[bgsombre] Kelthar

Ici se trouvent les BGs des héros décédés, paix à leurs âmes.

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Aldo
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[bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » jeu. 19 janvier 2012 à 14h30

Nom : Terenka'am
Prénom : Kelthar
Surnom : Aucun
Titre : Tan'Rek (équivalent de Baron humain)
Age : 254 ans
Sexe : Masculin
Race : Sombre

Métier : Tan'Rek, héritier, à la tête d'une fabrique de poisons.
Compétences :
  • Combat : Maîtrise de la danse des Lames.
    Magie : Maître du vent.

Alignement : Loyal Mauvais
Allégeance au Dragon : Farfurion.
Langues parlées : Sombre, Commun

Description physique : Kelthar ne correspond pas vraiment aux types de sa race. Musculeux pour un sombre, il semble accorder une grande importance à sa condition physique. D'une silhouette grande et élancée (1m89 pour 81kg), ses bras sont forts et son poitrail large. Contrairement à nombre de ses frères de race, Kelthar n'est pas imberbe, et ceux qui le verront torse nu pourront apercevoir une fine pilosité sur son torse, suivant une ligne jusqu'au nombril. Il est fréquent de lui voir une barbe de quelques jours. Des yeux d'un gris perle au dessus d'un nez droit et d'une mâchoire anguleuse vous observent avec cynisme, et toujours une curiosité détachée. Il possède d'assez longs cheveux bruns, qu'il noue parfois pour n'être pas gêné.
Caractère : Placide et silencieux, ce sont les deux mots qui le caractérisent le mieux lorsqu'il se tient en public. Toujours très droit et neutre, il ne laisse généralement rien transparaître si ce n'est un peu de surprise et parfois de la curiosité. De la retenue par son éducation, Kelthar ne se laissera que très rarement déborder par ce qu'il ressent en public, tenant à conserver une attitude aristocratique. Il est pourtant possible de le voir sourire et même rire si l'occasion s'y prête. Toute son existence semble vouée à l'étude et au savoir, et il fait de cela la première de ses priorités.
Autres : Sa silhouette musculeuse et sa voix très grave, vibrante et basse.

Situation financière : Très riche.
Comportement social :Aristocrate de lignée ancienne.
Type d’éducation reçue : Nobiliaire.
Popularité et/ou influence : La Maison Terenka'am est influente sur le commerce des poisons à travers Elmoraden.
Pensée politique : Aristocratique.

Croyances :
  • Einhasad : Aucun avis précis, peut-être du mépris.
    Gran Kain : Admiration.
    Eva : Mépris.
    Shilen : Vénération.
    Sahya : Curiosité.
    Pa’agrio : Respect.
    Maphr : Indifférence
Relations extérieures :
  • Elfes : Des races intelligentes et savantes. A côtoyer par obligation.
    Humains : Un mépris certain mais comme pour les elfes, la diplomatie force à une proximité relative.
    Kamaels : Indifférence marquée, n'en connait que peu.
    Nains : Très utiles : leur savoir ne doit pas se perdre.
    Orques : Moins brutaux qu'ils n'y paraissent parfois : méfiance.
    Sombres : Les frères de race, aussi différents que la race convient d'individus.

Un violent bruit de verre brisé suivit les paroles du patriarche. Akhym observait son fils aîné, fou de rage. Pourtant son accès de colère était contenu dans son regard seul : ses yeux gris perle d'ordinaire avaient foncé d'un ton au moins. Pour la seconde fois, il éleva une voix profonde.

- Tu fera ce que l'on te demande, Kelthar ! Et tu fera honneur à notre maison !

Un rugissement de rage, suivi d'un autre bruit de verre brisé s'ajoutèrent derrière cette seconde imprécation. Visiblement, le fils aîné de la Maison Terenka'am, qui gouvernait l'île au large des côtes du nord, n'avait aucune envie de suivre les directives du patriarche. La voix au timbre aussi profond que son père, malgré sa relative jeunesse, de Kelthar, résonna dans le bureau.

- Nau, car ce que vous demandez est infâme ! Elle est ma propre soeur !
- Crois tu que je ne remarque pas vos regards, et tu me parles d'infamie ? Tu dois punir l'hérétisme, quel qu'en soit le prix !

La colère d'Akhym était sans précédent, et une violente rafale de vent suivit cette dernière invective.

- Maintenant va ! Et ne reviens que lorsque ta mission sera accomplie !

Le puissant corps du fils ne put que reculer sous la brutalité du choc. Akhym était son père, mais aussi son maître, celui qui lui avait enseigné l'Art de commander aux vents. Sa puissance, au regard de la sienne, était irrésistible, et nul doute que Kelthar avait encore beaucoup à apprendre.
Le fils déguerpit sans demander son reste, le visage déformé par la fureur.
Une silhouette gracile se faufila alors dans le bureau, comme une ombre, agile et discrète.

- Vous m'avez fait demander, Père ?

Akhym ne pouvait que sourire devant tant de grâce et tant de charmes.

- Siyo, ma chère enfant. Tout est prêt.

Elle s'avança, ondulante et séductrice, à la manière des serpents. Avec la tendresse d'une fille, bien qu'elle ne fût qu'une pièce rapportée, elle enlaça le cou de celui qu'elle nommait père. Elle souriait.

- Je ne sais comment vous remercier des grâces que vous me faites.
- Te voir comme tu es me suffit amplement, tu sais, Aleannor...

Le sourire de la jeune sombre s'élargit. Elle planta un gros baiser sur le front du père.

- Tout sera fait selon vos désirs, Père... Kelthar ne sera bientôt plus un problème.

Lorsque Kelthar quitta le manoir familial, encore tout plein de sa fureur, il ne se doutait pas qu'une ombre le suivait.
*
Le réveil fut brutal et difficile. Combien de temps était-il resté inconscient ? Il entendait vaguement de nombreux oiseaux crier, lointains, comme s'ils volaient. Un violent rai de lumière éclairait son visage en plein, et il dut faire un immense effort pour tourner la tête du côté de l'ombre, la tête douloureuse. Très affaibli, il ne pouvait faire aucun mouvement sans être saisi d'étourdissements, aussi ne chercha t-il pas à se redresser.
Il resta dans cette position un long moment, clignant doucement des yeux dans le silence le plus complet, écoutant les cris de ce qui lui parut être des mouettes.

Et puis une porte grinça, et Kelthar n'eut même pas la force de se redresser. La tête profondément embrumée, il ignorait totalement où il se trouvait. Le visage d'une femme, une humaine, lui apparut. Elle n'était ni jeune, ni jolie, une vieille dame, à en juger par ses rides et les cheveux gris qui dépassaient de son foulard.

- Ah, tu es enfin réveillé ! Ce n'est pas trop tôt...

Kelthar essaya d'ouvrir la bouche. Elle tutoyait. C'était inadmissible. Tranquillement, comme si elle s'occupait de son fils, elle se dirigea vers sa tête, la redressa délicatement et s'affaira à changer un pansement. Kelthar, complètement passif, vit du sang sur celui qu'elle venait d'ôter.

- Que...
- Ne parle pas trop fort, mon petit, sinon tu auras encore plus mal au crâne. Mais je suis contente que tu te sois réveillé, on va pouvoir discuter. Mais avant ça...

Elle ressortit et revint quelques minutes plus tard, une assiette fumante dans les mains. Après l'avoir aidé à se redresser, elle regarda Kelthar se jeter sur la nourriture avec la tendresse d'une mère.

- Tu parles que tu dois avoir faim... bien deux mois que t'as rien avalé de solide...

Elle attendait une réaction, qui ne vint pas.

- Attends... je te dis que tu dors depuis deux mois et tu t'en fiches ? Personne ne t'attend quelque part ?

Kelthar releva le nez de son assiette, observant la vieille. Il articula en commun :

- Je ne sais pas. 

Elle eut une moue contrariée, s'asseyant sur un tabouret près de lui, dans un petit grognement.

- Je m'en doutais... tu as pris un sacré coup sur la tête, mon petit... je t'ai repêché sur la plage, à moitié enterré dans le sable, en allant ramasser mes coques... tu te souviens de rien ? 

Kelthar termina lentement son assiette avant de répondre, pensif. Il avait comme une sorte d'énorme trou noir à la place de la mémoire. Pas moyen de se souvenir de l'endroit où il était, de ce qui lui était arrivé ni ce qui avait causé son accident...
Doucement, il fixa ses yeux gris sur l'humaine.

- Je... je crois que je m'appelle Kelthar. 

Elle frappa dans ses mains.

- Ah, parfait ça ! On avance ! Kelthar. Et puis...?

Il secoua doucement la tête de droite à gauche. Aucune idée. Elle eut un air navré.
L'humaine s'appellait Olena. Elle avait perdu ses deux fils en mer et vivait seule au port de Giran, des fruits de sa pêche, principalement des crustacés qu'elle revendait au marché. Elle raconta tout cela à un Kelthar silencieux comme une tombe, pendant tout le temps que dura sa convalescence. Elle prit soin de lui pendant cinq mois, deux mois pendant lesquels il fut dans un état proche du coma et trois autres mois où il fallut pour lui se réalimenter correctement et réapprendre à se mouvoir normalement.
En trois mois, il n'avait recouvré aucun de ses souvenirs. Il ne connaissait que son prénom, et ce savoir mystérieux qui lui permettait de commander aux vents.
Olena l'aurait bien gardé près d'elle. Fort comme il était, il acceptait de l'aider, demeurant toujours aussi taciturne. Olena attribuait cela à sa solitude, plutôt à leurs solitudes communes, qu'ils partageaient chacun de leur côté.

Un beau jour, Kelthar décida de s'en aller. Non pas qu'il soit lassé de la compagnie de la vieille, mais plutôt qu'ils n'avaient rien en commun, il était donc naturel qu'ils se séparent rapidement. Ils ne discutaient pas vraiment, en réalité. Olena était une brave femme, mais elle n'était pas très cultivée, et ne pouvait guère le renseigner sur quoi que ce soit.
Il décida d'abord de s'acheminer vers le nord.
Dernière modification par Aldo le ven. 1 juin 2012 à 10h18, modifié 10 fois.

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » dim. 22 janvier 2012 à 10h58

Kelthar ne soupçonnait pas à quel point il ressemblait à Akhym. Aleannor croyait voir le visage de son demi-frère dans la colère du père.
Akhym n'avait jamais eu de chance dans ses épousailles. Deux fois marié, deux fois son épouse morte quelques dizaines d'années à peine plus tard. Il s'était retrouvé, la dernière fois, avec son fils aîné, Kelthar, et la fille de sa seconde épouse, Aleannor.

Pour Aleannor, le défi était grand. Elle se retrouvait, sans l'appui de sa mère, complètement à la merci de la bonne volonté du chef de famille. Elle avait tout fait pour s'attirer ses faveurs, n'hésitant pas à se faire plus séductrice qu'il n'aurait fallu. Elle avait aussi fait les yeux doux à son demi-frère. Mais Kelthar n'était pas dupe. Naturellement méfiant, il n'était pas entré dans son jeu, et Aleannor le soupçonnait de vouloir l'évincer, ce dont il se moquait parfaitement. Sur la base d'une erreur de calcul, elle décida donc de se débarrasser de lui.

A partir de cet instant, la séduction se fit plus rude encore. Akhym céda aux assiduités de la jeune et jolie sombre, et se convainquit lui même de l'hérétisme de son propre fils. Mais s'appuyant sur quoi ?
Kelthar était né et avait été élevé dans la religion. Ce n'était pas un assidu du temple, mais il priait de temps en temps. Il ne fréquentait pas d'elfes, ne rencontrait que rarement d'humains. Il passait le plus clair de son temps à s'entraîner à son art.
Aleannor lui prêta des maîtresses fantômes, des volontés d'assassiner son Père pour accéder plus vite à l'héritage qui lui revenait de droit en tant qu'aîné. Bref, elle fit tout. Et Akhym, faiblesse de l'âge ou de la chair, ou simple méconnaissance de son propre fils, tomba dans le panneau.

Aleannor pouvait se féliciter. Il en était arrivé à un point où il avait prit la fatale décision. Kelthar ne devait plus vivre.
Seulement voilà, ça n'avait pas fonctionné. Le sombre avait été vu à Giran, désorienté, certes, mais bien vivant. Akhym était fou de rage... prenait-il conscience de l'ampleur de sa faute ?

La jeune sombre se mordit la lèvre inférieure, terrassée par la colère du Père, aussi violente que celle du Fils. Pourtant, elle avait frappé. A l'endroit exact où son assassin de mère lui avait apprit à frapper.

« Que crois-tu donc qu'il va faire, désormais ?! S'en est fini de notre Maison, par ta faute ! »

Aleannor se recroquevilla pour faire bon genre, pas du tout impressionnée par ce vieillard.

« Je vais terminer le travail, mon Père. »

Le souffle court dans sa fureur, Akhym observa la jeune sombre. D'un geste violent et autoritaire, il la congédia.
Le bateau partait dans la soirée.
***
Kelthar s'observait dans le petit miroir de la chambre qu'il occupait dans le manoir des Shebali. Drathir Malla l'avait observé sous toutes les coutures. Il se demandait s'il avait autrefois été pudique ? Il n'avait ressenti aucune honte à exhiber ainsi sa peau pour attester de sa bonne foi. Toutefois, son corps n'avait aucune raison d'être objet de honte. Kelthar s'interrogeait. Cette musculature... il avait du beaucoup s'entraîner.

Se tournant vers la fenêtre, il avisa d'un rideau. Murmurant quelques paroles, le rideau se mit à voleter doucement dans l'air chaud de ce soir d'été. Il se sentait aussi fragile qu'un nourrisson mais pourvu d'une grande force morale, parce que sa grande force était qu'il avait tout à apprendre.
Serrant le poing, et regardant les veines de son bras saillir sous la peau, il pensa à cette Lucià qu'il devait rencontrer. Doucement, il s'assit à genou, à même le sol de la petite chambre. Fermant les yeux, il commença lentement à psalmodier. Sa voix basse et grave semblait bourdonner, presque métallique.

Il ignorait pourquoi il faisait cela, mais cela lui apportait une satisfaction pareille à nulle autre. Pas une prière, une sorte de méditation. Il se sentait plus fort ensuite. Sa respiration régulière soulevait les muscles développés de ses pectoraux, fournissant le souffle nécessaire au bourdonnement qui balayait ses cheveux d'un vent surnaturel.

Il savait confusément qu'il commettait des erreurs. Mais lesquelles, et pourquoi...?

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » dim. 19 février 2012 à 22h31

Il murmurait. Les mots lui venaient naturellement, une litanie lente et chaude, vibrante, s'échappait de ses lèvres et créait du souffle, un souffle surnaturel, balayant ses longs cheveux de jais. Puis le silence.

Il rouvrit les yeux. La lente concentration et le silence assourdissant l'enveloppaient, le laissant brumeux et concentré. Il avait à chaque fois du mal à sortir de cette espèce de transe, dont il ignorait l'origine. Il se disait que cela provenait certainement de son ancienne vie, celle qu'il avait oublié.
Comme l'avait dit Lucia, sa magie était en lui, il la connaissait, il la maniait aussi naturellement qu'il respirait. Ça venait d'avant...

Et il savait prier. Les Shebali l'emmenaient parfois au Temple de Goddard avec eux, ou il y allait tout seul, observant l'icône de longues heures durant. Un jour, il s'était mis à murmurer, une prière de sa langue natale. Quelque chose de très simple, sûrement la première qu'on apprend aux enfants sombres. La mélodie d'une comptine lui revenait en mémoire...
Usstan nym'ueren l' taur vel'bolen aadk,
L' Jallil vel'uss lil'aluren,
L' elghinyrr lil'alure,
Usstan nym'uer l' taur vel'bolen l'lonnan...
Il se souvenait parfois de bribes. Comme avec le rhum, et puis ce prénom... Akhym. Qui était-ce ? L'elfe lui en avait parlé...

Au matin, il avait prit le chemin de Heine. Il aimait venir là. Il ignorait pourquoi, mais il aimait la proximité de cet élément. Au début, il n'avait pas compris. Pourquoi l'eau, alors que c'était l'élément d'Eva, la déesse contraire à la sienne, l'ennemie de sa race ? Lorsqu'il avait posé la question, un Shebali lui avait répondu que l'eau était à l'origine l'élément de Shilen, mais qu'Eva l'avait repris lorsqu'elle avait été bannie.
Cette idée avait laissé Kelthar pensif. C'était normal, alors ?

Il avait prit le chemin de l'île et de ses marais. La vue de l'eau croupissante et de ses tourbillons l'apaisait. Nullement perturbé par l'odeur étrange qui émanait de ce genre d'endroits, il savait confusément qu'on y trouvait toutes sortes de choses utiles. Des choses qui auraient semblé répugnantes aux belles dames Shebali.
Il se sentait différent, mais cette impression persistait depuis son "réveil". Peut-être n'était-ce du qu'à son amnésie ?

Il aimait écouter les sombres parler de leur religion. Ils y mettaient beaucoup de passion et de logique, et leurs voix méthodiques et calmes lui étaient agréables. Une fois, ils avaient parlé des dragons, et Kelthar repensa à ce que Drathir lui avait dit à propos de Noct.
Les dragons tutélaires... quel était le sien ? En avait-il seulement un ? Il l'ignorait encore...

Marchant lentement le long de la berge du marais, il observait ses remous, percevait de temps à autre un mouvement de crocodile. Une bulle de gaz explosa non loin, attirant son attention sur le rebord opposé de la rive. Quelque chose y brillait. Il fit posément le tour.
Il y avait un squelette, rongé par le temps et les acides de l'eau viciée du marais, rejeté par ses remugles. Il portait encore un vieux baudrier, auquel pendant deux épées fines. Kelthar ramassa ces deux épées, allégées par la rouille. Seule la garde, en or massif, avait tenu les ravages du temps, et avait brillé au soleil du sud. S'éloignant du bord, il marcha dans l'herbe rêche, une épée dans chaque main.

Et puis... un violent mal de crâne l'atteignit. Il se mit doucement à fredonner. Un souvenir lui revenait, des mouvements, un chant qui lui paraissait si naturel... au soleil matinal, près du marais nauséabond, dans une atmosphère surréaliste, Kelthar esquissa quelques mouvements orchestrés, des pas lointains, appris dans il ne savait quel contexte, avec il ne savait qui... mais il les connaissait, il les avait appris autrefois. Une lueur bleue l'enveloppa, qui s'estompa. L'eau du marais lui parût plus claire...

Le rhum... Les Frères... Akhym... la terreur de cette elfe. La danse.
Des bribes de sa mémoire perdue.

[Apprentissage de la sub Bladedancer]

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » dim. 26 février 2012 à 12h07

Les yeux de Kelthar papillonnèrent puis s'ouvrirent. Encore enfoui dans les étranges brumes du sommeil, il ouvrit les yeux pour percevoir l'endroit dans lequel il se trouvait.
Les murs de sa chambre au manoir Shebali s'élevaient autour de lui reconnaissable par leur luxe discret. La chambre de serviteur qu'on lui avait alloué lui allait fort bien, puisqu'il n'était pas du genre à se plaindre, ayant vécu pratiquement un an dans une maison de pêcheur...

Pourtant...

Elle lui avait dit qu'il n'était pas né dans la roture. Kelthar s'assit au bord de son lit, simplement revêtu de son pantalon de cuir gris, élimé par l'usage. Il appuya ses coudes sur ses genoux et se passa les mains sur le visage. La sombre... Talya. Elle avait lu dans ses mains des choses qui le surprenaient. Il n'était ni un mendiant, ni un vagabond, mais le fils d'une Famille, d'une Maison... mais laquelle ? Il se souvenait à présent de son père, dont le visage cruel et sévère lui revenait en mémoire.

Akhym...

Le visage de la sombre lui apparaissait.

"Vous êtes conditionné."

Hm... son éducation stricte serait à l'origine de son attitude calme et placide, presque effacée ? Peut-être... ou alors était-ce simplement sa nature... elle avait sourit de l'entendre rire. Un rire rauque et profond, vibrant, qui ne franchissait que rarement ses lèvres.

Chaque personne qu'il avait croisé ces derniers jours lui parlait d'amusement. En ces temps troublés, il fallait ne pas oublier de s'amuser, parce qu'on pouvait mourir à tout moment. Sûrement mais... comment ? Il ne connaissait pas ça.

"N'avez vous jamais rien fait de stupide et d'inutile ?"

Si... il lui avait répondu avoir regardé le dos de cette fille, la veille au soir. Il avait apprécié ses courbes d'un regard, puis s'en était désintéressé. Elle lui avait demandé pourquoi il jugeait ça stupide et inutile... eh bien, ça ne lui avait servi à rien...
Son esprit fourmillait de questions. Il faudrait qu'il revoit Malla Drathir, pour lui demander. Fallait-il vraiment s'amuser ? Et comment ? Talya lui avait dit que les contacts étaient aussi importants qu'ils étaient dangereux. Mais pour Kelthar, ça ne l'était pas tant que ça, puisqu'on ne l'approchait pas. C'était peut-être mieux ainsi, sa froideur et sa raideur en rebutaient plus d'un.

Se redressant doucement, il s'allongea sur le sol, en équilibre sur les deux bras. Avec vigueur, il commença une série de pompes. Les exercices matinaux... ça lui rappelait qu'il avait été un combattant.

Des choses lui revenaient...

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » mar. 28 février 2012 à 09h01

Forcé d'être détrompé dans ses précédentes idées, Kelthar avait encore une fois regagné le manoir Shebali fort tard ce soir là. Visiblement, il suscitait de l'intérêt chez au moins une personne, et ça le laissait un peu perplexe, bien que la vibrante, sonore et gestuelle performance de la soirée l'ai trouvé attentif, vibrant et passionné.

Il ignorait totalement être capable d'une telle prouesse, mais sa voix, pareille à la houle d'une mer agitée, s'était soulevée, abaissée, avait lancé ses écumes aux quatre vents, fait entendre les coups de tonnerre de sa tempête, chuinté secrètement comme un vent dans les voiles... son timbre de voix, bas et caressant, chaud et vibrant comme un ronronnement, parfois métallique, parfois animal, avait trouvé grâce à son ouïe, et l'avait transportée, à sa demande, dans le tourbillon mystique, déraisonné et parfois brutal, de la danse.

L'expérience était étrange, mais une nette jouissance était née dans le coeur de Kelthar, quelque chose de très familier mais chéri. Il avait hâte d'apprendre, ne serait-ce que pour pouvoir encore poser ses yeux gris, ternis par l'oubli, sur ces gestes souples et déliés...

Le manoir était plongé dans le silence, et le sombre regagna sa modeste chambre. La lune était déjà haute dans le ciel, et il ne restait que quelques heures avant que ne pointe le jour. Doucement, il déposa le présent d'Assa sur le chevet. Il le dévorerait sans doute, car il avait à coeur d'apprendre.
Il ôta sa veste et sa chemise, l'esprit tout plein encore des beautés de la soirée. Il ne l'avouerait pas, mais sa cécité lui permettait de l'observer à loisir, sans la honte qu'il aurait pu ressentir et la peur d'être impoli. Si Malla Drathir en avait connaissance... elle lui dirait sans doute qu'il avait contrevenu à toutes les règles élémentaires de la bienséance...
Sans doute avait-il été trop audacieux, parce que des mots d'avertissement avaient franchi ces lèvres. Pourquoi ?

"Rassurez vous, je n'aurais jamais ce genre de prétentions... et même si c'était le cas, j'aurais encore moins la prétention de vous le faire savoir."

Cette réponse lui ressemblait beaucoup. Elle avait rit.

"Ne vous sous-estimez pas, il existe des voleurs de grands chemins..."

Cette phrase restait un mystère pour lui, mais la discussion avait pris une tournure amusante et plus détendue.

"Ah, que vous êtes cruelle !
- C'est là, sans doute, le premier de mes défauts."


Le ton de confidence, ça l'avait amusé. En se relevant, il avait répondu :

"Je ne peux pas le croire."

Et puis il s'était retiré, pensif. Il ne craignait pas l'attachement, car c'était pour lui encore trop vague et trop embrumé. Qui sait si lui-même n'était pas déjà lié à une femme ? L'amitié convenait à son esprit abîmé.
Il fit ses exercices, tâchant de se vider la tête... abdominaux, pompes, tractions... l'étonnante facilité à accomplir des exercices difficiles lui faisait prendre confiance en lui, en sa force physique.
Bizarrement, la présence d'Assa le détendait, il arrivait même à plaisanter. Il découvrait un aspect de lui, plus détendu, plus "accessible", qu'il ne connaissait pas encore. Et, fidèle à sa vieille habitude, au lieu d'en jouir comme il l'aurait du, il se demandait pourquoi.
Le sommeil vint le cueillir alors qu'il s'allongeait, nu jusqu'à la taille, sur son lit...


"Danse pour moi..."

Le ton de voix, caressant et bas, ronronnant, était facile à reconnaître. Pourtant, une nuance supplémentaire y était reconnaissable, la nuance du désir, palpable et chaud.
Une voix féminine répondait, lucide, joueuse.

"Oh, Kel'... tu sais bien comment ça va finir..."

Se redressant du fauteuil où il se trouvait, Kelthar dirigea ses pas pleins d'une mâle assurance vers la jeune sombre qui lui faisait face, en robe du soir, au centre de la pièce. Il enveloppa sa taille de son bras, d'un geste impérieux, l'attirant contre lui.

"Et alors...? Ose dire que tu n'as pas envie..."

Elle eut un rire, long et fin, et elle vint sensuellement déposer ses lèvres sur les siennes. Kelthar y répondit avec une sorte de brutalité, lui arrachant un gémissement conquit.
Et elle dansa. Et à sa danse solitaire se joignit celle des corps fiévreux, des gestes caressants et brûlants, insultants parfois, auquel chacun répondait avec une égale ardeur...

Le point culminant trouva le sombre à la lueur de l'aube, et son réveil en sursaut, couvert de sueur, se joignit au trouble étrange dont il se sentait envahi. Pulsions éveillées, son premier souvenir d'Elle, son visage, lui revenait à l'esprit.

Aleannor...

Le rêve était beau, chaud et sensuel, plein de délicieux mystères, mais Kelthar sentait l'ombre diffuse... et étrangement, la mémoire d'un chant guerrier lui revint.
L'association des deux le laissa perplexe une bonne partie de la journée suivante...

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » ven. 2 mars 2012 à 06h42

Les yeux clos, Kelthar ruminait l'aventure qu'il prenait comme un échec. Feignant le sommeil, il était étendu sur le flanc, la couverture remontée sur ses larges épaules nues, ce qui offrait un contraste interpellant : la rudesse apparente de sa physionomie et sa position allongée, un bras sous la tempe droite, l'autre en équerre face à son visage. On aurait presque dit un enfant.

Kelthar, depuis deux bonnes heures déjà, fouillait dans sa mémoire. Il ne pouvait se résoudre à laisser le sommeil le vaincre sans avoir percé ce mystère, cette réaction insensée qui lui avait fait gâcher l'un des plus rares et plus excitants moments qu'il avait eu à vivre ces neufs derniers mois. Que diable lui avait-il pris ?!

La soirée avait pourtant bien commencé, d'audaces en audaces, il avait finalement repris un peu de son ancienne assurance. Il l'avait embrassée, retrouvant petit à petit ses mâles instincts, exprimés par des caresses de plus en plus poussées, la fascination pour la peau si douce et si fine du creux de la poitrine... il en frissonnait encore, même après plusieurs heures, et malgré la douche froide.

"Je vais te donner plus encore que tout ce que tu as jamais connu..."

Quelque chose clochait, mais quoi ? Méthodiquement, Kelthar essayait de remettre les éléments à leur place, développant sa logique dans les grandes largeurs, là où seuls les instincts ont naturellement un rôle à jouer.
Il avait pu la caresser à l'envi, parcourir les courbes qu'il ne connaissait plus, et la sombre n'avait visiblement pas décidé de s'en arrêter là, au jugé des soupirs et de la flamme qui s'était allumée et qu'il voyait danser dans ces profonds yeux verts...
Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts
Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...
Mes songes viennent en foule
Pour se désaltérer à ces gouffres amers.**
Ces vers lui revenaient, sauvages, insaisissables... mais d'où, et pourquoi ?
La réaction brutale était venue au moment le plus intriguant, le plus improbable, au moment même où elle allait s'adonner à la plus douce des caresses dont un homme puisse rêver. Outre la pudeur un peu étrange qu'il avait ressenti à ainsi prendre l'initiative de se dévêtir (et bien qu'il n'ai lui même fait que déboucler le ceinturon), ce qu'elle avait semblé apprécier, il y avait cette sensation d'abord délicieuse, vite mue en une impression atroce, un picotement brutal dans la nuque, un frisson glacé...

Il l'avait repoussée brutalement, se rhabillant en toute hâte, bien décidé à s'enfuir le plus vite possible. La douche glacée était totale.

"Kelthar, explique toi ...!"

Oui, elle méritait des explications, évidemment. Mais il n'en avait pas à lui donner. Confus, bougon, il marmonna à plusieurs reprises que ce n'était pas de sa faute, et elle insista pour qu'il reste pour la nuit. Ses tempes le lançaient, comme à chaque fois qu'un souvenir particulièrement vivace lui revenait.
Il ne pouvait faire hélas que supposer... cette réaction violente avait-elle un rapport avec la maîtresse qu'il avait vu en rêve, avec cette... Aleannor ? Pourtant, cela n'aurait-il pas du lui rappeler d'exquis souvenirs, le portant vers l'ivresse la plus totale ?

Non... il avait ressenti, fugacement, une vive douleur dans la nuque, et il savait d'où elle émanait... Aleannor avait-elle un rapport là dedans...? Nulle certitude, et Kelthar eut soudain envie d'aller voir Assa, pour lui demander conseil. Oserait-il lui parler de ce qu'il avait fait ce soir ?

Le sombre avait fini par s'endormir, dans les draps de la chambre de l'auberge de Heine, et il n'avait pas pris conscience que Lysana le veillait. Au matin, discret et silencieux comme une statue de marbre mouvante, il était sorti, véritable Mars d'Ille, laissant la jeune sombre endormie sur le fauteuil près du lit.


** : Les Fleurs du Mal, "le Poison", Charles Baudelaire (troisième quintil)

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » dim. 4 mars 2012 à 11h39

Le vent qui soufflait sur le port d'Althena n'était pas trop froid, malgré cette époque de l'année. Du moins, c'était ce qu'il semblait à Kelthar. Songeur, il se demandait si, par hasard, il venait d'un climat froid, pour n'en pas craindre ainsi la morsure... sans doute.
Les pièces du puzzle, petit à petit, se remettaient en place.
Pour une fois, il n'était pas debout, mais assis sur un rocher, et la rumeur de l'activité des marins et dockers lui parvenait, claire, confuse et animée.

Eveillé depuis l'aube, il avait eu largement le temps de revenir jusqu'au manoir des Shebali pour récupérer son ouvrage, qu'il consultait paisiblement, apprenant les chants les uns après les autres. Il s'en tenait aux moins complexes, à ceux qu'il parvenait à déchiffrer, et parfois, simplement, se contentant de réciter, d'une voix basse et grave, ceux qu'il savait déjà.
Le vent emportait la rumeur de sa voix, si bien qu'il n'y avait aucune chance pour que les marins l'entendîssent. Ils ne voyaient, s'ils y prenaient garde, qu'une silhouette sombre, vêtue d'habits gris clairs, dont les longs cheveux se laissaient malmener par le vent.

Presque sans s'en rendre compte, sa voix mourut dans sa gorge, tandis qu'il repensait aux derniers évènements avec un léger sourire. Sa thérapeute lui était devenue indispensable, pour la simple et bonne raison qu'il apprenait toujours une foule de chose, sur lui-même, sur le monde. Il se rendait compte qu'il avait déjà beaucoup changé, depuis la première fois qu'il avait rencontré du monde.
Enfin, changé... redevenu lui-même, sans doute.
Ensembles, assis au bord d'une petite crique, ils avaient réfléchi sur la réaction étrange qu'il avait eu.

Elle partageait son avis. Il semblait irréfutable que l'agresseur de Kelthar était une femme, et sans doute une maîtresse, puisque l'angle le plus probable avec lequel elle lui avait porté le coup ne faisait aucun doute. Elle devait être assise sur ses genoux, l'enlaçant. Il ne s'était pas méfié, il la connaissait forcément...
S'il poursuivait ses hypothèses, il en venait à la conclusion qu'ils devaient, avant l'attentat, avoir partagé un moment de caresses, ce qui pourrait expliquer sa violente réaction avec la jolie sombre de l'autre jour. Etait-elle cette sublime Aleannor, qui avait suscité chez lui en rêve ces extraordinaires vertiges ? Il ne pouvait en aucun cas en être certain, mais il pressentait que ce ne pouvait être qu'elle, puisqu'il s'en était souvenu en premier... mais la question du pourquoi n'était toujours pas résolue.

Au moins, s'il recroisait la demoiselle, il aurait une explication à lui donner. Même si la honte était toujours présente... parviendrait-il à se confronter au sujet ? Rien n'était moins sûr...

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » mer. 7 mars 2012 à 07h20

5, 6, 7...
Comme tous les matins, Kelthar se laissait aller à la réflexion en faisant ses exercices. Les bras en équilibre au dessus du sol, il soulevait son large poitrail à intervales réguliers, rapidement, très haut, le descendant ensuite jusqu'au ras du sol.
Il repensait à ses deux entrevues de la veille.
17, 18, 19...
Il avait été un peu rassuré de la réponse de Malla Drathir. Finalement, c'était aussi son point de vue. La survie de la race primait sur le reste. Qu'adviendrait-il, si la Déesse revenait, pour ne trouver qu'un peuple décadent, affaibli par le malheur et les guerres provoquées par les Fontaines ?
Premièrement, qui étaient-ils, tous autant qu'ils étaient, pour déterminer avec précision qui était à l'origine de ces Fontaines de sang ? Il y avait un Annonciateur, qui apparemment, avait fait de la Valsharess son pantin... cela signifiait-il qu'il était Son envoyé ? Il était tout à fait possible qu'il soit un imposteur, se revendiquant Son enfant pour semer le trouble et la zizanie...
31, 32, 33...
La terre des mortels n'était, selon Kelthar, pas encore prête à recevoir la marque des Dieux. Et tout comme Assa, il avait du mal à croire que Shilen veuille détruire même ses propres enfants... à quoi bon régner sur un monde en ruine ? Nau. Si Elle revenait, elle devrait régner sur un monde fertile, nourricier, possédant encore une valeur...
Il avait tenu à voir Malla Drathir avant de prendre une décision vis à vis de ce que lui avait dit Assa.

« Je crois que vous l'intriguez. »

C'était paradoxal : il était intrigué que cela l'intrigue. Son amnésie suscitait l'intérêt, mais Kelthar se sentait encore presque aussi fragile que le poussin qui sort de l'oeuf.
48, 49, 50...
Pourtant l'entrevue s'était bien passée. Edora semblait contente et impatiente de lui parler, et Kelthar entendait encore sa voix, vivace et animée. Cela faisait un drôle de contraste avec la sienne, ronronnante et basse, vibrante et chaude comme du métal. La Rose des Vents semblait, vu la conjecture actuelle, prendre le parti de lutter contre les Fontaines afin d'endiguer le fléau. Kelthar ne considérait pas que cela soit une mauvaise chose. Il avait accepté partiellement, sous réserve de s'octroier le droit de refuser un ordre ou une mission s'il estimait qu'elle contrevenait à son culte ou à ses principes. Edora n'avait pas rechigné, c'était plutôt bon signe.
71, 72, 73...
Il était censé avoir ensuite un entretien avec Kroman. Il en profiterait pour demander des précisions. Certes, la maison Shebali lui offrait un toit et de quoi substiter correctement, cependant, il ne faisait pas de zèle en demandant plus que nécessaire. Et puis, il ressentait le besoin un peu bizarre d'être au plus près des évènements, au centre le plus actif. Ajoutez à cela que l'eau, l'élément qui semblait lui être si fortement lié, pour une raison inconnue, le maintenait dans les environs d'Heine et d'Althena... était-ce seulement cela ? Kelthar le pensait naïvement.
83, 84, 85...
Il voulait voir Assa, également. Assa, pour lui demander ce qu'elle pensait de la mort de la Valsharess. Lui-même ne la connaissait pas, et n'en avait pas vraiment envie, après avoir entendu des tas de choses différentes sur elle, mais tout de même... c'était la Valsharess, une personne très importante, et sa mort pouvait déclencher une guerre horrible. Kelthar sentait s'amonceler les nuages, et venir le conflit. Il lui demanderait ce qu'il en était.
96, 97, 98...
Et Lysana. Etrange coïncidence que celle qui amenait Malla Drathir à lui parler d'elle. Il avait envie de la voir pour plusieurs raisons. Il se demandait d'abord si elle avait eu l'occasion de chercher des informations pour lui...

« Je connais quelqu'un qui pourrait vous examiner à nouveau. »

Oh, mais c'était déjà le cas. Lysana avait déjà eu l'occasion d'explorer son corps, peut-être pas pour des raisons professionnelles, et réitérer l'expérience pour cette raison fit naître un sourire amusé sur les lèvres du sombre. La situation serait équivoque, et des souvenirs lui revenaient, chauds et vivaces, de ces récentes dernières soirées. Même si la dernière en date était étrange... Kelthar était sûr de l'avoir vexée, pour qu'elle se mette à pleurer ainsi... qu'avait-il bien pu faire ou dire ? Voilà qu'il se retrouvait confronté au mystère des femmes. Certaines allusions d'autres femmes lui revenaient en mémoire aussi...

« Je ne vais pas recevoir un sombre de votre carrure en armure au col étouffant ou dans une robe de mage qui atténue certaines sensations ! »

Il avait demandé quelques explications, car ces mots lui semblaient obscurs. Finalement, ça ne signifiait rien, et il n'avait guère osé dire qu'en l'occurrence, ça lui était égal.
100...
Il s'assit sur le sol, les muscles bandés, puis s'allongea sur le dos. Il commença une série d'abdominaux. Mine de rien, son avenir se mettait doucement en place, sur les bases sablonneuses de son passé disparu...

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » sam. 10 mars 2012 à 11h09

Il avait quitté le sommeil et l'endroit où il se trouvait, avec une impression confuse et tenace d'inachèvement.

Le second...

L'apprentissage de la beauté, l'apprentissage de la douleur... tout ceci n'allait-il pas de paire ? C'était ce que semblaient lui dire les vers dont il s'était souvenu la veille, tard au soir... d'où venaient ces bribes ? De sa mémoire enfouie ? Etait-il poète ?
Ses pas l'avaient menés au bord d'une falaise, fouettée par les vents, contre laquelle les vagues venaient se briser dans un gros fracas. Pourtant, des rayons de soleil venaient éclairer sa peau, illuminant la pierre grise.
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
Ô Beauté ? ton regard infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l'on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore;
Tu répands des parfums comme un soir orageux;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.

[...]

L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L'amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l'air d'un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,
Ô Beauté, monstre énorme, effrayant, ingénu!
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte
D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu ?

D'Einhasaad ou de Kain, qu'importe ? Ange ou Sirène,
Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! -
L'univers moins hideux et les instants moins lourds.***
Des pins... le marbre gris, la terre noire, et le mer anthracite... oui. C'était là. Une terre morte et marécageuse, mais son nom lui échappait encore... Aleannor, dont la voix portée par le vent semblait lui souffler, ténue, insidieuse :

« Tu sais en ton coeur que l'on se joue de toi... »

Qui était-il pour juger ? Pour blâmer ? Pour condamner les choses naturelles, ce qu'avaient fait les Dieux, ce qu'ils feraient encore ?
Kelthar se sentait minuscule, insignifiant, regardant ce rocher broyé par les vents et le fracas des vagues, sans que pourtant jamais il ne bouge ou ne ploie...
Il apprenait la résignation.

Le destin que leur réservaient les Dieux était obscur, opaque, mais qu'y faire ? Se laisser porter, et mourir, lutter, et mourir...

« Nous n'abandonnerons pas. »

Il l'avait dit pour calmer son angoisse, calmer les tremblements qu'il sentait dans ses épaules. Il le pensait. Mais tout ceci avait-il une chance d'aboutir ?
Il sentit monter en lui une colère sourde, une déferlante brutale, à mesure de ses frustrations, de son impuissance, une rage contenue, enfouie, développant ses volutes et ses roulements en lui, menaçant à tout instant de...

D'une voix, basse et grave, mais puissante, qui s'éleva dans l'aube, déchirant le ciel, aussi forte et puissante qu'elle était vibrante et ronronnante d'ordinaire, il poussa un cri de rage, une imprécations, incantatoire, à la face du ciel.

Et le vent lui répondit.

La houle, se soulevant brutalement en emportant ses embruns, monta, dans un souffle dominant, jusqu'à lui, tourbillonnante. Kelthar n'avait plus alors véritablement conscience. Il se laissait aller, écoutait sa colère, la modulait, l'exprimait sans réserve, se livrant tout entier à ses émotions, écoutant ses frustrations, ses dominances, ses désirs et sa volonté, comme jamais il ne l'avait fait.
Et le souffle se transforma en tempête, sous les calmes et vibrantes de rage modulations de sa voix, qui sourdait, inaudible, recouverte par le souffle qui fouettait sa peau, malmenant ses longs cheveux bruns. D'instinct, les mots lui revenaient, les formules incantatoires, puissantes, de sa langue natale.

Le vent était à lui, le souffle l'épousait comme une maîtresse, se mêlant à sa voix comme dans un chant voluptueux, et la falaise semblait trembler de ces deux puissances qui communiaient.
Le vortex s'élevait vers le ciel comme une tornade, Kelthar en son plein centre, comme dans un minuscule oeil de cyclone...
Puis, peu à peu, l'ivresse s'apaisa, comme après une union charnelle, et le vent s'évapora, fugace, fuyant comme une maîtresse infidèle, retournant vers l'océan, son premier amour.

Le second.

Kelthar, sortit de sa transe d'une manière à la fois délicieuse et brutale, se rendit compte qu'il était trempé jusqu'aux os. Il prenait peu à peu conscience du potentiel arcanique qui était le sien. Il l'emploierait, autant que possible, pour La sauver, pour Lui rappeler que Ses enfants, Sa création, l'aimaient toujours, étaient là pour Elle, pour La servir, pour....

Le calme était revenu brutalement sur la falaise. Kelthar écoutait le bruit calme et mesuré de sa respiration, son large poitrail se soulevant à un rythme régulier. S'il ne voulait pas être malade, il fallait qu'il aille se changer... et ses maigres affaires se trouvaient au manoir Shebali. Il sourit, à l'idée de revenir à des pensées aussi prosaïques, alors même qu'il venait de passer deux ou trois heures à penser théologie et sentiments...

Il regagna la passeuse d'Althena, toujours trempé jusqu'aux os, la matinée déjà bien avancée. Un coursier l'aborda, annonçant qu'il avait une importante missive à lui remettre en main propre. Sa commission faite, il repartit, non sans un regard surpris sur la tenue quelque peu négligée, et surtout, « humide », du sombre.

Il la décacheta, et bien mal lui en prit de le faire auprès de la passeuse. Il reconnut immédiatement l'écriture. Un étourdissement l'envahit, un long frisson glacé lui parcourant l'échine. La passeuse, observant son air pantelant, lui demanda, d'une voix douce :

« Messire, est-ce que tout va bien ? Je vous emmène quelque part ? »

Kelthar porta sur elle ses yeux gris, allumés d'une inquiétude et d'une incertitude prononcés.

« Siyo... à Goddard. »

Réfrénant en lui-même la violente émotion qui venait de le parcourir, inconnue, terrifiante et brûlante, il prit le portail qu'elle lui ouvrait.
Parvenu à Goddard, il plia soigneusement la missive qu'il venait de recevoir, véritable coup de tonnerre, et la glissa dans sa poche de poitrine.

Comprendre, accepter l'incohérent. La nuit avait été étrange...



[*** Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, "Hymne à la beauté".]

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » mer. 28 mars 2012 à 07h20

Que dire de l'angoisse qui lui serrait le ventre ? Trop fier, trop noble pour l'exprimer ?
L'air marin balayait ses longs cheveux comme dans cette crique où ils avaient passés autant de temps. Terramorci... Terenka'am. C'était son nom. Le seul fils d'Akhym, qui lui ressemblait à s'y méprendre, un assassin d'elfe.
Il sentait que bientôt viendrait l'heure des révélations, enfin. Il sentait la faille se combler, se remplir, devenir une cicatrice, il ne manquait plus que la vue de ces côtes... de ce lieu qui avait marqué ses premiers pas.

Il sentait la faille se combler, sous l'effet de leur aide. Il avait recommencé à être lui, sous ses mains et sous ses lèvres, d'abord, et puis, il avait cherché encore. Les souvenirs ne le rendaient pas vulnérables, au contraire. Il se sentait plus fort, gagné par une assurance qui lui était inconnue. Il oserait aller là bas, il oserait aller à Shel'Oloth, désormais.

Il était de plus en plus impatient, debout sur le quai du port, bien qu'il fût encore bien trop tôt... il allait comprendre ce qui lui faisait défaut depuis désormais plus d'un an. Qui avait attenté à ses jours ? Aleannor, mais pourquoi...?
Parce qu'il était l'héritier, sans doute... mais quel droit avait-elle sur la succession ? Lysana n'avait ramené qu'un seul nom de Shel'Oloth, et les rapports de son père avec l'île laissait présager qu'il n'y avait pas d'erreur.
Il sentait confusément que ce périple allait être dangereux, qu'il ne serait pas bien reçu là bas. Le retour du fils prodigue, vivant... alors que sans doute on le croyait mort depuis des mois.
L'appréhension lui rongeait le ventre sans qu'il en transparaisse aucune trace sur son visage.

L'impassibilité était une arme qui le protégeait. A peine laissait-il quelques sourires et quelques froncements de sourcils venir perturber l'harmonie anguleuse de son visage. Il ne disait rien de ce qu'il avait au fond du coeur, à part... les doutes aisément exprimables. Pudeur, ou manque naturel de confiance ?
Il pensait lui faire confiance, puisque finalement, il avait mis sa vie entre ses mains... risque calculé ? Ce n'était en effet pas un gros risque, puisqu'elle l'avait débordé de sa tendresse. Même si, quand il y réfléchissait, il se doutait bien que cela pouvait devenir problématique.
A ce moment là, il ferait un choix... en attendant, il s'abreuverait à ses caresses. Après tout, peut-être y avait-il droit ?

Ce caractère impérieux, un reste de sa véritable personnalité ?

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » mar. 10 avril 2012 à 12h36

Kelthar, du haut de son perchoir, observait les rues sombres de Shel'Oloth. C'était en quelque sorte pour lui un retour aux origines.
Une nuit d'intense entraînement et une nuit de repos. Il se sentait étonnamment serein, le silence seulement perturbé par les crépitements devenus familiers des éclairs de magie pure qui parfois venaient s'écraser, sans l'abîmer, sur la main de la Mère, en plein coeur du village.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il ne regrettait rien. Même si tout n'était pas très clair pour lui, encore moins pour les autres, il lui semblait que ce qu'il faisait était juste, et correspondait pleinement à ce qu'il devait faire.
Même si ce qui lui était revenu lui paraissait essentiel pour la maîtrise de sa condition, il s'apercevait qu'il ignorait encore beaucoup de choses cruciales. Et à son grand étonnement, il le tenait de celle de qui on lui avait appris à se méfier, et qu'il ne trouvait en définitive pas si mauvaise.
Il eut un sourire en coin. La diabolisation de l'autre pour mieux le détruire, il connaissait ça par coeur. Aleannor en était un parfait exemple.

Kelthar s'abreuvait de la connaissance de la cité sombre comme un assoiffé à la première fontaine. Il distillait le savoir en intraveineuse, jusqu'à exploser de tout ce qu'il lisait. Ses entretiens avec la Valsharess étaient encore ce qu'il y avait de plus instructif. Méfiant de nature, il ne s'ouvrait que peu, mais lorsqu'il y réfléchissait... qu'y avait-il donc à ouvrir ? Kelthar n'était en quelque sorte qu'une machine, une machine organique : logique et analytique, il se plaisait dans l'observation, dans la mesure et la décortication. Et finalement, il s'apercevait que le relâchement n'était pas pour lui, ou ne serait-ce que dans les rares moments où il s'accordait la satiété du corps.
Sa capacité à se détacher de tout faisait de lui un allié de poids, mais était-ce vraiment un atout ? Narhethi semblait se poser la même question que lui.
Il était surpris de sa sollicitude, et finalement.... il appréciait, presque malgré lui.

« Shilen a encore de l'amour pour ses Enfants. »

Il ferma doucement les yeux, proférant une prière à voix basse. Il voulait le croire. Dans cette bataille pour et contre les Fontaines, il avait longtemps hésité. Mais une certitude demeurait : sa Foi, forte et sans faille, qui l'accompagnait dans chacune de ses hésitations, menait sa conduite. Il se refusait à croire que la Mère qui l'avait façonné ne ressente plus d'amour pour Ses enfants. C'était impossible, alors que toute sa création, sombres et démons étaient prêts à assurer Son retour, à accomplir Son cinquième commandement. Pourquoi détruire ceux qui l'ont aidée ? Pourquoi détruire le monde ?
Kelthar était profondément convaincu que si Shilen devait revenir, ce qu'il n'avait lui-même pas le pouvoir d'empêcher, Elle ne devait pas régner sur des ruines. Elle ne devait pas détruire ce monde.

C'était là un dilemme existenciel qui le rongeait. Il n'avait lui-même pas peur de mourir, parce qu'il n'avait rien à perdre. Mais à quoi bon la laisser sombrer dans la folie pure ? Il s'y refusait.
Et il se mit alors à prier avec ferveur, afin de rappeler à la Déesse que s'il avait un jour ressenti un amour, une passion pure et dévastatrice, c'était envers Elle et Elle seule.

Ah, si elle le voyait... sans doute qu'elle en aurait beaucoup de chagrin. De savoir ce qu'il avait fait, en pleine conscience de ses actes... elle se demanderait pourquoi. Mais il ne serait plus jamais disposé à écouter le souffle d'un amour qui n'avait pas connu sa preuve. Trop pragmatique pour être véritablement rancunier, il décidait de s'adonner à autre chose. Et il le ferait avec abnégation, Foi et détermination. Jusqu'à ce que Shilen décide de reprendre la vie qu'Elle lui avait donné.

Lentement, il rouvrit les yeux, écoutant le souffle de sa propre respiration et le courant de magie qui le traversait, rendu plus puissant par sa récente action. Quel attrait.... il ne pouvait nier cette incroyable attirance qu'il combattait encore un peu.
Il se redressa, et répondit d'une voix basse et grave au salut d'un sombre qu'il croisait régulièrement au Temple.

« Je ne veux pas vous perdre. »

Il esquissa un léger sourire. Aucune raison. Son regard gris anthracite balaya la place de Shel'Oloth. C'était là qu'il trouvait la source de lui-même, son origine, ses racines les plus profondes. Et même les auras puissantes et perturbatrices de magie noire qu'il sentait ici ne pouvaient ôter le sentiment profond et d'une pureté incroyable de son propre enracinement.

Balayant d'un souffle d'air l'endroit où il se trouvait, il remonta calmement les quelques marches qui menaient à la bibliothèque, de laquelle il devenait un habitué...

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » dim. 15 avril 2012 à 13h47

L'atmosphère de l'aube éclaircissait à peine la cité sombre lorsque Kelthar ouvrit les yeux. Il avait cette fois dormi d'un sommeil sans rêve, incroyablement réparateur. Il se demandait d'où cela pouvait lui venir concrètement. Cette pensée lui arracha un sourire. Voilà qu'il recommençait à vouloir tout analyser, tout comprendre, tout maîtriser.

Ces temps-ci, il n'avait pas l'impression de maîtriser grand chose, pour le moment. Mais il aurait du s'en douter. Certaines forces en présence étaient trop puissantes pour qu'il puisse prétendre, pas les dominer, mais au moins déambuler sous leur couvert sans être inquiété. Il était trop impliqué, notamment à cause de la présence de celle qu'il l'y avait accueillie.
Il prenait peu à peu conscience que les souvenirs chronologiques n'étaient rien... l'essentiel n'était pas là.

Pour lui qui avait l'habitude de tout calculer, l'enjeu n'était pas là. La question des sensations et du ressenti était éminemment épineuse. Il se demandait s'il n'y avait pas là un enjeu plus important, plus grand. Mettre ses sens à fleur de peau lui permettrait-il un meilleur contrôle ?

« Ce n'est pas une question de contrôle, Kelthar... »

Il retint un léger soupir. Il ne savait pas par quel bout prendre le problème. Pourtant il ressentait des choses, et parfois même, avec violence. Comme la veille par exemple.
Il se redressa lentement, écartant le drap pour s'asseoir au bord du lit, ses longs cheveux venant caresser le milieu de son dos. En silence, il se leva, et vint s'emparer des vêtements qui étaient restés devant la cheminée, là où il les avait quitté. Il se rhabilla lentement, méthodiquement, laissant son esprit vagabonder à sa guise, son regard anthracite se perdant vaguement sur les draps qu'il venait de quitter.
Puis il sortit en silence de la chambre, et de la bâtisse. Parvenu sur la place de Shel'Oloth, il s'arrêta un instant, ressentant toutes les vibrations de magie noire qui semblaient converger vers ce point. Il hésitait. La bibliothèque lui permettrait sûrement de penser à autre chose, de se concentrer sur un sujet d'étude. Mais une autre voix résonnait au plus profond de lui, jusque dans son sang qu'il avait senti bouillonner à plusieurs reprises la veille...
Il prit la direction de la passeuse, et demanda le marais.

Un marais n'est presque jamais silencieux si on prend la peine de tendre l'oreille. Ce n'est que fourmillement, éclaboussure, piaillement et bourdonnement... on entends presque les fougères bruisser. Kelthar connaissait cela par coeur, et il s'y sentait chez lui. Il alla appuyer son dos contre un grand saule qui étendait ses branches pendantes, comme évanouies, au dessus de l'eau stagnante et du rivage mousseux.
Il ferma les yeux pour se laisser aller un instant à écouter les bruits environnants, et les battements de son propre coeur, son régulier et rassurant, apaisant s'il en est.

« Laisse toi gagner par elle... Partage avec elle... »

Sa voix entêtante lui revenait, voix dont il prenait étrangement l'habitude. Et qui le surprenait.
Il essayait, il essayait vraiment, mais ce n'était pas si simple. Il sentait cette présence étrangère, à la fois dérangeante et rassurante. Il se rappelait cette déchirure au creux de son ventre, la douleur atroce, la sensation immonde d'être traversé de part en part...

« Accepte-le, mon frère. »

Un atroce mal de crâne le gagnait. Il avait le sentiment qu'elle se manifestait, elle était là sans y être, présente mais pas dominante.
Finalement il n'y tint plus, et il la matérialisa, dans l'aube claire, dans les brumes nauséabondes du marais. C'était comme un prolongement de lui-même. Il se surprit à sourire, la sensation étant plaisante.
Il se sentait vivifié, pleinement éveillé, ses sens en alerte. Lentement, il vint chercher une longue dague au fourreau de son ceinturon. Et puis, élevant sa voix grave et basse, il entama un chant guerrier, un chant martial. La première note poussée, elle mourut dans l'air, et Kelthar se laissa porter par les pas rituels. Il ne savait pas d'où lui était venue cette idée, mais à mesure que son chant progressait, il savait que c'était la bonne.

Il dansa ainsi de longues minutes, et la communion fut complète. Du moins, pour cet instant là.
Lorsqu'il s'arrêta enfin, il sentit son sang bouillonner, son aura s'amplifier légèrement. Il se sentait étonnamment alerte, réactif. Il avait l'impression de sentir chaque millimètre de la surface de sa peau, chacun de ses muscles, jusqu'à la pointe de ses longs cheveux bruns.

Le doute n'était plus possible. Ce choix était le bon.

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » mar. 17 avril 2012 à 00h35

Le bateau prit la mer et le voyage dura deux jours. Presque aucun mot ne franchit les lèvres de Kelthar, sauf pour saluer poliment les sentinelles dont on l'avait gratifié en escorte. Ça le mettait un peu mal à l'aise, d'autant qu'il ne pouvait guère leur expliquer ce qu'ils faisaient là en réalité.

Bientôt, les côtes de Terramorci furent en vue. Les récifs noirs, les côtes sombres et les rochers coupants... c'était en voyant cela qu'il avait retrouvé l'intégralité de sa mémoire chronologique. La plupart de ses souvenirs lui étaient revenus à l'approche de l'île, où il s'était rappelé du village, de son départ, de son « assassinat » et surtout du moyen de pénétrer sans être vu dans le manoir où il avait grandi. Il s'était souvenu les détails de son départ, la colère qu'il avait eu contre son père, et son débarquement au port de Giran. Là, il avait gagné la ville, où il avait retrouvé Aleannor... c'était là, aux abords de la ville, qu'elle l'avait assassiné d'un coup de dague dans la nuque, et l'avait jeté dans le canal en espérant que l'eau l'y achève. Mais l'eau, l'élément premier, l'avait jeté sur une plage après l'avoir laissé dériver, où cette femme l'avait trouvé et remis sur pieds.
Pourtant, ce jour là, aucune expression particulière ne vint troubler son visage, ou bien était-ce que les sentinelles le connaissait trop peu pour remarquer un quelconque changement ?


Terramorci, la terre morte, grouillant d'un microcosme de créatures invisibles, la terre des marécages, dont les grands arbres sombres qui bordaient le village lui dissimulaient le manoir Terenka'am, accessible, au tout venant, uniquement par une longue route boueuse fendant le marais de part en part. L'odeur caractéristique de la fange vous accueillait dès votre arrivé au petit port, de pêcheurs surtout, et vous jetait directement dans ce méchant et minuscule village qui ne comporte que quelques rues. Une minuscule baronnie, mais une baronnie tout de même, composé d'hommes et de sombres vivant ensembles et pourtant séparés séculairement par une haine latente, forcé de travailler de concert à cause de la géographie des lieux. Des rochers coupants et une terre fertile seulement dans le marais dangereux, qui forçait au commerce.

Ils débarquèrent au port de Terramorci, et Kelthar prit soin de dissimuler son visage aux regards sous une ample capuche. Les villageois étaient bien trop affairés pour les remarquer. Balayant l'endroit du regard, Kelthar reconnu la haute bâtisse de la Fabrique de poison de ces ancêtres, qui fournissait une grande partie du continent, qu'il comptait bien reprendre et en étendre le commerce. Récemment on lui avait donné une autre idée. Après tout... les créatures de la fange du marais étaient aussi à même d'être à la base de la confection de narcotiques... et de stupéfiants.
Kelthar fit signe à son escorte, et ils s'avancèrent dans les rues du village. Des maisons de pierre grise, et un chemin qui montait en pente douce jusqu'au plateau supportant le marais très étendu.
L'île est étendue sur une surface de 225 lieues au carré**, dont les 3/4 étaient occupés par une surface marécageuse.
L'entrée du marais était, comme le reste, fort peu accueillant, et Kelthar eut un léger frisson en s'arrêtant à l'entrée du chemin qui menait tout droit au manoir familial, traversant le marais de part en part.



Ils étaient d'abord passé par le passage dont il s'était souvenu sur le navire. Un long passage humide, creusé dans la roche, accessible seulement par ceux qui savaient qu'il se trouvait là... à savoir, Kelthar, et Aleannor. Aux murs, toujours ces petites statuettes à l'effigie du serpent de mer... cela confirmait ce qu'il avait lu dans le registre. Ils étaient parvenus jusqu'à un vaste cour pavée, où ils avaient pénétré par effraction dans une cuisine, puis grimpé à l'étage jusqu'à une bibliothèque. Kelthar savait précisément comment procéder.
Il avait levé lentement la main jusqu'à la statuette représentant un serpent de mer aux ailes atrophiées, sous lesquelles il avait placé ses doigts, pour la faire basculer d'un quart de tour vers la droite. Il y avait eu un chuintement sourd, pareil au bruit amplifié d'un serpent qui glisserait sur des rochers coupants, et le panneau de pierre avait pivoté sur lui même, lui découvrant un vaste bureau.
Le silence s'était fait dans la pièce, et Kelthar s'était débarrassé de sa capeline.

S'avançant promptement dans la pièce, qui ouvrait sur la droite du bureau, un peu en retrait, il avait posé ses yeux gris sur eux. Sans surprise, il s'agissait d'Akhym et d'Aleannor.
Aleannor, penchée sur le bureau, s'était redressée brusquement en portant une main à sa cuisse. Kelthar avait su qu'elle y chercherait la dague, la même qui avait cru signer son arrêt de mort, un an plus tôt.
Faisant un geste brusque du bras, il s'était exclamé une incantation, de sa voix basse et grave, sa main tendue vers elle exhalant brutalement un violent souffle d'air, qui l'avait envoyée valser contre le mur, au pied duquel elle s'était effondrée en gémissant.

« Pas de gestes brusques. » Avait-il commencé.

Akhym s'était levé, les mains appuyées sur le bureau, pas encore revenu du choc que lui faisait cette apparition.

« Kelthar, tu es...
- .... censé être mort ? Siyo, je sais. Mais il se pourrait que tout ne se passe pas comme prévu. »


Akhym s'était raidi, et un silence s'était fait, seulement interrompu par un gémissement de douleur d'Aleannor. Kelthar l'avait laissée là. Le père avait posé son regard gris sur la jolie sombre.

« Visiblement, elle n'a pas fait son travail. » Avait poursuivi Kelthar.

Elle était parvenue à se redresser, mais n'avait pas bougé de sa place, craintive.

« Mais... Père... il avait tout oublié... j'ai jugé qu'il ne serait plus un danger... »

Kelthar s'était senti un peu vexé. Voilà comme on traitait sa prétendue indolence ? Mais finalement, cela le servait.

« Aleannor, je n'ai jamais cherché à t'expulser d'ici. Même après la mort d'Akhym, tu aurais pu rester pour gouverner l'île. Qu'est ce qui t'as pris ? »

Elle avait alors pincé les lèvres, une flopée de larmes lui venant aux joues. Elle s'était avancée sur lui, se précipitant contre son torse pour le tambouriner de ses petits poings.

« Et comment pouvais-je prendre le risque ?! Tu étais si indifférent, tu ne répondais pas à.... à ce que je te disais !!! Je craignais un revirement de ta part ! Kelthar, je t'...
- ... t'interdis de prononcer ce genre de mots devant moi. »


Akhym, interdit, avait observé la scène qui se déroulait devant ses yeux. Visiblement, Kelthar ne se souvenait pas de ça, ou peut-être l'avait-il toujours ignoré ? Il avait alors attrapé sans douceur les poignets de la sombre et les avait serré entre ses mains.

« Maintenant, je ne veux plus te voir... et prends garde. J'ai désormais des appuis dont tu n'as pas idée. »

La menace, quoique feinte, avait fonctionné sur la sombre déjà troublée et apeurée. D'un mouvement du bras, il l'avait repoussée, et, sanglotante, elle avait gagné la porte à reculons.

« Je savais que ça finirait mal...! J'ai eu raison de prendre les devants, tu n'avais aucun sentiment pour moi...! Sois maudit, Kelthar !
- C'est toi-même qui a provoqué ta propre situation. »


Kelthar avait été contrarié que tout ceci se déroule devant Ses yeux. Pourtant, il avait poursuivi. Il avait posé ses yeux gris sur son père, lorsque la porte de sortie eut claqué.

« Asseyez vous, père. »

Akhym avait eu l'air consterné. Il avait longuement observé son fils.

« Nau, je n'ai jamais rien fait qui vous déshonore, et vous avez donné l'ordre de mettre fin à ma vie. Si vous ne prenez pas garde, Shel'Oloth connaîtra votre nom sous ce jour... et sous d'autres. »

Le sombre avait frémi, fronçant les sourcils.

« Tu mentirais ?
- Sans l'ombre d'un remord. Vous m'avez presque tué. »


Visiblement, le père ne s'était pas attendu à cela. Il avait essayé de s'en défendre.

« Aleannor m'a fait croire tout cela ! Elle m'a dit que tu avais commis les pires horreurs aux yeux des nôtres ! Que tu complotais contre moi !
- Et ELLE a comploté contre MOI, votre propre fils ! »


Le souffle brutal de la voix de Kelthar s'était élevé dans la pièce. Le silence était alors revenu. Tranquillement, Kelthar avait attrapé une feuille de vélin et poussé l'encre et la plume vers son père. Akhym l'avait regardé.

« Je ne suis pas parricide. Par contre, je veux avoir les mains libres. »

Il avait eu un froncement de sourcil, comprenant de quoi il s'agissait et Kelthar avait esquissé un lent sourire.

« Je ne vous chasse pas, père... je prends simplement une part de mon héritage avant l'heure. Je n'ai que faire de rester sur cette île. »

L'échange de regard avait duré quelques longues secondes. Et puis, contraint par l'air sévère de son fils, Akhym avait rédigé l'acte de legs de son propre titre de noblesse. Après quoi, Kelthar l'avait récupéré et tendait déjà la main vers son père, paume ouverte. Celui-ci avait décroché un lourd anneau d'or gris de son majeur droit, et l'avait laissé tomber au creux de sa paume. C'était le sceau familial, un serpent de mer entourant une épée...
********
Ils s'arrêtèrent devant les lourdes grilles du manoir, en fer forgé, qui dressaient vers le ciel leurs hautes pointes. La nuit venait juste de tomber, et on distinguait déjà beaucoup moins bien la statue monumentale qui occupait le centre de la cour : une fontaine, à l'effigie d'un grand serpent de mer aux ailes atrophiées. Kelthar se retourna vers son escorte. Il leur parla, pour la première fois depuis qu'ils étaient arrivés au village, quelques heures plus tôt.

« Restez ici... je dois y parvenir seul désormais. Que Shilen vous garde pour avoir bien voulu m'accompagner jusqu'ici. Je vous ferais signe, si tout se passe bien, de me rejoindre. »

Celui qui dirigeait la petite troupe de sentinelles acquiesça, et Kelthar franchit les hautes grilles. Il traversa la cour, pour se rendre au fond, derrière la statue. Deux escaliers menaient à un petit parvis qui supportait la porte monumentale du manoir. Kelthar s'y présenta, sans prendre garde à la pluie qui lui cinglait le visage. Il frappa trois coups.
Après quelques instants d'attente, un majordome vint lui ouvrir. Il le reconnut immédiatement, car la ressemblance avec son père était saisissante.

« Ah... Tan'rek Kelthar... »

Il s'effaça pour le laisser entrer, et Kelthar pénétra dans le bâtiment, ôtant sa capuche. Le majordome le débarrassa de sa capeline. Kelthar connaissait le chemin jusqu'au bureau de son père. Il frappa un coup et entra sans attendre la réponse. Akhym leva des yeux surpris sur lui.

« Kelthar... qu'est ce que tu fais là ? »

Le sombre s'avança pour saluer son père.

« Je suis venu pour prendre ce qui m'appartiens... et d'autres choses. J'ai besoin de finances et de vêtements décents. »

Akhym se leva et se dirigea vers un tableau, qu'il décrocha du mur pour ouvrir le coffre qui se trouvait derrière. Il en sortit deux vélins précieusement enroulés.

« Que vas-tu en faire ?
- Je vais les mettre en lieu sûr. »


Kelthar prit les rouleaux et les ouvrit pour vérifier que son père n'essayait pas de le flouer. C'était bien là l'acte de propriété de l'île et l'acte de noblesse. Il ré-enroula le tout et le fit disparaître à sa ceinture.

« Je m'occuperais de la gérance avec toi, par courrier. Est-ce que tu as des oiseaux ?
- Siyo, quelques uns.
- Parfait, j'en emporterais deux. »


Akhym gagna le bar pour se servir un verre de rhum ambré. Il en proposa à son fils, qui refusa poliment.

« Fais préparer des chambres d'amis, j'ai quelques invités... »

Le père acquiesça, mais il avait l'air songeur. Il s'approcha de son fils, comme reniflant dans sa direction. Kelthar ne bougea pas, raide comme un piquet.

« Qu'y a t-il ?
- Il y a quelque chose de différent en toi... mais je ne sais pas ce que c'est... »


Kelthar haussa les épaules. Ce n'était pas le moment de débattre sur les récents évènements... et il n'avait aucune envie d'en parler à son père. Il n'était pas baptisé sous Farfurion pour rien...
Ils conversèrent un moment des affaires de l'île, et puis un domestique fut envoyé chercher les sentinelles qui attendaient toujours devant la grille, sous la pluie.

« Notre maître vous offre l'hospitalité. »

Ils eurent droit à tous les égards relatifs aux Maisons nobles : une chambre chacun, la permission de prendre un bain, de se changer et de se restaurer aux frais de la maison.
Pendant ce temps, Kelthar avait regagné ses quartiers, dépoussiérés pour l'occasion, et rassemblait ses affaires. Des costumes d'excellente facture, des capes, des armures et des parures... il avait autrefois porté tout cela.
Il resta un instant debout dans la pièce. Elle lui évoquait désormais tant de choses... il secoua la tête. Sa vie était ailleurs désormais, et il se rendait compte à quel point sa vision des choses avait changé. Il fit signe à la domestique de ranger les vêtements qu'il avait choisi dans un coffre.

Kelthar avait décidé de ne passer qu'une seule nuit sur place. Il n'avait pas envie de s'attarder, car la compagnie de son père avait toujours fini par faire des étincelles, et il ne voulait pas d'esclandre devant les sentinelles.
La nuit se passa sans encombre pour tout le monde, car, à défaut d'être un bon père, Akhym était un hôte attentionné. On ne manqua pas d'égards pour les sentinelles qui accompagnaient Kelthar.

Au matin, Akhym avait donné ses ordres, chaperonné par un Kelthar influent, grâce à ses menaces à peine couvertes, pour que soit acheminé par bateau vers Shel'Oloth les coffres d'or. Sur lui, Kelthar avait prévu d'emporter quelques effets personnels, dont la tenue rouge et nacre et une cape pour se protéger du mauvais temps, ainsi que les titres dont il était désormais le détenteur officiel.
Avant de partir, Kelthar se rendit seul à la chapelle du manoir.


A l'image du manoir Terenka'am, c'était un haut lieu de pierre grise et de marbre noir, qui suintait la froideur et l'austérité. Mais étrangement, malgré la rouerie de son père, il s'y sentait chez lui. Les yeux d'émeraude de l'imposante statue de Farfurion, au pied d'une icône à l'effigie de Shilen, semblaient le fixer d'un regard accusateur et fourbe.
Kelthar s'agenouilla et entama une prière, à voix basse. Et puis il éleva doucement la voix de nouveau.

« Tout est rentré dans l'ordre... j'ai toutes les armes pour lutter, désormais. Je vais pouvoir être... tel que j'ai toujours été. »

Il leva un regard déterminé sur la statue. Même si ses souvenirs étaient là, il savait que tout n'était pas si simple. Il savait que prendre conscience de ses sensations, les apprivoiser et les utiliser à bon escient prendrait du temps. Même avec sa mémoire, Kelthar ne changeait pas tant que cela, finalement. Il avait simplement... d'autres cartes en main. Et sa détermination ne flancherait pas, car après tout, c'était plus profond encore qu'un serment.
Un léger bruissement retentit derrière lui, et il tourna la tête pour apercevoir le lent sourire qui étirait les lèvres d'Akhym.

« Tel que tu as toujours été... froid, indifférent à l'attention que te portent les autres, calculateur ?
- Ne viens pas faire de scandale dans la chapelle, Père, s'il te reste un peu de dignité. »


Akhym fit un signe d'assentiment, et ils sortirent ensembles dans la cour pavée. La haute silhouette du manoir s'imposait à eux, et Kelthar l'observa un instant. Le ciel nuageux était un peu plus clair que d'ordinaire.

« Certaines choses ont changé, mon Père.
- Ah siyo ? Et quoi ? Tu as une nouvelle lubie ? »
Railla Akhym.

Un souffle d'air violent balaya la cour. Kelthar posa froidement son regard gris sur lui.

« Vous regretteriez amèrement de vous moquer de moi.
- Tes fameux appuis ? Ne me fais pas rire, je sais que tu mentais.
- Nau. »


Le ton plein d'assurance de Kelthar, qui se mit tranquillement à observer l'une des gargouilles du toit, décontenança Akhym.

« Tu mens. »

Son air était beaucoup moins assuré.

« Nau, te dis-je... je connais quelqu'un de très influent à Shel'Oloth.
- Ah siyo ?
- De quelle manière crois-tu que j'ai pu obtenir l'escorte de sentinelles de Shel'Oloth ? »


Akhym se tut. Et il n'en demanda pas plus, convaincu. Il avait seulement pincé les lèvres.
Sans rien dire, Kelthar regagna la cour principale du manoir, où l'attendaient les sentinelles en question.

« Messieurs... nous pouvons partir. »

Ceux-ci acquiescèrent, et chacun sortit son parchemin de retour. Akhym se tourna vers son fils.

« A bientôt, dans ce cas, mon cher Tan'rek***de fils... et peut-être un jour me présenteras-tu cette personne si influente... »

Kelthar ne répondit pas, déchirant son parchemin, mais le ton railleur du père n'échappa à personne. Bientôt, la petite assemblée disparut de la cour.

(** 1128km² environ la taille de la Martinique)
(*** Tan'rek : équivalent Baron en sombre)

HRP : Explication de l'acquisition de la noblesse RP.
Dernière modification par Aldo le lun. 7 mai 2012 à 18h48, modifié 3 fois.

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » mer. 18 avril 2012 à 07h12

Son retour à Shel'Oloth s'était fort bien passé. Il pouvait enfin être pleinement lui-même et quelque part, c'était un soulagement. Les façades ne sont guère satisfaisantes... du moins, pas celles-ci. Il avait repris doucement ses activités, ainsi que les affaires de la Maison.
Pour le moment, il se contentait de recenser les familles, qui, selon lui, auraient besoin de ses... compétences. Il savait que ce ne serait pas une mince affaire, car les assassins crient rarement leurs spécialités sur les toits. Encore moins ceux qui recourent à l'art subtil de l'empoisonnement.

Il se redressa sur un coude, seul dans sa chambre dans les locaux du Sssiks Olath. Le petit lit lui était devenu assez désagréable, lui qui était habitué aux grands et luxueux lits recouverts de draps de soie ou de satin... il faudrait bien qu'il change de demeure pour quelque chose de plus spacieux. Les finances n'étaient plus un problème, et il savait qu'il pouvait avoir accès à nombre de privilèges.
Kelthar faisait silencieusement les comptes. Le poison qui se vendait le mieux était le venin de la Terraphosia, araignée géante, du moins énorme, d'une couleur brun terre et qu'on avait beaucoup de mal à distinguer lorsqu'elle se trouvait au sol. Son venin, injecté rapidement et insidieusement, provoquait une paralysie totale des membres pour une durée d'au moins soixante-douze heures... idéal pour attraper quelqu'un. D'ordinaire, cela laissait le temps à la Terraphosia de dévorer sa proie, quelque soit sa taille.

D'un claquement sec, Kelthar referma le livre que lui avait donné la Valsharess, sortant de sa rêverie sur la conception de poisons. Il songeait à la proposition alléchante qu'elle lui avait fait.

« J'aimerais vous donner plus de responsabilités. »

Cela n'effrayait pas Kelthar, bien au contraire. Il avait déjà le sentiment d'en avoir énormément, compte tenu des récents évènements, mais il en était étrangement satisfait. Plongé dans un silence songeur, il pouvait la sentir bouillonner en lui, sa présence dérangeante. Le problème n'était pas tout à fait réglé.
Mais après avoir consulté ce livre sur le Sssiks Olath, confié par la Valsharess, il sentit qu'il devait répondre favorablement à sa demande. Etre actif et reconnu dans la cité pouvait grandement lui servir, pour le renom des Terenka'am et pour son propre commerce.

C'était bien, il accepterait les responsabilités qu'on lui confierait. Il ferait les choses qu'il faudrait faire, et se servirait au passage pour ses propres intérêts, rien de plus normal, après tout. Un donné pour un rendu... c'était décidé.
Kelthar se redressa complètement, et se dressa devant un petit miroir pour remettre de l'ordre dans sa tenue. Il défroissa ses vêtements, enfila sa cape, et partit pour la bibliothèque.
Dans la journée, il croiserait la Valsharess pour lui faire part de sa décision.

[HRP : Màj Clantage Sssiks Olath ]

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Re: [bgsombre] Kelthar

Message par Aldo » lun. 7 mai 2012 à 16h29

Penché au dessus de son alambic, Kelthar paraissait très concentré. Il venait, avec précaution, de verser trois petites gouttes d'une essence de salamandra morenica, qu'il avait fait venir tout spécialement de Terramorci.
La réaction chimique se fit attendre, et le liquide vira au jaune clair, ce qui contraria beaucoup Kelthar, qui se redressa avec un soupir. Il fit un signe impérieux vers le valet près de lui, qui s'empressa de noter ce que lui dicta le sombre.

« La dose est trop importante. Il faudra recommencer. »

Kelthar tentait de mettre au point un nouveau neurotoxique, tout spécialement indiqué dans la pratique de la torture, mais les doses des différents produits le mettaient encore en difficulté. La recette n'était pas au point. Pensivement, il sortit du laboratoire, établi dans les sous-sols de son domaine de Shel'Oloth, et se dirigea vers une autre pièce, beaucoup plus grande. Il y régnait une chaleur étouffante et humide, lourde, et une odeur très caractéristique des marais, reproduite ici avec beaucoup de soin. Dans des cages en verre, différentes espèces intriguantes et menaçantes évoluaient, soigneusement enfermées et surveillées en permanence par une sentinelle payée grassement par le Tan'Rek. Kelthar, pensif, se promena un instant au coeur de son petit vivarium. Il avait ici ses espèces préférées, et les plus utiles à la confection des toxiques les plus connus : serpents exotiques, batraciens colorés, araignées de toute taille... sa favorite était la Theraphosa, une araignée imposante, brun terre, capable de paralyser un homme pendant soixante et douze heures consécutives. C'était d'elle que Kelthar extrayait son paralysant le plus puissant.

Après son petit tour, Kelthar se rendit dans la troisième et dernière salle de son sous-sol, qu'il nommait humblement « la salle expérimentale ». Un grand chevalet de bois s'y tenait, prêt à accueillir les « patients », ainsi qu'un nécessaire de chirurgie et un grand nombre de seringues de métal.
Pour l'heure, le chevalet était occupé par un humain mâle d'une trentaine d'années, profondément endormi. Robuste, il avait été choisi pour sa pauvreté, à Gludin, dans l'une des tavernes du port, et amené ensuite jusqu'à Shel'Oloth. Si les sentinelles et les autorités de la cité sombre permettaient que les patients de Kelthar franchissent les limites allouées aux visiteurs, c'était parce qu'ils savaient que celui-ci n'en ressortirait pas. Sur une table, reposait la bourse que le valet avait remis à l'homme, abandonnée là.

Kelthar, les bras croisés dans le dos, ordonna au valet de réveiller l'humain. Il avait besoin d'une réaction vive. Celui-ci finit par ouvrir les yeux, regardant autour de lui de l'air le plus effrayé du monde.

« Bonsoir, monsieur. »

Le Tan'Rek l'avait salué avec toute la cordialité du monde, en s'approchant d'une étagère garnie de pots, de fioles et de sachets de cuir. Sur les étagères du haut, les produits finis, attendaient sagement un usage professionnel. Les deux étagères du bas étaient occupées par les produits en phase d'expérimentation, nécessitant un nouveau dosage ou une refonte complète. L'étage du milieu contenait toute une panoplie d'antipoison.

Kelthar se saisit d'un sachet sur une étagère « en expérimentation », et à l'aide d'une petite cuiller à fond rond en métal, vint recueillir une pincée de poudre. Il la versa dans un minuscule récipient, au dessus d'une sorte de bec bunsen, dont la flamme bleuté en léchait le rebord. La poudre se mit à crépiter, pour former un liquide transparent. Kelthar se saisit alors d'une seringue et l'aspira, sous les yeux horrifiés du trentenaire, solidement arrimé à son chevalet. Après avoir vérifié son aiguille, d'un oeil d'expert, le sombre s'approcha de l'humain, qui se mit à s'agiter violemment dans l'espoir de se défaire de ses liens. Tranquillement, Kelthar vint tapoter une veine du bras du patient, pour la faire réagir, mais il n'eut pas besoin de se mettre en peine : la panique faisait ressortir toutes les veines de l'homme sur sa peau, tant il était tendu. Kelthar n'eut aucun effort à faire pour plonger l'aiguille dans sa chair. Après quoi, il recula légèrement, extrêmement attentif à l'effet produit.

L'homme s'était calmé, et il semblait que lui aussi attendît qu'il se produisît quelque chose. Soudain, il se mit à gémir, et à se contorsionner. On eût dit qu'il éprouvait des difficultés au niveau de la bouche, et Kelthar s'approcha en plissant les yeux.
Au même moment, on frappa à la porte, et le majordome entra, un pli scellé à la main, qu'il remit à Kelthar, jetant à peine un coup d'oeil sur le malheureux.
Kelthar,

Je pars pour Althéna rencontrer le Baron Velik pour la raison que tu sais. Si je ne reviens pas, je compte sur toi pour donner la mort à l'elfe et faire bruler Gludio ainsi que le domaine Bashère. Arrange toi aussi, pour faire savoir qu'il est le responsable de tout cela qu'il ne s'en sorte pas une fois encore.

Je sais très bien que tu m'aurai empêché de partir seule, mais c'est une affaire personnelle. Pardonne moi...

Narhethi

Kelthar ne fit que plisser les yeux, et demeura ainsi concentré quelques minutes, en proie à une intense réflexion. Il n'entendait plus les bruits étouffés que produisait le patient. Au bout d'un moment qui sembla sans doute durer des heures à celui-ci, qui s'étouffait par le propre enflement de sa langue, le valet prévint d'une voix timide.

« Seigneur Tan'Rek... il va mourir. »

Kelthar jeta un coup d'oeil distrait sur le patient. Puis, en tournant rapidement les talons, il se contenta d'ordonner :

« Abrégez ces souffrances, je ne veux pas qu'il réveille notre voisinnage. L'effet est trop rapide, c'est un échec. »

Alors que Kelthar sortait de la pièce d'un pas pressé, le valet acquiesca et administra au pauvre homme une dose de cyanure qui lui fut fatale.

Kelthar était sorti, non pas pour partir à la recherche de Narhethi, puisque, par un stupide péché d'orgueil typiquement humain, le Comte d'Althéna lui en avait interdit l'accès. Non, il était allé se défouler sur la pauvre zone de plaine vide entre Shel'Oloth et le marais, qui fut, cette nuit là, considérablement battue par des vents violents.
Il désapprouvait totalement une conduite aussi imprudente, et, ce soir là, la fureur lui fut très utile : jamais il ne communia avec la Lame avec autant de force et de facilité.

Oh certes, elle pourrait lui rétorquer qu'il en avait fait de même, en se rendant à Terramorci. Mais lui n'était pas Valshar, bien qu'il eût, visiblement, un rôle à jouer, même si celui-ci lui paraissait encore très diffus.
Il ne se calma qu'au petit matin, alors que l'aube blanchissait à peine les terres mortes. Puis il rentra prestement à Shel'Oloth, demandant aussitôt aux sentinelles si on avait vu passer la Valsharess, n'hésitant pas, audacieusement, à se rendre directement chez elle.

Il avait conscience de la perte considérable que cela pouvait engendrer pour la cité sombre, si l'imprudence prenait le pas sur le devoir.