Suriel Seth
Ma tenue parfaitement propre et ajustée, mes cheveux impeccables et mes bottes merveilleusement cirées, je suis fin prêt à me fondre dans les rangs pour accueillir mon supérieur. Ma main au salut militaire et mon dos droit n'attirent pas pour autant l'attention du tant respecté. Malgré tout, mes yeux ne quittaient pas celui qui avançait d'un pas sûr et rapide ne manquant aucunement de charisme.
— Mais pourquoi ne me remarque-t-il pas ? Suis-je sensée mériter son regard ?
Cela me frustrait profondément. Ces heures de préparation ne m'ont pas permis de sauver une seconde d'attention, au contraire, je n'ai jamais été aussi bien confondu avec le décor.
Il a pourtant incliné sa tête face aux autres, peut-être mieux gradés, certes. C'est à croire qu'il faille un titre pour être considéré par l'élite.
— Qu'à cela ne tienne, je ne suis pas aussi dévoué pour ne rien recevoir.
Il est temps pour moi de dépasser ce simple grade que j'occupe depuis toujours, ne serait-ce que pour exister le temps d'une vie, de marquer cette organisation de ma plume.
Le soir-même il me fallut un certain temps pour trouver le sommeil, mes pensées voguant d'un rêve à un autre, il m'était difficile de quitter des yeux cet objectif que je m'étais fixé quelques temps auparavant.
Cet objectif devint vite un idéal, puis une obsession, jamais je ne me serais crue aussi motivé. Je ne prêtai plus d'importance aux saisons qui s’enchaînaient à une vitesse de plus en plus accélérée. J’eus la chance d'apprendre dans les conditions idéales, ne vivre que pour s’entraîner, maîtriser, appliquer. C'était une source de soulagement qui me berçait chaque nuit après ces longues journées d'acharnement. Je ne visais que plus haut, plus loin.
La rumeur courait qu'une expédition sur le continent s'organisait tant bien que mal. Il était nécessaire de prêter main forte face à l'ire bestiale et il semblait que mon nom figurait tout en haut de la liste des désignés, certainement souhaitaient-ils envoyer les éléments les plus faibles en première ligne afin de jauger la menace. Tout ceci m'était invisible, innocent et naïf, ma chair ne valait guère plus que celle des traitres.
Mais elle était bien là, cette considération, je l'avais enfin, elle était là, logée dans cette enveloppe d'un jaune pâle et comportant un cachet à la cire rouge. Je la glissai à l’intérieur de ma veste près d'un petit carnet en cuir noir, la refermant soigneusement tandis que la neige tombait abondement. Mon sac était lourd, comportant mes affaires personnelles et mes armes. Me voilà, droit, le regard haut, j'avais atteint mon but et c'est une immense joie qui m'envahissait bien que l'appréhension la suivait de près. Seule la buée qui s'échappait de ma bouche me couvrait la vision de cette immense étendue d'eau sur laquelle j'allais m'aventurer très bientôt.