Chaszmyr

[chaos]

De longs arbres enneigés, dont les branches les plus minces finissaient toujours par céder, sous le poids de la neige. Cette petite conséquence naturelle, avait bien des répercutions pour ce sombre, installé tranquillement derrière un arbre, aux aguets. En plus du bruit, les oiseaux, les plus téméraires qui osaient vivre en ces lieux, s’envolaient, provoquant ainsi les mouvements d’autres animaux. D’ordinaire, il venait ici pour chasser et ramener de la viande. Mais, pas cette fois-ci. D’étranges silhouettes faisaient leurs apparitions depuis peu. Des personnes encapuchonnées et, surtout qui savaient se déplacer sans un bruit sur de la neige.

Chaszmyr avait prévenu sa famille. Son frère aîné lui demanda de les surveiller, il devait sans doute s’agir d’un groupe d’assassins, d’après lui. La chasse a appris bien des choses à ce sombre, mesurant environ un mètre quatre-vingt cinq, ce qui n’est pas si grand pour un sombre, sa silhouette très fine est recouverte d’un ensemble blanc orné de taches marrons. Ce qui lui permettait de mieux se dissimuler. Son regard sévère lui donnait un visage assez agressif, d’autant que ses yeux noirs avaient de quoi refroidir quelques personnes. Une chevelure assortie à son fin bouc, noire. Seules quelques mèches violettes venaient mettre un peu de couleur sur ce tableau pas très engageant pour un inconnu. La patience et la discrétion, furent les premières choses acquises. Il lui fallut deux semaines pour connaître où se rendaient ces personnes. Chaszmyr suivait l’une d’entre elles, durant quelques centaines de mètres au maximum. Puis reprenait sa filature du dernier point enregistré. Il était loin d’avoir leur adresse sur la neige, même s’il était assez discret, les suivre plus, finirait par le faire repérer.

Ce fut surtout une silhouette en particulier, que le sombre suivait. En ayant entendu quelques brides de phrases, Chaszmyr comprit qu’il se faisait appeler « Lune Noire ». L’endroit où se termina son enquête, il le connaissait bien. Mais, jamais l’une des silhouettes n’avaient utilisé le chemin le plus simple, toujours à côté de la route. Car pour rejoindre cette spacieuse grotte, il aurait suffit de longer les anciens rails au nord-est. Le sombre avait pris plaisir à les suivre, les ayant vu agir dans leurs déplacements et dans la surveillance des lieux, il commençait à être fasciné par eux. Si Eldryr avait raison, ils devaient être doués dans leurs « métiers ». Une fois mis au courant du repère de ces gens, le grand frère de Chaszmyr lui demanda s’ils étaient dangereux pour ces terres. Car la famille Arkhenneld a toujours veillé sur la nature sauvage de Schuttgart. A leurs connaissances, c’était les seuls sombres résidant ici. Le père de ces deux chasseurs, était avant tout un grand serviteur de Shilen. A chaque changement de lune, il amenait sa famille au temple de sa divinité. Ce voyage plaisait à tous, c’était l’unique occasion de quitter ces terres froides et, de voyager ainsi que de traverser le village de leur peuple. Malgryn, le fidèle, leur donna une éducation stricte mais juste. La justesse concernait surtout le choix des punissions qu’il infligeait à ses deux enfants. Car chacune faisait débat, toute la famille réunit pour l’occasion. En ce qui concerne le côté strict en revanche, cela voulait dire par exemple, qu’aucun membre de sa famille ne parlerait une autre langue que celle des sombres. D’ailleurs ils n’en connaissaient pas d'autres. Le respect des femmes sombres, au point de ne jamais lever la main sur l’une d’entre elle, au contraire les défendre.
La mort était un sujet ouvert chez eux. Le père était prêt à tout sacrifier pour Shilen. Cela impliquait la mort de sa famille, ou la sienne. Chacun des représentants de celle-ci, le savait, et aucun d’entre eux n’eut, jusqu’ici, peur de mourir. Mais, mis à part la gente féminine de leur race, tous les autres étaient considérés comme des inférieurs, des moins que rien. Chaszmyr fut le seul à préférer l’ignorance comme concept, pour lui, ne parlant pas leurs langues, tant que les elfes, humains, nains ou orcs ne venaient pas lui prendre la tête, il les ignorait. Eldryr, tant qu’à lui, criait toujours qu’il fallait exterminer les elfes et les humains, qu’ils étaient le poison de ce monde. Malgryn pensait comme sont premier fils. Pourquoi cette famille de sombres vivait ici ? Parce que leur mère, morte en couche du dernier enfant, était une amoureuse de ce paysage froid. Jamais les deux frères ne posèrent de questions sur leur mère. Et pourtant, jamais leur père ne parlait d’elle. Mais, son acharnement à vivre ici, son obsession à élever ses enfants dans la droiture, du moins avec des règles de conduite à respecter, prouvaient qu’il trouva la force de tout faire, par amour pour celle qu’il n’a jamais cessé d’aimer.
D’après Chaszmyr, ce regroupement de silhouettes n’était pas un danger, car c’était à première vue leur repère. Rien d’autre. Eldryr acquiesça les dires de son frère. Il lui demanda de pas se promener vers chez eux, tant qu’ils ignoraient leur existence, ils seraient tranquilles.
Depuis la disparition de Malgryn, il n’est jamais revenu d’une de ses chasses, c’était l’aîné qui prenait les décisions. Et les discuter n’était pas dans leur éducation. La vie reprit son élan, oubliant ces nouveaux locataires.


Plusieurs semaines passèrent.


- N’as-tu jamais eu envie de partir, voyager dans toutes ces villes ?


Chaszmyr avait depuis quelques jours le désir de s’émanciper. Cette question posée subitement à son frère, le prouvait bien.


- Pour aller faire quoi ? Voir ces races infectes ? Travailler pour un éphémère ou un pâle ?


- Pour aider notre peuple, pour voir d’autres choses, pour apprendre d’autres choses…


Eldryr regardait ce sombre voulant devenir un aventurier, avec un léger sourire. Puis il reprit la parole ;


- Si tu veux vivre des aventures ailleurs, fais-le ! Mais n’oublie pas ta ligne de conduite : Ne pas tuer pour le plaisir. Aider les femmes sombres. Etre fidèle à Shilen. Ne pas parler d’autres langues, ect… Tu t’en sens capable, seul ?


Sans prendre le temps de réfléchir, Chaszmyr répondit ;


- Aurai-je demandé ton accord sinon ?



- Mon accord ? N’était-ce pas une simple question à la base ?



- Disons que j’ai habilement amené la chose…



Eldryr était amusé par son petit frère.


- Va donc, et prends soins de toi mon frère. Reviens de temps en temps donner des nouvelles.

Chaszmyr était partagé entre la joie de partir à l’aventure, et le regret de laisser son frère seul. Seulement dix ans les séparaient, ils ont toujours été proches. Son arc, quelques flèches, de l’argent et du nécessaire pour se laver. C’est tout ce qu’il prit avec lui. Son premier objectif était évident, le village sombre, ainsi que le temple pour se faire bénir pour ces prochaines aventures…