[BG Sombre] Thyr

BGs validés des joueurs

Modérateurs : Conseillères, Admins et GMs

Avatar de l’utilisateur
Ashren
Barion
Messages : 81
Inscription : mar. 23 juin 2020 à 18h05

[BG Sombre] Thyr

Message par Ashren » dim. 29 novembre 2020 à 22h21

Image
Nom : Methëllyth
Prénom : Thyr
Surnom : -
Titre : -
Age : 427 ans
Sexe : Masculin
Race : Sombre

Métier : Artiste
Compétences : Un long, mais utile, séjour en geôles aura appris à Thyr à celer ses principaux talents. S'il reste maître des ombres, il s'efforce néanmoins d'invoquer les créatures fort avenantes et cornues de ses désormais lointains cousins elfes. La matérialisation de son art lui impose également une certaine maîtrise des lames courtes. Les restes émoussés de son éducation lui permettent de manier d'autres armes, notamment l'arc, instrument utile à la chasse, qu'elle soit récréative ou de nécessité, avec le minimum de dextérité nécessaire pour ne point les retourner contre lui.
Métamorphoses : -

Alignement : Chaotique-mauvais
Guilde : -
Faction : -
Langues parlées : Commun, Sombre

Description physique : Pâle, élancé, presque émacié, d'aucuns pourraient confondre Thyr pour une apparition. Sa silhouette filiforme est supplantée par un visage dur, inexpressif si un rictus ne lui est forcé. Seuls l'Ombre et les Mécènes du Sombre peuvent espérer voir des expressions passer sur son visage. Thyr cèle ses avant-bras, meurtris par des siècles à porter des fers.

Caractère : Froid et distancié lorsqu'il est en recherche créative, Thyr devient particulièrement émotif dès lors que ses Mécènes lui permettent de matérialiser son art. Un temps prolifique et irréfléchi, Thyr aura côtoyé les geôles de Shel'Oloth pendant la majeure partie de son existence.

Situation financière : Thyr ne dispose d'aucune possession à son nom. Son train de vie dépend de celui de ses Mécènes.
Education et comportement social : Noble d'éducation, Thyr prospère dans les rassemblements mondains, parfaites occasions pour trouver de nouveaux Mécènes.
Popularité et/ou influence : Si ses créations furent connues par le passé, les geôles auront arraché à Thyr toute sa notoriété à mesure que ses années s'y écoulaient.
Pensée politique : L'autorité trouvant souvent un pendant d'inhibition, Thyr en rejette chaque forme de manifestation. Ses penchants anarchistes sont néanmoins tempérés par des impératifs artistiques : après tout, l'ordre permet de trouver des Mécènes, et l'effusion artistique, si elle n'est point maîtrisée, pourrait bien le mener à nouveau vers les geôles, tombeaux de créativité.

Croyances : Aucun culte ne saurait canaliser la passion de Thyr. Néanmoins, les Dieux, par leurs œuvres, leurs excès et les exploits qui leurs sont attribués, sont une source d'inspiration dont Thyr ne saurait se détourner.

Relations extérieures : Tout être tiers, quelle que soit sa race, ne se voit accorder que l'un de deux statuts par Thyr : Mécène ou Public.

Avatar de l’utilisateur
Ashren
Barion
Messages : 81
Inscription : mar. 23 juin 2020 à 18h05

Re: [BG Sombre] Thyr

Message par Ashren » dim. 29 novembre 2020 à 22h22

Image


Les geôles de Shel'Oloth


Des chaînes aux maillons entremêlés tintèrent. Bientôt, le son se fit plus fort, et son glas annonciateur du sort attendant le Sombre. Y aurait-il préféré la mort ? Peut-être, si moins d’incertitudes s’y terraient. Mais, assurément, la vie qu’on lui réservait désormais le priverait tant de l’ombre que de son art.

Des gardes guidèrent le Sombre jusqu’à des escaliers en pierre, mousseux par endroits, aux arêtes irrégulières, entamées par des siècles tant d’usage que d’érosion. Là, l’on guida le Sombre dans les profondeurs les plus obscures de Shel’Oloth, là où la Cité Sombre ne s’accommodait d’aucune lumière et s’efforçait d’étouffer celles de ceux qu’elle y jetait.

Thyr descendit les marches, les poings scellés devant lui et une lame pressée entre ses omoplates. Lentement, d’un pas digne qu’il ne saurait troubler par l’irrégularité d’une glissade, le Sombre s’enfonça dans l’obscurité qui le mènerait jusqu’à sa demeure pour les prochains siècles. Il perçut un crépitement derrière lui et, l’instant d’après, les ombres s’étendirent devant lui, mais pas elle : l’un de ses accompagnateurs avait jugé utile d’allumer une torche.

Alors, pressé par des gardes qu’une visite des tréfonds de Shel’Oloth semblait plus incommoder que celui qui y serait contraint, Thyr avança. L’air s’épaississait à chacun de ses pas, accablant les Sombres d’une odeur rance, entêtante. Un garde renâcla ; Thyr sourit.

Des vers dansaient dans son esprit. Seulement, il ne trouvait nulle ombre avec qui les partager.

Le prisonnier pressa le pas, renfrogné, s’épargnant un instant la pression d’une lame dans son dos. Mais, déjà, les gardes le rattrapaient, presque heureux de mener le Sombre à sa geôle si prestement.

Bientôt, le cortège arriva au bas des marches, à l'entrée d'un couloir humide, soutenu par une voute scellée de racines. Les gardes s’immobilisèrent un instant cependant que Thyr continuait à avancer.

« C’est immense », constata l’un d’eux en portant sa torche au dessus de sa tête.

Les ombres s’étirèrent, achoppant sur les huis et les renfoncements ponctuant les murs.

Un sifflement puis un hurlement parvinrent aux gardes. La flamme des torches vacilla. Rance, nauséabond, l’air ne cessait cependant jamais de circuler dans les geôles de Shel’Oloth, portant jusqu’aux condamnés sains les maux affligeant les autres.

« Ne trainons pas ici », commenta un autre garde.

Les Sombres acquiescèrent d’un hochement de tête et pressèrent le pas jusqu’à Thyr qui disparaissait déjà dans l’obscurité.

Le cortège reformé, les gardes et leur prisonnier progressèrent le long des cellules en considérant leurs occupants, prostrés pour la plupart. Quelques prisonniers, vifs, jetèrent leurs bras au travers de l’ouverture taillée dans leur huis, accès par où le geôlier leur dispensait leur infâme pitance journalière.

Enfin, Thyr et les gardes parvinrent à destination : un Sombre émacié, presque moribond, les attendait devant un huis grand ouvert, une lanterne à la main. Derrière lui, Thyr devina sa destination : une pièce minuscule, à peine assez large pour s’y tenir assis les jambes recourbées contre son torse.

D’un geste de la main, le geôlier invita Thyr à s’approcher de lui puis, quand il fut à portée, saisit ses avant-bras pour y inspecter ses fers et les runes précisément gravées dans le métal.

« Pas de magie ? » demanda le geôlier aux gardes.
« Pas de magie », confirma l’un des gardes. « Il est parfaitement inoffensif. »

Le geôlier soupira. Il détailla un instant les runes tracées sur les fers, comme pour se convaincre de leur efficacité.

« S’il était parfaitement inoffensif on ne le jetterait pas ici », commenta le Sombre émacié.

L’ombre d’un sourire passa sur le visage du condamné. Le geôlier fronça les sourcils et, d’une main ferme, guida Thyr jusqu’à l’intérieur de sa geôle.

« Lisez sa sentence », ordonna le geôlier. « Finissons-en. »

L’un des gardes s’avança de quelques pas, un parchemin à la main. Puis, fronçant les sourcils, il déplia le parchemin et le lut à la lueur de la lanterne du geôlier :
Thyr Methëllyth,
Né en Blancheterre de l’An 532,
Toi qui as commis de multiples meurtres ;
Toi qui as mutilé les corps de tes victimes ;
Toi qui as intrigué, trompé et manipulé ;
Toi qui n’es rien d’autre qu’un fou ;
Toi dont la turpitude est comparable aux pires bêtes enfantées par la déesse déchue ;
Toi que la mort délivrerait ;
Nous, peuple de Shel’Oloth, te condamnons à une éternité dans nos geôles ;
Nous, peuple de Shel’Oloth, te condamnons à survivre et à souffrir ;
Nous, peuple de Shel’Oloth, portons espoir que ton agonie sera éternelle.
Thyr sourit ; le geôlier rabattit l’huis derrière lequel Shel’Oloth l’avait jeté et affublé d’une sentence pluriséculaire. Déjà, geôlier et gardes s’éclipsèrent ; déjà, les ténèbres étendirent leur règne. Alors, un sourire aux lèvres, Thyr attendit, lové dans l’ombre de sa geôle dans l’espoir qu’elle le retrouvât. Seulement, les siècles se succédèrent et elle ne vint pas.


Image


Ombre, es-tu là ?


« Ombre, es-tu là ? » lança Thyr d’une voix mélodieuse.

Le sombre attendit une réponse quelques instants mais, comme depuis de nombreuses années, l’ombre ne lui répondit pas.

« Ombre, es-tu là ? » lança Thyr d’une voix mélodieuse.

Le vent porta sa voix jusqu’à d’autres cellules. Quelques grognements répondirent au Sombre. Mais, toujours, l’ombre, perdue dans les ténèbres, ne répondit point.

Thyr se racla la gorge et s’humecta les lèvres.

« Ombre, es-tu là ? » lança-t-il d’une voix audible par l’ombre et par lui seul.

L’ombre resta silencieuse, enfermée dans son mutisme séculaire. Un hurlement perça le silence, suivi du bruit distinctif de bottes frappant les pavés : les geôles de Shel’Oloth accueillaient un nouveau pensionnaire.

« Ombre, est-ce toi ? » demanda Thyr d’une voix rieuse.

Un nouveau hurlement lui parvint, comme en écho. Thyr secoua la tête : l’ombre n’hurlait point, ce ne pouvait être elle. L’avait-elle abandonné ?

Thyr porta une main à son visage, entraînant l’autre dans son mouvement, et détailla ses traits. Les années avaient altéré son apparence, mais nullement l’efficacité des fers lui meurtrissant les poignets. De son visage, Thyr fit glisser ses doigts fins vers son front, puis le sommet de son crâne. Il y trouva encore ses cheveux, quoique plus longs qu’il appréciait les porter, emmêlés et appesantis de poussière.

« Ombre, es-tu là ? » lança Thyr en faisant reposer ses avant-bras sur ses cuisses.

Mais, l’ombre ne répondit pas, et le Sombre sombra dans le sommeil.


Image


Un raclement tira Thyr de son sommeil.

« Ombre, es-tu là ? » lança-t-il d’une voix faible, enrouée.
« Sale fou », fit une voix glaçante familière du Sombre.
« Geôlier », soupira Thyr en constatant une écuelle devant sa porte.
« Mange, sale fou », souffla le geôlier en s’éloignant de l’huis. « Ton heure n’est pas encore venue. »

Thyr se traîna jusqu’à sa triste pitance, progressant à mesure que l’écho des pas du geôlier se faisait plus faible. Il se saisit de l’écuelle de ses deux mains et, timidement, la porta à ses lèvres. L’infâme liquide envahit sa bouche. Thyr en recracha une partie mais, conscient qu’il ne pouvait espérer mieux dans sa condition, avala le reste.

« Ombre, es-tu là ? » fit Thyr dans un haut-le-cœur en lâchant l’écuelle vide.

L’ombre ne répondit point ; le Sombre persévérerait.


Image


« Ombre, es-tu là ? » demanda Thyr pour la énième fois.

Le Sombre renouvelait son appel chaque minute, sans jamais perdre espoir d’enfin y recevoir une réponse. Puis, quand le sommeil le gagnait, il cherchait l’ombre dans ses rêves. Là, il la trouvait ; là, elle lui parlait. Mais, toujours, lorsqu’il s’éveillait, l’ombre se celait.

« Ombre, es-tu là ? » demanda Thyr le jour où son geôlier ne se présenta pas, et où il fut ainsi préservé de sa triste mais nécessaire pitance.

Quelques fracas parvinrent aux oreilles du Sombre cependant qu’il égrenait les minutes, les ponctuant de son perpétuel appel.

Quelques prisonniers s’agitèrent ; l’écho d’une plainte de protestation se réverbéra dans les geôles. Puis, bientôt, l’écho se fit appréhensif, jusqu’à se muer en une plainte d’effroi.

« Ombre, es-tu là ? » demanda Thyr le lendemain, peu après que son nouveau geôlier, un Orc trapu et ayant, sans doute bien malgré lui, doublé la portion allouée au Sombre, fût passé.

Excepté les appels de Thyr, seuls les murmures du vent parcourraient désormais les geôles. De tous les prisonniers, le geôlier Orc ne semblait avoir maintenu clos que l’huis du Sombre, désormais seul occupant des tréfonds de Shel’Oloth, seule victime de son air vicié et de son humidité moribonde.

« Ombre, es-tu là ? » demanda Thyr chaque jour encore, guettant une réponse qui ne lui parvint jamais.

Bientôt, les visites du geôlier se firent irrégulières. Puis, bientôt, Thyr fut arraché à sa cellule. Pour la première fois depuis des siècles, presque traîné par un Orc le saisissant par un bras, le Sombre marcha. Longtemps recroquevillé, Thyr délia ses membres dans un terrible craquement.

« Ombre, es-tu là ? » demanda Thyr en humant l’air.

Une odeur piquante parvint jusqu’à ses narines. L’Orc tira d’un coup sec sur le bras du Sombre, l’arrachant du sol pendant quelques instants pour le porter devant lui.

« Avance », ordonna l’Orc en désignant le couloir devant lui.

Tremblant, Thyr avança, sans parvenir à déterminer par quel miracle ses jambes réduites à la circonférence de ses os parvenaient à le porter. Lentement, Thyr progressa jusqu’aux escaliers. Là, il s’arrêta un instant, portant son regard vers la lueur perçant à l’angle d’un tournant.

« Avance », ordonna l’Orc en poussant Thyr, d’un ton neutre.

Thyr s’esclaffa en posant un premier pied sur les marches.

« Ombre, es-tu là ? » appela Thyr en souriant.
« Avance », répéta l’Orc de la même voix sans vie.
« Quel vocabulaire », constata Thyr en gravissant une nouvelle marche, néanmoins conscient du ridicule de sa remarque.
« Avance », scanda l’Orc avec monotonie.

Un sourire passa sur le visage du Sombre, qui réitéra ses appels à l’ombre à mesure qu’il s’éloignait de sa geôle et s’approchait de Shel’Oloth.

Enfin, Thyr parvint sur la grande place, et y trouva des Orcs. Le Sombre fonça les sourcils : les siècles avaient balayé la cité et la population qu’abritaient ses souvenirs. Bannières et étendards flottaient par endroits, ouvrages disparaissaient, dévorés par les flammes, par d’autres. Quoique pressé par son geôlier converti libérateur, Thyr détailla les lieux qu’il avait autrefois connu. L’architecture Sombre perdurait, mais il ne distinguait nul architecte.

« Avance », ordonna l’Orc en désignant un attroupement au pied des marches menant jusqu’au Temple de Shel’Oloth.

Soudain, la Cité s’ébranla. De profondes lézardes se dessinèrent sur la haute coupole de la cité Sombre, en faisant s’effondrer certains pans sur les habitations en contrebas. Les jambes de Thyr cédèrent sous son poids. A genoux, son regard tressautant au rythme des tremblements, le Sombre contempla la destruction croissante de la cité cependant que les Orcs s’organisaient nonchalamment.

Les tremblements s’estompèrent après quelques minutes. Thyr se redressa en grimaçant : la cité avait bien mieux résisté qu’il ne l’avait anticipé. S’il avait un temps puisé de l’inspiration dans son architecture angulaire, il espérait en trouver une nouvelle sur des ruines que le sort ne lui offrait malheureusement point le loisir de contempler.

Une main ferme le redressa.

« Avance », ordonna l’Orc en désignant le pied des marches menant jusqu’au Temple de Shel’Oloth, là où quelques membres de l’attroupement avaient disparu sous des éboulis.

Thyr progressa vers l’assemblée d’une démarche chancelante. Il observa un instant les Orcs s’organisant au travers de la Cité. La plupart, comme animés de volontés concordantes, s’organisaient en contingents avant de quitter Shel'Oloth en direction du Sud.


Image


« C’est donc votre fameux « monstre » », cracha un Orc en saisissant le visage de Thyr entre ses doigts épais. « Un sac d’os sans prestance. »
« Oui… c’est lui ! » fit une Sombre, d’une voix tremblante. « C’est un fou, un vrai danger pour Shel’Oloth et ses habitants en son t… »

L’Orc se tourna vers la Sombre, qui porta ses bras meurtris devant son visage aux pommettes tuméfiées et aux arcades sanglantes. Tremblante, elle se prosterna devant l’asservisseur, appréhensive de ses moindres réactions.

« Il n’a rien d’impressionnant », trancha l’Orc en reportant son attention vers Thyr. « Mais nous ne cherchons rien d’impressionnant, seulement d’utile. Sera-t-il utile ? »
« Oui ! » s’empressa de répondre la Sombre, toujours prosternée. « Je suis persuadée qu’il vous sera utile ! »

L’Orc renâcla. Il plongea son regard dans celui de Thyr puis, d’un mouvement du poignet, orienta le visage du Sombre de manière à en étudier chaque angle. D’un doigt rugueux, il dessina les traits de son visage, parfaitement visibles tant sa peau reposait directement sur son ossature.

« De l’indifférence », trancha alors l’asservisseur en relâchant Thyr. « J’ai déjà lu de la peur dans un regard, du dégoût, de la colère… Jamais de l’indifférence. »

Les lèvres de Thyr articulèrent quelques mots, inaudibles. Puis, son regard glissa sur la pathétique Sombre, toujours tremblante alors même que l’Orc ne lui accordait plus aucune attention, avant de passer sur les deux autres Orcs présents en plus de l’asservisseur, sur lequel son regard revint se poser.

« Piètres Mécènes », commenta Thyr cependant que son regard revenait sur l’asservisseur.

La Sombre tressaillit ; elle porta un regard empli de terreur vers Thyr. Soudain, les tremblements la quittèrent ; figée, elle contempla le sourire imprimé sur les lèvres de celui que les geôles de Shel’Oloth auraient dû sceller jusqu’à l’agonie. Figée, elle prit toute la mesure du poids des mots prononcés par le condamné.

Soudain, la tête de Thyr fut projetée en arrière. Il garda son regard rivé vers le plafond quelques instants, avant de le reporter vers l’asservisseur, qu’il gratifia d’un sourire ensanglanté. L’Orc lui asséna un nouveau coup, plus fort, qui le projeta au sol.

« Retirez-lui ses fers et donnez-moi un bracelet », ordonna l’asservisseur.

Les deux Orcs s’ébranlèrent. L’un d’eux saisit Thyr et, armé d’une clef aux motifs intriqués, le libéra de ses fers. Les sceaux glissèrent le long des poignets du Sombre, emportant avec eux des lambeaux d’une peau meurtrie par des siècles de friction, avant de tomber au sol dans un tintement sonore. L’autre Orc ouvrit un coffret et, sans cérémonie, présenta un bracelet à l’asservisseur.

Thyr se frictionna les avant-bras. Toujours souriant, son regard glissa sur la Sombre et les trois Orcs. Il prit une inspiration et, avec elle, renoua avec la force dont on l’avait privé plusieurs siècles auparavant, celle-là même dont l’absence avait confiné ses invocations à la vanité. Alors, Thyr se redressa, ponctuant chacun de ses mouvements de profondes inspirations.

Soudain, l’asservisseur lui saisit un poignet. Thyr grimaça au contact d’une paume rugueuse sur ses chairs à vif.

« Elle est très jalouse, vous savez », fit Thyr sans cesser de prendre de grandes inspirations.

L’Orc resserra sa prise sur le poignet du Sombre et, avec plus de précautions qu’il n’en avait démontré jusqu’à présent, en approcha le bracelet.

« Piètres Mécènes », répéta Thyr. « Vous ne méritez même pas son attention. »

Soudain, Thyr se débattit et, alors que son bras glissait hors de la paume de l’asservisseur, invoqua son alliée.

L’Orc rugit ; la Sombre écarquilla les yeux. Elle voulut hurler, avertir du danger ceux dont elle ne souhaitait pourtant rien d’autre que la mort dans l’espoir de ne point partager ce sort. Mais, déjà, l’écho d’innombrables incantations l’appelait. Déjà, l’Ombre répondait.

Avatar de l’utilisateur
Ashren
Barion
Messages : 81
Inscription : mar. 23 juin 2020 à 18h05

Re: [BG Sombre] Thyr

Message par Ashren » dim. 29 novembre 2020 à 22h22

Image


La première œuvre

L’Elfe gravit l’estrade qu’il avait pourtant lui-même érigée d’un pas hésitant. Perché, il la considéra un instant : quelques caisses, des planches de bois si mal ajustées qu’il pourrait glisser au-travers et des clous dépassant juste assez pour qu’il s’y écorchât les pieds. Tremblant, son regard glissa sur son compagnon, un Humain dressé face à lui, puis se fixa sur Thyr, assit sur une caisse à quelques pas de l’estrade, l’Ombre derrière lui.

Le Sombre considéra ses Mécènes. Blêmes, ils l’observaient en retour, et avec lui le charnier au sein duquel il siégeait. L’Ombre s’ébranla et, d’un geste, voila le visage de son Maître. Un bref instant, Ombre et Maître parurent communier. Puis, leurs pensées échangées, l’Ombre se retira, ne laissant face aux Mécènes qu’un Sombre aux lèvres finement étirées.

« Commencez », ordonna Thyr en s’emparant tant de feuilles que d’une plume à l’extrémité empourprée.

Les Mécènes déglutirent ; des gouttent de sueur perlèrent du front de l’un cependant que l’autre prenait une grande inspiration, saccadée par les milles soubresauts ponctuant chacun de ses gestes. Puis, avec leurs premiers mots, chacun tint siège à son innocence passée.

Image
L’Humain fait face à l’Elfe ; l’Elfe fait face à l’Humain. Leurs destins les contraignent ; leurs peurs les étreignent. Mais, ils ne peuvent se résoudre au mutisme, et bien moins à l’immobilisme : la vie n’est que mouvement et, pour eux, s’exprime en parlant.

HUMAIN
Ami, quel est ce destin dont Elle nous accable,
Nous qui, hier, partagions notre table ?
Pourquoi toute cette violence avons-nous fui,
Pour que dans ce charnier nous fûmes réunis ?

ELFE
Ami, nous avons fui Shel’Oloth,
Ce mouroir où des Orcs complotent.
Cet endroit où avant eux les Sombres,
Priaient Shilen dans la pénombre.

HUMAIN
Pourtant, n’avions-nous point couru ?
Abandonné vivres, compagnons et charrues ?
Alors qu’hier nous partagions notre prose,
Nous avons failli, pour que le destin là nous oppose.

ELFE
Je ne sais quoi te partager,
A croire que le sort s’est vengé,
Et que pour la chance dans nos vies accumulée,
Pour ne l’épuiser, ce sont les vers que nous devons manipuler.

Thyr fit claquer sa langue, insatisfait. Perceptible, tout autant que l’Ombre rodant dans le charnier, le claquement paralysa les Mécènes. Ils portèrent un œil tremblant sur Thyr qui, d’un geste, les invita à reprendre.


L’Humain et l’Elfe se détournent l’un de l’autre. Leurs regards fuient, leurs mains tremblent. Mais leur esprit reste vif, et leur diction ferme et appliquée.

ELFE
De quoi d’autre que notre malchance pourrions-nous deviser ?
Ah, peut-être de nos souvenirs, de notre troupe d’été ?
De notre rencontre nous, troubadours malaimés,
Qui, pour chaque vers rendu nous sommes appréciés ?

HUMAIN
Ou du temps que cette rencontre a accueilli ?
Celui où, par nos vers, nous devisions à l’envi ?
Celui où notre saine rivalité naquit,
Et où comme jamais notre public fut conquit.

[…]

HUMAIN
Ô, qu’ai-je aimé ce temps !
Les femmes dans nos lits, la gloire en avant !
Notre amitié fleurie, le rire des enfants,
Et des adultes tous les applaudissements !

L’Humain et l’Elfe se jettent l’un sur l’autre. La survie d’un seul contentera leur hôte.
L’Elfe resta bouche-bée, incapable de produire une nouvelle réplique. L’Humain l’observa et, lentement, alors que la sueur perlait sur son front et que sa vision s’embrumait, il tourna la tête vers le Sombre.
« Je ne peux pas faire face ! » s’exclama l’Humain, en pleurs. « Nous sommes comme des frères ! Vous ne pouvez pas nous forcer à faire ça ! »

Thyr l’ignora. Impassible, il indiqua aux Mécènes de poursuivre leur représentation d’un geste de la main.
L’Humain et l’Elfe se jettent l’un sur l’autre. La survie d’un seul contentera leur hôte.
« Non ! » hurla l’Humain en sanglotant. « Vous ne pouvez pas nous forcer ! »

L’Humain s’avança, s’approchant de Thyr d’une démarche plus tremblante même que l’estrade branlante. L’Ombre se manifesta derrière le Sombre, balayant d’un geste la pitoyable volonté du Mécène qui, hébété, recula jusqu’à revenir au centre de l’estrade.
L’Humain et l’Elfe se jettent l’un sur l’autre. La survie d’un seul contentera leur hôte.
« Respectez le déroulement de la pièce ! » s’énerva Thyr en présentant une liasse de feuilles empourprées.

L’Humain ploya, affaissé par la terreur lui enserrant les entrailles. Tremblant, frissonnant, pitoyable, il porta ses prunelles humides sur son compagnon Elfe, immobile à l’endroit de sa dernière réplique. Les lèvres de l’Humain s’entrouvrirent sans qu’il parvînt à articuler un mot. Puis il laissa reposer son menton contre sa poitrine. Il resta là, agenouillé sur l’estrade, ses loques déchiquetées et sa chair entamée par les clous, les bras ballants et l’espoir fuyant.

L’Elfe ne témoigna point des mêmes difficultés :

« L’on ne se connait que depuis trente ans après tout », commença-t-il d’une voix se mêlant aux murmures du vent. « Ce n’est rien dans ma vie, trente ans. »

L’Humain leva les yeux, incrédule. Déjà, l’Elfe faisait un pas vers lui, une lueur de folie dans le regard et un rictus déformant son visage. Déjà, l’Elfe lui portait un coup. Puis vint un autre, bientôt répliqué, accommodé de vaines excuses confrontées à d’inutiles supplications. Des os se brisèrent, s’enfoncèrent et transpercèrent la peau jusqu’à devenir autant d’échardes délétères que celles de la scène. Du sang coula, abreuvant l’herbe celée au vent et l’effusion artistique malsaine de Thyr. Là, sur une estrade qui aurait tôt fait de céder, l’Humain périt sous les coups de son ami Elfe.


Image
L’Elfe abat ses poings sur l’Humain, qui s’effondre. Il ne cesse son mouvement que lorsque plus aucun n’anime la piteuse carcasse de l’Humain : nul soubresaut, nul frémissement, point même un battement de cœur ne viendra plus ébranler l’éternelle condition de sa victime.
L’Elfe se redresse, triomphal. Des deux il n’en reste qu’un.

ELFE
Fin,
Fini,
Terminé,
Abandonné,
Toute vie t’a quittée !
Toi que j’ai tant aimé,
Ami, tu gis à mes pieds !
Vivant, ma faute je dois expier,
Pour que rien tu ne puis me blâmer !
Ton regard est vide, ton corps estropié,
Mais, de tes chaînes ne t’ai-je point libéré ?
Car si de mes mains ton corps j’ai décohéré,
De celles de ce Sombre aucun de nous ne vivait.
Courageux, j’ai choisi ma vie et terme à la tienne,
Choisi mes souffrances pour rendre les tiennes aériennes.
Remercie-la, Elle qui déjà t’accueille dans son doux Empyrée,
Car c’est moi qui de la passion d’existence n’a pu s’arracher !
Alors, pleures, ris, cries et maudis. Mieux ! Viens donc ! Punis ! Viens ma vie gâcher !
J’oubliais… Cela t’est interdit ! De nous deux moi seul conserve sa vie !
Et, déjà, l’Empyrée t’oublie pendant que ton ami savoure sa survie !

L’Elfe exulte sans pleine conscience.

Subjugué, presque satisfait de la prestation de ses Mécènes, Thyr applaudit.
Et, l’applaudissement comme un appel, le dernier pour saluer sur scène, l’Ombre surgit.
Sans un mot elle s’approcha de l’Elfe qui, sans qu’il la perçût, au fond l’espéra : sa tirade achevée l’Elfe périt.
Et, cependant qu’il se levait et abandonnait son œuvre, le Sombre laissa échapper de ses doigts fins les pages qui, à chaque réplique, il avait empourprées.

Des deux, il ne reste aucun.

FIN.

Avatar de l’utilisateur
Ashren
Barion
Messages : 81
Inscription : mar. 23 juin 2020 à 18h05

Re: [BG Sombre] Thyr

Message par Ashren » dim. 29 novembre 2020 à 22h23

Image

Être et paraître

« Fais donc un effort, tu ne peux point révéler ton aspect naturel », dit Thyr.

L’Ombre, incapable de parole, ne répondit pas, se contentant de mêler son essence à celle de son Maître.

La marche depuis les Terres Sombres avait été longue, assez pour que Thyr retrouvât le goût de son art et la vigueur qui l’animait autrefois. Seulement, cette fois il tempérerait cette vigueur, l’agrémentant de la raison qui lui avait fait faute durant ses jeunes années. L’isolement l’avait privé de son art, mais point de son esprit. Aussi, dans les geôles humides de la cité souterraine, il avait planifié, réfléchit et imaginé mille œuvres. Seuls les Mécènes lui manquaient désormais. Mais, là, au Sud de la frontière gardée par les Légions de l’Ouest, supplantée par le Fort du Mont Brumeux, il en trouverait. Seulement lui fallait-il maintenant passer cette frontière et, pour cela, celer la véritable nature de l’Ombre. Après tout, ne parviendrait-il pas à multiplier ses effusions artistiques aussi longtemps que personne ne se rappelait sa véritable nature, dont l’Ombre faisait malgré elle un parfait passeport ? Alors, il lui fallait altérer l’Ombre, la contraindre à une forme nouvelle.

« Allez, essaies donc d’adopter cette forme », demanda Thyr en traçant des contours au sol. « Tu ne dois plus te montrer, même quand tu es là. Et tu es toujours là. Alors tu ne dois pas te montrer ombre, Ombre. »

L’Ombre baissa son regard indistinct vers le dessin et y déchiffra les intentions de son Maître. Alors, elle disparut et trouva un instant refuge dans l’ombre de Thyr avant de reparaître. Nimbée de sa propre essence, l’Ombre se matérialisa à nouveau devant le Sombre sous des traits encore confus, oscillant au gré de chaque instant.

« C’est bien, continue », indiqua Thyr en souriant cependant qu’il étendait ses doigts fins vers sa compagne.

Le Sombre effleura l’Ombre encore indécise, presque incapable de fixer sa forme. Sa magie tressaillit, troublée par ce contact puis, soudain, s’estompa. L’Ombre disparut. Le cœur de Thyr s’emballa, étreint de la même solitude que lors de ses siècles en geôle. Mais, quoique le ressentit du Sombre fût plus prégnant, l’Ombre se manifesta derechef après quelques instants.

« Splendide ! Quelle saine réalisation ! » souffla Thyr, encore ébranlé. « Tu es méconnaissable, et si reconnaissable. »

L’Ombre n’avait plus rien de son nom : balayée son absence d’attributs, balayée sa volatilité, sa silhouette si confuse que d’aucuns auraient pu penser qu'une bourrasque aurait suffi à la bannir. Mais, conservée sa volonté délétère de servir son Maître, conservée son obéissance aveugle, le désespoir dont elle accablerait ses victimes, ses Mécènes.

Alors Thyr reprit sa route, l’Ombre, désormais Licorne, sur les talons.

Image

[Sous-classe : Elemental Summoner]