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par Pate » jeu. 26 novembre 2020 à 22h04
Je vis le jour il y a de cela maintenant de nombreuses années, et ce même pour une sombre. D'un Père dont il me reste de mes souvenirs fugaces de jeune fille, l'image d'un homme grand, fort, dans une armure sombre aux teintes violacés, entretenue avec le plus grand soin. D'une Mère dont je me souviens encore de sa longue chevelure blanche dont j'ai hérité, de la douceur lointaine de sa voix et de son parfum.
Là sont mes rares souvenirs d'eux, car ils me furent ôté bien tôt dans ma longue existence.
"Tant qu'il y aura des hommes, il y aura des conflits".
Sages paroles ô combien vraies, car c'est l'un de ses innombrables conflits, qui me priva de l'amour de mes parents. Je me souviens de l'annonce brutale de leur mort par d'autres sombres, se disant "amis" de mes parents, de mon chagrin et d'avoir eu à les suivre. Je me souviens aussi de la suite de cette annonce, moins en détails tant mes souvenirs sont chaotiques, nous avons été beaucoup sur les routes, allant de camps en camps, de cités en cités sans jamais retrouver la sureté d'un foyer.
C'est ainsi, que je devint jeune femme, m'émancipant de ces "amis" pour qui je n'avais au final que peu d'importance, avec le sentiment grandissant de n'être qu'une bouche de plus à nourrir, c'est dans une vie de débrouille que je me lança, c'est sur les routes que je grandit, que je devint forte et rusée, jamais seule, mais rarement accompagnée.
Fuyant les conflits, n'ayant pas réel but dans mon existence que la survie, c'est ainsi qu'un jour, au détour d"un sentier, je tomba sur Lui.
Je me souviens encore de la première vision que j'eu de Lui, Il était de dos, je vis en premier sa coiffure blanche aussi éclatante que la mienne, puis sa lourde armure comme celle que portait mon Père, mais cette fois, les reflets du crépuscule portèrent à mon regard, une teinte rouge sombre. C'est à pas de loup, que j'approcha de cet homme occupé à bivouaquer pour mieux l'observer ...
"Aveugle, mais pas encore sourd. Approche."
Là furent ses premiers mots, et la première d'une longue série de mes exaspérations de jeune femme à venir ...
Depuis ce soir, tout deux nous ne sommes pas quitté pendant de longues années qui vont suivre.
Le temps de la confiance vint quelque jours après ce bivouac, las de toutes mes questions sur lui et ses origines, c'est à son tour qu'il me posa une question :
"Et toi, que sais-tu sur ce que tu est ?"
Mouchée en une poignée de mot, quel rabat joie, mais il avait raison, je ne savais rien de nous, peuple sombre. Ce sombre, semblait avoir le même mode de vie que moi, sur les routes, allant de cités en cités ou de camps en camps tout en évitant les ennuis, il semblait chercher quelque chose et pour l'heure, je ne lui en demanda pas plus et ni Lui, ni moi, n'étions un poids pour l'autre. Nos journées et nos balades, puis nos bivouacs, étaient rythmé par ses récits et cours sur nos origines, sur le culte de Shilen. Moi le suivant, écoutant, buvant même ses paroles Il avait ce don de me faire taire, malgré son timbre rocailleux qui trahissait son âge avancé, Il était très bon orateur et même professeur, c'est ainsi que nos premier jours se passèrent.
Il avait une autre manie, c'est à peine l'aube pointant qu'il se levait pour aller courir autour de notre petit camp improvisé chaque soir, ce vieux sombre avait une bonne foulée, il me fut dur d'arriver à le suivre les premiers jours, moi entêtée et curieuse d'observer son étrange manège, Il semblait observer les environs, pister du gibier ou d'autres traces, ou tout simplement s'entrainer. Il s'est avéré que malgré mon attention à ne pas me faire remarqué, que cela fut en vain, Il avait aussi ce don pour me piquer à vif de ses paroles. Ce qui avait le don de me pousser à me surpasser et Il le savait.
Alors plutôt que de me cacher, c'est comme il ce doit que chaque matins à l'aube, nous nous entrainions, ensembles. D'abord à la course à pied et puis au combat. Il s'est avéré être bien plus costaud et plus redoutable de ses poings que de prime abord et ceci avec le temps, me fut inculqué tout comme avec le temps, mon corps de femme se sculpta.
En Lui, je trouva comme un Père, un Mentor et sous sa tutelle, je devint femme, une femme qui même sans l'avouer, lui inspirait fierté et affection, mais même en lui inspirant cela, ce sombre, je le sentais, souffrait au fond de lui.
Jamais je ne sut ce qui le rongeait, mais ce qu'il aspirait de moi fut fait et il devait à présent s'en retourner à ses recherches. Malgré mes invectives pour l'aider, il refusa, prétextant devoir faire cela seul. C'est le coeur plus lourd que je ne voulait l'avouer, que je le laissa s'en aller ... C'est un nouveau chapitre de ma vie qui s'ouvre en cet instant, alors que sa haute silhouette disparait derrière une coline, mon regard se porta ailleurs et c'est songeuse que je me dit, qu'il était temps pour moi de m'ouvrir au monde, désormais que je suis prêtre à l'affronter.
" Ce n'est peut-être pas un adieu, petite filouse"
Non, Il n'avait pas intérêt. C'est tranquillement, que je reprit ma route, à nouveau seule mais accompagnée de tant de souvenirs pour au moins toute une vie et c'est avec de tels enseignements, que je choisis de devenir Yathrin, car Shilen se devait de ne pas être oublié, Elle se devait d'être représentée et priée, j'allais y veiller.