Message
par Aelicia » mer. 24 août 2022 à 01h28
« Shashaaa ! »
Cette Shasha, c’est moi ! Petite crevette d’un peu plus d’un an. Et celui qui hurle mon nom, c’est mon père. Enfin, celui qui, par la force des choses, l’est devenu. Si ce vieil hirsute est en train de crier, c’est parce qu’à ce moment là, je suis en train de dévaler la pente en haut de laquelle nous nous sommes installé la nuit dernière, alors que je ne sais marcher que depuis quelques mois. Il a fallu une seconde d’inattention pour que je me faufile comme une flèche ! Avant d’arriver en bas, vous vous doutez bien que j’ai pris la plus belle gamelle de ma vie.
Vous me direz... Et ma mère alors ? Et mon vrai père ? Lui, aucune idée ! Sans doute mort avant ma naissance, sinon j'aurais eu une vie différente, vous croyez pas ? Ma mère , elle, coup du sort, ou destiné, est morte en me mettant au monde dans un coin reculé des plaines de Dion, en plein Rougefeuille de l'an 946. Par chance, pour moi, pas forcément pour lui, Philipe m’a trouvé, juste avant que je ne meurs de faim et de froid. Vous arrivez à imaginer vous, un vieux vagabond solitaire, qui se retrouve avec un nouveau né sur les bras ? Moi j’aurais payé pour voir ça ! Parait que quand il m'a mis la main dessus, j'étais bien maigrichonne et j'avais même plus la force de pleurer. Je vous rassure, je me suis rattrapée après !
Loin d’être un expert, il a fait de son mieux pour s’occuper de moi. La fermeture des frontières du Nord pour se couper du Sud et la disparition mystérieuse de l’Empereur Anastase II, l’année de ma naissance ? Pas connu... La chute des villes du Sud, une à une, entre 947 et 957 ? Pas connu... Il nous a maintenu sans cesse éloigné des villes et des conflits, préférant la nature à la civilisation. C’est lui qui a choisi mon nom, en hommage à sa mère je crois, enfin bref, peu importe. Je dis pas que j'ai eu la vie rêvée pour une petite fille, mais je ne me plains pas de ce que j'ai vécu. C'est sûr, c'était parfois chiant de devoir bouger tout les deux ou trois jours, même si c'était qu'à quelques heures de marche de là où on venait. Mais il disait toujours que bouger régulièrement, et ne pas s'enfermer dans une routine paisible, c'était les bases pour survivre au milieu de la nature, parfois hostile. Moi je pense surtout que c'était une question de nourriture ! Au bout de quelques jours, le gibier, il sait que t'es là et il se barre ! Pas bête hein ?
Si l’âge l’a emporté aujourd’hui, il a eu le temps de m’apprendre tout ce que je sais ! La chasse, la pêche, l’utilisation des griffes en cas de problèmes, la création de pièges pour gibier, l’établissement d’un campement, le dépeçage et la cuisine... Même de très légers soins à base de plantes. Tout le nécessaire pour survivre vous me direz ! Oui, mais pour survivre dehors, loin de tous. C’est vrai qu’on avait l’air de sauvage en un sens, mais c’était notre vie et bon sang, qu’on était bien loin des problèmes. On a passé notre vie à bouger dans le sud, sans jamais quitter les plaines ou les forêts, terrain idéal pour chasser. On a d’ailleurs, toujours su manger à notre faim, surtout moi ! Ce qui explique que... Je suis un peu rondelette...
Au final, j’ai toujours vécu recluse. Je ne connais pas grand chose des autres races, si ce n’est les Humains, parce que Philipe en était un. Il n’était pas aux faits des religions, si ce n’est les alternatives, alors compte tenu de notre vie, sans grande surprise, vous avez déjà compris que nous étions proche de Mère Nature. D’ailleurs, elle m’a offert le plus des cadeaux que j’ai jamais eu ! C’était pour mes douze ans. Je partais vérifier si nos pièges avaient attrapés quelque chose pour le repas du midi, quand j’ai entendu un drôle de bruit, au pied d’un arbre. Quand je me suis approché, j’ai trouvé une espèce d’oiseau. Il était pas bien vieux, parce qu’il avait même pas encore les yeux ouvert. J’ai essayé de repérer son nid, mais j’ai vu qu’un truc tout cassé, alors je l’ai ramené au camp du jour. Philipe à bien voulu que je le garde, à condition que je m’en occupe seule. Je crois que ça lui faisait penser à notre histoire à nous deux. Défis relevé ! C’était pas facile au début, j’ai cru qu’il passerait pas la première semaine, mais aujourd’hui, ça fait 8 ans qu’on est ensemble ! Finalement, c’était pas un oiseau, mais un rapace. Un magnifique hibou, qui au fil des années, a finis par prendre un peu trop de poids, comme moi... Y'a une espèce de lien qui s'est créé entre nous, comme si j'étais sa mère. On chasse ensemble, souvent. J'aime à croire qu'il est mes yeux dans la cime des arbres. Il a une sacré vue, surtout la nuit, et je vous raconte pas ses serres ! On partage nos prises, mais quand elles sont trop petites, je lui laisse. Aujourd'hui, il a un peu de mal à voler aussi longtemps qu'avant. C'est pas l'âge... Il parait que ça peut vivre jusqu'à 20 ans ses bêtes là ! Je pense juste qu'il est trop lourd pour ses petites ailes.
Et aujourd’hui ? Aujourd’hui j’ai posé mon campement proche de Gludin. J’ai 20 ans et j’ai toujours pas mis les pieds en ville. Aucune. C’est pas l’envie qui manque pourtant, mais... Est-ce que j’y arriverais, sans lui ? Je veux dire, sans Philipe, pour me guider et répondre à mes questions ? J’ai bien conscience d’avoir un bon nombre de lacunes alors justement, est-ce que ça pourrait pas être dangereux pour moi, au milieu des gens ? Et si mon manque de connaissance, me rendait insouciante, aveugle aux dangers ? La nature, les animaux, je connais. Mais les êtres humains, c’est tout autre chose. Oh et puis merde ! Je suis trop curieuse après tout. Et puis au pire, Serge est avec moi !
Nom : /