Message
par Aether » mer. 2 décembre 2020 à 12h38
le rituel de majorité
« Tu as bientôt 40 ans Nörïr, il est temps. »
En effet, il dut comme beaucoup de nains, passer son épreuve qui fera de lui un vrai Bolili et un nain respecté. Il pourra enfin porter le Kilt Bolili qui, depuis son plus jeune âge, le fascine et lui fait envie. Beaucoup de jeunes font leur épreuve en fonction de leur métier, mais, pauvre de lui, Nörir n’a pas eut vingt ans d’apprentissage, juste quatre frêles années, cela risquait de mettre la barre bien haute... Pourvu que Maphr soit indulgente pour son épreuve.
Le surlendemain, son père lui donna rendez-vous dans la grande plaine montagneuse qui borde le village. Ils étaient tous les deux accompagnés du vent d’été qui balaye bien souvent ses grandes étendues dans une sorte de cri étouffé.
« J’ai ton épreuve, mon père me l'a donnée ce matin. »
« Il a décidé que tu partiras sans arme et avec l’équipement basique du guerrier nain en quête d’une fourrure d’ours. »
« Un ours que tu tueras et dépècera avec les moyens à ta disposition. »
« Tu as jusqu'à l’été prochain, Jo. Passé ce délai, tu ne pourras jamais porter le kilt . »
Nörïr regarda son père et acquiesça doucement, réfléchissant déjà comment faire. Durant ces vingt années d’errance dans les montagnes, il en a croisé des ours, mais n’a jamais osé se confronter à ces forces de la nature. Tellement grands. Tellement Forts. Il a surtout entendu, plus jeune, des rumeurs de villageois s’étant fait littéralement décapités par la force brute de ces animaux. Lui qui d’habitude était plein de courage et de fierté, pour la première fois de sa vie, il commença à douter. Douter de lui et de ses capacités pour remplir cette tache. Il a beau être fort et connaitre les montagnes comme peu les connaissent : c’est un ours. Des animaux qui font quatre fois sa taille et autant de fois son poids, avec dans les muscles assez de puissance pour porter 6 nains.
Le lendemain, alors que le soleil somnolait encore derrière les montagnes, il prit son équipement et ses vêtements chauds en prévision de la prochaine année qu’il allait passer en altitude. Une fois sorti du village, il fit la liste de ce qu’il possédait, son père lui-même a décidé de lui préparer :
-une corde lourde et épaisse
-un briquet nain
-une gourde
-une flasque d’alcool fort
-des couvertures et habits chauds de fourrure et de laine
-des rations de viandes et poissons séchées
- et le célèbre Cor Bolili à la sonorité bien particulière.
Il soupira et entama la longue route qui le menait dans les montagnes qu'il connaissait si bien , prit un itinéraire simple visitant des anciennes caches à lui pour récupérer un peu de matériel supplémentaire, se maudissant de ne pas avoir laisser d’armes. L’automne passa et il n’arriva toujours pas à mettre la main sur l'un de ces satanés ours. Il avait pourtant minutieusement fouillé toutes les cavernes dans le but de trouver un animal en hibernation. Ainsi tuer la bête serait plus facile. Mais à croire que Maphr elle-même voulait tester ce Bolili en le confrontant à une bêtes réveillée.
L’hiver fut rude...très rude. Il dut sa survie à son expérience du climat et du milieu. Malheureusement cette saison fut encore moins fructueuse : les grottes, où se cachent habituellement les grizzlis pour hiberner, étaient toutes masquées par la neige. Ainsi pas moyen de savoir où sont ces bêtes.
Le printemps fut pour lui une chance car il rencontra la première de ces bêtes. A son grand dam, se fut une mère avec ses deux petits. Elle et lui étaient sur la hauteur d’une falaise, le fier Bolili armé d’un tronc pas trop épais qui lui servait de massue. Le combat fut d’abord en l’avantage du nain, malgré la férocité de la bête, celle-ci semblait plus préoccupée par la protection de sa descendance plutôt que par la sienne. Mais bien vite, l’instinct de l’animal ajouté à l’instinct maternel décupla sa force. Et le nain se fit arracher des mains son tronc qui se brisa en contrebas et il évita de peu les canines aiguisées de l’animal. Il recula encore un peu, à la limite de chuter, la femelle grizzli devant lui était dressée sur ses pattes arrières, le dominant de son imposante carrure. Habile, le nain tenta de se glisser sur la droite de l’ours pour s’enfuir mais c’était sans compter la hargne de la bête poussée par l’instinct de protéger ses petits.
Elle lui envoya un coup si fort dans le ventre qu’il crut y rester et il fut sans mal propulsé dans le vide. Deux branches de châtaigner furent d’abord les premières victimes du derrière alourdi par la chute du nain. Vint ensuite un frêle sapin que le nain tenta en vain d’agripper ; s’en suivit un frêne qui freina considérablement sa chute. Et le voila atterrissant de tout son poids dans un tas de mousse. Il resta de longues heures ainsi, se tenant l’abdomen et l’entre jambes en priant Maphr pour garder sa fertilité.
L’armure en plaque légère qu’il avait endossée était clairement enfoncée au niveau des abdominaux. Trois grandes griffes avaient réussi à pénétrer l’armure et lui déchirer la peau sur bien huit centimètres. Il gémissait, tout endolori par le froid, la douleur de la chute et du combat.
Il finit par trouver le courage de se lever alors que le jour commençait à décliner. Il marcha tel un animal blessé, meurtri. La nuit fut longue. Il se cicatrisa avec les flammes de son feu de bois rudimentaire et les désinfecta avec quelques plantes trouvées ici et là. Profitant pour se reposer un peu, jamais de sa vie il n’avait autant souffert. Il mit plus de deux semaines à se rétablir complètement de ses blessures, l’été approchait à grands pas. Il lui faudra trouver et tuer un ours sinon, jamais il ne sera un fier nain du clan Bolili.
Au matin de la troisième semaine, il prit la route des cols le menant vers des falaises escarpées où de nombreux arbres à baies sont présents en contrebas, un vrai buffet de roi pour les ours. Cette fois-ci, il calcula son approche avec méthode, utilisant tout d’abord un savant piège digne d’un nain permettant à l’ours d’être immobilisé avec la lourde corde qu’il possédait. Non loin de là, il prépara sur un promontoire des troncs pas plus grands que lui mais assez massifs. Il les récupéra un peu partout dans la forêt sur des arbres morts et autres arbres tombés. Il les empila sur le promontoire et amorça le piège avec de juteux appâts de baies, du miel bien sucré, du lapin et du poisson cuits et bien odorants. Émulé par la future bataille qui approchait, il prit soin de revêtir les peintures faciales du clan à base de baie bleue et de cendres, il se tatoua de façon éphémère les couleurs des ses ancêtres sur le corps.
« Pour l’honneur ! » dit-il, avant de continuer ses préparations pour la nuit.
Il prit son poste, enroulé dans la couverture, ayant une pleine visibilité alentour, restant immobile et silencieux. L’attente fut longue, très longue. Plus de deux jours passèrent mais enfin un ours massif arriva sur le piège, attiré par l’odeur. Il s’avança pour manger très peu, méfiant dans cette partie sauvage des montagnes, il n’était pas habitué à y rencontrer âme qui vive.
Le mécanisme de poulies se déclencha et, par l’inertie d’un tronc, vint immobiliser l’ours qui se débattit comme un diable, sa force titanesque faisant craquer la corde.
N’attendant pas plus longtemps, Nörir prit un tronc et avec la force et le savoir faire des hommes de son clan qu’il a tant vu faire plus jeune, le lança sur l’ours ! La gravité et la force du nain firent que l’ours hurla quand il prit le coup, se débâtant comme le farouche animal qu’il était.
Nörir prit donc un deuxième tronc puis un troisième un quatrième, un cinquième, tous furent jetés avec force et désespoir sur la bête dans le but de la tuer, l’animal vacillant mais n’ayant pas encore craché son dernier souffle. Le nain, plein de courage et de hargne, honteux de ses précédents échecs, descendit du promontoire avec son gourdin improvisé, profitant de l’étourdissement de la bête pour la frapper de toute ses forces dans la tête. Les coups plurent sur l'animal qui ne tarda pas à rejoindre le sol frais de la montagne. Essoufflé, Nörir attrapa un de ses outils de fortune, un caillou soigneusement taillé et l'égorgea immédiatement de peur que l'ours ne soit pas mort. Il entreprit de le dépecer dans la nuit, un travail long et fastidieux, surtout avec des outils nullement adaptés.
Le soleil se leva sur les falaises de la chaine de montagne quand retentit à travers les vallées et monts le bruit reconnaissable entre mille du Cor Bolili. Il y est arrivé enfin ! Nörir du clan Bolili a réussi son épreuve !
Il ne lui fallut pas un jour pour retrouver son père venu à sa recherche avec plusieurs villageois. Ils virent arriver le nain portant sur le dos la lourde fourrure et se servant de la tête de l'ours comme couvre-chef, le sang de la bête dégoulinait sur son corps le rendant encore plus sanguinaire et bestial, les peintures claniques sur son visage et le corps meurtrît et épuisé, les yeux brillants d’une vive volonté. Son père le prit dans ses bras, hurlant de joie, les membres du village attroupés autour de lui l’étreignirent tel un frère retrouvé.
Ils rentrèrent au village, Nörïr racontant ce qu’il a vu et vécu, ceux qui jadis ne lui prêtaient pas une oreille aussi attentive, dès lors, buvaient ses paroles. Les rumeurs allèrent vite et le nom de Nörir le tueur d’ours, ou le manieur de troncs, se fit entendre jusqu’à la capitale nain . Les banquets se succédèrent et Nörir, fier comme un coq, buvait et profitait de la vie avec ses frères.
Un soir, alors qu'un grand banquet était organisé en l’honneur de deux nouvelles épreuves accomplies, le chef du clan, le grand père de Nörir, fit son apparition dans la salle. Très respecté, le nain qui siègeait au Conseil de la capitale, s’avança en gratifiant d'un sourire chacun.
« NörirBoliliA'BoliliA'Kadengladd, le clan a décidé de faire de toi un "vrai" Bolili. »
Joignant le geste à la parole, il lui tendit un paquet portant les armoiries du clan. Nörir, les yeux presque en larmes, prit le paquet et, déchirant le sceau, l’ouvrit pour découvrir son kilt.
« Protège le fier secret comme tous ceux de ton clan Nörir, car aujourd’hui tu peux en porter le symbole. »
La nuit fut à la fois longue et courte en sommeil pour tous les nains et naines du village.
Dernière modification par
Aether le mar. 8 décembre 2020 à 18h02, modifié 1 fois.