Ilmyr

[Khaneyl]

Des cris aigus qui résonnent dans l’enceinte d’un château imposant. Un enfant sombre qui dévale les marches d’un couloir exigu poursuivi par une humaine à la corpulence imposante. Ilmyr, cheveux bruns et regard bleu, a déjoué la surveillance de cette femme pour tenter de rejoindre des portes closes, celle de la chambre de ses parents.
Il tambourine avec force le bois épais, hurlant de sa voix enfantine, appelant celle qui sommeille et qui est devenu le centre de son univers depuis sa naissance.

Clémence, sa nourrice, l’attrape sans ménagement et l’emporte malgré les coups que lui administre ce turbulent garçonnet haut comme trois pommes.
Puis tout en le câlinant pour faire cesser ses cris, elle lui murmure à l’oreille :

« Ilmyr, ta maman dort encore, elle viendra te voir dès son réveil »

Il hoqueta tout en serrant le cou de sa nourrice qui le consolait en lui offrant une friandise.

Soit ! Il allait encore patienter comme il le faisait dès son réveil, afin d’entamer aux côtés de Khaneyl sa jeune maman, une nouvelle journée pour enrichir son savoir et réclamer inlassablement des câlins.

Il en était ainsi depuis leur arrivée au château de Goddard, depuis qu'ils avaient quitté la Cité des sombres pour rejoindre une ville cosmopolite et agitée. Ils étaient heureux et la gaîeté d’Ilmyr illuminait ce lieu austère.

Depuis peu, le cercle familial s’était agrandi à sa plus grande joie, un sombre au sourire moqueur et aux gestes toujours tendres était devenu le compagnon de sa mère. Il ne les quittait plus et Ilmyr l’avait accepté, ce sombre du nom de Methredel qui les avait enveloppé, lui et sa mère, de ses bras aimants et protecteurs.

Et les jours s’écoulaient comme le sable d’un sablier au réservoir sans fin. Les balades à dos de loup dans les montagnes, les parties de pêche et les baignades sous le soleil brûlant des régions du sud.

Il grandissait tout en se découvrant de jeunes pouvoirs. Souvent le soir, quand sa nourrice le laissait seul dans sa chambre, il s’asseyait sur son lit, plaçait sa main ouverte devant lui, comme dans l’attente d’une offrande. Il fermait les yeux et se concentrait avec sérieux.

Car un jour il avait accompagné ses parents dans une chasse en catacombes et voulait les imiter, avoir les mêmes pouvoirs que ceux qu’il admirait et adorait.

Il plissait ses yeux et quand un petit chatouillement se faisait ressentir au creux de sa paume, il ouvrait des yeux ronds sur un spectacle prodigieux. Une petite tornade prenait naissance au creux de sa paume. Sous l’emprise d’une légère panique, il refermait sa main et poussait un petit cri d’effroi.

Tous les soirs il réitérait son exploit, la petite tornade prenant un peu plus de circonférence à chaque fois. Ses yeux s’illuminèrent quand un soir il lança la tornade d’un vif mouvement de la main et qu’elle traversa la pièce. Elle fit tourner les feuilles d’un livre ouvert, bougea le lourd tissu des rideaux, pour terminer sa trajectoire sur les vitres fermées de sa petite chambre.

Caramel, son couguar, redressait la tête au même moment, grimpait sur le lit pour rejoindre Ilmyr qui tapait des mains. Il posait sa grosse tête au regard tendre comme son nom sur les genoux du jeune sombre qui l’attirait à lui pour le caresser.
Ils finissaient toujours par s’endormir, serrés l’un contre l’autre au bruit du vent qui s’engouffrait dans les meurtrières.

Il grandissait tout en se découvrant des peurs. Ilmyr avait été imprudent, il avait voulu s‘éloigner du rivage, nager dans les eaux calme de ce lagon. Il avait été entraîné par un courant marin. Ses poumons réclamaient de l’air et le sang commençait à marteler ses tempes. Au dessus de lui, la lumière semblait désespérément proche. Il voyait la surface miroitante mais ne pouvait l’atteindre. Ouvrant malgré lui la bouche, pour respirer ou pour appeler au secours, il avala une gorgée d’eau. Ses poumons semblaient hurler de douleur. La mer était maintenant une prison. Son eau était devenu une enveloppe qui se refermait sur lui pour l’étouffer.

Il lui sembla entendre une voix lui crier : « Ilmyr, Nages ! Nages mon fils! » Sans savoir comment, il trouva en lui-même une ultime réserve d’énergie. La lumière devint éblouissante et soudain il eut la tête hors de l’eau et aspira l’air en haletant.
Il aperçut se mère sur la berge et qui s’avançait dans l’eau en pataugeant. Elle prit Ilmyr sous les bras et retourna vers la rive en nageant avec vigueur.
Arrivé sur la berge, elle l’avait allongé sur le ventre et s’était agenouillé près de lui. Elle était consternée et ne cessait de secouer la tête tout en le sermonnant.

Les paupières de Ilmyr battirent et il se mit a tousser violemment. De l’eau ruisselait de sa bouche et il s’étrangla. Poussant un cri, il eut un haut-le-cœur. Sa mère le redressa, essuya son visage et soutint le jeune sombre secoué de spasmes.
Il repoussa de la main sa mère et se releva péniblement. Il regarda les eaux et se rendit compte de l’intensité de l’amour de Khaneyl. Il frissonna et se jura de ne plus faire pleurer celle qui le regardait avec angoisse.

Un jour viendra ou Khaneyl lui fera des révélations, sur son vrai père, le médecin de la Cité des sombres. Elle l’avait aimé au point de vouloir un enfant de ce sombre qui fuyait un passé douloureux. Il avait disparu en emportant avec lui un morceau du cœur brisé de sa mère.

Elle hésitera à lui révéler son enlèvement par sa nourrice sombre, Klae qui n’avait pas accepté de les voir partir pour rejoindre une ville et un Ordre dirigés par un jeune humain. Ilmyr était encore un nouveau né, dont la mémoire n’avait pas conservé de trace de cet événement. Mais elle aimait se remémorer ce souvenir, le revivre, car c’est ce jour que Methredel avait uni sa vie à la sienne.

Puis s'ensuivra le temps de l’apprentissage, des engagements, des amitiés, des amours et des déceptions mais sans vraiment jamais quitter le cocon familial.

[Lotradas]

Compte supprimé par conséquent de même pour le perso