Chapitre I, Escapade forestière
Comme à son habitude, mon père m’avait emmené à la chasse dans les bois du village. Nous étions tous deux allongés dans les buissons feuillus et observions avec attention ce qui nous entourait. Il me faisait découvrir son métier de chasseur m’indiquant avec précision quels animaux représentaient un danger, lesquels non. Il en allait de même pour toutes les sortes de baies et champignons qu’on pouvait y trouver. Il m’apprenait l’art de la survie :
« Ne fais plus un bruit », me murmura-t-il.
J’étais trop impressionné par la taille de la bête qui passait juste devant nos yeux, pour prononcer le moindre mot, ni même de bouger. Celle-ci poursuivait tranquillement son chemin sans se douter un moindre instant que deux hommes étaient à deux pas de ses pattes.
« S’il était passé deux mètres à côté, il nous aurait piétinés. », ajouta-t-il bas sur un léger ton amusé.
Je reconnaissais bien là mon père. Nous avions failli y passer et il arrivait à en plaisanter. C’était quelque chose d’appréciable, vu de mon côté, étant donné que notre famille était très pauvre. Ca ajoutait un peu de gaité dans notre miséreux quotidien.
« Nous pourrions le suivre, ce genre de bête connait les endroit intéressants d’une forêt, suggérais-je.
- Très bonne idée. Je vois que les ficelles du métier de chasseur commencent à rentrer. Et quelles précautions nous conseillerais-tu de prendre pour ne pas nous faire remarquer ? »
Il me testait, je lui répondis donc sans grande hésitation :
«
Nous devons faire attention à l’orientation du vent.
- Et ?
-
Et au chemin que nous empruntons. Eviter les branches mortes, afin de faire le moins de bruit possible »
Il me regardait avec un grand sourire, satisfait que je maitrisasse si bien son art.
« Alors suivons-le, avant qu’on ne perde sa trace, il est déjà loin », dit-il à peine quelques secondes plus tard.
J’hochais, m’exécutant lentement, sans bruit.
Nous l’avions suivi de longues minutes durant, voyant passer plusieurs bosquets de fruits et d’autre cachettes sans grandes importance.
« Arrêtons-nous ici, en attendant qu’il décide de partir. », dit mon père à voix basse.
Nous nous assîmes à une bonne distance de la créature, et commencions à discuter à voix basse, n’y prêtant rapidement plus notre attention. Nous parlions surtout de notre famille, des difficultés supplémentaires de l’hiver approchant, et de quelques techniques de furtivités, lorsque cette flèche vint percer le torse de mon père. Je me pétrifiais à la vue de ce cauchemar, ne cherchant même pas à savoir d’où pouvait bien venir cette flèche. Un homme munit d’une arbalète surgit d’un buisson, se rapprochant d’un pas lent de mon père agonisant.
« J’ai fini par te retrouver, enfin. Toi qui m’avais mis au défi de te trouver et de t’abattre. Tu me narguais même, comme quoi ça n’arriverait jamais. Eh bien voilà qui t’apprendras à te moquer et à manquer de prudence…
Prudence… prudence… ce mot résonne en moi, toujours. C’est ce mot qui me guide depuis ce jour, pour ne pas avoir à faire subir à quelqu’un d’autre ce que j’avais vécu. Le reste des paroles de l’homme, je ne m’en souviens pas… Et d’ailleurs je n’ai jamais cherché à comprendre pourquoi il avait fait ça. Je tenais à garder une belle image de mon père.
Chapitre II, La veille d’un grand départ
« Alors vous repartez demain, c’est bien ça ?, me demanda l’aubergiste.
-
C’est exact.
- Et pour aller où, si ce n’est pas indiscret ?
-
Où ? Continuer mon périple, explorer d’autres endroits, poursuivre ma vie, en solitaire…
- Vous êtes tout de même quelqu’un d’étrange, à vous comporter de la sorte. N’y voyez rien de négatif, bien sûr. Malgré votre dégaine, vous sembliez plutôt apprécié dans les parages. Enfin, mis à part de ceux qui avaient peur de vous », dit-il en riant. « C’est vrai que des gens comme vous, on n’en croise pas souvent. »
Il prit un verre et y versa un alcool, avant de pousser le verre en ma direction.
« C’est cadeau de la maison. Car je vous trouve sympathique. »
Il essayait sûrement par-là de me faire ôter mon foulard.
«C’est bien aimable à vous. », sortant une flasque de mon sac et commençant à la remplir du contenu du verre, sous la moue de l’aubergiste, «Je boirais ça en cours de route. La traversée va être longue, j’en aurais sûrement besoin.
- Je ne verrais donc pas votre visage.
-
Je ne le montre jamais, dans n’importe qu’elles circonstances.
- Bien…
-
Je vais aller me reposer, merci pour votre accueil l’aubergiste.
- Tout le plaisir était pour moi, l’inconnu... »
Un voyage de plusieurs semaines m’attendait, et ce pour arriver au port de Giran, sur ce continent dont j’ai tellement entendu parler durant mon périple.