Message
par Brunozoe » dim. 7 août 2022 à 00h49
C'était une de ces soirées inoubliables... Une soirée parfaite où les vieux bourgeois ressassent, durant des heures et devant les yeux éblouis des jeunes chevaliers, leurs exploits militaires pendant des guerres depuis longtemps oubliées par le commun des mortels.
Affalée sur un fauteuil aux couleurs criardes, Marween écoutait sans vie, le Comte machin qui racontait et mimait, à grands renforts de gestes éloquents et de bruitages, le sauvetage, in extremis, d'un village de bouseux dans un pays vaguement isolé et éloigné... passionnant...
- Pfff qu'est-ce-que je fais là...
-Ton con de père nous a obligés à venir... On serait bien mieux à la taverne en train de picoler! Mais au lieu de ça on se tape cette réception de merde...-
Marwenn sourit. Ces soirées étaient obligatoires quand on est la fille d'un couple de bourgeois. Ses parents cherchaient désespéramment à gravir les échelons de la société. Sans trop y parvenir. C'était, aux dires de certains, le bon moment. Les lois de Sirius en 578 avaient offert de nouvelles possibilités pour les « petits peuples » et il fallait des chefs pour diriger les affaires elfes. Chacun voulait tirer la couverture et être l'un d'eux : « Il faut se montrer chez les nobles et aller dans leur sens si on veut en profiter » disait son Père. Évidemment... mais à la longue... Trop consensuel. Les nobles aiment le caractère et les idées nouvelles, pas les -suce boules aux dents longues ?- les gens arrivistes et effacés...
Parcourant la salle, Marwenn croisa le regard de son père. Ce dernier lui fit les gros yeux. Pas difficile de comprendre qu'elle devait rester bien sage ce soir... Elle lui sourit et fit un petit hochement de tête en guise d'approbation.
Non loin, le regard de Marwenn s'arrêta sur un groupe de dames élégantes concentrées sur des discussions intenses dont les thèmes devaient sensiblement tourner autour des tenues vestimentaires, de la coiffure du moment voire des dernières décorations à la mode... wahou !...
Plus loin, les jeunes filles de ces dernières, des greluches pomponnées, étaient visiblement elles aussi en pleine discussion philosophique sur un divan. Discussions parsemées de divers gloussements étouffés, de piaillements et de teints rosissants... vomitif...
Marwenn haussa un sourcil lorsque ce dernier groupe s'anima. Arelyn, la fille du comte se leva portée par les ricanements de sa horde de niaises. Elle se mua vers une petite estrade ou se trouvait des musiciens. Le comte, ravi, demanda le silence par la technique universelle qui consiste à faire du bruit avec son verre et un couvert quelconque. Une fois le silence obtenu, Arelyn entonna les premières mesure d'une chanson elfes. Un classique...
Ce fut un massacre ! Et elle y mettait du cœur ! Les elfes sont naturellement doués pour le chant... parfois la nature joue des tours. Marwenn ne put réprimer un rire qui se transforme bientôt en un fou-rire bruyant.
L'auditoire se tût.
La musique s'arrêta.
Son père ouvrit la bouche.
Les gens se tournèrent vers elle.
Le comte écarquilla les yeux et la jeune Arelyn devint rouge de honte puis de colère.
Vindicative, cette dernière descendit de l'estrade et, accompagnée de son essaim de mouches, se posta devant Marwenn :
- « Espèce de garce ! Tu n'es qu'une folle ! Une dégénérée ! Une timbrée ! Tu es une déviante pour notre espèce ! Tes parents et les personnes qui te connaissent ont honte de toi ! Ils ont même peur de toi... Tu n'as aucun ami, les garçon ne veulent pas de toi... Au yeux de tous tu n'es plus une elfe. Tu ferais mieux de fuir. Tu n'as plus rien à faire avec ton peuple ! » hurla t-elle avant de tourner les talons.
D'abord interloquée, quelque chose changea dans l’œil de Marwenn. D'un geste vif, elle se leva, saisit la première bouteille qui se présenta, et l'écrasa sur l'arrière du crâne de la fille du comte. Une fois sa camarade ensanglantée au sol quelques coups de pieds vinrent parfaire le tableau.
- « Marwenn... ». balbutia son père.
- « C'est Morwenn... mon nom c'est Morwenn ! »
Des histoires comme celle là, Marwenn peut malheureusement en raconter plusieurs. Après quelques jours dans une cellule fraîche. Elle fut priée de bien vouloir quitter Ceffedelen, pour l'ensemble de son œuvre, et de ne plus jamais y remettre les pieds. Les elfes étaient moins bienveillant dans leur sentence d'habitude. Son exclusion s'accompagnait bien évidemment des formalités habituelles : reniement de sa famille, excuses publiques et prison à vie si elle se repointait en ville.
Depuis ce temps Marwenn a une vie plutôt nomade, une vie d'aventurière, préférant ne pas rester trop longtemps au même endroit pour éviter les infortunes. L'Ire Bestiale, elle choisit de laisser les autres s'en charger même si elle a participé à quelques escarmouches ou petites batailles depuis l'arrivée des bêtes. Son nom n'est visiblement pas resté dans les annales.
Ça fait quelques mois qu'elle est arrivée à Giran. Ville qui semble être sa nouvelle demeure provisoire. Combien y restera t-elle ?
