna germe à toute une série de questions sur lui-même, celles-ci ne firent qu’accentuer sa conviction. Il se devait de combattre pour la paix, et donner sa vie pour elle. Il jura de détruire ce qu’il appelle avec effroi "L’ennemi". Un vague terme désignant tous ceux qui s’opposent aux valeurs du Sud et qui englobe ainsi les royaumes du Nord, coalisés contre les peuples sudistes, et Noct. Afin d’officialiser sa lutte pour la protection des terres libres du Sud, il passa en cette fin de l’année 48 un entretiens avec la comtesse Thyla, souveraine de Gludio. Après avoir testé ses capacités, elle l’accepta, à grand joie, au sein de sa troupe. Beregond précisa cependant, qu’il proposait ses services à titres temporaires, qu’il ne pouvait abandonner son peuple et que si un moyen s’offrait à lui de rentrer sur ses terres, il les quitterait. Son incorporation dans l'armée l'amena à combattre sur les nombreux fronts du Sud, passant par la porte des cauchemars, aux campagnes contre Dion, et bien sûr à la frontière avec le Nord lorsque la grande Guerre éclata.
(màj clantage Mingol)
Depuis son engagement pour le Sud, il s’était établi à Gludio. Une petite ville, qui en des temps si tourmentés, lui avait ouvert, chaleureusement, les bras. Comme une mère aimante et protectrice, elle le berçait dans sa vie et guidait déjà ses pas. Elle mit sur son chemin Epsaith, une jeune elfe dont la vivacité et la simplicité impressionnait Beregond. C’était une beauté simple, sans prétention, mais elle l’enchanta dès l’instant où il l’aperçut. Au bout de quelques mois, ce qui devait arriver se produisit. Les deux s’avouèrent la réciprocité de leurs sentiments. Le jeune homme avait longtemps hésité, par crainte de lier un destin bancal à celui d’une autre. Mais les regards d’Epsaith et de Beregond allumaient dans leurs cœurs des feux dont chacun s’étonnait. Aucun des deux n’avait la force suffisante de les contenir plus longtemps. Leurs yeux se parlaient, et c’est sous le regard bienveillant de la lune, un soir de Tombefeuille, qu’ils s’embrassèrent pour la première fois. Le lendemain, Beregond assit sur un des remparts du château de Gludio, nota :
« Une lueur dans mes ténèbres,
Si il y a une chose à laquelle je ne m’attendais pas, c’est bien celle là. Cette drôle de sensation, une étrange chaleur mêlée à d’étonnants frissons.. Le contact de sa peau.. Ses yeux.. Je n’aurai jamais cru ressentir cela un jour. Ma vie, jusqu’à présent, n’a été qu’un lent déclin, me menant inlassablement vers une voie à laquelle je ne suis pas destiné.Mais maintenant tout est différent.. Elle est là.. Près de moi.. Pour toujours je l’espère.. Hier au soir, tout est allé si vite, elle rougissant, moi frémissant.. Elle est le rayon de lumière qui perce les ténèbres qui recouvrent notre monde. Son nom à lui seul parfume mes pensées, me fait retrouver le sourire. C’est si nouveau pour moi.. J’arrive à grand peine à aligner ces quelques phrases.. Il m’est dur d’écrire ce que je ressens..
Je crois que.. Je l’aime. »
Au fur et à mesure que leur relation avançait, Beregond passa de nombreuses nuits chez l’elfe. Un charmant appartement dans la cité d’Heine. Mais plus son amour grandissait, plus ses craintes renaissaient. Si sa chère Epsaith arrivait à l’éloigner de ses ténèbres, elle faisait naître en lui des inquiétudes nouvelles. Il redoutait sa disparition. Un matin, après une longue nuit d’étreintes, il lui déposa, en partant, cette lettre :
« Epsaith,
Tu es rentrée dans ma vie. Sombre existence d’un exilé, d’un sans couronne. J’ai perdu espoir de retrouver mon peuple. La destruction de mon royaume, mon héritage, a longtemps hanté mes songes. Après mon naufrage sur vos côtes, je suis resté sans nouvelles de ma terre. Pas un jour, sans que je ne me sois posé une question à son sujet. Toutes ces incertitudes n’ont eu qu’un effet notoire ; Elles m’ont dévoré et m’ont plongé dans de terribles affres. Mais heureusement, ton apparition dans ma vie, s’est mise peu à peu à effacer, ou plutôt à apaiser mes tourments. Depuis, d’épais nuages se sont mis à obscurcir le continent. Maintenant j’ai peur. Pas pour moi. Pour nous. Une crainte : celle de te perdre.Tu es le plus beau joyau que j’ai trouvé en ce monde et l’un des seuls qu’il me reste. Je ne laisserai rien nous séparer, ni personne te faire du mal. Mon destin, désormais, est lié au tiens et notre histoire s’écrira avec la même plume. »