Combat : Aucune. Magie : Maitrise de la magie du vent (Spell Howler) et de soin, non divine (Shilen Elder)
Métamorphoses :
Aucune.
Alignement :
Chaotique Bon
Langues parlées :
Sombre, Commun
Description physique :
Pour définir rapidement Lysana, on dira que c'est une Sombre de grande beauté. Tout en elle, de sa silhouette jusqu'aux moindres petits détails de sa tenue montre qu'elle prend soin d'elle.
Des traits de son visage, a la fois courtois et délicats, on retiendra surtout ses yeux en amande, d'un vert émeraude prononcé et ses lèvres pulpeuses, cernées d'un léger ourlet grenat.
La plupart du temps, de longs cheveux d'ébène lui tombent dans le dos comme un rideau soyeux, auquel quelques bijoux argentés sont fixés avec soin.
Sauf indication contraire, son corps plantureux et élancé, mesurant dans le mètre quatre vingt, est la plupart du temps drapé d'un tailleur de sa confection lorsqu'elle sort. On peut voir à sa carrure qu'elle n'est pas une combattante, sa masse musculaire étant peu développée.
Autour de son nombril, se trouve la marque de Shilen, preuve indéniable de sa foi.
Elle porte fréquemment des gants pour masquer ses poignets, marqués des stigmates de chaines portées pendant plusieurs mois.
Caractère :
On peut voir dans son attitude quelque chose de maniéré, conséquence de l'éducation à laquelle elle aura été soumise, et respectera donc les bonnes mœurs en société.
La plupart du temps, la Sombre s'adresse à son peuple avec distinction et respect. Elle est dotée d'une personnalité charismatique, ce qui lui permet d'entamer facilement une conversation. Systématiquement, elle s'incline devant quelqu'un de son peuple, étant plus solennelles avec les personnalités.
Il lui arrive d'être moins révérencieuse envers ses proches, mais saura se tenir correctement en publique.
Elle sait se montrer aussi souriante dans les moments de légèrement que sérieuse dans les instants plus graves.
Elle sera également respectueuse envers les individus neutres ou pouvant lui apporter un intérêt, mais sans plus.
Elle semble dernièrement se comporter de manière polie avec ceux qu'elle croise.
Un changement est à remarquer dans le comportement de la Sombre : En présence de ses pairs, elle sera d'une neutralité glaciale, tandis qu'en présence d'autres personne, son attitude sera plus laxiste, détachée, portant souvent une cigarette au bout des lèvres.
Situation financière :
Excellente et s'améliore encore grâce à son commerce, mais reste dépendance de l'influence de sa famille.
Comportement social :
Hautaine et fière au premier abord, suivant toutes les règles du Protocole en société. Ayant pour principe de toujours garder le port de tête fier, elle pourra, parfois, déroger à ses règles, dans des situations bien précises.
Type d’éducation reçue :
Strict et ce n'est pas allé en s'arrangeant avec l'âge.
Popularité et/ou influence :
Dans le monde de l'Art, haute société Sombre.
Pensée politique :
Tout sera mieux que le régime actuel avec la dirigeante actuelle.
Croyances :
Einhasad :Mépris. Gran Kain :Mépris et dégoût. Eva : Condescendance. Shilen :Pitié et dégoût. Sahya :Respect et envie. Pa’agrio : Méfiance. Maphr :Indifférence.
Relations extérieures :
Elfes :Froide mais respectueuse tant que c'est réciproque. Humains :Respectueuse si réciproque, mais garde une distance convenable. Kamaels : Indifférence. Nains : Respectueuse, relations commerciales fréquentes. Orques : Qu'importe, elle n'en voit jamais. Sombres :Respect pour les libres penseurs, respect pour les shilénistes modérés, dégoût envers les fanatiques et les autorités Sombres actuelles. Profond amour pour son peuple, mais plus pour sa déesse
Le noble Sombre qui vit entrer Lysana dans son bureau sembla étonné. Un étonnement qui se mua rapidement en agacement lorsqu'il ne la reconnu pas. Posant la plume avec laquelle il était en train d'écrire sur son bureau, il s'exprima avec son éloquence habituelle.
- <<J'avais expressément demandé demandé qu'on me laisse travailler en paix. Comment êtes vous entrée ?
La belle Sombre, dont les charmes n'étaient pas à prouver, passa une main dans sa chevelure d'ébène en décrochant un sourire fatale à son interlocuteur, le même sourire qui avait poussé les portiers à lui ouvrir.
-A votre avis ?
Aimant les belles choses, le Sombre ne tarda pas à se calmer en détaillant la belle créature qui se présentait devant lui. Des traits fins et harmonieux, une chevelure abondante et lisse comme le satin, une silhouette parfaitement taillée, un port de tête fier, une démarche gracieuse et élégante et un regard profond. Mais ce qui interpella le plus les yeux du tailleur Sombre fut bien évidemment la tenue dont était vêtue celle ci. Le tailleur bleu nuit à la coupe cintrée ne ressemblait pas à ce que l'on vendait communément dans le commerce. L'habit avait une patte, une marque de fabrique bien particulière que le Sombre ne reconnu pas. Un nouveau prototype, sans doute.
La vision du Sombre semblant lui convenir, il s'adossa au dossier de son fauteuil en croisant les bras, après avoir indiqué d'un geste de main un fauteuil de l'autre coté du bureau.
-Je vous en prie, prenez place. Que puis-je faire pour vous ?
La Sombre prit place sur le fauteuil avant de répondre, les jambes croisées, mains posées sur le genoux, se tenant bien droite.
- Je pense plutôt que c'est moi qui pourrait vous être utile, Malla.
-Ha syo ? Il haussa un sourcil en contenant un rire. Savez vous seulement qui je suis, Dalinil ?
-Parfaitement, et c'est pour cela que je pense pouvoir vous aider.Elle laissa un moment de pause, fixant le Sombre dans les yeux, avant de reprendre.Mais d'abord.. Laissez moi vous raconter une petite histoire.La Sombre se redressant, elle se rapprocha du bureau, les bras croisés dans le dos.
-Faites donc, faites donc. La curiosité du Sombre étant piquée, il attendit sans bouger le récit de la Sombre.
- Il y a fort longtemps maintenant.. Une femme d'une grande beauté était courtisée par un noble de la région. Il avait une réputation de charmeur, aussi on ne fut pas surprit de voir convoiter une telle beauté. Oh, il n'avait rien de repoussant, il était même connu pour prendre excessivement soin de lui, si bien qu'elle ne tarda pas à tomber sous son charme. Bien sûr, le noble était déjà marié, un mariage d'intérêt, mais qui s'en souciait ? Insouciance, attirance pour les belles choses, chasseur dans l'âme.. Toutes ces hypothèses semblaient lui convenir. Ils devinrent rapidement proches et, oh, il faut dire qu'elle savait si bien y faire, la jeune Sombre devint sa courtisane préférée.. Et comme pour toute courtisane qu'il prenait.. Il lui offrit..
La Sombre, faisant le tour du bureau, parlait tel un conteur, avec un rythme modéré, la voix claire et posée. Passant derrière la chaise du Sombre, elle sortit un bijoux et, dans un petit cliquetis, le laissa pendre devant le visage grave du noble qui écoutait le récit. Le bijoux visiblement onéreux était composé d'un pendentif représentant un motif épuré de rose rouge monté sur une chaine en or. ..
-Ceci..Alors qu'il levait la main pour s'en saisir, la Sombre récupéra son bijoux d'un geste vif, le serrant dans sa main avant de reprendre son chemin autour du bureau.Un bien beau bijou.. Seul un Sombre aux grandes ressources financières pouvait payer ce genre de parure. Cependant.. Ce ne fut pas l'argent qui semblait intéresser la Sombre, nouvellement courtisane. Elle passait des heures dans son atelier, le regardant travailler des tissus précieux avec la précision du Maitre qu'il était. Contrairement à sa femme, il avait pu la choisir elle.. Elle qui était tout ce qu'un amateur d'art pouvait rêver avoir. Petit à petit.. Sans s'en rendre compte eux même..
Le regard du Sombre était fixé sur les traits de son interlocutrice. Cette silhouette, cette gestuelle, ces traits du visage, ces expression.. Elle lui ressemblait terriblement.. Au fur et à mesure du récit de la Sombre, le noble commençait à voir en celle ci cette ancienne amante qui l'avait abandonné.. La seule dont il avait été, ne serait-ce qu'un instant..
-Amoureux. Clignant des paupières, il fixa le visage de la Sombre qui se trouvait en face de lui, les mains appuyées sur le bureau qui les séparaient. Elle inclina la tête sur le coté en souriant doucement.
-N'est-ce pas ? Ne lui laissant pas le temps de se reprendre, elle retourna s'asseoir sur son fauteuil.Mais elle vous a quitté très rapidement, après quelques mois seulement. Et sans laisser aucune explication. Ça a dû vous briser le cœur, je me trombe ? Au regard du Sombre, elle comprit qu'elle n'aurait pas de réponse.Elle non plus ne voulait pas partir, elle qui était si bien. Appuyant son menton contre les phalanges repliées de son poing, elle reprit plus doucement. En effet, la courtisane n'avait pas voulu partir, elle y avait été forcée. Dans cette demeure où tous les plaisirs lui étaient permis, un seul tabou perdurait, et elle l'avait brisé. La jeune Sombre, dans son fauteuil, sourit avec amertume en se souvenant qu'elle était la cause de tout cela. Elle ferma les yeux pour donner une explication au noble qui la regardait sans comprendre.Huit mois plus tard, elle me donnait naissance.
-Qu..Que.. Assomé par la nouvelle, il ne put balbutier que cela.
-Cependant.. Elle s'est bien cachée d'en parler. Elle avait, pendant sa grossesse, réussit à retrouver un ami d'enfance, un Sombre de condition moyenne avec qui elle s'est mariée. Le coup de foudre, qu'elle disait. Lui était au courant, mais ma mère avait réussit à lui faire promettre de m'élever comme sa fille, ce qu'il a fait. J'ai toujours cru qu'il était mon père biologique, ils ne m'en ont jamais rien dis.
-Mais..
-Étant une ancienne courtisane, elle m'a élevée comme je l'aurais été à votre cour. Lecture, écriture, harpe, peinture et danse.. Elle sourit en se rappelant les leçons drastiques que lui infligeaient sa mère. Leçons dont elle n'avait jamais vu l'utilité. Leçons qui, ce jour là, prenaient enfin un sens. Mais la chose qu'elle lui avait fait apprendre avec le plus de ferveur, c'était sans doute..La couture..Elle laissa le Sombre scruter sa tenue, semblant comprendre pourquoi il ne connaissait pas son auteur. Elle ne m'a rien épargnée de ce qu'elle savait.
-Comment..
-.. Je l'ai appris ?Lysana reprit la parole d'autorité, voyant que son géniteur avait du mal à se remettre de la nouvelle.C'est simple.Songeuse, la Sombre racontait son histoire en scrutant ses ongles, d'un air faussement désintéressée. Sur son lit de mort, mon père, mon pauvre père.. M'a dit qu'il aurait aimé avoir une fille comme moi.Elle souffla sur ses ongles avant de laisser sa main choir sur sa cuisse. Il devait avoir besoin de se confesser avant de rejoindre Mère.Sur le beau visage de la Sombre, une émotion douce, mais nulle douleur. Soit elle n'en avait pas.. Soit elle le cachait fort bien.
- Quelques temps après, j'ai trouvé ceci..Elle désigna du menton le collier qu'elle lui avait présenté quelques minutes plus tôt.Dans les affaires de ma mère. C'est une sentimentale.. Elle a conservé ce bijoux toutes ces années..Laissant un temps de silence, elle fixa le bijoux sans bouger. C'était peut être sa façon de vous aimer, qui sait.. Enfin, qu'importe. Une fois que j'ai eu le bijoux, il ne m'a pas été très difficile de la faire parler.. Et de récolter quelques informations.. Même au plus profond des terres Sombres. Je me suis renseignée, j'ai vérifié les dates, les évènements.. Tout correspondait.
Lysana Del'Hara, le nom de son père adoptif, fixa le noble en face d'elle, signifiant qu'elle avait terminé. La nouvelle était un choc, certes.. Mais un individu à la tête d'un tel empire doit savoir garder la tête froide en toute circonstance, même en situation de crise. Il se reprit donc rapidement, son regard passant du choc et l'étonnement à l'intérêt. La façon qu'avait eu la Sombre de présenter les choses lui avaient plu.. Et elle lui avait tapé dans l'œil, sans surprise. Il se redressa dans son fauteuil, appuyant ses coudes sur son bureau, puis cala son menton sur ses doigts entrecroisés.
-Soit. Cependant, j'imagine que votre venue n'est pas simplement une visite de courtoisie visant à m'informer de votre existence. Vous m'avez dis que vous croyez qui vous pourriez m'être utile. Puis-je savoir comment ?
-Naturellement. Je pense pouvoir aider votre famille à se développer encore plus qu'elle ne l'est actuellement. Il me semble avoir hérité de quelques caractéristiques que vous même et votre fils possédez.. Et qui sont très prisées chez vous.
A sa remarque, le Sombre porta son attention sur le tailleur élégant que portait la Sombre, et qui soulignait fort bien ses formes.
-Cette tenue.. C'est..
-De moi, effectivement.
-Approchez.
Se levant, la Sombre fit le tour de la table jusqu'à se retrouver devant le Sombre, qui s'était redressé entre temps. Prenant sa main, il la fit tourner sur elle même pour examiner le travail. Son regard expert décela rapidement le potentiel de la tenue, même si certaines coutures restaient maladroites.
-Le tissu n'est pas fabuleux et il faudrait refaire quelques coutures mais.. La coupe est bonne.. Combien d'heures de travail ?
-Une quinzaine.
-Hm. Il hocha la tête en recommençant à observer l'ouvrage. Avec du matériel approprié et un peu d'entrainement.. Hm hm.Il lui lâcha la main, et elle recula ensuite d'un ou deux pas.
Le noble observa Lysana comme il observait ses tissus. Jaugeant les défauts et les qualités. Cette assurance, ce charisme.. Et surtout.. Ses yeux vert émeraude dont son fils avait hérité également.. Syo, elle paraissait très bien. Mais, comme ses tissus, le Sombre allait devoir la tester pour savoir quel était son véritable potentiel. Il n'était pas le Malla d'une Maison respectée pour rien. Se penchant sur son bureau, il saisit une plume et entreprit d'écrire une lettre rapidement, la scellant ensuite avec de la cire. La Sombre le regarda faire, sagement, les mains croisées dans le dos. La lettre a la main, il se replaça face à elle.
-Je vais vous envoyer un moment chez mon fils pour qu'il teste vos aptitudes. C'est lui qui s'occupe d'habiller la noblesse Sombre de Shel'Oloth. L'observer travailler vous sera profitable. Je veux que vous répondiez à toutes ses attentes. Donnez lui ceci, il saura quoi faire de vous.
-Bwael, je le ferai.
Alors qu'elle tendait la main pour saisir la lettre, il la récupéra promptement, ajoutant plus bas, rapprochant son visage du siens.
-Je vous serai « très » reconnaissant de ne pas parler de votre..Parenté à mon fils, tant que je ne vous l'aurais pas indiqué. Je n'ai encore rien décidé pour vous.
Elle lui adressa un sourire courtois en prenant le plis, la glissant dans son petit sac rapidement.
-Mais.. Naturellement, Malla.
-Alors Veddaust'. Si vous voulez bien m'excuser, j'ai du travail.>>
Une fois les formules d'usages échangées, la Sombre tourna les talons, quittant la pièce. Elle allait se rendre au Manoir de la famille afin d'y rencontrer son demi frère.. Son ainé de cinq années seulement.
Les rues de Shel'Oloth étaient calmes ce soir là. Les habitants étaient rentrés chez eux pour échapper au froid hivernal de l'extérieur. Seuls les cliquetis des armures des Sentrys raisonnaient depuis la place centrale, brisant le silence pesant.
Soudain, sortant de la passeuse, des bruit de talons haut résonnèrent aux alentours, traversant la place centrale pour se rendre a l'autre bout du village, dans une artère centrale. Les bruits de pas se stoppèrent devant un Manoir à la réputation prestigieuse prestigieux, où un motif épuré de rose rouge est gravé dans la façade en gré. Une plaque de métal près de la porte semble indiquer la présence de Plak'La Aky, le prestigieux atelier tenu par l'héritier de la Maison. Les Teken'Duis.
Une main frappa à la porte de bois massif. Trois coups. Un domestique vint ouvrir, s'effaçant sur le passage des bruits de pas, qui disparurent dans la maison..
La Sombre à qui appartenait ces escarpins confia son manteau de fourrure au domestique avant de monter l'imposant escalier de marbre du Manoir menant au premier étage. Elle tourna à gauche une fois dans le couloir, parcourant celui ci jusqu'à arriver devant la dernière porte sur sa droite, qu'elle ouvrit.
Pénétrant dans une chambre aux tons bleus et mauve, la Sombre s'avança jusqu'à l'imposant lit à baldaquin drapé de soieries au centre de la pièce, afin d'y déposer son sac. En chemin, elle croisa son regard dans le miroir. Ce qu'y vit Lysana sembla lui plaire. L'image d'une Sombre séduisante qui, enfin, était prise à sa juste valeurs. Replaçant une mèche folle d'un geste léger, elle sourit doucement et vint s'asseoir sur son lit.
Comme souvent depuis quelques jours, elle prit quelques instants pour coucher sur le papier ses pensées du moment.
Spoiler:
Voilà une semaine que je suis arrivée à Shel'Oloth. Tellement de choses se sont passées dès mon arrivée que j'ai du bien du mal à trouver cette somptueuse demeure. Si Yiverain est vaniteux en parlant de sa famille, on comprend que ce n'est pas pour rien. Tout ici transpire le luxe et l'opulence.
Même le couple de résident, oui, un couple seulement habite cette gigantissime résidence, a un train de vie qui m'a estomaquée. Une salle de bain de la taille d'un lac, et une garde robe qui, à elle seule, pourrait suffire à habiller l'entièreté du village Sombre durant un bon mois.. Ou même deux...
Les résidents, parlons en. Un couple, qui se trouve être mon demi-frère et ma belle sœur, bien qu'ils ne le sachent pas. Yiverain m'a interdit de les mettre au courant durant l'entièreté de ma période d'essai qui doit durer un mois. Ils sont intéressants l'un comme l'autre. Ils sont très amoureux l'un de l'autre et pourtant, cela ne les empêche pas d'aller voir ailleurs parfois. J'imaginais l'héritier de la famille Teken'Duis beaucoup moins dissipé. Il faut croire qu'une vie facile doit être ennuyeuse si on s'obstine à ignorer les plaisirs qu'elle procure.
Ssrigg'Tul, c'est le nom de l'héritier, semble avoir été enthousiasmé par mon travail. Il m'a donc prise comme assistante dans ces travaux. Il me laisse néanmoins une marge de manœuvre assez.. Énorme, je dois dire. Être plébiscitée par un grand couturier comme lui est si gratifiant.. Je me sens enfin à ma place, après tant d'années.
Malgré tout, il y a ici des tissus dont je n'avais jamais entendu parler. Il va falloir que je me familiarise rapidement avec les textures et les façons de les travailler.
J'ai assisté hier à une exécution. Une histoire de trahison du Peuple Sombre. Je n'aime pas spécialement ce genre d'événement, mais je l'avais promis à Cryxia. La perte d'une Sœur reste la perte d'une sœur, même hérétique. Bien que désagréable, il en va de notre devoir s'assister aux cérémonies de ce genre.
Je dois avouer que l'accusée n'était pas bien futée.. Parlant quand il ne fallait pas, défiant l'autorité d'un membre de le hiérarchie.. Peut être aurait elle eu plus de chance si elle avait su tenir sa langue avant qu'on ne la lui coupe. Elle aurait peut être pu avoir l'occasion de plaider sa cause. Pauvre petite. J'espère que Mère lui offrira une place en son sein.
Quelques petits coups à sa porte l'avertirent d'une visite. La sombre interrompis son récit, rangeant son petit carnet dans un tiroir de sa table de chevet.
Le vase de cristal, violemment projeté, explosa contre le mur à la tapisserie bleutée. En une seconde, le sol fut jonché de débris du vase, d'eau et de roses rouges encore épanouis. Quelques mètres plus loin, postée devant le guéridon qui, quelques instants plus tôt, soutenait le vase brisé, Lysana haletait, une expression complexe barrant son beau visage. Elle leva la main droite dans laquelle elle ressentait une douleur vive et poussa un juron fort déplacé. Elle s'était fendue l'index sur quelques centimètres en frappant le pauvre vase de toutes ses forces. Les personnes ayant bien connues la Sombre auraient été choquées de son comportement, elle qui était habituellement si bienveillante et courtoise.
Mais à cet instant, seule la colère et la frustration la dominaient. Deux sentiments qu'elle avait toujours eu du mal à maitriser. Sa seule solution en ces instants de rage étaient de noter ses pensées dans son carnet, chose qu'elle entreprit de faire,laissant quelques taches de sang couler sur les pages pendant qu'elle écrivait.
Spoiler:
Encore une fois, je n'ai pas pu me retenir. Je pensais pourtant avoir réussis à gommer tout sentiment négatif de mes traits. Faire un beau sourire sur commande, pour ne pas gêner, pour ne pas inquiéter, ne pas indisposer. C'est ainsi qu'une Dame doit agir, et c'est ainsi que je n'arrive pas à agir lorsque je suis frustrée, en colère. Deux sentiments qui réchauffent mon sang, et qui découlent l'un de l'autre.
Frustrée par cette situation qui est la mienne. Utilisée par les autres sans que je puisse rien en tirer en retour. Un objet qu'on laisse de coté lorsqu'on en a pas envie. Une jolie poupée de l'on range dans un placard remplit de naphtaline lorsqu'elle gène. Même Lui m'utilise.. Se jouant de moi au gré de son envie. Me repoussant froidement, mais me gardant sous le bras dans l'éventualité où il serait délaissé. Est-ce vraiment ce que je vaux ?
En colère contre moi même. Contre cette gentille fille qui jamais ne lève le ton, qui jamais ne se montre telle qu'elle est. Arrondissant les angles, souriant gentiment pour arranger les gens, laissant finalement s'installer une situation qu'elle ne supporte plus. Est-ce vraiment ce que je veux ? Une vie discrète sans ambition ? Ce n'est pas pour ça que je suis ici, ce n'est pas ça que je veux, nau.
Elle referma le carnet brusquement. Oui. Elle était ici, dans la demeure de son père pour une raison bien précise. Elle voulait ce monde, cette légitimité qui aurait dû être sienne à la naissance. Elle voulait être reconnue, elle voulait devenir quelqu'un. Quelqu'un qui n'aurait pas à concéder refouler ses désirs au profit de ceux des autres. Quelqu'un dont sa génitrice pourrait, enfin, être fière.
Mais pour cela, et cela, Lysana en avait conscience, elle devrait travailler sans relâche, ce qui ne la gênait pas outre mesure car elle était une travailleuse née.
Une fois sa résolution prise, elle jeta un œil à sa main blessée. Il suffirait de bander ses mains en prétextant qu'elle s'était piqué les doigts trop souvent en travaillant.
La Sombre se leva et se dirigea vers la sortie dans un crissement provoqué par les miettes de verres sous ses pieds. Elle allait à présent devoir fournir une explication pour ce désordre.
-Vendui', Dame Velgar. La Sombre était rentrée dans la chambre sans prévenir, alors que Lysana venait tout juste de finir de s'habiller, situation qui, d'ordinaire, en agacerait plus d'une. Mais cette violation évidente du droit à la vie privée dans cette maison, la jeune Sombre commençait à en avoir l'habitude. Aussi, elle adressa un sourire chaleureux à la Dame d'un certain age tout en s'inclinant respectueusement.Syo, mais j'allais partir justement. Vous cherchiez quelque chose ?
-Syo. Vous, en l'occurrence. Je me rend compte que nous n'avons jamais vraiment discuté toutes les deux. Que diriez vous d'une tasse de thé ?
Une tasse de thé, syo. Avec le temps, Lysana avait compris que cette formule signifiait tout autre chose qu'une tasse de thé et quelques viennoiseries. Sa mère l'utilisait souvent lorsqu'elle avait besoin de lui parler d'une chose importante, comme si la présence de douceurs sur la table allait adoucir les humeurs. La Sombre devina donc que c'était dans ce but qu'Itarille Velgar était venue la trouver.
Quelques minutes plus tard, elles étaient assises en face l'une de l'autre, à se sourire mutuellement. La Société des Familles nobles Sombres étaient ainsi faite. Il s'agissait d'afficher son plus beau sourire en toute circonstance, sans en faire trop afin de rester naturelles. Art compliqué qui demandait modération et subtilité. Art que les deux Sombres semblaient toutes deux maitriser à merveille.
Elles étaient donc assises dans la salle de réception des Velgar, sur des fauteuils qui, même s'ils avaient fais leur temps, restaient confortables et bien portant. Le service en porcelaine qui avait été sortit pour l'occasion était élégant, entretenu régulièrement. Tout dans la demeure Velgar rappelait à Lysana l'image d'une beauté somptueuse, d'une richesse fertile et de temps heureux.. Mais passés. Tout, y compris la Sombre qui se tenait face à elle. Le temps avait marqué le beau visage de la Sombre, fatalement, et le manque de moyens pour l'entretenir n'avait rien arrangé. Cependant, même avec peu de moyens, elle avait su rester élégante et digne, à l'instar de sa maison. Même si certaines tapisseries auraient gagnées à être refaites, tout était propre, soigné, et entretenu régulièrement. Tout ce qui était habitable, du moins. Lysana avait déjà décelé des portes scellées et des fissures dans certains murs. Le maintient en activité d'une demeure comme celle ci coutait certainement des fortunes, fortunes que la famille Velgar ne possédait plus. Ils s'étaient contentés de sauvegarder, avec pudeur, quelques rares pièces en bon état.
-Le thé est-il a votre goût, ma chère ?Madame Velgar était une personne qui imposait le respect par sa présence seule, mais qui ne s'en contentait pas. Elle faisait usage de sa bonne éducation en toute circonstance, même quand elle aurait préféré ne pas avoir à le faire. Et cela, Lysana le respectait.
-Tout à fait. Elle lui sourit, buvant une gorgée de thé blanc, finement parfumé.
-Alors.. Itarille Velgar se pencha pour reposer sa tasse. A ce geste, Lysana comprit immédiatement que les enjeux de la discution commençaient à cet instant...Je vois que cela se passe bien avec Stannis.
-A merveille, je n'ai pas à m'en plaindre. Lysana sourit, sincèrement cette fois ci.
-A la bonne heure. Je suis heureuse de voir que mon fils ait enfin ramené quelqu'un de convenable à la maison.En effet, Dame Velgar devait l'admettre, avec plus ou moins de bonne volonté, Lysana n'était ni une empotée ni une mauvaise fille. Cela semblait lui plaire, elle qui était si fière de son fils.
-J'ose espérer que me présence ne vous importune pas.Elle savait que si, mais il était de bon ton de le dire, tout comme la réponse donnée le fut également.
-Pas le moins du monde, mais.. Cela doit être dur de vous réveiller seule chaque matin.
Lysana haussa les épaules.
-On s'y habitue. Stannis a son entrainement très tôt le matin, il me faut m'y faire. Et puis j'ai moi aussi un travail prenant, je n'ai pas le temps de perdre mon temps à ce genre de pensées.
-Dans quoi travaillez vous, au juste ?
-Je suis couturière au Fil d'Or.
-Oh. Il s'agit de l'atelier en la demeure..
-Teken'Duis, c'est bien cela.Lysana se délectait toujours de voir le respect se forger sur les visages des gens lorsqu'elle prononçait ce nom. Elle n'était pas peu fière de savoir que, bientôt, elle porterait ce nom.
-Il est vrai que vos robes sont toujours somptueuses, j'aurais dû m'en douter. Itarille pinça les lèvres. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion de se faire faire une robe dans cet établissement.Ce sont vos créations ?
-En effet. C'est l'avantage de travailler dans un atelier de couture.
-Vous êtes une Teken'Duis j'imagine, pour y travailler ? Sa question n'était pas sans intérêt, et la réponse semblait l'intéresser beaucoup.
- Moi ?Elle feignit un air surpris comme si une telle idée ne lui avait jamais traversé la tête avant de rire un instant. Nau, nau.. Je travaille simplement pour Ssrigg'Tul car il apprécie ce que je fais.. Je ne suis pas l'une des leurs. Du moins pas encore.
-Oh.. Je vois..Si elle fut déçue, Lysana ne le remarqua pas, car elle se reprit très rapidement. Cela n'est pas trop dur de monter en haute ville tous les matins ?
-Du tout. Il faut parfois que je passe par des petites ruelles mais.. Je n'y ais jamais croisé personne. Cela ne me dérange pas de le faire.Et elle y était bien obligée, sa présence semblant rassurer son amant, qui n'était plus en proie à des cauchemars à la teneur psychosomatique lorsqu'elle était près de lui.
-Bwael. Et puisque vous n'êtes pas une Teken'Duis, vous venez surement d'une famille proche de celle ci.Une lueur d'espoir brillant encore dans les prunelles d'Itarille.
-A vrai dire, nau. Ma Mère était d'origine modeste, tout comme mon Père. Ils sont mort tous les deux l'an dernier. Elle exprima, dans son esprit, des excuses pour sa Mère encore en vie. Si elle voulait rejoindre la famille Teken'Duis, elle devait se faire passer pour Orpheline. Une condition dictée par la femme de son géniteur. Fierté féminine sans doute. En échange, elle avait pu marchander une rente confortable pour sa Mère afin qu'elle ne manque de rien. Les Teken'Duis étaient si riches que quelques dizaines de millions ne ferait aucune différence.
Une fois de plus, la déception d'Itarille fut imperceptible.
-Bwael.. Si vous voulez bien m'excuser, il faut d'ailleurs que je retourne travailler. Elle finit sa tasse et se redressa, comme son hôte, d'un même mouvement.
-Naturellement. J'ai été très heureuse d'avoir cette petite discution.
-Moi de même. Passez une bonne journée, Dame Velgar.
Une fois les formules d'usage échangées, elle prit congé, soulevant puis poussant la lourde porte d'entrée de la demeure afin de sortir.
Lysana était vexée. Vexée par la réaction de cette femme si distinguée. Tellement vexée qu'elle refusait de laisser la situation telle qu'elle était. Si le nom de son frère, pour qui elle travaillait officiellement, avait été accueillit avec respect, ce n'avait pas été pas le cas du siens. Elle devait l'impressionner, et elle savait que toutes les belles paroles du monde n'auraient qu'un piètre effet sur elle. Elle était le genre de personnes à penser que les mots ne sont pas concrets sans les actes les accompagnant. Il était donc évident qu'elle devait me servir du don dont elle avait hérité : la couture. Elle lui confectionnerait une robe qui éclipserait toutes les parures qu'elle avait jamais vu jusqu'à ce jour.
Une fois son travail terminé, elle prit mon matériel de couture et quelques échantillons de tissu avec elle, dans un sac portant le sceau des Teken'Duis. Elle n'y fit pas attention. Elle était pressée. Trop pressée. Sortant du Manoir d'un pas rapide, Lysana entreprit de parcourir le chemin qui menait à la maison Velgar. Les deux demeures sont séparées par la moitié du village, elle décida donc de raccourcir le trajet en passant par quelques petites rues mal éclairées. S'aventurant dans les couloirs sinueux, d'abord éclairés dans la haute ville, puis ténébreux près de la basse ville, elle marchait d'un pas pressé, la courroie du sac posée sur son épaule gauche. Alors qu'elle était presque arrivée à sa destination, elle sentit une présence derrière elle. S'arrêtant, tournant la tête, elle scruta rapidement par dessus son épaule, personne.
Alors qu'elle faisait ce constat, quelque chose vint percuter son flan gauche violemment, un peu en dessous du sac. Surprise, elle tourna vivement la tête, se retrouvant nez à nez avec un humain. Son regard, haineux, pétrifia la Sombre. Un second choc contre son flan. Un craquement. La sensation d'un liquide coulant sur sa jambe. Elle baissa les yeux, identifiant une dague plongée dans son abdomen, tenue par une main blanche et.. Du sang. A ce constat, elle comprit. La douleur, lancinant son flan soudainement. Les agressions, les esclaves. Elle était la suivante. Il allait la tuer dans cette ruelle.
Dans un élan de panique, elle posa ses mains sur le torse de l'humain en poussant un cri. Elle fut peut être la plus surprise des deux lorsqu'une explosion d'énergie se produisit dans ses paumes, expulsant l'humain à quelques mètres de là. Elle le regarda se cogner au mur, tomber inconscient. Puis elle baissa les yeux sur ses mains encore fumantes, et sur sa hanche, dont le sang se vidait abondamment. Elle sentait déjà son esprit s'engourdir. Venant s'adosser au mur, le regard trouble, elle regardait droit devant elle en pensant sa dernière heure venue.
C'est donc comme ça que je vais mourir.
Dans cette pauvre ruelle sombre, seule.
C'est ainsi que Mère l'a choisit.
Mon frère.. Cryxia et Stannis.. mère..
Ne soyez pas tristes... Ne pleurez pas..
Je suis déjà assez pitoyable.. Comme ça..
Une larme coula sur sa joue tandis qu'elle glissait dans l'inconscience, son sang, si rouge, continuant à se déverser sur le sol.
Elle pensa vaguement que les cri qu'elle entendit quelques minutes plus tard n'étaient pas une arrivée salvatrice, mais simplement les traces de son imagination fertile.
Elle avait prit l'habitude de le retirer pour coudre, afin de ne pas risquer de coincer une maille de tissu dedans. Elle le plaçait autour de son cou, accroché à une fine chainette.
Ce petit anneau d'argent..
Il n'était pas ostentatoire, une simple plume d'or blanc étant gravée sur son dessus. Marqué par l'âge, la Sombre l'avait fait entretenir afin qu'il retrouve son éclat d'antan.
Qui scelle une promesse..
Placé à l'annulaire de sa main gauche, cela paraissait si insignifiant et pourtant.. Cela comptait tant pour elle. La marque d'une promesse, d'un futur où elle s'imaginait heureuse. C'était tout ce qu'ils pouvaient se permettre pour le moment.. Pour toujours ensemble.
Elle n'en avait parlé à personne. Elle gardait cela entièrement pour d'elle. Rien qu'à eux. Cela s'était fait si naturellement, bafouant surement tous les protocoles existant sur le sujet..
Cela leur ressemblait. Quelque chose de simple, mais de vrai. Et de prometteur. Dans une société où le sourire n'était qu'un masque agréable, ils avaient cela. Et pour le moment, ils le garderaient secret..
Lysana abaissa la feuille de papier que venait de lui tendre son interlocutrice, le sourcil droit dressé, formant une expression perplexe sur son beau visage.
-Pourquoi me donner ceci ?
-J'ai pensé que nous devions commencer par les bases. Elveyl leva calmement sa tasse jusqu'à ses lèvres pour y boire une gorgée de son thé.
-Mais.. Je pensais savoir effectuer les révérences depuis longtemps..
-Ho, mais vous le savez.La préceptrice se pencha pour poser sa tasse, sans daigner accorder un seul regard à Lysana, qui semblait décidément avoir bien du mal à comprendre.N'importe quelle courtisane serait très bien vue si elle se comportait comme vous.
-Quel est le problème alors ?
Laissant un claquement de langue agacer se produire, Elveyl leva enfin le regard vers Lysana pour scruter ses yeux.
-Le problème est, Lysana, que je ne vous demande pas de bien faire les choses. Je veux que vous les effectuiez parfaitement. Vous m'avez donné satisfaction sur la partie théorique.. Mais ce qui pêche chez vous, c'est clairement la pratique.
Ce perfectionnisme, Lysana le comprenait. Ce qui lui échappant en revanche, c'était de donner autant d'importance à un si petit geste.
-Ne pourrions nous pas passer à quelque chose de plus.. Important ?
-Malla Yiverain m'a envoyée ici pour vous former aux us et coutumes de la famille, pour que vous sachiez appliquer correctement le protocole. Il faut que vous gardiez à l'esprit que vous allez devenir l'une des nôtres, et pas des moindres..
Lysana ne répondit pas, semblant encore dubitative quand à la nécessite d'un tel apprentissage.
- Lorsque j'ai appris l'art de la révérence à Malla Ssrigg'Tul, il était encore enfant. Bien que naturellement doué, il lui a fallut plusieurs semaines avant de pouvoir s'approcher de quelque chose d'acceptable. Je veux que d'ici une semaine, vous soyez à son niveau.
-..Une semaine ? Ne venez vous pas de dire qu'il a fallut plusieurs semaines à Jabbuk pour y arriver ?
-Écoutez Lysana, c'est ainsi. Nous avons peu de temps pour vous préparer, et beaucoup de choses à voir. Si vous voulez que notre famille, et à fortiori Malla Ssuule ne pose ne serait-ce que le regard sur vous, il va falloir que vous égaliez votre frère.Elveyl était une des seules membres de la famille au fait de la généalogie de Lysana. Le chef de famille n'avait pas réussit à le lui cacher longtemps.
-Hé bien, j'espère au moins que les compositions florales et le pliage des serviettes ne prendront pas autant de temps.
-Pour ceci, je ne m'inquiète pas trop. Vous semblez.. Avoir bon goût.Ne releva pas l'ironie de Lysana, elle examina sa tenue du regard, n'ayant rien à lui reprocher.
Lysana se dit qu'elle devrait passer quelques mois bien pénibles. Tout en se résignant, elle sourit.
-Bwael.. Commençons ?
Spoiler:
(Maj attestant du changement de comportement du pj : De meilleures manières, une gestuelle plus gracieuse)
Assise face à la mer, non loin du Temple de Shilen, la Sombre réfléchissait. Alors que les embruns marins venaient taquiner les deux mèches de cheveux lâchées de part et d'autre de son visage, son regard émeraude fixait l'horizon, derrière lequel le soleil était en train de disparaître, inondant la surface de l'eau de ses rayons orangers. Ce n'était pas cette belle vue qu'elle fixait avec tant d'intensité. C'était son avenir. En ce crépuscule proche, elle se posait une question.
Cela faisait quelques années qu'elle s'en doutait déjà, mais ce ne fut qu'en venant s'installer à Shel'Oloth qu'elle en avait eu la confirmation. Elle n'avait jamais vraiment tenu à apprendre la magie, étant petite. C'était son père, du moins celui qui prétendait l'être, qui avait mit un point d'honneur à faire de sa fille une mage offensive, comme lui. Bien qu'elle ne fut pas passionnée par cet apprentissage, elle s'y plia sagement. Il s'avéra qu'elle n'avait pas de prédisposition particulière pour la magie de vent, mais que sa nature n'y était pas opposée non plus. Ainsi, elle avait apprit à manier cet élément, et ce durant près d'un siècle.
Elle savait que si elle le maniait correctement, son pouvoir n'avait rien d'extraordinaire. Cette intuition lui fut confirmée une fois à Shel'Oloth, lorsqu'elle rencontra deux excellents mages : Lyurn et Sashyel. Comparé à leurs pouvoirs, le siens était tout juste dérisoire. Si cela avait compté pour elle, elle s'en serait sans doutée sentie vexée. Tel n'était pas le cas. Elle avait sympathisé avec cet élément, mais elle avait fait cela pour quelqu'un d'autre.
Depuis quelques temps, elle ressentait quelque chose en elle. Une présence magique qui, quelque part, avait toujours existé en elle. Une présence qui n'était ni agressive, ni offensive. Une présence naturelle. Celle là même qui se manifestait plus fortement lorsqu'elle utilisait sur elle même le seul sort de soin mineur qu'elle avait jamais apprit. Oui, elle la ressentait plus nettement à ces moments là.
Assise sur son promontoire, là où la terre plongeait dans la mer, à cet endroit souvent sujet aux coups de vent, la Sombre se sentait en sécurité. La présence de ces trois éléments réunis lui étaient instinctivement familière, tout comme l'énergie qui s'en dégageait. Elle ferma les yeux, enfouissant ses doigts dans la terre meuble, lentement. Faiblement, elle sentant ses doigts frémir au contact de ce pouls faible mais bien présent. Elle rouvrit les yeux avec un petit sourire. Enfin, elle avait trouvé. Elle n'était pas une combattante, de près ou de loin cela ne changerait rien. Ce qu'elle aimait apporter à son peuple par ses créations comme par ses actes, c'était l'apaisement. L'apaisement des maux, celui des humeurs et des sentiments. Elle était faite pour ça, et depuis longtemps. Mais elle venait seulement d'en prendre conscience.
Se redressant, elle pensa à toute cette énergie présente en elle, autour d'elle, naturellement. Elle avait lu quelque part qu'il s'agissait d'une énergie élémentaire, présente en chaque être vivant. Elle s'en servirait pour protéger et soigner son peuple, ses proches, et Lui en particulier. En ces périodes de guerres, chacun devait être prêt à servir Shilen et Ses enfants. Ce serait sa façon de le faire. Cryxia lui avait proposé de lui présenter une soigneuse qui lui apprendrait tout ce dont elle avait besoin de savoir durant les prochains moins, afin de pouvoir être présente sur le champ de bataille. Elle en profiterait pour apprendre les soins traditionnels, qu'on pratique sans magie. Cela pourra toujours lui servir.
L'esprit apaisé, elle prit le chemin du village d'un pas rapide, impatiente d'annoncer à son compagnon sa détermination nouvelle...
<< - Bwael.. Retirez la flèche à trois. Le novice en face de Lysana suait à grosses gouttes, ses deux mains cramponnées à une flèche enfoncée dans le torse d'un malheureux Sombre.
- C'est à dire que..
- Vous voulez qu'il en reste là ? Retirez moi ça !
-B..Bwael..
-Trois ! D'un coup sec, le novice extirpa la lame de la flèche du torse du Sombre, cependant que Lysana et un M'thain incantaient tous deux pour stopper efficacement l'épanchement de sang et éviter la propagation d'un quelconque poison dans l'organisme du soldat. Le sang sortit était évacué à l'aide de canaux creusés dans la table et retombait directement dans une bassine posée au sol. Après de longues minutes d'incantations, la plaie commençait à se refermer. Lysana baissa les mains, laissant le M'thain se charger du reste. Elle leva son regard sur le novice qui, penaud, ne savait quoi faire.
- Bien, nous allons lui.. Une des soigneuses du dispensaire fit intrusion dans la tente, coupant la parole de Lysana.
-Lysana, un blessé rivvin. Je suis occupée avec un bandage à faire. La Sombre laissa échapper un grognement sourd.
- J'y vais.. Elle leva brièvement les yeux vers le novice et lui donna un ordre clair et précis. Posez lui un cataplasme de plantes. Ne laissant pas le temps à l'apprenti de répondre, elle prit une paire de gants sur l'étagère et s'éloigna en direction de la tente de Schuttgart, les enfilant en chemin. Il était là pour apprendre, il n'y avait pas mieux que le terrain pour ça...
Poussant la tenture d'entrée de la tente, Lysana posa un regard sévère sur l'humain en face d'elle. Assit sur une chaise, torse nu, il se tenait l'épaule droite d'une main.
-Qu'avons nous là..
-J'ai mal à l'épaule.
-Vraiment ? Je ne m'en serai pas doutée. Merci du renseignement. Donnant une tape sur la main pour l'éloigner de l'épaule, elle se baissa pour y jeter un coup d'œil. Le mouvement peu naturel du bras par rapport à la ligne de l'épaule lui apprit que celle ci était déboitée.
- C'est cassé ?
- Voyons voir.. Cela fait mal ? Appuyant près de la jointure de l'épaule du bout du doigt, Lysana sourit à l'humain lorsqu'il poussa un juron fort déplacé.J'en conclue que oui.
-Un mal de chien, morbleu !
-Tant mieux.. Se redressant, elle passa dans le dos de l'humain.
-Hein ?
-Vous savez pourquoi ? D'un coup net, elle remit l'épaule à sa place en la tirant vers elle d'une main, l'autre posée à plat dans son dos.Parce que ça veut dire qu'on est vivant. L'humain n'eut même pas le temps de crier, concentré sur la réponse qu'allait lui donner la Sombre. Aussi, il ne put exprimer la vive douleur qu'il avait ressentit. Elle s'approcha d'une étagère, choisit un pot de crème étiqueté, et le lança au soldat qui l'attrapa au vol.
-Mettez ça sur votre épaule après chaque effort et évitez les mouvements brusques pendant quelques jours. C'est tout. >> Elle se retira rapidement après avoir reçu les remerciements du soldats, jetant au passage ses gants dans un brasier au centre du camp. Cette histoire d'humains à soigner commençait à lui peser. Lorsque Cryxia lui avait annoncé qu'elle devrait le faire, suite à un caprice de Schuttgart, Lysana l'avait incendiée du regard. Elle n'était pas là pour constater, une énième fois, la bêtise des rivvins, mais bien pour aider son peuple. Ainsi, lorsqu'on lui apprit un peu plus tard qu'elle devrait déplacer son campement de soin et ne s'occuper que des Sombres, elle avait été soulagée.
Tout en supervisant l'installation de la tente de soin auprès de celles des Soldats, Lysana se dit qu'il était grand temps que cette alliance vide de sens arrive à son terme, dans une guerre tout aussi vide de sens pour eux.
Shel'Oloth ne pouvait pas rester dans l'Ombre éternellement.. Il fallait quelque chose pour représenter le village.. Autre chose que cette alliance factice passée avec Goddard et qui, en somme, donnait les pleins pouvoirs à cette dernière, ne faisant passer Shel'Oloth auprès du commun des mortels que comme une dépendance de celle ci.
Une unité..
Le Peuple Sombre avait besoin d'être rassemblé autour d'un noyau de fidèles pratiquants, intransigeants et pragmatiques. Il prit forme dans les personnes de Lyurn Solor'Bane et Cryxia Thypex Teken'Duis. Deux personnages forts qui ne manquaient pas de forger le respect. A ce noyau vint se greffer quelques personnalités moins importantes, mais tout aussi convaincues par leur but..
Une ouverture..
Les terres Sombres ne seraient rien sans le commerce qu'elles entretenaient avec le reste du monde. Pour assurer la bonne pérennité de la race, il fallait que ces échanges s'accentuent et s'accélèrent, afin de rendre au village sa force d'antan. Il ne pouvait rester replié sur lui même plus longtemps.. Les Sombres devaient apprendre à côtoyer des rivvins, pour leurs propres intérêts..
Sssiks Olath...
Un représentant de toutes ces attentes, une organisation regroupant les plus motivés des Sombres, prêts à faire bouger la situation de leur peuple, tout en se valorisant personnellement par la même occasion.
Lorsque la Sombre fut au courant de ce projet, il n'y eut pas un doute possible. Elle devait en être. Même si la situation était compliquée en ce moment.. Même si le doute s'était insinué sournoisement dans l'esprit de certains, même si les relations avec la Valsharess n'étaient pas au beau fixe.. Elle espérait changer cela. Oui.. Elle l'espérait tant..
La Sombre vit cette affiche placardée sur un des panneaux d'affichages de Goddard, en passant. N'y prêtant que peu d'importance au début, elle prit ensuite le temps de lire plus attentivement..
Ainsi, des individus chercheraient des compagnons de bataille pour se perfectionner en abattant de puissances créatures..
D'ordinaire, l'offre ne l'aurait pas intéressée. Mais les multiples disputes et les coups qu'elle avait reçu dernièrement l'avaient entrainée à se tenir à l'écart de la Valsharess, et donc des problèmes. Elle avait besoin de se sentir forte pour reprendre confiance, elle avait besoin de s'éloigner de temps en temps de l'ambiance malsaine du village.. Pour se retrouver, pour retrouver foi en les préceptes de Shilen, pour comprendre à quel point son peuple était important pour elle.
Elle était certaine que Stannis ne verrait pas de problèmes à de telles excursions de temps en temps, lui qui souhaitait qu'elle s'endurcisse, il serait surement ravi.. A condition que cela ne présente pas de danger.
Pour en avoir la confirmation, elle alla rencontrer les rédacteurs de cette affiche à Heine. Elle se retrouva face à une Kamael et à une Sombre. Un couple qui ne manqua pas d'étonner la Sombre de par son originalité, mais aussi par ses manières. Ils étaient bien plus respectueux, et se tenaient bien mieux que bon nombre de ses congénères à Shel'Oloth. Elle se dit qu'ils méritaient un certain respect pour cela, toutes proportions gardées: Ils restaient des non shilénistes. Cependant, ils seraient parfaits pour l'aider à s'entrainer et à s'améliorer. Ils la prévinrent que des gens du Sud étaient intéressés également par leur projet, qu'elle devrait donc veiller à sa sécurité.
En sortant, la Sombre savait ce qui lui restait à faire. Empruntant l'idée qu'avait eu Cryxia pour la Valsharess, elle se confectionnerait un masque pour dissimuler son identité durant ces parties de chasses, évitant tout incident malheureux qui pourrait subvenir. Il ne lui restait plus qu'à se mettre au travail..
Il s'était insinué, sournoisement, au fil du temps.. Commençant d'abord par Elle. Pas ces trois coups qui lui furent portés, elle commença à douter de la sincérité de la Valsharess, son véritable but.. Son initiative avait elle été mal prise ? Pourtant, la Valsharess ne lui consacrait pas une minute de son temps, celles ci se croisaient rarement. Elle ne pouvait pas laisser les choses trainer éternellement. Sans autorisation, elle avait agit, puis transmit son rapport. En sanction, trois coups lui furent portés, cinglants, par la main du Bourreau. Oh, elle n'en voulait pas à Sashyel, qui n'était que la main d'un régime de répression incarné par Lyurn Solor'Bane.
Elle s'était interrogée sur les véritables raisons de cette punition. Aucune chance que cela ait pu être uniquement parce qu'elle avait fait trop de zèle.. Peut être que l'importance grandissante de la Sombre finissait par inquiéter la brillante mais parfois imprudente Reine des Sombres qui, pour lui rappeler leurs position respectives, avait décidé de la faire corriger. Dans ce cachot Sombre, le torse dénudé, tournée vers le mur.. Elle maudissait ces pratiques et tous ceux qui y étaient favorables. Elle portait un amour sincère à sa race, mais commençait à douter sur la fiabilités des personnes à sa tête..
Elle trouvait, en outre, étrange l'intérêt que la Valsharess portait à son compagnon.. Non content de souvent les trouver ensemble dans des endroits isolés, elle écoutait parfois leurs conversations. Il n'avait aucune compassion pour celle qu'il disait aimer dans ses paroles, semblant prêt à livrer ses plus noirs secrets pour un peu plus d'estime de la part de la Valsharess.. Peut être leurs rapports étaient ils plus privés qu'elle ne l'imaginait. Après tout, Lysana savait que cette Dame influente gardait jalousement le nom de ses amants. Elle avait fait l'erreur de lui faire part de ses doutes. Elle qui, après lui avoir bien ri au nez, était allé tout raconter à Stannis.
Le même Stannis qui avait commencé à douter quelques temps après. Se laissant embobiner par une Sombre qui ne connaissait rien d'eux, une certaine Mika. Demandant des explication à sa compagne sur quelque chose dont elle n'avait rien à voir. Elle le voyait bien. Cette confiance qu'il semblait lui porter était factice. Il ne faisait confiance à personne, pas même à lui même. Elle pensait que cela n'était pas grave, que cela s'arrangerait. Après tout, elle n'avait rien à se reprocher.
C'était bien mal connaître Stannis Velgar qui, sans prévenir, la jeta hors de chez lui et rendit la bague qu'elle lui avait offert à un soldat, sans même daigner la mettre au courant de leur rupture. Elle réussit à lui parler un moment, pour comprendre ce retournement de situation.. Et apprit sans surprise qu'encore une fois, la Valsharess avait trop parlé. Elle et une autre, de Goddard, l'ayant vu entrer dans le château du Prince à la réputation si sulfureuse. Le Sergent ne s'était posé nulle question à l'entente de cette nouvelle. Il n'avait pas pu croire qu'elle ne l'avait jamais trahie.. Peut être ne voulait il pas le croire.. La confiance n'était plus. Il n'avait pas confiance en sa parole, en ses capacités, ni même en ses promesses. Le doute s'était logé en lui comme un serpent, dont le poison aurait raison de son couple.
Ce soir là, c'est sans un doute que la Sombre pendit sa bague de fiançailles à son cou, et non à son doigt. Il devait réfléchir ? Il était naturel qu'elle fasse de même.
Elle rentra de sa soirée, calmement. Au dispensaire, elle avait laissé ses instructions. Pour quelques jours, elle serait absente. Ils savaient où la joindre. Un verre, elle s'était versé, puis un second. Ces derniers temps, elle buvait un peu. Par habitude, pour oublier. Calmement, elle monta les marches la séparant de sa chambre. Tranquillement, elle y rentra, dans un cliquetis de serrure.
Son bureau, à peine discernable, croulait sous les dossiers, échantillons de tissus et esquisses de robes. Elle contempla ce travail qui, semaine après semaine, s'était entassé. Un amas de problèmes. D'obligations familiales, de débâcles amoureuses, de fuites dans le travail. Trop. Elle travaillait trop. Mais n'était-ce pas ce qu'elle avait voulu ?
Adoptée, elle l'avait été. Bien loin d'être choyée, elle était exploitée. Plus nulle bague à son doigt : Elle serait vendue au plus offrant, au plus riche, ou au plus influant. Une vie dorée, mais en cage. Une mère vivante, mais morte aux yeux des autres. Une famille puissante, mais exigeante. Voilà ce qu'étaient ses sacrifices, les conditions de son adoption. Ses capacités l'avait menée où elle était. Mais ainsi elle ne pouvait demeurer. Se débattre, se dépasser sans cesse, voilà ce qu'elle leur devait. Mais peut-être était-ce une volonté ?
Amoureuse, elle l'avait été longtemps. Blessée, bien plus souvent. Repoussée, bridée et humiliée, tel avait été son quotidien. Répudiée, avant d'être récupérée. Promise à une histoire sans lendemain, cruelle et douloureuse. Elle laissait faire, elle aimait. Puis vint une demande, faite pour ne pas être refusée. Un chantage affectif, qui avait si bien marché. Elle se croyait spéciale, unique. La désillusion fut si rapide, intense.. Elle emporta avec elle les lambeaux usés de son amour passé. Puis virent les insultes, les menaces, la mise à mort. Verbales, bien sur, mais violentes et cruelles. C'est dans ce champ de ruine affectif qu'elle avait construit sa situation.
Et les larmes coulèrent de ses joues, doucement. Silence à l'extérieur, masquant une tempête à l'intérieur. Des larmes de rage, et de douleur. Les dernières qu'elle s'autorisait à verser. Elle avait prit une décision, en marchant calmement depuis le Temple. Elle ne pouvait rester dans cette ville où tout l'étouffait. Le système, les habitants, le plafond trop bas. Elle aimait profondément son peuple, Sa déesse et Ses idéaux. Mais elle n'aimait pas ce qu'était devenu son peuple et ce qu'il avait fait de Ses idéaux.
Elle n'avait plus une seconde à consacrer au Sssiks Olath, dont elle n'était même pas conviée aux réunions. Le commerce n'était surement pas assez héroique pour le mériter.. Et pourtant. C'était ce commerce même qui était vitale au village. On ne nourrit pas un peuple avec de l'héroisme, ou alors il ne faut pas avoir bien faim.
Elle ne les quitterai que pour se consacrer à sa passion, à son métier. Elle le développerai et en ferai quelque chose dont elle ne puisse avoir honte. Mais pour cela, elle devait être sur place, et non enfermée au fond d'une grotte.
Un changement radical. Une nouvelle vie, pour celle qui se sentait au plus bas, affaiblie et blessée par ses proches. Là bas, dehors, elle n'avait pas d'attaches. Pas de sentiments, pas de faiblesses, pas de blessures. Juste un travail. Une renaissance, le temps de se reconstruire, de se créer un masque qu'elle porterait en toute circonstance. Superbe. Impitoyable. Opiniatre. Impassible. Une forteresse vivante, fière et forte. Ses seuls vrais sourires, elles les réservait à sa famille proche, ceux qui depuis le début était là. Et seraient là.
Mais pour renaitre, il lui fallait déjà mourir. Cela serait douloureux, mais nécessaire. La douleur, elle la subissait chaque jours à travers les entailles qu'elle infligeait à ses veines. Rien d'insurmontable. Elle connaissait une douleur bien plus lourde. Douleur qu'elle rangeait sur elle, elle la portait en médaillon depuis des moins. Ultime espoir désespéré, ne s'étant jamais résolue à le jetter. Le petit anneau d'or, elle le choyait, précieusement, comme le souvenir de celui qui le lui avait offert. Hélas, cette douleur qu'il lui infligeait à présent n'aiderait pas, elle n'en mourrait jamais. Elle était vouée à une lente et atroce agonie. Elle envisagea un moment de jetter l'anneau dans un brasier, mais renonca. Elle le garderait précieusement, lui, sa seule faiblesse. Il ne serait plus comme avant signe d'espoir. Il serait là pour lui rappeler les bétises à ne pas répéter, l'illusion dans laquelle elle s'était glissée volontairement.
Devant la passeuse, elle ne savait toujours pas où aller. Ce qu'elle savait, c'était que le poignard planté dans ses veines ne lui laisserait plus beaucoup de temps pour choisir.
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, le lit vide et le silence dans la pièce lui indiqua qu'il était partit. Tant mieux. Ils n'auraient pas à vivre un de ces moments gênant et ambiguë qui suit un refus brutal et insensé. Il lui avait pourtant semblé que cela se passait bien.
Elle se redressa en s'étirant du fauteuil inconfortable dans lequel elle avait passé la nuit. Ses réflexes de soigneuse au dispensaire l'avaient vite reprise, elle qui croyait en être débarrassée. L'individu avait passé la nuit dans la chambre, sous l'ordre impérieux de la Sombre. Il avait l'air d'un enfant parfois, elle n'avait pu se résoudre à le mettre dehors après sa crise. Sans doute des souvenirs désagréables lui étaient ils revenus.
Elle se leva et resserra contre elle le tissu de ses vêtements alors que s’annonçait ce qui semblait être une fameuse migraine.. Elle avait bu quelques verres de trop, mais après ce qui c'était passé, il lui avait paru approprié de terminer cette bouteille seule, dans son bain. Au moins une chose qu'elle avait pu terminer ce soir là..
Les braises étaient froides dans la cheminée, et elle n'avait pas le cœur de le rallumer pour l'instant. A l'instar du jeune Sombre de la veille, elle se massa les tempes, mais elle savait très bien pourquoi. Il allait lui falloir du temps pour décuver..
~~~
Quelques heures plus tard, la Sombre arpentait les rues du Village qui l'avait vue naitre avec une énergie toute relative. Elle se sentait encore souvent nauséeuse et se serait bien passée de sa visite journalière, cette fois ci.
Le Temple était désert, comme à son habitude, les Yathrin s'activant en silence dans l'ombre des lieux, dans un silence religieux. Toute parole, tout son dépassant le bruit d'un murmure était interdit par une règle tacite.
Depuis quelques jours, elle passait au temple une fois par jour pour signer le registre, le registre de sa libération. Cet acte la répugnait, et lui rappelait que pour le moment, elle ne saurait être libre. L’œil malveillant de Shilen pointé sur elle lui rappelait de plus en plus celui, teinté d'une folie sourde, de Lyurn. Cette même Sombre qui, du haut de ses cent ans, prenait décision ridicule sur décision ridicule depuis quelques temps.
Lysana l'avait respectée autrefois, assez pour lui donner un conseil qui lui semblait avisé. Conseil qui l'avait gardée plusieurs mois isolée, enserrée par des chaines froides et humides. Elle avait beaucoup réfléchit durant ces mois, isolée de tout, du monde extérieur. Si son corps était prisonnier, son esprit s'en était allé, vagabondant au fil de ses pensées, un véritable pèlerinage spirituel.
C'était sans doute pour cela qu'elle donnait à tout le monde cette explication, un pèlerinage. Personne ne l'avait vu pendant des mois, personne ne s'en étonnerait. Il était bien moins reluisant de devoir expliquer où elle était réellement, la Sombre ne le supporterait pas. Elle pouvait mentir à tout le monde, les marques qu'avaient laissé les chaines sur ses poignets délicats ne partiraient pas avant un moment...
Bien qu'elle n'en ait pas vraiment envie, elle se mit à prier une Déesse en qui elle commençait à perdre foi..
Elle avait recommencé. Lysana secoua la tête avec un soupire d'exaspération contre elle même. Elle s'était pourtant promit de se pas s'attacher, de se tenir à une distance froide et prudente de toute personne voulant l'approcher. Elle le savait, pourtant. Elle s'attachait trop vite et était trop souvent déçue.
Tchac, Tchac, tchac..
Une service, hein.. Il été aurait étonnant qu'il n'aille la voir autrement que pour ça, elle le savait bien. Après tout, la seule chose qu'elle pouvait lui offrir de spécial, c'était un œil et une oreille dans la ville de Shel'Oloth. Il avait eu trop peur d'y aller seul..
Tchac, Tchac, Tchac..
Elle était passée au dispensaire, la veille. Cette vieille odeur de désinfectant et de bandages fraîchement déroulés. Elle n'osait l'avouer, mais ils lui avaient manqué. Ce qu'elle venait chercher là bas était simple, et pour cela elle avait besoin d'un mensonge. Récupérer une babiole de valeur, syo, ça c'était bien.
Tchac, Tchac, Tchac..
La mort de cette jeune impertinente, oui.. Lysana avait apprit la nouvelle. Elle se promit d'envoyer un bouquet de fleurs à Kroman. Enfin, le village Sombre avait une chance de changer, de prendre un nouveau départ. Elle serait aux premières loges pour voir cela. Peut-être même y participerait-elle, qui sait.
Tchac, Tchac, Tchac..
Elle espérait qu'elle avait souffert, elle qui lui avait fait découvrir la méfiance, la haine.. La vraie haine. Mais son seul crime ne s'arrêtait pas là. Elle envoyait des sombres innocents au pilori dans l'espoir de faire plaisir à sa chère Déesse. Lysana avait fait ce rapport sur la fertilité.. Elle savait que les chances des femelles actuelles de recréer la race étaient minces. Il faudrait avant tout la préserver, la préserver des autres, mais aussi de Shilen..
Tchac !
Lysana baissa les yeux sur la vasque du lavabo en faïence blanche, puis sur la myriade de gouttelettes de sang la recouvrant, souillant cette pureté. Elle lâcha la lame qu'elle avait entre les mains. Vraiment, c'était une mauvaise manie que la Sombre avait là.. Mais au moins, à cet instant précis, elle savait d'où venait sa douleur.
«Tu n'as de valeur que quand tu couds, alors au travail.»
Allongée sur son lit, elle se ressassait ces mots avec un goût amère dans la bouche. Elle n'avait jamais douté que l'affection que son père lui portait était intimement liée au travail qu'elle fournissait. Elle n'avait jamais été si naïve. La Sombre savait pertinemment que tout ce qu'elle représentait, tout ce qui avait de la valeur aux yeux d'Yiverain, c'était uniquement ses mains. Son talent. Le chef de famille avait depuis bien longtemps défini ses priorités, qui étaient assurer la pérennité de la famille et son bon développement. Il était vrai que les Teken'Duis n'avaient pas été très actifs dernièrement. Le fils aîné se préparait à avoir un enfant, et Lysana était bien trop morose pour produire quoi que ce soit de potable.
Et pourtant elle y était bien obligée, le mot accompagnant les fleurs avait été clair. Mais Yiverain était quelqu'un de prévoyant. Il avait fait en sorte de marquer l'esprit et le corps de sa fille adoptive si fort qu'elle ne pense même pas à protester. C'est ce qui s'était produit. Elle avait obéit docilement à l'ordre implicite contenu dans le message, comme un chien bien dressé. Cette réaction écœurait presque autant Lysana que l'acte qui avait suivit la lecture de l'ordre. Au moins celui là, il n'était pas de son fait.
Elle avait parlé de ce qui c'était passé à Kelthar, lui faisant promettre de ne jamais, au grand jamais, en parler à quiconque. Elle ne savait s'il tiendrait sa promesse, mais quelque chose en lui la rendait confiante. Peut-être sa naïveté candide qui la faisait tant rire. C'était peut-être ça qui la poussait à admettre ses faiblesses devant lui, à être si vulnérable. Elle lui avait même parlé de son addiction à la scarification.. Elle n'avait pas eu le choix, il avait deviné. Tout comme il avait deviné qu'elle avait récidivé, après avoir entendu les paroles de cet elfe.
Le Sombre s'était montré compréhensif, mais ferme. Était-ce sa colère subite qui avait forcé Lysana à le suivre, elle qui était si fière ? Dans tous les cas, elle l'avait écouté. Il exerçait un certain pouvoir sur elle, sans même qu'elle ne s'en rende compte. Mais pas comme cet abjecte traître, celui qu'elle avait aimé, non. Il n'était pas comme Lui, il n'était pas si fourbe et avide de pouvoir. C'était quelque chose de plus sain. Du moins.. Tant qu'il était amnésique, elle pourrait en être sûre, ne sachant pas réellement qui il était avant sa perte de mémoire.
C'était en partie pour satisfaire sa curiosité qu'elle avait accepté de l'aider. La nouvelle régente de Shel'Oloth avait magistralement bien réussit son coup d'état, elle avait prit le pouvoir sans un heurt, en faisant passer sa volonté pour celle de la défunte Valsharess. Rien d'étonnant pour Lysana. Cela marchait comme ça, à coup de traîtrise et de coups dans le dos, chez elle.
Elle sourit en repensant à Shel'Oloth, en pensant qu'elle osait encore nommer le village comme « chez elle ». Elle passait beaucoup plus de temps à l'auberge de Heine que sur les terres Sombres, y passant toutefois tous les jours pour visiter sa famille, ou se rendre au Temple. Elle devait tenir, elle n'avait pas encore pu avoir les informations qu'elle désirait. Des informations qui, pourtant, n'avaient rien d'importantes pour quelqu'un d'autre que Kelthar. Si la régente ne lui accordait pas le droit de consulter les registres, elle trouverait un autre moyen, elle en avait déjà un en tête..
Oui, le peuple Sombre était fourbe et traître. Elle était bien d'accord avec cet elfe sur ce point. Mais le vrai peuple, celui qui se cachait dans leur « grotte », comme il l'appelait, se mourait. Si Shilen persistait à tous les exterminer, la race Sombre ne serait bientôt qu'un lointain souvenir. Elle même, elle ne se sentait plus comme faisant partie de ce peuple. Sa race était importante pour elle, elle aurait fait n'importe quoi pour assurer sa pérennité. Pourtant, Shilen s'évertuait à tous les détruire. La survie de son peuple, sa propre survie, était pour elle bien plus importante que de combler les désirs de sa Déesse. Cela faisait elle d'elle une hérétique ? Elle ne le savait pas. Elle irait se renseigner.
Tirant sur sa cigarette, elle contempla son travail enfin finis. Un pour homme, un pour femme. Elle avait travaillé toute la nuit pour les terminer et en était plutôt fière. L'Etoile du Nord était en travaux, bientôt elle reprendrait ses activités. Mais avant, un verre de vin...
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