Sseren Linthre

Ici se trouvent les BGs des héros décédés, paix à leurs âmes.

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sseren
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Sseren Linthre

Message par sseren » mer. 19 mars 2008 à 17h41

~thème musical : KO-TO-WA-RI "In Memories" ~






Je vole au dessus d'un océan de ténèbres.

Au dessus de moi, une nuit sans fond.
L'espace me traverse à vive allure comme une comète noire dans un firmament sans étoiles. Loin devant, une lumière dorée déchire le temps. Je tends vers elle un bras qui n'existe pas. Je suis faite d'ombres.
Quelque part quelqu'un m'appelle et cette détresse me déchire en même temps qu'elle m'attire, et m'apaise.

Un hurlement de terreur qui émane de mon moi le plus profond fait voler l'horizon en éclats miroitants dans un silence assourdissant que nul bruit ne vient troubler, pas même le son de ma propre voix.
Alors, comme si on venait de me couper les ailes, je tombe.
Je file silencieusement, en chute libre: les lois de l'apesanteur reprennent leurs droits et l'océan de ténèbres m'avale, me malmène, m'emprisonne, me conquis.
Quelque part quelqu'un me regarde, observe ma fureur tandis que les ténèbres, en train d'emplir mes poumons, de me noyer, lui font plaisir.

Je rêve.



Mes paupières clignent.
J'ouvre les yeux pour la première fois.
Tout n'est que ténèbres. Encore.
Suis-je condamnée à rêver un rêve dans un autre rêve?

La sensation d'étouffement surgit à ce moment-là, m'arrache des larmes qui ne veulent pas venir. Je suis en train de m'étrangler.
Je roule sur le flanc et desserre les mains qui m'emprisonnent la gorge. Je tousse. Je crache. Un petit objet finit par tomber du fond de ma bouche, empli de salive sanglante. La petite chose est brillante, métallique, un bijou. J'ignore ce qu'il faisait là, coincé dans ma gorge, et pourquoi j'avais tenté de l'avaler, sans succès apparemment.
Je regarde la petite chose dans l'herbe, hésite. Finalement, ma main se referme dessus et je me relève.
Ma main.

Je la trouve si petite, si frêle.
Un bruit inconnu sur ma droite me fait soudain tourner la tête.
J'essaie de trouver un point de référence, de trouver des repères.

Mais cet effort reste vain.
Je suis seule, perdue en pleine nuit dans une forêt que je ne reconnais pas. Je me rends compte que tout me semble étranger. Tout jusqu'à moi-même. J'ai l'impression d'être une étrangère dans mon propre corps.

Pour une raison que je ne m'explique pas, je me souviens de tout, sans me souvenir de rien.
Je me souviens que le vent est le vent, que la chose douce et fraîche sous mes pieds est de l'herbe, l'ordre dans le quel se déroulent les Cycles et les Lunes, je sais qu'après cinq il y a six, puis sept et ainsi de suite... je me souviens de tout ce genre de petites choses, alors pourquoi je n'arrive pas à me rappeler l'essentiel ?
Comme si la vérité venait me marquer d'un fer rouge au milieu de mon front, elle s'insinue, insidieuse, dans mon esprit: j'ignore totalement qui je suis, et je n'ai aucun souvenir de qui je pouvais être, avant d'ouvrir les yeux dans cette forêt.

Cette pensée fermement ancrée dans mon esprit, je me rends compte qu'elle ne suscite pas d'anxiété en moi. J'ignore si je devrais m'en inquiéter d'ailleurs. Peut être parce que d'autres sensations viennent à moi, plus impérieuses: mon corps grelotte, j'ai faim et j'ai froid. Je suis nue, je n'ai pas d'habits pour me protéger de la brise qui souffle par petites bourrasques sèches.

Instinctivement, je me recroqueville sur moi-même. Je suis à découvert, dans une petite clairière. Il n'y a pas de lune dans le ciel, pas d'étoiles non plus. Le vent est contraire et emporte mon odeur au loin, je ne dois pas rester ici. Je décide de me diriger dans une direction opposée au bruissement que j'ai entendu quelques secondes auparavant. Sans un bruit, mon petit poing fermé sur la seule chose que j'avais sur moi, je m'enfonce dans la forêt.


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Murs lézardés, portes claquant au vent, meubles rongés par la décrépitude, tout n'est plus que ruine.
Je suis arrivée dans un petit village à l'abandon.
Il n'y a rien de bon à récupérer ou presque, pas de quoi me faire un vêtement, mais en revanche, un vieux tisonnier rouillé dont je compte me servir comme arme, ainsi que la pointe d'une vieille flèche brisée au niveau de l'empennage, trouvés dans des décombres.
Je ne saurais pas dire si j'ai réussi à me faufiler parmi les animaux sauvages jusque là, ou bien si ce sont eux qui m'ont évitée, ni même si il en existe réellement dans cette forêt. Mais les bruits soudains, les craquements sinistres et les plaintes lugubres sont là pour me rappeler que je ne suis pas seule.

Alors que je m'apprête à quitter le village mort, un éclair à l'intérieur d'une bâtisse attire mon regard. Prudemment, je vais jusqu'à la porte, hasarde un coup d'œil, m'avance finalement dans l'entrebâillement. Le plafond et tout un pan de mur se sont écroulés dans ce qui semble être le salon. Au fond une large cheminée de pierre. Au dessus, ce qui a attiré mon attention: un miroir brisé dont certains morceaux sont tombés au sol.
Je m'approche, fascinée par cette image éclatée de moi-même.
Je porte la main au visage de cette enfant qui me regarde avec mes yeux.
Elle me semble vaguement familière... Je dis "elle" car bien sur, je ne me reconnais pas.
Mes cheveux emmêlés sont longs et rouges. Mes yeux sont étranges mais je n'arrive pas à dire pourquoi. Un petit nez, quelques rougeurs, quoi de plus normal pour une gamine. Mes dents sont en bon état, aucune ne manque. Leur vision me donne une envie furieuse d'en faire usage sur quelque chose ou quelqu'un, de mordre.

Finalement, je renverse ce qu'il reste du miroir et brise les morceaux au sol avec mon talon, consciencieusement, pendant plusieurs minutes.
Le bruit des craquements du verre que je détruis me fait du bien.


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Cela fait plusieurs lunes à présent que j'arpente la forêt. J'ai découvert la raison pour laquelle il y a si peu d'animaux. Et probablement aussi pourquoi le village de l'autre fois était abandonné: la forêt est hantée.
Lorsque la lune est haute dans le ciel et que les rares loups qui rôdent encore dans les parages hurlent sans discontinuer, les esprits des morts surgissent dans la brume, et prennent la forme des êtres qu'ils furent de leur vivant. Ce sont pour la plupart, de simples âmes en peine, vagabonds éternels d'une errance sans lendemains. D'autres en revanche semblent animés d'un esprit malin. Ceux là semblent plus dangereux, et je prends soin de garder mes distances lorsqu'ils apparaissent.
Mais leur tourment, quelque part, me fascine tout en me dégoutant profondément.
Si j'avais eu autre chose que ce bout de ferraille rouillée, si j'avais été plus grande, plus forte, je me serais fait un plaisir de les renvoyer dans l'Oubli. Mais je n'ai pas tout ça, alors je me contente de les observer de loin.

Tout en poursuivant mon chemin, je me suis rendu compte de ces envies de destruction qui, telles les vagues incessantes d'une marée montante, viennent régulièrement s'écraser sur moi, manquant de me submerger. C'est un état que je ne pus bientôt plus attribuer à la fatigue. D'ailleurs, c'est à peine si je ressens cette dernière. Je sens que je ne suis pas au summum de ma force, mais malgré ces lunes passées sans manger, mes forces ne diminuent pas davantage. La faim elle aussi, est tolérable, reléguée dans un coin de mon esprit. J'ai fini par apprivoiser le froid, dont la morsure ne me fait plus grand chose.
Je ne saurais dire pourquoi également, je préfère me déplacer la nuit, telle une bête nocturne. Lorsque le jour est sur le point de se lever, je me trouve une cachette profonde, et sans m'en rendre compte, mes yeux se ferment et je dors d'un sommeil sans rêve jusqu'à la nuit suivante.

Je me dis que je ne suis peut être pas si différente de ces fantômes, qui errent sans fin.

Pourtant je continue à marcher, me dirigeant quelque part, sans trop savoir où mais en sachant pourquoi.

Plus que mes souvenirs, je sens au fond de moi qu'Il y a quelqu'un que je dois absolument retrouver, coûte que coûte, et que ce quelqu'un existe, quelque part.


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La sensation de glisser, doucement, inexorablement, prémisse à ma chute prochaine...
Non! Je ne rêve pas!



J'ouvre les yeux et me retiens de justesse à l'écorce de l'arbre mort dans les branches duquel j'ai trouvé refuge.
Mes blessures ont fini par sécher et la douleur que j'éprouve n'est qu'une douleur de principe.
Le jour s'est finalement retiré et la nuit commence à reprendre ses droits sur le monde.
Je regarde en contrebas et, comme je m'y attendais, la bête noire est là, attendant patiemment que je me décide à descendre, ou que je tombe de fatigue.
Il s'agit d'un loup, comparé à moi, pauvre gamine, il est énorme. Bien que ses côtés émaciés lui donnent une piteuse apparence, je sais que la famine qui le ronge le rend d'autant plus dangereux et tenace. Lui doit aussi savoir que l'un de nous deux devra forcément mourir aux griffes de l'autre, et il espère être le survivant, pour se repaître de ma chair tendre.
J'espérais qu'après l'avoir blessé à l'œil avec mon carreau de flèche, il serait parti se chercher une proie moins coriace, mais c'était sans compter sur la faim qui le tenaillait. J'ai cru perdre mon bras dans la lutte qui avait suivi notre rencontre. J'avais perdu le tisonnier dans la fuite.

Ça fait maintenant plus de cinq nuits que j'ai grimpé là haut et je me demande si j'ai finalement bien fait de me réfugier là, mon destin attendant au pied de l'arbre qui m'avait sauvé la vie, ce dernier m'apparaissant à présent comme n'attendant que le moment de me livrer à ma propre mort.


Je casse une brindille que je lance au loup, les sourcils froncés, et celui-ci se contente de regarder le morceau de bois s'écraser au sol près de lui, avant de retourner immédiatement son regard fixe sur moi, se léchant les babines.


Je m'apprête à passer encore une nuit, coincée là, quand soudain un bruit dans les environs nous interpellent, le loup et moi.
Quelque chose s'approche d'ici. Je crois d'abord qu'il s'agit d'un spectre, avant de me rendre compte que les spectres ne se baladent pas en sifflotant leurs mélodies.

Une silhouette encapuchonnée, bien matérielle, ne tarde bientôt pas à émerger du sous-bois. Plutôt fine, gracile dans ses mouvements, je sais qu'il s'agit surement d'un Elfe. Le loup grogne vers le nouveau venu, prêt à lui disputer la proie affaiblie que je constitue. Le nouveau venu s'arrête de siffloter en l'entendant, le considère un instant, immobile, puis tourne le visage vers moi.

Un Sombre.
Son visage lisse est impassible, inutile d'essayer de deviner quelles sont ses pensées. Je n'arrive pas à discerner son regard, dissimulé par l'ombre.

Il me considère un instant, puis son visage se reporte sur le loup. Soudain, il se remet à siffloter, et reprend son chemin comme si de rien n'était, passant sous les branches de mon arbre sans s'arrêter. Le loup couche les oreilles en grognant, mais n'ose pas l'attaquer.

Je remarque alors qu'à l'endroit où il s'était tenu immobile, le Sombre avait laissé glissé une petite dague, qui s'était enfichée dans le sol, que je n'avais pas remarquée tout de suite.
Pendant un court instant, plusieurs idées s'enchaînent dans ma tête. Je ne comprenais pas pourquoi, si il était armé, il ne s'était pas directement occupé du loup. Je considérais l'éventualité d'un jeu cruel, la dague qui était tout de même assez éloignée, servant d'appât pour me faire descendre de mon refuge, afin que le loup puisse enfin se jeter sur moi à loisir et me dévorer.

Je me tourne vers le Sombre, le dos de celui-ci s'éloignant déjà au loin. Il devient clair qu'il ne rebroussera pas chemin pour moi, quoi qu'il arrive. Je ne perds pas plus de temps: je peux le faire.


Un coup d'œil du côté du loup m'apprend que son attention est toujours détournée vers l'endroit où le Sombre a disparu, vers la menace éventuelle d'un rival qu'il représente. C'est la diversion qu'il me faut. Rassemblant mon énergie, je me précipite le long de la branche sur laquelle je suis assise, cours le long de celle-ci jusqu'à ce que je sente qu'elle ne supporte plus mon poids, sautant au dernier moment.

J'amortis mon plongeon en me roulant en boule et m'écrase au sol dans une petite pluie de branches sèches brisées. Le loup, surpris s'est retourné vers moi. Je ne suis qu'à trois mètres de la dague. Je m'élance en même temps que la bête. J'ai juste le temps de ramasser l'arme et de me retourner, les bras tendus devant moi, que l'animal me bouscule, et nous roulons tout les deux dans la poussière, dans une parodie de passion amoureuse.

Je me relève le visage couvert d'écarlate. J'ai chaud. L'adrénaline bat fort contre mes tempes. Un élancement douloureux à l'épaule m'apprend que le loup a eu le temps de me mordre, mais le sang sur mon visage n'est pas le mien. Je ne prends pas le temps de me tourner vers la bête, agonisante, la dague plantée dans l'épaisse crinière de son cou, gisant sur le flanc, agitée de spasmes.



Je m'élance à corps perdu.
Le sifflement lointain est presque devenu inaudible, mais il me guide. Je ne sais pas pourquoi, mais je coure. Comme si ma vie en dépendait, bien plus encore qu'au court du brutal affrontement d'il y a quelques minutes, où une seconde de retard aurait pu me coûter d'avoir la gorge broyée puis ouverte.

J'aperçois à nouveau la silhouette sur le chemin. Enfin je le rattrape. A bout de souffle je le dépasse et viens me placer devant lui, lui barrant la route.


Nous nous observons de longues minutes durant, sans rien dire.
Il finit par abaisser sa capuche et je peux voir ses yeux, d'un bleu acier calme et tranchant, vifs et tranquilles, doux tout en étant froids et inquisiteurs.

Je sais en voyant ce regard que c'est Lui.
Que je viens de trouver la personne que je cherchais sans même m'en rendre compte réellement.
Malgré la douleur encore cinglante dans mon épaule endolorie, je lève le bras et tend la main vers lui en faisant quelques pas en avant.

Il me regarde faire, immobile. J'ouvre la main et découvre le bijou qui ne m'a pas quittée depuis mon premier éveil.

L'expression de son visage semble changer subtilement, et il me considère à présent avec un regard différent. Posant genoux à terre, il avance lentement la main de sous sa cape, ostensiblement pour ne pas me brusquer. Mais je m'en fiche. Je sens pertinemment en moi que le bijou ne m'appartient pas, et qu'il vient de retrouver son véritable propriétaire. Le Sombre après s'être délicatement saisi du bijou, se met à le scruter avec minutie, comme un joaillier jauge la qualité d'un diamant rare.
Finalement il fait disparaître son poing fermé sous sa cape et reporte à nouveau son attention sur moi.
Il me regarde dans les yeux.
Je me demande ce qu'il y voit.

Il m'adresse alors pour la première fois la parole, s'exprimant en Sombre Parler, je comprends ses dires et la première chose qu'il fait pour moi, est de me donner un nom:

"Tu es Sseren, Linthre.

Tu ne devras jamais dire ce nom à quiconque, hormis ceux dans lesquels tu as confiance plus qu'en toi-même, et ils ne seront pas nombreux.
A partir d'aujourd'hui tu es ma Disciple.
Tu as en toi la Force. Je te ferai don de mon Savoir. Ainsi, tu seras à même de réaliser tes rêves, si tu le désires vraiment.
Et peut être qu'à la fin, tu découvriras la réponse à la question que tu te poses actuellement.
D'ici là, ne me tournes jamais le dos."


Puis il se relève, et pose sa cape sur mes épaules, couvrant ma nudité et dans le même geste, je sens une chaleur émaner de sa paume à travers le tissus, et la plaie béante laissée par la morsure récente se referme un peu, juste assez pour stopper l'épanchement de sang.


Un nom.

Sseren.

C'est la reconnaissance de mon existence qu'il venait de m'offrir.
Je me sens comme si je venais seulement de naître, en cet instant précis.
Le mot gratitude n'est pas assez fort pour décrire le sentiment que je ressens à ce moment-là. Pourtant, mes premières paroles pour lui, en Sombre Parler également, les premiers mots que je prononce depuis mon premier éveil dans cette forêt sont:


"Je Te Hais."
Dernière modification par sseren le dim. 29 juin 2008 à 13h54, modifié 2 fois.

sseren
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Message par sseren » mer. 26 mars 2008 à 20h20

~thème musical : Tori Amos - Carnival~

~I'll sing to the sun in the sky
I'll sing to the sun rises high
Carnival time is here
Magical time of year
And as the time draws near
Dreams fill my heart~




Nous sommes debout depuis quelques temps déjà et depuis les hauteurs des toits de ce hameau abandonné, tout est calme.
J'ai du mal à tenir en place, j'ai envie de gigoter, d'écraser quelque chose. Lui, derrière moi, a posé ses mains sur mes épaules. Quelqu'un qui nous verrait ainsi penserait à tord qu'il s'agit d'un geste d'apaisement, alors qu'en fait je me sens surtout prisonnière. Au loin, les premiers lueurs de l'aube pointent à l'horizon, je sens arriver ce début de léthargie que je connais bien.
Bientôt le jour va se lever, je n'ai pas de cachette où me réfugier, et cela me rend nerveuse, comme les mains sur mes épaules.

Ce Vieux Geyser... qu'a t'il en tête exactement?

C'est comme ça que j'ai décidé d'appeler le Sombre.
Un jour que je l'avais exaspéré plus que d'habitude, j'ai eu l'impression que de la vapeur noire lui sortait des narines des yeux et de la bouche tandis qu'il affichait un visage furieux comme jamais. J'ai même cru l'entendre siffler par les oreilles.
Je ne me souviens plus la raison de cette grosse colère, mais l'image, elle, m'est bien restée.
D'ailleurs quand j'y repense, ce n'était peut être pas qu'une impression.

La veille d'aujourd'hui, hier soir en fait, il est finalement sorti de la "chambre noire", après s'y être enfermé pendant cinq jours. Bien qu'il m'ai affirmé que lui, la faim le faisait souffrir, je me demande comment il a pu rester ainsi sans nourriture.
Impossible également de rentrer à sa suite pour voir ce qu'il faisait: la porte était bloquée j'ignore comment et elle n'a ni poignée, ni serrure.
Un mur qui pivote en somme.

Lorsqu'il est finalement sorti, il m'a surprise assise en face de la porte, les genoux sous le menton, à l'attendre.
Je voulais savoir.
Savoir ce qu'il avait fait, ce qu'il y avait derrière cette porte.

Il a sourit et m'a invitée à entrer.




Je me souviens les runes tracées sur les murs, le plancher, le plafond. J'avais déjà remarqué qu'il n'y avait pas d'interstice entre le sol et le bas de la porte et qu'elle fermait hermétiquement. Mais en voyant l'absence de bougie ou autre chandelier, je me suis rendu compte que la seule source de lumière de la petite pièce était celle provenant de la porte à présent ouverte. Une fois fermée on se retrouvait plongé dans les ténèbres. Le Vieux Geyser avait passé cinq jours et cinq nuits dans la plus parfaite pénombre.


Je le revois faire quelques pas dans la pièce, vers un coin sombre. Il me dit:

"Eless, as-tu peur du noir?"

Et bien évidemment, je lui réponds que non. Il m'invite alors d'un geste de la main à m'approcher. Je viens à son côté et regarde dans la direction où porte son regard, vers le coin de la pièce devant lequel il se tient. Je remarque alors qu'ici, la pièce est anormalement sombre. Comme si une ombre échappée de la nuit profonde était venue se calfeutrer là, en attendant l'occasion propice de se glisser ailleurs.

Le Vieux Geyser me dit alors:

"J'ai remarqué ton cycle jour-nuit que certains décriraient comme inversé, et ton aversion pour la lumière du jour. Comme cela pourrait poser problème dans le futur, j'ai pensé qu'il serait bon d'y remédier rapidement. Pourrais-tu tendre le bras?"

Je me contente d'obéir après un haussement d'épaules. Ma main tendue vers le coin d'ombre, j'attends.

Au début il ne se passe rien, puis je sens comme un picotement au bout de mes doigts, comme si l'air était devenu électrique. Je crois d'abord qu'il s'agit d'une hallucination, due au fait d'être restée longtemps à fixer un point imaginaire.
Mais non, il s'agit bien de ce que je vois: autour de ma main, les ténèbres se rassemblent lentement, comme un nuage de fumée en spirale ondulante, lentement.
Au fur et à mesure, l'ombre du coin de la pièce semble diminuer. "Ça" prend forme autour de mon poignet, s"épaissit, enveloppe ma main d'un linceul noir et luisant.

La surface est lisse, puis agitée, comme une seconde peau qui frissonne au moindre courant d'air. "Ça" laisse la sensation d'avoir plonger la main dans une eau glacée.

J'entends Vieux Geyser me parler, mais je ne peux pas détourner le regard de la Chose. Je tourne et retourne ma main pour en admirer les ondulations.

"Sous cette forme, c'est peut être un peu... voyant... trop brut. Concentres toi et imagines un aspect plus anodin. N'hésites pas à te faire plaisir dans l'aspect que tu veux définir. Evites tout de même les formes trop complexes." me dit-il.

Je pousse un soupire d'agacement. Ne peut-il pas cesser un peu? Je ferme les yeux, me concentre, serre le poing.
Je sens la Chose s'agiter entre mes doigts, mais rien ne vient dans mon esprit.

"Détends-toi, ça va venir tout seul... laisses faire ton subconscient, contentes-toi de rester concentrée..." me conseille-t-il encore.

J'ai l'impression d'être un sculpteur aveugle. Un sculpteur sur glace qui essaie de travailler sur de l'eau vivante. Je sens les muscles de mon bras se détendre peu à peu, mes doigts s'écarter. "Ça" remonte, glisse en silence le long de mon coude, de mon épaule, ma joue. J'ai l'impression de revêtir une manche liquide.
J'essaie de fixer mon esprit sur quelque chose. La sensation se solidifie. Soyeuse... Légère...
Soudain je la vois.
La forme.

Comme un écho, Vieux Geyser déclare:

"Excellent! je n'aurais pas pensé à mieux."

J'ouvre les yeux. Il tient devant moi un petit miroir de poche. J'ai l'impression désagréable qu'il avait déjà tout prévu. Mais ce n'est pas grave. Dans le miroir, je peux voir la forme que "Ça" a revêtu: une magnifique fleur noire, une Belle-de-Lune, semblant respirer d'elle-même, orne désormais ma chevelure écarlate.


-------------------------------------------------------------------------------------------------


Je repense à tout cela, debout sur mon toit, et le vagabondage de mes pensées me détourne le temps que ça dure de mon anxiété croissante.
Alors que le soleil n'a pas encore montré le bout de ses premiers rayons, je sens mes paupières déjà devenir lourdes et se fermer toutes seules.

Mon corps s'affaisse un peu, dans une esquisse de fuite, de rébellion, mais les mains sur mes épaules me maintiennent à présent avec fermeté.
Je ne veux pas être là.
Cette sensation de chaleur sur ma peau, étrangère et familière à la fois, la clarté qui s'annonce au travers de mes paupières closes. Je tire un peu plus, je grogne ma désapprobation à l'idée de découvrir ce qui pourrait bien se passer ensuite.
Je ne veux pas rester là.
Je me recroqueville sur moi-même, je commence à battre des mains et des pieds, furieusement. Je dois partir d'ici. Les mains qui m'agrippent ne veulent pas.
Elles ne m'empêchent pas de me débattre, mais elles m'empêchent de partir. La chaleur sur ma peau se fait plus dense, puis cuisante, j'ai l'impression de pouvoir voir les veines à travers mes paupières, mon champ de vision devient rouge et de petites étincelles dansent devant mes yeux. Protèges-moi. J'ai mal. Je m'arc-boute, griffe, et hurle. Je me souviens à peine d'où je suis. Pourquoi m'inflige-t-on ce supplice? Protèges-moi. La douleur me parcoure par vagues, mon corps ne m'obéit plus et n'est plus que spasmes disloqués, est-ce que je touche encore terre ou le sol s'est-il dérobé sous mes pas?Protèges-moi. J'ai l'impression de prendre feu sous la caresse du soleil. Je donnerais tout pour un refuge, une cachette, pour que l'ombre me -protèges-. et que la brulure s'éloigne de -moi-. .


.
..
...
Ne crains rien, Je suis là.
...
..
.
.



Comme un mauvais rêve, toute douleur a cessé.
J'ai les yeux qui piquent encore, mes paupières clignent sur ce spectacle étrange: mon premier levé de soleil.
Instinctivement, je porte la main à mon visage, mes yeux: une surface à la fois dure et souple recouvre ma peau, mes joues, mon front. On dirait du cuir.
J'ai peur d'avoir réellement bruler mais l'inspection de mon épiderme au niveau de mes mains, de mes bras m'apprend qu'il ne m'est rien arrivé de tel. Seul mon visage semble recouvert de cette fine croûte. Comme une seconde peau. Je passe soudain la main dans mes cheveux: "Ça" n'y est plus.
Je commence à comprendre, à faire le lien avec cette fine couche protectrice, ce "masque" qui me recouvre partiellement le visage.

Je remarque alors que je suis assise.
Je me retourne vers Vieux Geyser, qui ne me tient plus. Il porte les stigmates de ma furie récente aux bras et un peu au visage aussi.
Comme il me regarde d'un air satisfait et qu'il n'a pas l'air d'être mourant je hausse les épaules et me détourne. Le disque solaire est là, suspendu dans le ciel. Bien que je me sente vidée de mes forces, grâce à cette nouvelle "carapace", j'ai l'impression que je pourrai le vaincre à nouveau, encore et encore.
Je n'ai pas saisi tout ce qui s'est passé, quelles étaient ces voix qui raisonnaient dans mon esprit, mais pour l'instant, ce n'est pas grave.

Dans le petit matin de ce hameau, depuis les toits abandonnés, tout est calme.
Dernière modification par sseren le dim. 29 juin 2008 à 13h53, modifié 2 fois.
Souviens toi, Le rêve que tu faisais, avant que tu naisses, Ce rêve a fini par mourir~ Viens, touches la chaleur qui traverse mon esprit, Viens, n'aies pas peur si mon sang coule~ Emportes ton cœur là où le cri résonne, Emporte-le jusqu'à la fin

sseren
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Message par sseren » ven. 4 avril 2008 à 14h48

~thème musical : Darling Violetta - A Smaller God~

~In the violent silence
Of a dream within a dream
[...]
I'm sinking in the roses
Falling down to fade away
The velvet blade of apathy
Makes the crush so bittersweet
(CHORUS)
And I, I could have died last night
But I heard the voice of a smaller god~







Je m'éveille au milieu du village abandonné de la première fois. Il fait nuit noire. La forêt hantée est calme. Il n'y a pas un bruit, pas même le vent ne souffle comme si il avait peur de briser le silence. Allongée sur le dos, j'observe le ciel dépourvu d'étoiles et j'ai l'impression que lui aussi, tout là haut, me regarde.
Je me demande ce que je fais là.
J'essaie de me lever, me redresser mais je n'y arrive pas: quelque chose me retient au sol.
J'essaie de voir ce que c'est, mais mon regard est fixé sur ce ciel noir, ce néant nocturne a quelque chose d'hypnotique.
Mais je peux les sentir: les liens qui me rattachent à la terre sont comme des serpents silencieux qui glissent sur mes chairs, mes poignets et mes chevilles, autour de ma poitrine et de mon cou. La sensation est la même que lorsque Ça avait grimpé le long de mon bras pour prendre la forme d'une fleur dans mes cheveux. Quand était-ce déjà? C'était il y a une éternité...
Que s'était-il passé entre ce jour et aujourd'hui? Des images vagues et rapides me reviennent, je n'ai pas tout oublié cette fois-ci: comme dans un kaléidoscope lumineux et chaotique, je revois pèle-mêle Drakan qui attend pour emmener Aigle de Givre chasser , il y a aussi l'enlèvement par Oncle Un Oeil qui a mal tourné, des images de plumes blanches qu'on arrache par poignées, Deux grands yeux argentés tapis dans la crevasse des montagnes, une Main qui s'enflamme dans un temple isolé de tout...

A ce souvenir, je sens comme une douleur me traverser l'esprit, comme si quelque chose voulait s'en extraire de force.
J'ai l'impression qu'on m'ouvre le crane à vif, par vrilles successives, je ne le vois pas, mais je sens que le coeur de Ca, de la fleur noire se fend en deux, écartant ses mâchoires et une chose ovoïde aux oscillations saccadées s'en extrait à moitié. C'est un Oeil.

Puis comme pour lui faire écho, le ciel noir s'ouvre comme si il s'agissait de deux paupières géantes, et un Oeil identique, immense, écrasant, apparait.
Il me regarde, je me regarde, je me vois à travers son regard, c'est moi là haut qui m'observe moi, toute petite, là en bas.

Mais cet Œil ne m'appartient pas.


Au Moins Es-Tu Capable De Réaliser Jusque Cela. tonne une voix désincarnée dans un vacarme emplissant le ciel, comme un grondement de tonnerre qui ferait trembler le monde.

Les paupières géantes se plissent un instant et l'Œil m'inspecte et il voit tout, impitoyable. A travers lui, je vois mon corps, et je me rends compte que je ne suis qu'une petite silhouette sombre, que les ténèbres se sont enroulées autour de moi comme si une araignée géante m'avait emprisonnée dans un cocon de fil noir et luisant. A la surface de ce cocon, seul l'Œil situé à l'endroit où se tient normalement ma fleur noire, réplique miniature du Géant céleste, affleure, des crocs acérés ponctuant ses rebords.


Bien Que Tu Ne Puisses Te Souvenir, Ta Vraie Nature, Tu Ne Peux l'Oublier... Le Temps Approche... Et Je Suis Toujours Là...


Je mords dans les ténèbres, déchire de mes dents les ombres qui m'emprisonnent la bouche et répond par un hurlement bestial, un déversement continu de haine primaire et de révolte sauvage.



En sursaut, je m'éveille, pour de vrai cette fois-ci.
Je suis affamée.
Je me redresse et m'assoit en tailleur, les jambes croisées sous moi, et je me masse les yeux avec les paumes de mes mains.

La voix dans mon esprit s'était trompée: je me souviens. Un peu. L'essentiel: son Nom.

K...

____________________________________________________________

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Souviens toi, Le rêve que tu faisais, avant que tu naisses, Ce rêve a fini par mourir~ Viens, touches la chaleur qui traverse mon esprit, Viens, n'aies pas peur si mon sang coule~ Emportes ton cœur là où le cri résonne, Emporte-le jusqu'à la fin

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Message par sseren » ven. 11 avril 2008 à 12h55

Souviens toi, Le rêve que tu faisais, avant que tu naisses, Ce rêve a fini par mourir~ Viens, touches la chaleur qui traverse mon esprit, Viens, n'aies pas peur si mon sang coule~ Emportes ton cœur là où le cri résonne, Emporte-le jusqu'à la fin

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Message par sseren » mer. 23 avril 2008 à 17h40

~thème musical : Tomoko Tane - Message #9~


~Remember now
The dream you had
Before you were born
The dream that has died out
[...]
Come and touch the feel of the heat going through my mind
Come and touch and don't be scared
If it's bleeding
[...]
Carry your heart to where you sense the cry comes from
Carry your heart till the end~








Toujours ce rêve. Encore.

Mon univers intérieur, si sombre et si obscur, est-il un reflet d'une réalité cachée dont je serais le seul témoin?

Suspendue dans l'espace, droite comme un i, l'océan de ténèbres qui s'étend à l'infini sous moi vient me lécher la plante des pieds et les orteils par vagues incessantes et glacées, caresses languissantes et douloureuses.

Le firmament sans étoiles au dessus de moi est oppressant. J'ai l'impression que si je bouge ou respire trop fort, le charme qui me retient dans l'air nocturne va se rompre et précipiter ma chute dans les flots sans fonds. Mon corps n'est qu'une petite silhouette noire, un négatif sur un tableau noir, et les ténèbres qui le recouvre me maintiennent ainsi, privée de liberté.


Malgré les apparences, malgré le fait que tout crie qu'ici, il n'y a rien d'autre que le Vide, le néant des Ténèbres, je sais qu'Il est là, K... quelque part, me guettant, me convoitant secrètement.

Que Tu Es Sotte, Créature...

Les quelques mots qu'il prononce font vibrer les parois invisibles de cet univers, comme si sa voix avait le pouvoir de se faire dilater l'ombre elle-même.
Et je commence à saisir ce que cela signifie. Pourquoi n'avais-je pas compris plus tôt?

Tu Ne Peux Projeter Ta Conscience Au Delà De Ce Que Tes Propres Perceptions Sont Capables De Saisir... Mais Il Est Temps A Présent...

Les paroles de Moro me reviennent, comme un avertissement que je n'aurais pas su écouter:

"Lorsque tes yeux se ferment, Petite Eless, tu changes. Tu parles dans ton sommeil, et ta voix n'est plus pareille."


Mes doigts accrochent l'air, je serre les dents, ne pouvant esquisser un geste, impuissante.

Tu Comprends A Présent, N'Est-Ce-Pas... Ce Que Cela Fait d'Etre Prisonnier... Tout Ce Temps Où Tu Etais Eveillée, Je Devais Attendre... Attendre Et Grandir... Attendre Que Tu T'Endormes A Nouveau... Attendre Mon Heure... Patiemment...

L'océan de ténèbres sous mes pieds prend de la force au fur et à mesure, s'agite, tourbillonne... L'écume noirâtre éclabousse mes mollets, mes genoux frêles.

...Oui... Toi Eveillée, J'étais Prisonnier De Ton Monde, Ta "Réalité" ... Mais Une Fois Endormie, Tu Dois Revenir Ici... Là Où Tout A Commencé... Où Les Rôles S'Inversent... Où Je Règne A Présent Sans Partage...

La Voix provient de partout et de nulle part à la fois. Je n'arrive pas à savoir où Il est. A quoi bon de toutes façons? Je ne peux rien faire...

Il Est Loin Le Monde De Lumière, Où Tu Peux Interagir... Tu Vas Rester Ici, Dans Mon Monde, Et Je Vais Envahir Le Tiens... Il Est L'Heure, Oui... Ce Corps Pour Lequel J'Ai Tant Attendu Me Revient... Lorsque Ces Yeux S'ouvriront A Nouveau, Ce Sera Pour Porter ~Mon~ Regard Sur Ton Monde...
Viens, Et Reposes A Jamais...


...et soudain je tombe.

Comme une chose désormais inutile, je chute dans un ralenti sublimant ma propre perte. Immobile, toujours droite comme un i, je sombre dans les flots désormais furieux, dans un éclaboussement d'un noir d'encre.

" L'Âme Sombr'Elfique est Noire comme le Coeur mélancolique de Shilen."

Pourquoi ces mots du Vieux Geyser me reviennent-ils maintenant? Je veux crier son nom, mais à peine ai-je ouvert la bouche que les ténèbres suffocantes m'envahissent, emplissant mes poumons, me noyant de leur matière insubstantielle et d'un froid brulant.


N'Aies Pas De Regrets... La Vie D'Antan... Les Souvenirs Que Tu Cherchais N'Etaient Qu'Un Fantasme... C'Est Ici, Avec Moi, Que Ton Existence A Commencé, Et C'est Ici, Avec Moi, Qu'Elle Va Finir...


J'ai les yeux grands ouverts, malgré la douleur des lames de fond balayant mon visage, comme des rasoirs lacérant mes pupilles sèches... j'ai les yeux grands ouverts mais je ne vois plus rien.

Mes paupières, lasses, ont envie de se clore.

L'immobilité forcée dans le tourment qui m'environne, l'océan de ténèbres se refermant sur moi avec la fureur d'une tempête, d'une tornade, m'épuise de toute force.
Je me sens tout d'un coup si fatiguée...

Oui... C'est Cela...C'est L'Heure De La Renaissance... Fermes Les Yeux... Une Dernière Fois...


Je sens la douleur, la morsure cinglante du froid s'éloigner, et je comprends que c'est la fin. Comme un rideau que l'on tire sur une scène, mes paupières se rabattent sur mon existence... Que puis-je faire d'autre...

Puis je sens sa présence.
D'abord diffuse, puis irradiante. Une Etincelle dorée embrasant les ténèbres. Et je l'entends, j'entends Sa voix, l'Autre Voix, chaude et claire. Je Sens Le Monde éclater autour de moi, les ténèbres se tordre et s'enrouler, je me sens m'élever à nouveau... Ou bien est-ce moi-même qui explose ainsi?

Ses mots sont plus qu'un réconfort, qu'une prière ou qu'une aide. C'est un Ordre:




Je Suis Là. Alors. Ouvres Les Yeux.

Et


~Bats Toi~










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Message par sseren » dim. 29 juin 2008 à 20h36

~thème musical : THANATOS - if I can't be yours~


~Now its time, I fear to tell
I've been holding it back so long
But something strange deep inside of me is happening
I feel unlike I've ever felt
And its making me scared
That I may not be what I think I am~




J'ouvre les yeux.


Je me sens plus légère, et à la fois plus lourde, comme si je coulais au fond de moi-même.

Un peu comme cette image de moi qui s'enfonce petit à petit dans une flaque d'Ombre, par terre là où Nous nous tenions auparavant...

Une seconde... Nous... ?


Je serre les poings sur la garde, et une sensation immédiate de bien être me parcoure, m'envahit, remontant du bout de Nos doigts, le long de Nos paumes, jusqu'à Notre échine...

Penchant la tête en arrière, un souffle vaporeux s'échappe à travers le casque.
Une sensation de puissance insoupçonnée...

Nous regardons cet ancien "Moi" unique qui fini de disparaître, une main tendue vers nous, comme un appel, ou bien est-ce un regret?
Nous ne pouvons nous empêcher de sourire...

Un appel au loin nous intime de partir sans tarder, comme une faim dévorante qui se serait emparée de Nous, un frisson reptilien, une attente, un Désir, cette odeur cuivrée que je connais si bien et qui en cet instant nous fait cruellement défaut.

Nous fermons les yeux, et la vision à travers le casque s'obscurcit sur des rêves d'éclaboussures écarlates...

[ image externe ]


Tandis que je laisse les Lames jubilatoires se repaître du sang du moindre être vivant -ou mort-vivant- que Nous croisons sur notre route vers l'Est, je songe.

Je revois le Vieux, je revois l'Oncle, je revois Febofet et les amazones, Elle, ou Elles, Lui, l'Autre, les Autres et je me demande pourquoi les avoir épargnés.
Une vrille, un coup d'estoc et un nouvel être mort la poussière. Est-ce vraiment si facile? Je me demande si ces pensées sont vraiment les miennes...

Nous les trouvons tellement futiles...


Le ballet meurtrier s'achève sur un nouveau massacre fumant et déjà nous nous tournons vers l'Est à nouveau, toujours vers l'Est.

Je sais que ce besoin de sang est tout à fait irrationnel, que je ne contrôle plus vraiment nos actes je sens que cette sensation de n'être qu'un prisme de conscience dans notre corps devrait me procurer autre chose que ce sentiment de familiarité, comme une correspondance longtemps oubliée.

J'essaie de me concentrer alors que nous embrochons le premier soldat elfique, et que les premières flèches viennent se planter dans notre armure, comme de petits dards d'insectes nuisibles.

Mais j'ai du mal. Alors nous remettons la réflexion à plus tard, pour nous plonger à corps perdu dans la bataille contre les gardes-frontières des avant-postes du royaume sylvain.

Après une lutte acharnée mais qui nous parait encore trop brève, le dernier Mortel s'effondre dans un râle qui nous ravit. Dégoulinantes de fluide vital, nous enjambons les derniers cadavres de ce nouveau carnage, vers l'Est, toujours vers l'Est: si nous ne tombons pas sur de nouvelles embuscades, nous devrions arriver à la capitale elfique avant qu'il ne fasse nuit noire...

[...]


Je mis du temps à comprendre que l'Esprit des Epées ne m'habitait plus. Je m'étais habituée à cet espèce de "Nous" royal et si ce n'était cette sensation de lassitude grandissante et de lourdeur oppressante, j'aurais sans doute continuer de courir jusqu'au Village...

Ce qui me trahit fut d'abord le fait de ne pas retrouver ma taille initiale. Je sentais confusément mon armure-carapace, tout aussi lourde mais qui ne ralentissait en rien ma foulée. Ce fut la rapière au bout de ce bras démesurément long qui me mit la puce à l'oreille.

Je suspendais donc ma course nocturne, le jour s'étant à présent retiré, et posait ma main libre sur ce qui aurait du être mon visage, ne trouvant que les arêtes dures d'un faciès orné d'arabesques tortueuses mais élégantes.

Je marchais à grandes enjambées jusqu'à un point d'eau.
Je me penchais sur la surface, dans un cliquetis métallique froid, et observait l'image que me renvoyait ce reflet.

Ce qui me surprit le plus fut l'absence de surprise en découvrant ce nouvel aspect de mon corps.

Etait-ce du à la ressemblance singulière avec l'aspect revêtu par l'Esprit quelques instant auparavant? La forme des ailettes, les gravures délicates, la forme des Epaules...

Peut être était-ce un Don que l'Esprit des Epées Sanglantes m'avait offert pour l'avoir si bien servi dans son banquet macabre.
Peut être n'avait-il fait que révéler un aspect profondément enfoui de ma Nature...


Repensant à une certaine conversation, je me demandais un instant si je conserverais longtemps ce nouvel aspect avant une nouvelle évolution éventuelle, et je me surpris à songer à ce que cette personne pourrait dire de mes nouveaux "attributs".

Se pouvait-il que je devienne sentimentale...


Je me relevais en silence.
Je tournais mes pas vers le Nord: la douce image de la mise à sac de la capitale elfique pourrait attendre.
Pour le moment il me fallait trouver le Vieux Geyser, quelqu'un qui saurait me fournir des réponses...

[HRP: Utilisation de la possession RP par les Epées Démoniaques Akamanah pour l'apprentissage de la transformation: Lilim Knight]

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Message par sseren » lun. 22 septembre 2008 à 18h58

[La Geste des Seren Taira]



"Le Son de la cloche du temple caché de Rune

répercute le caractère éphémère de toute chose;

les couleurs des fleurs de mandragore révèlent la vérité qui veut que tout ce qui prospère

doive un jour décliner.

Les fiers ne peuvent le supporter, ils sont tels un rêve fugace au cours d'une nuit de printemps;

les forts tombent, enfin, simple poussière au vent."
Dernière modification par sseren le jeu. 25 septembre 2008 à 16h03, modifié 1 fois.
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Message par sseren » jeu. 25 septembre 2008 à 16h03

[La Geste, suite]


Encore ce rêve...

Alors que je traverse le monde comme dans un songe éveillé, mes réalités nocturnes prennent des airs d'inconnue, peuplée de fantasmagories.

Je marche toujours au dessus du vide, mais la sensation n'est pas la même. Ici souffle une brise douce, et l'espace vibre d'une chaleur fragile.
J'entends cette voix au loin, toujours la même qu'aux premières nuits, celle des deux qui me rassure et me guide vers la lumière. Elle est noyée dans un flot d'autres murmures, qui la ramènent puis l'éloignent de moi, comme le ressac de la mer au creux d'une baie secrète...


"Tu es toujours aussi proche des animaux..." c'est Loup de Givre, j'acquiesce en silence, ceci est dans ma nature...

"Vulgaire humaine, pour qui vous prenez-vous? Vous faites couler mon sang..." c'est ce Sombre, Grahad, j'esquisse un demi sourire, la haine dans ses yeux est un nectar sirupeux que je goûte avec délectation...

"Vous ne verrez de moi que ce que j'aurai décidé de vous montrer..." ce jeune présomptueux, malheureux à la dague...
"La nuit vous m'auriez tué..." simple destin voilé...

"Je ne l'imagine pas. Je vis pleinement ma nature... " un prédateur racontant à un autre une histoire dans la nuit, comme l'on conterait à un loup immobile, sans en voir les crocs scintillants, ses propres aventures de chasse...


"J'attendrai..." des bras puissants qui m'enlacent, mais auxquels je ne puis m'abandonner...


.
.
.


Comme un rideau que l'on déchire, la toile du firmament cède, révélant un ciel de brume au fond duquel brille une lune aux reflets indigo. La forêt autour de moi raisonne comme un immense cristal noir, mais il n'y a pas de vent; une odeur de sel marin flotte,
je suis à Rune.

La voix se fait l'écho de pensées qui me semblent familières, mais qui ne m'appartiennent pas. Instinctivement, je sors mes lames.

Devant moi, s'avançant dans l'inconnu, se dresse cette femme. Elle est brune, me tourne le dos, s'éloignant. J'aimerais la devancer, voir son visage, mais tout les autres me retiennent ici comme autant de mains avides prévenant le moindre mouvement de mon corps.

"Ce bleu..." pense-t-elle

"Je l'ai déjà vu..."

Tout comme elle, je porte une main à mon visage...

"Le masque m'empêche même de pleurer?... ou est-ce le vide..."

Je fais un pas, mais elle m'échappe, s'éloignant davantage, affrontant le regard unique de la lune.

"Je suis si seule... si triste..."

Un pas de plus, qui ajoute à la distance...

"Bientôt ces pensées auront disparu..."

Elle fait lentement glisser deux épées hors de leur fourreau, et ses lames sont frappées d'une ressemblance inquiétantes avec les miennes...

"Je reste ici..."

Elle adopte une posture agressive, ce positionnement fier et serein précédant le combat que je connais si bien, alors que je sens les ténèbres glisser vers elle, prêtes à l'entourer, la saisir...


"C'est ici que j'ai vécu..."



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Message par sseren » mar. 11 novembre 2008 à 20h54

~thème musical : The Rasmus - Sail Away (accoustic cover)~

~I'll sail away, it's time to leave
Rainy days, are yours to keep
Fade away, the night is calling my name
You will stay, I'll sail away~



Voici des lunes à présent que le Vieux Geyser semblait s'amuser à m'éluder.

J'avais fini par croire qu'il me connaissait si bien, qu'il en était devenu capable de prédire les moments où mes interrogations devenaient pressantes, disparaissant à point nommé de la surface du continent pour éviter de subir mon questionnement.

Peut être l'avait-il toujours été...

Sa dernière note à mon adresse restait cryptique à souhait. Je ne voyais pas en quoi me mêler davantage à la foule mugissante des créatures esseulées qui arpentent cette terre, pleins de fausses espérances, pourrait dénouer quelque fil de ma problématique intérieure...

Détourner sa concentration du sujet principal pour découvrir éventuellement une solution semblait une parabole de vieux sage croutonneux, mais me paraissait surtout dénuée de tout sens pratique.


Je songeais à tout ceci, et pourtant j'étais bel et bien là, détaillant cette Sombre au cœur pétri par la vengeance et aux paroles teintées des accents de l'anarchie. Je songeais à cela, aux ambitions du jeune Prince et au destin que ces deux êtres si éloignés s'étaient déterminés à accomplir.

La volonté...
Combien pouvaient encore se targuer de l'avoir?

Peut être la sagesse derrière les paroles du Vieux Geyser commençait-elle à se faire moins opaque à mes yeux...

Cette Sombre se faisait appeler Felohara et j'avais croisé certains des siens, je les avais vus à l'œuvre, observant.
Bien que j'ignorais encore ses circonstances, le parfum de sa rage intérieure avaient ce côté enivrant et douceâtre que je ne rencontrais qu'en ceux qui avaient connu les morsures amères de la vie.

Je lui fit remarquer à la fin de notre entretien à quel point il pouvait être ironique qu'un marin, l'arpenteur des mers par excellence, ait pu quérir un être tel que moi, aussi changeant que le vent, pour l'aider à passer les terres de ce continent par l'acier et les flammes...
Ma nature étant ce qu'elle est, je lui demandais le prix qui serait consenti en échange.

"...ma vie reposera entre vos mains." m'assura-t-elle, après avoir pesé ses mots avec attention. Quelques clauses supplémentaires vinrent consolider le Pacte, mais dans son essence, ce dernier était conclu...



Quelques lunes plus tard, je déposais dans l'une de mes remises mes lames ainsi que mon lourd équipement de duel, troquant le tout pour une tenue et une arme plus légères adaptées à l'environnement marin.

Jetant un regard en arrière sur les hauts remparts du port de Rune qui s'éloignaient dans l'ambiance calfeutrée du petit matin, je mis le pied sur un navire faisant voile vers les terres du Sud dès le lendemain...


Dans la tranquillité du jour naissant, la piraterie semblait encore être quelque chose de lointain...
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Message par sseren » mar. 23 décembre 2008 à 18h43

~thème musical : "Here comes the King" ~




Le rêve de cette femme qui me ressemblait tant laissa un vif souvenir dans mon esprit.
Au point que des réponses me semblèrent plus que nécessaires.


Il était temps pour moi de retrouver le Vieux Geyser...


Posant les questions et recherchant les traces subtiles qu'il laissait de son passage, je le retrouvais dans les plus hauts étages du Monastère du Silence, où il avait installé son étude.
Penché sur des enluminures, je n'essayais même pas de deviser sur la manière dont il avait pu s'y prendre pour parvenir jusque là sans éveiller le courroux des gardiens.
Il ne sembla guère surpris de me voir, son tour habituel, et avant que je n'ai pu prononcer un mot, il tendit un doigt vers une carte, ainsi qu'une sacoche contenant quelques parchemins.

Je me saisis de l'ensemble et y jetais un oeil emprunt de curiosité.
La carte pointait vers une région presque inaccessible, tout à l'est d'Elmore, sur le territoire de Goddard.
Les parchemins ressemblaient à de vieux laissez-passer, des reliques datant de l'époque de l'Empire.
Sans échanger un seul mot, je quittais les lieux, laissant le Sombre à sa calligraphie minutieuse.
Après tout, s'il avait choisi de venir s'isoler ainsi, ce n'était sans doute pas pour en voir ses éventuels visiteurs briser le silence...



Mes pas m'emmenèrent dans les régions reculées de l'est du continent. Là bas, au milieu des canyons, je découvris l'entrée du Tombeau Impérial... Je me joignais à un groupe d'explorateur partis fouiller dans les galeries ancestrales à travers les hordes de créatures qui les avaient infestées. Je me frayais à leurs côtés un chemin jusqu'aux Sépulcres qui étaient la destination finale indiquée sur la carte.
Un être éthéré nous offrit d'ouvrir le passage, je quittais les chercheurs passé ce cap pour poursuivre en solitaire.


Les notes laissées par le Vieux Geyser m'amenèrent à une sépulture plus récente que par rapport au reste de l'architecture, bien que les inscriptions sur l'identité de la personne y reposant avaient été effacées.
Seules figuraient quelques marques, en Sombre, indiquant que la personne y séjournant était issue d'une grande famille de la noblesse de Rune, et y avait exercé des fonctions importantes de son vivant.

J'en descellais le couvercle, révélant ce qui semblait être le squelette d'une grande orc dans un linceul qui fut blanc un jour, ainsi que diverses babioles de valeur, une armure et des armes trônant à son côté.
Connaissant les artifices habituels du Sombre qui m'avait fait office de mentor, j'écartais tout ce qui encombrait la tombe pour tirer sur le linge mortuaire, éparpillant les restes de la dépouille.

Puis faisant jaillir une petite flamme dans ma main, je tendais le tissus, pour regarder au travers.

Un ensemble de signes scripturaux se révélèrent sur la toile à la lueur de la flamme magique, un code dont je connaissais les clés et qui me permit d'identifier les coordonnées d'une île dans le sud d'Aden, au large des côtes des Plages aux Alligators.

Songeant aux trésors de précautions qui avaient été déployés pour protéger le secret autour de ce mystère, je mis le cap vers ma nouvelle destination.


.
.
.


Plusieurs semaines après l'épisode du Tombeau Impérial, une traversée du bras de mer séparant les côtes de l'île indiquée dans le message codé m'amena à accoster sur cette dernière grâce à une petite embarcation empruntée aux flibustiers. Après les derniers cycles passés à m'essayer au cabotage, la navigation ne me posait plus de problème, même en solitaire.

L'île était constituée de remparts naturels, de hautes falaises tombant à pic et battues par une mer qui semblait être en permanence agitée.
Seule une minuscule crique permettait un accès vers l'intérieur des terres.
Ne sachant sur quelle nouvelle bizarrerie j'allais tomber, je gravissais à pas mesurés le petit chemin de terre qui remontait depuis cette petite plage vers le sommet des falaises.

Ma cuirasse solidement harnachée, sur le qui-vive, mes pas m'amenèrent dans un petit vallon au centre duquel se trouvait un manoir dissimulé au regard de tous.
L'habitation, une bâtisse au style architectural peu commun dans ces régions plutôt empruntes du style elfique, semblait à première vue déserte, ses volets et les portes clos.

J'aperçus cependant une petite silhouette immobile se découpant sur le soleil couchant au sommet de l'une des falaises surplombant l'océan. Après un regard circulaire alentour ne révélant personne d'autre, je me dirigeais vers elle.


Les dernières lueurs du crépuscule dardaient leurs rayons sur l'horizon lorsque je finis de gravir la montée escarpée.


Elle était là.
Bien que je n'ai pu voir son visage lorsqu'elle m'était apparue dans mon rêve nocturne, je savais qu'elle était la femme dont la voix m'avait hantée par ses pensées, ses souvenirs, depuis mon premier éveil au sein de la forêt.

Sans ce lien intime, je ne l'aurais pas reconnue.
Qui l'aurait pu?

Prostrée dans une chaise roulante en ébène comme celles construites par les Nains pour les nobles devenus infirmes suite aux guerres, sa longue robe blanche de convalescence, dont le bas flottait légèrement au vent, avait peine à camoufler la terrible maigreur de son corps.
Avachie, ses mains recroquevillées dans son giron semblaient presque diaphanes, les veines bleues étaient boursouflées sous la peau; sa tête penchait maladroitement sur le côté, ses cheveux devenus longs, bien que soigneusement peignés et tressés en natte, conservaient une apparence filasse soulignée par leur couleur vaguement grisâtre.
Quel âge aurait-elle dû avoir? Dans les trente ans.
Elle en paraissait le double.

Son visage enfin, encadré par ces oreilles légèrement pointues que je connaissais bien, était toujours lisse, hormis quelques rides affaissées. Il était dénué de toute expression, morne et blafard, les joues creuses et les traits tirés comme après une longue maladie.

Son regard, devant lequel flottaient quelques mèches, était éteint, sans vie.


Cette femme n'était plus que l'ombre de ce qu'elle avait été, je m'arrêtais à quelques mètres de là, et je mesurais le vestige menu, chétif qu'elle était devenu.
Dépourvue de compassion, je restais simplement là, interdite. Ma longue quête subconsciente m'avait menée jusqu'à cette falaise longeant la mer agitée et à présent je ne savais que faire.
Qu'est ce que j'avais pu espérer trouver ici? Pourquoi m'avoir menée jusqu'à elle?
Je fis un pas de plus, m'approchant, et tout à coup ma perception sembla basculer alors que la dernière parcelle du disque solaire sombrait au fond de l'océan.


Le lieu prit soudain une allure irréelle, à ma droite par delà les vagues, le ciel et les nuages étaient teintés d'or et de flamme, des couleurs vives; à ma gauche, le bleu de la nuit qui glissait lentement vers nous était d'une profondeur obscure et semblait sur le point d'engloutir le monde dans les ténèbres.
En face de moi, au dessus de nous, une ligne mouvante et éthérée couleur émeraude venait d'apparaître, scindant le firmament en son centre: une aurore boréale...

Mon regard se détacha du ciel, pour se poser sur la femme. Mon imagination me jouait-elle des tours, ou venait-elle de bouger?

Mais non...

Immobile, je la regardais rouler la tête entre ses épaules, ses mains tremblotant légèrement pour chercher l'appui de ses accoudoirs. Ses orteils nus vinrent racler le sol, noyés dans l'herbe rêche couchée par une brise soudaine venue du continent et soufflant vers la mer.
Lentement, avec précaution et minutie d'abord, elle se pencha en avant, puis petit à petit, elle appuya sur ses jambes, le visage tourné vers le sol. Le ruban qui maintenait ses cheveux attachés se dénoua comme un oiseau s'envole à tire d'aile, et sa chevelure se mit à danser librement dans les airs en émettant des reflets argentés.


Tandis qu'elle se redressait, ses gestes prirent de l'assurance, gagnèrent en fluidité.
Les tremblements de ses membres cessèrent.
Comme pour une danse, elle leva les bras haut au dessus de sa tête, décrivant un large cercle dans l'espace.
A un moment elle se cambra, le visage basculant vers le ciel, et comme si le fil d'une épée invisible venait de fendre l'air, ses cheveux longs furent coupés nets au niveau de sa nuque, dispersés par le vent, tandis que leur couleur argentée cédait la place à une couleur plus sombre.
Sa longue robe blanche se déchira par endroits, avant d'être arrachée par une bourrasque qui la rabattit vers moi en tourbillonnant, faisant écran. Je tendis la main pour la rattraper au vol et l'écarter de mon champ de vision.
Lorsque je reposais les yeux sur elle, ce n'était plus la même femme.


Elle était à présent solidement campée sur ses jambes, une lame damasque dans une main, et une lame de Keshen dans l'autre. Son armure noire, étincelante, semblait avoir été forgée d'une pièce dans le même bloc de métal en fusion, et flamboyait à la dernière lueur de ce jour.

Son visage, serein, était encadré par un casque aux bords acérés comme les serres d'un démon de l'ombre, sa bouche aux lèvres carmines avait aux commissures cette assurance presque aristocratique que j'avais déjà pu apercevoir au coin d'un miroir...
Ses yeux enfin, écumaient d'une force intérieure incandescente qui semblait bruler d'un anneau d'émeraude le bord de ses iris couleur océan délavé.

Son regard me transperçait jusqu'aux tréfonds de mon être.

Elle dressa sa lame damasque vers moi, puis le temps sembla suspendre son cours. Je sentis la pulsation envoyée par mon coeur, comme si l'onde s'était propagée hors de mon corps, jusque dans l'espace, faisant vibrer l'atmosphère.
Le temps d'un battement de coeur, d'un clignement de paupière, d'une fraction de seconde et elle était déjà sur moi, sa lame fendant l'air en une trainée de lumière aveuglante pointée droit au centre de ma poitrine.

Ma réaction, instinctive, me laissa un goût amer et âcre: nul instant pour penser, mon corps ne m'obéissait plus,

j'avais eu peur.


Et tandis que nous nous faisions face, elle et moi, nos deux visages à quelques centimètres l'un de l'autre... la lueur dans nos regards enlacés, intimes... tandis que la lame droite et sûre pénétrait le coeur palpitant d'énergie jusqu'à la garde...

Je réalisais ce pourquoi j'étais venue jusqu'ici.


Dans cet instant de lucidité cristalline, je venais de comprendre qui était cette femme, et je venais de comprendre ce que j'étais moi-même.

K... qui soufflait sur les braises de mes pulsion destructrices depuis les premières nuits était la source de ma rage.
Elle, qui était la voix qui m'avait appelée, tirée des brumes de l'inexistence et de l'oubli, au travers du murmure de ses souvenirs passés, à l'aube de mon tout premier éveil... Elle était la source de ma force.

Alors que je réalisais à peine le lien qui nous unissait, ce lien venait, quelque part, d'être rompu.
Je réalisais que les dés avaient déjà été lancés, longtemps avant notre rencontre, et que j'avais posé et affirmé ma décision longtemps auparavant, chaque nouveau jour de mon existence, jusqu'à cet ultime pas fatidique où cette décision fut prise avant même que j'ai pu m'en rendre compte.

J'étais venue achever ce qui avait été commencé, et j'étais la seule à pouvoir prendre cette décision pour elle et moi.


.
.
.


Lorsque je rouvris les yeux, j'eus l'impression d'émerger d'un autre monde.
Une étoile filante vint traverser le ciel en solitaire, la pénombre avait eu raison du jour tout autour de nous.
Je passais un bras autour de ses épaules, doucement, tendrement, et enfoui mon visage au creux de son cou.

Ce que je venais de voir, n'était-ce qu'une simple hallucination?
Elle se tenait pourtant là, tout contre moi, ses cheveux gris et sa robe blanche flottant au vent. Elle avait une odeur nacrée. Elle sentait bon.

J'avais l'impression de pouvoir entendre les gouttes de sang perler depuis la pointe de l'épée jusqu'aux brins d'herbe au sol.
Elle fut prise d'un léger spasme, un frisson, j'eus froid.

Laissant ma main glisser le long de son bras nu, je fis un pas en arrière afin de la contempler.
Ses cheveux argentés lui faisaient comme une couronne autour du visage, majestueuse, elle me regardait de son regard si particulier, à la fois plein de résolution et de délicatesse, de mélancolie et de franchise.

Elle ne me quitta pas des yeux, ne prononça nul mot alors que, d'un geste lent, je tirais ma lame vers moi d'en travers son coeur, la faisant glisser hors de sa poitrine.

L'écarlate commença à se répandre sur le tissu blanc, doucement, comme si il se retenait de couler.

Puis, alors qu'elle se tenait toujours immobile, fragile, je fis tourner mon épée et des deux mains, l'enfonçait profondément dans le sol.
Enfin, je fis un geste que je ne m'étais jamais imaginé faire un jour... avec précaution et respect, je posais genoux à terre, et m'inclinais humblement, le visage très bas.
Un ultime hommage...
Je sentis à mes yeux, sous mon masque, un léger picotement, des larmes qui ne voulaient pas venir.

Sa petite main menue vint effleurer ma joue, il me sembla pouvoir la sentir rendre son dernier soupir, sentir sa conscience glisser lentement et se répandre à travers moi.

Libérée, elle pouvait à présent quitter cette terre.
Mon esprit dorénavant plein et entier, je me relevais, une résolution et une énergie nouvelles ancrées en moi et tirant mon arme du sol, je fis volte-face et repartit sans me retourner.

Je me rendais compte que tout les enseignements prodigués par le Sombre avaient visé à me préparer à cet instant, cette rencontre.
Les mots suivants, en particulier, revinrent en ma mémoire avec une clarté nouvelle:

"La Mort n'est qu'un aspect de la réalité. De la Mort d'une chose particulière jaillit la Naissance d'une autre."


Nulle voix ne parlerait plus dans mon esprit, autre que la mienne.

Je venais de renaître, le dernier élément de ma psyché brisée venant de retrouver sa place dans le kaléidoscope de mon esprit.

Mon identité, mon être venaient de se révéler, éclatant les ténèbres autour de moi. Je pouvais reprendre ma voie et quitter l'équipage, ayant obtenu mes réponses.

A présent je savais quelle était ma nature profonde:




J'étais une Duelliste.


[ image externe ]

[La Geste, suite et Fin]
Souviens toi, Le rêve que tu faisais, avant que tu naisses, Ce rêve a fini par mourir~ Viens, touches la chaleur qui traverse mon esprit, Viens, n'aies pas peur si mon sang coule~ Emportes ton cœur là où le cri résonne, Emporte-le jusqu'à la fin

sseren
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Message par sseren » ven. 6 février 2009 à 08h39

~thème musical : Taku Iwasaki - Assassinator~



Ma rencontre avec Elle avait fait plus que m'apporter des réponses. Elle m'avait transfigurée.

Mais au détour des indéniables changements, je ne pouvais que rester songeuse face à ce visage qui se reflétait dans la glace lorsque je me dressais, nue, devant le miroir de ma chambre temporaire à l'hotel.
L'assise sur mon être et mon enveloppe charnelle me semblait plus affirmée, et pourtant mon aura semblait former comme de légères volutes fluctuantes en un dessin constant...

...le trouble...

Alors que certains avaient réchappé à mes lames dans la simple attente d'une occasion plus propice, je ne pouvais que tourner et retourner en tout sens la pensée qu'un être avait pu passer la nuit dans mon entourage proche loin de la sécurité des cités humaines et y survivre sans que j'ai eu de motif particulier ou de closes me forçant à agir ainsi.

Me rendant à l'évidence, je dus admettre que je l'avais épargné... Ma quête d'introspection avait-elle eu pour effet secondaire de développer ce genre de... faiblesse... je me le demandais.

Mon image dans le miroir m'adressa un fin sourire alors que je poursuivais mon inspection, tout en m'habillant, et la fleur à mes cheveux déploya docilement ses pétales de jais luisants, en un crissement presque inaudible, pour venir flatter ma joue avec délicatesse.

"Si je me laisse aller ainsi, il n'est pas loin le jour où je ne pourrai même plus tenir une lame serrée dans mon poing..." semblaient me susurrer mes alter ego.

Je finis d'enfiler ma tenue, m'assurant que le cuir et le tissu étaient bien ajustés sur ma peau, et que les renforts des plaques d'alliage coulissaient correctement, tout en laissant pendre les boucles et les attaches finales des protections lourdes de façon désinvolte, comme à mon habitude, afin de ne pas trop alarmer les gardes des cités en particulier, et mes éventuels interlocuteurs de façon générale.

En ceci, l'appel du Jeune Prince tombait à point nommé.
Le plan qui m'avait été expliqué par son intermédiaire Orc ne manqua pas de me faire sourire, tout comme de l'imaginer en propriétaire terrien, lui dont la flamme menaçait de s'abattre à tout moment sur tout ce qui l'entourait et pouvait le contrarier pour le réduire en cendres.

J'avais appris par un autre de ses Minions que la femme Orc avait disparu, disparition qui coïncidait avec son retour. Chose des plus arrangeantes, car il valait mieux éviter les intermédiaires dans ce genre de relations.

Je me tournais légèrement sur moi-même, vérifiant l'harnachement de mes armes dans mon dos.
Le plan en lui-même était fort simple, bien que l'entreprise s'annonçait périlleuse. Former un petit groupe affichant les dehors de mercenaires afin de s'infiltrer dans l'une des plus robustes forteresses du continent du nord évoqua en moi des souvenirs à Elle comme une vague de chaleur.
Son intention avait été de faire le moins de victimes possibles lors d'un assaut frontal.
Les hommes du Jeune Prince et lui-même voulaient privilégier une attaque plus sournoise, et prendre les défenseurs à défaut.

Moi, je me mesurais simplement à l'idée de nous faufiler dans la forteresse endormie et d'y égorger les nobles assoupis en toute quiétude: on ne pouvait rêver mieux pour se désengourdir les membres de la léthargie et de la relaxe dans lesquels mes changements récents menaçaient de me plonger... si épargner les gens devait se transformer en habitude.

Satisfaite de ma mise et arrivée à un point de résolution dans mon esprit, je fis disparaître de la chambre toute trace de mon passage avant de descendre à la salle commune pour déposer quelques pièces à l'aubergiste, à moitié assoupi derrière son comptoir.

Sortant dans les rues désertes de la bourgade, je me dirigeais vers la sortie est de la ville. Le jour ne commencerait à poindre que dans plusieurs heures.
Le chemin serait encore long jusqu'au point de rendez-vous fixé par les hommes du Jeune Prince.
Afin de ne pas éveiller les soupçons dans les moments précédant l'assaut, il avait été décidé que je me joindrais à leur troupe, le temps du trajet jusqu'en Elmore, ceci afin de me familiariser avec les leur.
Je pouvais sentir dans l'une de mes poches l'insigne que je gardais caché, et ne sortirais qu'en tant que signe de reconnaissance une fois le point de rendez-vous atteint pour m'identifier à eux. Ils me donneraient alors un uniforme similaire au leur afin de parfaire notre déguisement...


Une fois l'entreprise achevée, qu'elle fut couronnée de succès ou non, j'avais l'intention de rendre tout cet attirail et repartir ensuite comme j'étais venue pour aller vers mon autre point d'intérêt du moment, si mon état m'en laissait le loisir.

L'entretien avec le Jeune Prince pourrai attendre encore un peu...
Souviens toi, Le rêve que tu faisais, avant que tu naisses, Ce rêve a fini par mourir~ Viens, touches la chaleur qui traverse mon esprit, Viens, n'aies pas peur si mon sang coule~ Emportes ton cœur là où le cri résonne, Emporte-le jusqu'à la fin

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Message par sseren » ven. 27 février 2009 à 00h52

~thème musical : Pink - Sober (accoustic cover)~

~Aahh, the night is calling
And it whispers to me softly, "come and play"
Aahh, I am falling
And if I let myself go, I'm the only one to blame ~





Nous nous sommes retrouvés à la tombée du jour dans un camp de fortune sur une haute crête montagneuse enneigée.
J'avais passé les lunes précédentes isolée dans la forêt, loin de toute tentation: le besoin impérieux qui m'habitait se devait d'être contrôlé jusqu'au moment de passer à l'action, car laisser une trainée de cadavres à quelques heures de l'attaque serait tout sauf prudent et sage...

Lorsque je dévoilais ma présence aux hommes du Jeune Prince, certains, saisissant à qui ils avaient à faire, esquissèrent un sourire, voyant en moi un allié de taille, alors que mon regard me dévoilait leur véritable nature. Les autres, de simples hommes de main, préférèrent ne pas me regarder dans les yeux, visiblement mis mal à l'aise par mon apparence.
Les longues nuits de privation avaient laissé leurs stigmates sur mon corps et mon armure habituelle, loin de les cacher, venait les exacerber en certains endroits, ici une crête osseuse, aux épaulettes des serres effilées, sur les plaques de métal, comme une seconde peau écailleuse écarlate et ébène...
Je vins me planter au milieu du petit groupe armé, et leur montrait le blason en signe de reconnaissance.
Celui qui devait être leur lieutenant, un Orc immense au regard de braise, hocha légèrement la tête, s'approcha de moi et me tendit une brigandine et un casque intégral semblable à ceux de ses hommes. Il me dit au passage:

"Mets ceci avant qu'on parte, beauté fatale. Si j'étais un garde du château et que je te croisais à visage découvert, je n'arriverais pas à me décider si je devrais prendre mes jambes à mon cou ou tomber follement amoureux." ce qui provoqua autour de nous quelques rires nerveux.

"On n'a pas besoin d'attirer ce genre d'attention." dit encore le lieutenant, enfilant lui-même son propre casque.

Un mince sourire vint affleurer à mes lèvres, alors que je supprimais l'urgence de dégainer et lui faire sauter la tête. Sans doute ne s'y trompa-t-il pas, et il fit quelques pas en arrière avant de se retourner et retourner à ses préparatifs.

Je me tournais vers l'éclat d'un miroir suspendu à l'une des tentes du campement provisoire: dans le reflet, je vis une femme dont le visage blêmi par le froid était d'une blancheur presque surnaturelle, dans les dernières lueurs du jour. Son visage était encadré par des cheveux lâchés dont l'éclat écarlate disparaissait peu à peu pour laisser place à un noir de jais.
Deux iris dorés perçant un masque de ténèbres me fixaient d'un regard inhumainement dur, d'une froideur incandescente.

Je portais instinctivement une main à la garde de mon épée. Le contact familier m'apaisa un peu, et je mis mon casque avant d'emboiter le pas à l'Orc.



[ image externe ]



[...]


Quelques heures plus tard, nous avions dévalé la montagne pour pénétrer la forteresse sous couvert de la nuit.
Nous avions formé différents petits groupes furtifs qui supprimeraient toute résistance de l'intérieur tandis que le reste mènerait l'assaut frontal.
La météo jouait en notre faveur, quelques flocons de neige commencèrent à peine à tomber alors que nous avions rejoint les remparts.
Nous connaissions les horaires des derniers tours de garde de la semaine, et ceux-ci ne semblaient pas avoir changé.
Nous avisions une des meurtrières basses, et un grappin y fut accroché. L'Elfe Sombre qui nous accompagnait grimpa lestement à la corde qui y était suspendu, et au bout de quelques secondes seulement, il avait crocheté la serrure.

Jusque là, tout se déroulait selon le plan prévu.


[...]

Je m'étais désolidarisée de mon groupe et errait à présent seule dans les couloirs.
Je passais doucement, tranquillement de chambre en chambre, surprenant ci et là un vieux noble assoupi, un domestique roupillant, une duchesse ou une baronne au bras d'un amant ou d'un mari: et me faisant la messagère de Shilen, les envoyait rejoindre son royaume en silence, tel le croque-mitaine des légendes enfantines.

Je m'introduisis dans une petite chambre dans une aile un peu reculée du château. Vu la taille de la chambre, je m'attendais à la loge d'un domestique, mais le mobilier, quoi que vétuste, laissait présager une personne de goût, les étagères pleines de rayonnage quelqu'un de lettré.
Mes pas m'amenèrent jusqu'au lit, où un jeune homme qui devait en être à la fin de l'adolescence dormait paisiblement.
Je me penchais sur lui, écoutant le rythme régulier de sa respiration, et posais délicatement la pointe de ma lame sur sa jugulaire tendrement offerte.
Je fus légèrement surprise de le voir ouvrir les yeux.
Il me toisa un instant de son regard clair, à peine voilé par le sommeil, et sembla saisir en un instant la situation, mais loin de s'affoler et chercher bêtement à se débattre, il restait là, calme, presque confiant.

"Mère" dit-il, ses derniers mots allant à sa génitrice, sans doute dans l'attente d'un ultime réconfort...

Je posais ma main libre sur son visage, lui caressant la joue, comme pour le rassurer par une berceuse muette: ce ne serait qu'un court moment désagréable à passer...

Alors que je m'apprêtais à enfoncer ma lame dans sa gorge, il posa sa main sur la mienne. Ce ne fut pas tant le geste qui me stupéfia, que de voir à son annulaire une chevalière finement ciselée que je reconnu instantanément:
Il s'agissait du bijoux, la seule chose qui était en ma possession au moment où je m'étais éveillée pour la première fois dans la forêt de Rune.

Comment était-elle arrivée là?
Qui pouvait être ce jeune garçon?

Dans mon hésitation, ma main tressaillit, et la pointe de ma lame lui entailla la gorge, faisant couler le sang.

Je croisais à nouveau son regard. Tout se joua alors en une fraction de seconde, sans que la moindre pensée réfléchie n'ai eu le temps de jaillir de mon cerveau.
Je me redressais et après quelques secondes pour mettre en place un itinéraire de retraite sûr, en évaluant la position actuelle des autres groupes chargés d'assassiner le reste des habitants du château, je lui tendis la main pour le tirer de ses couvertures.

Je savais le risque encouru, et qu'il fallait agir vite pour espérer avoir une chance de m'échapper avec un tel fardeau. Je ne m'arrêtais pas une seconde pour penser que ce que je faisais était folie.

Il fallait simplement que je le fasse.


[...]


Nous avions réussi à fuir le château alors que les premiers signes de la bataille éclataient dans la nuit. Nous avions rejoint la ville, traversé cette dernière en prenant mille détours par mesure de précaution, jouant parfois à cache-cache avec les gardes ou les mercenaires; et il ne restait plus qu'à atteindre la Passeuse au milieu de la place centrale.
Pourquoi ne m'avait-il pas écouté, et n'était-il pas resté caché là où je lui avais ordonné de le faire?

Je fouillais la petite ruelle sombre où j'avais du laissé le jeune garçon un instant pour m'assurer des alentours, avant de l'apercevoir au loin, face à la dernière personne qu'il aurait du croiser ce soir là.
J'assurais mes armes dissimulées sous ma cape, laissais ma respiration prendre un rythme régulier, et mon aura afficher mon assurance habituelle, avant de venir les rejoindre.

Le Jeune Prince se tenait là, légèrement étonné par la vision de ce jeune garçon seul au milieu de la nuit, dans la ville qui venait de tomber en sa possession. Il me vit arriver, et son visage s'éclaircit d'un léger sourire satisfait, sa victoire se rappelant à lui.
Je posais une main sur l'épaule du garçon, montrant par ce geste que je le connaissais.
Le Jeune Prince me demanda si ce jeune homme m'importunait, ce à quoi je répondis que non.
J'essayais de ne pas me montrer trop prévenante ou protectrice à l'égard du garçon, un comportement qui aurait pu lui paraître suspect et lui ordonnais sèchement de nous laisser. Fort heureusement, il semblait saisi de peur par la vision du Jeune Prince, naturellement, et se montra obéissant sans avoir à se faire prier.

Je me tournais alors vers l'Humain qui n'en était plus un et lui fit un peu la conversation: il était nécessaire d'endormir sa méfiance pour le moment.
Après m'avoir exprimé sa satisfaction quant à l'accomplissement de l'oeuvre qu'il avait réussi à accomplir cette nuit fatidique, je lui rendais son sourire, ainsi que le blason qu'il m'avait offert, comme convenu.

Il dit quelques mots en le reprenant, exprimant le fait qu'il aurait espérer que j'aurais réfléchi entre temps, et que je reste à ses côtés après cette victoire.
Je me mordis les lèvres, pensant que c'était peut être ce que j'aurais fait, si les choses n'avaient pas basculé ainsi.

Je m'excusais simplement auprès de lui, lui assurant que peut être, dans le futur, en serait-il ainsi.

Il haussa légèrement les épaules, et repartit tel une ombre dans la nuit, sans doute savourer sa victoire dans son nouveau fief.


Je fis venir à moi le jeune homme qui n'avait plus bougé, et nous nous sommes dirigés vers la Passeuse.
Au moment où le Vortex s'ouvrait, il se retourna une dernière fois sur Schutgart, avant de disparaître loin de la ville...
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Message par sseren » dim. 1 mars 2009 à 21h03

~thème musical : Ozar Midrashim~


Je contemplais ma situation avec quelque chose qu'on aurait pu rapprocher à de l'ironie.


Une nouvelle fois, je saisissais une des paroles du Vieux Geyser avec une nouvelle implication sous-jacente, un nouveau sens caché qui venait de se révéler à moi comme un déclic d'un gadget nain, ou d'une boîte à double, triple... quadruple fond:

"Personne, ni toi ni même moi, n'est réellement libre en ce bas monde. La liberté véritable est dans le rêve céleste des mortels, c'est le domaine réservé des Eternels, des Dragons."


Lorsque mon Autre moi était morte...
non... Lorsque j'avais mis fin à ses jours...
J'avais pu sentir une partie de son essence se déverser en moi. Un peu comme une chaleur, une douce brise revigorante.
J'avais cru être arrivée au bout de mes questionnements et pouvoir aller de l'avant, ce passage de mon existence à présent derrière moi.

Oh combien avais-je été puérile...


Le jeune garçon, la bague...

La Force et la Plénitude n'étaient pas l'unique héritage qui m'avait été légué par cette meilleure amie, cette "jumelle" à qui j'avais ôté la vie.

Alors que par cette nuit froide, je m'apprêtais à prendre une vie anonyme de plus, au fond de ce château perdu dans les montagnes enneigées, les souvenirs se mirent à affluer comme un torrent d'écumes emporte une brindille jetée dans le fleuve par une enfant capricieuse.

Pas mes souvenirs, non. Les siens.
Cette expérience d'une mémoire seconde me fit l'effet d'un coup de bélier à l'estomac et d'une décharge électrique partant du bout de mes doigts pour se répandre tout le long de mon échine.
Les images, les sensations, les odeurs et les sons, un vague relent de sentiments et de couleurs me submergèrent en un instant comme autant d'éclats sur ma cornée d'obsidienne avant de s'estomper aussitôt, me laissant psychiquement délavée, épuisée, à la fois vidée et pleine.

Je regardais ce jeune homme, presque encore un enfant, alors que ma lame venait de lui entailler la gorge.
Oui, il avait bien le même regard qu'elle...

Les choses furent limpide à ce moment-là.
Peut-être même l'avaient-elles toujours été, depuis cette nuit où j'avais ouvert les yeux pour la première fois, découvrant le ciel étoilé. Mais je ne pouvais voir car j'ignorais encore comment et où regarder.

A présent, résolue, je savais.


Il fallait donc tirer partie de ce savoir et réfléchir minutieusement à la suite à donner au cours prochain de mes actions.


Je me heurtais à plusieurs problèmes:

Je ne tenais pas à ce que l'on se mêle de mes affaires, aussi la discrétion était de mise. Par conséquent, nous ne pourrions rester trop longtemps au même endroit, même dans une petite ville aussi ennuyeuse que Gludio.
Il fallait donc se préparer à partir, il restait à déterminer le meilleur endroit où aller.

Le rappel de ce déversement de souvenirs en cascade me laissait également mal à l'aise. Le flot était tumultueux, impétueux et incontrôlable. Je ne pouvais l'appeler à moi à volonté, et le flot d'informations était somme toute assez fragmentaire. J'eus beau passer des nuits à regarder le jeune garçon ou la bague, ils ne firent pas office à nouveau, comme je l'avais escompté, de déclencheurs.
Il ne me restait donc plus qu'à espérer que l'expérience ne se reproduirait pas sans crier gare en plein combat, sous peine de m'exposer à de graves soucis pour mon existence...

Enfin, cette dernière soulevait ma dernière interrogation.
Mon esprit, de par ma nature et mon entraînement avec le Vieux Geyser, avait tôt fait de présentir comment tirer parti de la situation, mais il me restait encore à structurer ce que je ne sentais encore que confusément.



Curieusement, ce fut une rencontre avec une Chasseuse de Vampires, un soir à une auberge de Giran, qui m'apporta le déclic. Elle n'était pas la personne que j'attendais, mais celle-ci, bien qu'aillant manifesté sa présence, ne daigna pas s'approcher.
Peut être avait-il senti que je n'étais pas d'humeur aux jeux d'esprit...
Peut être avait-il préféré attendre que le petit jour se lève...

Je n'eus pas le loisir de le vérifier: le lendemain, nous quittions Gludio pour remonter le continent jusqu'aux terres d'Elmore.
Rune et à travers elle, l'intégration à l'Ordre d'Ambre du jeune garçon que j'escortais désormais étaient mes nouveaux objectifs.


Durant notre voyage vers le Grand Nord, se posa la question de nos noms respectifs. Devant son insistance, et étant donné qu'il faudrait bien qu'il puisse dire qui j'étais à d'éventuels curieux, je lui laissais le loisir de m'en choisir un.
Il choisit "Seirei".
Quand il me demanda de faire pareil à son égard, bien que m'aillant répété son nom à plusieurs reprises, je résolus de l'appeler "Ombre": parce qu'en dépit de mes recommandations de rester à une certaine distance de moi pendant nos déplacements afin de ne pas attirer l'attention, il en revenait toujours à marcher à quelques pas derrière moi, me suivant comme une ombre.


Bien qu'aillant fait le chemin à pieds, Rune arriva bien plus vite que je ne l'avais penser.
J'avais espéré que ma rencontre avec l'Ordre régnant serait l'occasion d'éclaircir également les raisons pour lesquelles j'étais recherchée par Ambre, mais le sujet fut écarté, pour le moment.

La Naine qui dirigeait le Royaume, un Humain du nom d'Hildebert et celui qui se faisait Alendo, que j'avais déjà croisé par le passé, furent nos interlocuteurs.
Je sentis confusément et avec une certaine irritation durant l'entretien qu'Ombre avait fait de son mieux, mais cela ne se révéla pas suffisant.
Je du donc prendre sur moi de faire pencher la balance, en ajoutant simplement mes compétences de combattante dans l'équation pour palier aux lacunes physiques actuelles du jeune garçon.

Lacunes qui se confirmèrent, pour mon plus grand déplaisir, lors de la batterie de tests physiques: un simple pugilat entre les deux soldats et Ombre.
Une analyse objective du combat le donnait perdant quoi qu'il puisse arriver, mais j'avais tout de même espéré que ce petit corps saurait tenir tête plus de sept battements de coeur face à ses adversaires.
M'avançant à mon tour pour subir l'examen, je me notais dans un coin de mon esprit qu'il faudrait l'endurcir davantage et rapidement.

Je devais me mesurer à Hildebert, l'homme en armure du cauchemar. Une armure de plate qui m'était familière, et dont je connaissais l'agencement privilégiant la protection sur la liberté de mouvement. Il semblait, tout comme moi, se battre aux épées doubles.
Etant donné qu'il n'y avait pas d'enjeu réel à ce combat, ce détails promettait donc au moins au combat de ne pas être trop ennuyeux.
Un bref instant, je fus retenue par l'idée que j'allais croiser le fer avec un membre de l'Ordre d'Ambre, mais vu qu'il ne s'agissait que le combat n'avait rien de réel... Je me permis même le luxe de prévenir mon adversaire de l'imminence de mon attaque.
La lutte fut brève car je tirais un avantage tactique de ma rapidité. Mon corps se mouvait dans l'espace avec la force de l'habitude et de la répétition. Je connaissais chaque type d'attaque, chaque esquive, chose que j'attribuais ici encore, à ma mémoire seconde.
Je pris soin durant tout le combat de garder l'autre homme, le guerrier en armure sombre, dans mon champ de vision. Une fois mon adversaire vaincu, je ne fus ainsi que peu surprise lorsque je vis filer vers moi la dague qu'Alendo me lança.
Déviant la petite lame tournoyante de mon épée, je contre-attaquais immédiatement. Je vis l'instant de surprise dans son regard lorsque je me jetais sur lui toutes griffes dehors. Il ne pouvait pas réellement penser pouvoir me tirer dessus et s'en tirer à bon compte... ?
Je le savais également un adepte du maniement des lames doubles et son armure, en acier de Tallum tout comme la mienne, lui permettrait de se défendre plus facilement de mes assauts. Il fallut donc écourter le combat avant que je n'en vienne à atteindre les limites de mon enveloppe corporelle.

Sur la fin, je fus à deux doigts d'être désarçonnée, et il me fallut puiser dans mes réserves d'endurance pour pouvoir l'emporter.

Le guerrier vaincu, je rengainais simplement avant de me tourner vers la Régente, qui sautait sur place, en proie à une excitation non feinte... Ombre qui avait reçu son blason se tenait à côté d'elle et me regardait avec des yeux un peu trop pleins d'émotions à mon goût...

Je récupérais donc mon blason à mon tour bien que le guerrier en armure rouge, maussade, bougonna quelques avertissements à mon égard.


Mais le plus dur avait été fait: je me retrouvais ainsi en période probatoire et Ombre avait gagné son droit d'entrée à l'Académie.
La suite allait pouvoir se mettre doucement en place et en premier lieu, j'allais devoir apprendre à afficher une apparence plus... conciliante...




[HRP: un petit passage supprimé pour cause d'incompréhensions de ma part lors de l'évènement donnant lieu à quelques incohérences dans le RP de la personne concernée... désolée encore... ^^' ]
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Re: Sseren Linthre

Message par Lotradas » dim. 30 août 2009 à 18h16

Compte supprimé par conséquent de même pour le perso