Malheur à l'Homme Seul

Un vieux livre poussiéreux et oublié... (Ancien background de Vae-Soli)

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jinael
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Malheur à l'Homme Seul

Message par jinael » mer. 4 juillet 2007 à 21h49

Première partie : Le Tome des Révélations Perdues

Chapitre I : Ex Nihilo

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Rune : 23ième de l’Augure de la Terre


La silhouette noire se faufila entre les meubles anciens, les accessoires fragiles, draperies précieuses et les joailleries d’époques révolues avec l’aisance du vent du sud soufflant l’air du soir.
Le vieux manoir ne payait pas de mine vu de l’extérieur, tout au plus ne semblait il pas laissé au complet abandon ; mais l’étalage de richesse ornant les murs des pièces de la froide demeure étaient une ode vibrante à l’adage « Il ne faut pas juger d’un livre à sa seule couverture ».
Encore avait-il fallu franchir -sans donner l’alerte aux patrouilles de nuit de la ville, les hauts remparts du manoir, ses pics acérés, les loups noirs et les mandragores du « jardin », le lierre étrangleur disposé traîtreusement parmi la végétation mondaine et les imposantes gargouilles de marbre veillant depuis les toits d’ardoise recouverts d’un manteau blanc par la dernière tempête de neige en date.
Mais l’intrus était bel et bien là, paisible, dans le Grand Hall silencieux, et sa silhouette noire était à présent penchée sur la lourde porte donnant sur la salle de lecture et la bibliothèque. Nul bruit ne vint troubler la quiétude environnante quand ses outils imposèrent finalement leur loi à la vénérable serrure qui céda le passage comme à regret au visiteur nocturne.
La bibliothèque était grande, sûrement la plus grande pièce de la demeure, et les hautes meurtrières qui laissaient entrer la lumière nacrée de la lune laissaient également danser les ombres inquiétantes des arbres voisins, dont les branches privées de leur parure par le rude hiver oscillaient lentement, et venaient parfois griffer les vitres dans un crissement étouffé.
L’intrus se baladait entre les rayonnages à l’odeur de vieux papier des étagères, il avait ignoré toutes les richesses des salles précédentes pour venir précisément ici. Ses pas de loup l’amenèrent finalement jusqu’à un imposant bureau ciselé dans la plus pure tradition des royaumes du sud-est, sur lequel tout un bric-à-brac de lettres et de parchemins était disposé.
Les lettres plus particulièrement, attirèrent son attention.
Celles frappées du sceau du Prince de Schuttgart disparurent même dans sa petite sacoche de cuir sombre. A quoi bon l’or et les bijoux, si l’on pouvait avoir le Pouvoir ?
Le voleur se détourna du bureau, l’objet de sa présence en ces lieux en sa possession.
Il allait repartir comme il était venu quand il se figea, sur le qui-vive : deux yeux brillants l’observaient depuis un coin nimbé de ténèbres, et leur propriétaire n’avait nulle présence qu’il aurait pu déceler.
Muscles tendus et réflexes aux aguets.
Les secondes défilèrent une à une, en silence, et rien ne se passait.
Le voleur finit par s’avancer prudemment, la dague dissimulée mais prête à remplir son office.
Il y avait quelque chose d’anormal. La pénombre à cet endroit précis était trop dense.
Mais les yeux luisaient et l’appelaient à eux.
Il fit encore quelques pas.

Un livre.
Les yeux appartenaient à un épais volume trônant sur un piédestal dissimulé dans un coin de ténèbre pulsatile.
Deux joyaux rouges dont la forme d’amande rappelait le regard elfique étaient incrustés dans sa couverture épaisse.
Il y avait aussi un étrange symbole ornant les lettres qui devaient composer le titre de l’ouvrage : « Ex Nihilo »
En dehors de son apparence vétuste, le bouquin ne présentait aucun des aspects du bibelot magique.
Et pourtant…
Le voleur se rappela où il se trouvait. Mieux valait ne pas traîner ici. Il se retourna donc vers la sortie, qu’il considéra un instant sans bouger. Ce fut plus fort que lui. Il y avait là quelque mystère et les mystères l’attiraient. Faisant à nouveau volte-face, il avança une main gantée vers le cuir sombre de l’ouvrage qui le regardait dans les yeux, dans l’âme…
Mon Nom est Ashutar et je marche Souveraine sur les Terres de ce Monde baigné de Lumière et de Splendeur et de Gloire à la grâce des Dieux Einhasad et Gran Kain, par les bienfaits Desquels mes frères et sœurs et moi, avons pris Forme et Vie.

Car au Début il n’y avait Rien.
Et le Rien était Tout.
Dans cet Absolu Relatif, il y avait des Forces. Celle de la Lumière et celle de l’Ombre étaient très grandes et s’animèrent. Par leur action concertée, ils brisèrent en un Maelstrom d’Energies pures les lois anarchiques du Chaos Ordonné et de l’Inexistence.
Le Rien ne formait plus un Tout et tout ce qui Vit fut appelé à l’Existence.

Ex Nihilo.

Cette Lumière est Einhasad et l’Ombre est Gran Kain.
Pour leurs Bienfaits, nous les Révérons.
Et parmi les êtres qui naquirent des énergies primordiales du Monde, Nous Sommes Leurs Elus.
Tout comme mes Frères et Sœurs, ma Sagesse est Grande.
Mon Esprit est animé de l’Essence Primordiale.
Mon Corps est fait de la Matière la plus Pure.
Ma Puissance ne connaît pas son Pareil.
Ma Magie est Sans Limites.
Mes Jours et Ma Cité sont Eternels.
Ma Race parcoure ce Monde sur lequel nous Régnons à pas de Géants

Danger.
L’instinct lui avait commandé de s’esquiver et cela lui sauva la vie.
Déboussolé, le voleur réalisa qu’il était toujours dans le manoir de Rune et que ce moment d’égarement avait failli lui coûter une lame à travers le cœur. Un coup d’œil de biais : l’Ex Nihilo n’y était plus, son piédestal disparu.
Que s’était-il passé ?
Il faudrait chercher la réponse plus tard.
Pour l’instant, l’humain à la rapière d’argent qui lui faisait face semblait bien décidé à avoir sa tête en trophée.
Les deux adversaires commencèrent à se tourner autour, l’intrus les muscles tendus, l’homme à la rapière, avec une désinvolture frisant l’insulte. Ce dernier était assez grand, il arborait une chevelure blanche courte et soignée et une petite barbiche de la même couleur ornait son menton, rendant son visage aux traits réguliers et froids un peu moins symétrique. L’élégante sobriété avec laquelle il était vêtu contrastait avec la complexe sophistication avec laquelle l’arme qu’il faisait jouer de manière nonchalante avait été forgée et ornementée.
Sa voix raisonna, et elle était grave au-delà de tout aspect.

« Curieux vraiment, qu’avec toutes les rumeurs que je fais courir sur mon Antre, il y en aie encore d’assez stupides ou désespérés pour venir s’y faire déposséder de leur pauvre vie. »

Eclair d’argent et d’acier. Les lames sifflent dans l’air et se mordent dans un ballet meurtrier à une allure démente. Salto arrière pour rebondir sur une étagère et jaillir sur son adversaire dague en avant. L’homme à la rapière s’esquive avec grâce, comme si le coup pourtant déstabilisant lui avait été connu à l’avance.

« Technique téméraire mais sans saveur, reprit l’escrimeur, de sa voix incroyablement profonde, et votre « arme » ne sert guère plus qu’à menacer. Dommage qu’il n’y ait pas de prochaine fois. Vous auriez pu tirer profit des enseignements de cette rencontre. Car voilà comment il faut faire… »

Joignant le geste à la parole, une, deux, trois, le voleur fut désarmé en trois tours de main, et la dague alla voler dans un coin hors d’atteinte. Mais le voleur n’en avait cure. Le combat les avait presque amenés à l’endroit de la pièce qu’il désirait atteindre. Il se précipita donc.
Une douleur de feu dans l’épaule. Un choc.
Avec une vitesse fulgurante, son adversaire l’avait rattrapé et cloué de sa rapière contre une bibliothèque. Il senti son haleine glacée dans sa nuque alors que l’homme lui murmurait à l’oreille :

« Si votre objectif était de passer par la fenêtre alors que votre âme sache que c’était peine perdue. Votre position n’est guère enviable, si proche et pourtant si loin… Voyons à présent de quoi aura l’air mon prochain hôte à dîner… »

Le seigneur des lieux tira alors sur le capuchon du voleur, découvrant sa longue chevelure noire, ses oreilles pointues et son visage féminin à la peau marquée par la malédiction de son peuple.

« Toi… »

Il n’eut pas le temps d’ajouter grand-chose, il fut projeté dans un déluge de pages brûlés jusqu’au fond de la pièce par l’explosion d’une boule de feu qui anéantit la fenêtre près de laquelle il se tenait un instant plus tôt.

La jeune Sombre en profita pour retirer l’arme de son épaule en serrant les dents, salua avec cette dernière dans la direction où l’homme avait atterri, puis commença à se diriger en petite foulée vers la fenêtre en éclats. Elle eut juste le temps d’entendre siffler la dague -qui plus est la sienne- et de la voir se planter dans sa cuisse avant d’être projetée au sol, déséquilibrée dans sa course.
La Sombre tira la dague de sa jambe de sa main libre puis la jeta sur le côté, et se redressa sur le coude du bras qui tenait la rapière.
L’homme reparut devant elle à pas mesurés, une expression curieuse sur le visage, mais ne semblant nullement blessé. Il eut la prudence de se tenir à l’abri d’éventuelles nouvelles attaques depuis l’extérieur.

« Cyrille… souffla t’il dans un murmure, comment…

- Je t’arrête tout de suite, il y a erreur sur la personne mon beau, coupa la jeune femme dans un sourire grimaçant tout en sortant un cristal torsadé pulsant d’énergie bleutée de son dos, mais pour faire bonne figure je te laisse ma dague, cadeau. En échange je te prends ta belle épée. Et au plaisir de ne plus jamais se revoir… »

L’humain souleva un sourcil, il allait sans doute lui donner sa meilleure réplique, mais à ce moment là, les contours de l’image de la Sombre assise à terre semblèrent devenir flous, puis elle disparut tout bonnement sans laisser de traces et il se retrouva seul.
Dernière modification par jinael le mer. 4 juillet 2007 à 22h09, modifié 2 fois.

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Message par jinael » mer. 4 juillet 2007 à 21h51

Oren : 23ième de l’Augure de la Terre – au même moment


Deux yeux rouges.
Ces deux yeux rouges la fixaient et elle ne pouvait en détacher son regard. Ils n’avaient pas l’air maléfique malgré leur couleur sang, et ils semblaient l’avoir observée pendant des heures, ou des années ou des siècles.
Elle n’avait pas peur.
Et pourtant elle craignait. Quelque chose. Il y avait quelque chose à craindre mais elle ignorait quoi. Rassemblant sa Foi, elle se décida.
Après tout elle était Forte.
Après tout la Déesse était avec elle.
Elle leva la main et la tendit en direction de ces yeux qui la regardaient sans jamais ciller.
Elle devait comprendre.

Mon Nom est Ashutar et je marche Souveraine sur les Terres de ce Monde.

Chacun de mes pas fait trembler la Terre tandis que je marche par delà Monts et Rivières.
Je suis née du Choc des Etoiles et du Monde et moi et les miens sommes appelés Géants par les créatures sur lesquels nous Régnons.

Les Dieux sont Souverains des Cieux et des Eléments et ils nous ont faits Souverains de la Terre et des Créatures qui la peuplent.

Einhasad de la Lumière et Grande Créatrice est l’égale de Gran Kain des Ténèbres Le Destructeur, ils Règnent tout deux dans les Cieux et nous les Révérons.

De Leur Union sacrée naquit Cinq Dieux qui reçurent en héritage divin le Règne sur les Eléments du Monde.

Shilen Régente de l’Eau, est la Fille Aînée des Dieux que nous Adorons.
Pa’Agrio Seigneur du Feu, est le Fils Aîné des Dieux que nous Adorons.
Maphr Mère de la Terre, est la Seconde Fille des Dieux que nous Adorons.
Sayha Empereur du Vent, est le Second Fils des Dieux que nous Adorons.
Eva la dernière Fille des Dieux se retrouva sans Elément sur lequel Régner, aussi Chanta-t-elle et Offrit-elle au Monde la Poésie pour Louer la Création et les Etres qui l’habiteraient.


Ainsi naquirent les Dieux de ce Monde et ma parole est Vérité car ainsi l’ai-je vécu et je suis Ashutar, et je marche Souveraine sur les Terres de ce Monde…

Elle se réveilla en sursaut.
Un rêve.
Tout ceci n’était qu’un rêve.
Vraiment ?
Alors pourquoi tremblait-elle ainsi ?
D’une main fébrile elle alluma une bougie et scruta les alentours en passant la main sur son visage pour chasser ses boucles dorées. Elle était bien dans sa cellule, au sein du Chapitre de la Lumière d’Einhasad. Son heaume de combat trônait sur son armure aux couleurs de l’Ordre des Paladins et sa Hache de Justice était à portée de main. Tout était calme et à sa place, mais cette vision familière ne parvenait pas à la rassurer.
Quel était ce songe ? Quelle effroyable vérité lui avait-on murmuré ?
La Déesse, s’allier d’une quelconque façon à Celui Dont le Nom ne Doit Pas Etre Prononcé ? Quel blasphème ! Et tout le monde savait que Shilen était la Déesse de la Mort et de l’Outre-Monde et qu’Eva était celle de l’Eau !
Sottise, tout ce rêve n’était que sottise.

Alors pourquoi tremblait-elle ainsi ?

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Message par jinael » mer. 4 juillet 2007 à 21h52

Le Marais des Hurlements : 28ième de l’Augure de la Terre


Le jour se levait sur la petite troupe, et la neige commençait enfin à se faire plus clémente. Ce qu’ils avaient d’abord accueilli comme une bénédiction face à leurs poursuivants se transforma vite en cauchemar. La neige qui couvrait leurs traces s’était transformée en tempête et avait rendu leur progression difficile au point de les perdre.
Une de leurs montures draconiques, blessée dans la fuite, avait trépassé la veille au summum du déchaînement des vents glacials et il avait fallu continuer à pied.

« Nous voilà bel et bien paumés, fit le Sombre, après avoir intimé d’un signe de la main à ses deux compagnons de faire halte.

- Avec un peu de chance, la Garde de Rune le sera aussi, ajouta l’Humain, en se frottant les mains pour les réchauffer.

- Reste plus qu’à espérer que les loups les trouveront avant nous… reprit le premier, avant de revenir vers la monture qui portait la jeune Sombre affaissée qu’il s’empressa d’examiner.

- Comment vont tes blessures petite sœur ?

- [Sombre] Elles vont du feu des Dieux, répondit-elle dans un souffle en sa langue natale, celle à l’épaule me brûle comme les flammes des forges de Pa’Agrio, et celle à la cuisse me jure chaque nuit que je ne pourrai plus jamais remarcher sans ces maudites béquilles…

- Que dit-elle ? fit l’humain

- Elle dit qu’elle va bien.

- Ah. Bien.

- Nous allons camper dans le coin. Après avoir chevauché toute la nuit, Yelmina a besoin de descendre un peu et prendre du repos.

- Hmm. Ca me va, je m’occupe de trouver ce qu’il faut pour le feu.

- Merci Vahn’. »

Quelques instants plus tard, le campement était posé, et un feu crépitait en son centre, léchant le bois de ses flammes magiquement entretenues par le jeune mage humain.
Yelmina la jeune voleuse était assise tout près et contemplait les flammes d’un air absent tandis que son frère cherchait des provisions sur le dos de l’autre monture draconique encore valide.
La Sombre ne pouvait s’empêcher de repenser au Livre mystérieux. Aux rubis qui l’ornaient et à ce qu’il s’était passé quand elle en avait effleuré la couverture.

« …m’écoute ou bien ?

- Hm ? Pardon tu disais Vahn’ ?

- Je te demandais de nous décrire à nouveau le type du manoir, comme personne ne l’a jamais vu à part toi ‘Mina... et vu que j’étais trop loin quand j’ai lancé mon sort pour pouvoir le distinguer vraiment…

- Hm… Je ne me souviens plus trop… un Humain, la peau très blême… des cheveux blancs mais dans la force de l’âge… une voix caverneuse… tout s’est passé très vite…

- C’est vrai. Enfin c’était un manque de bol qu’il se soit trouvé là ce soir là. Mais au moins on a les lettres du Prince.

- Hm Hm…

- Ashutar

- Oui ? Qui a t il ? fit la Sombre en se retournant.

Je me retournais pour contempler les Avenues et les Allées en fleurs de ma Cité Millénaire qui s’étendaient à perte de vue à mes pieds. Les couleurs chatoyantes de la flore étaient un régal à la vue et les colonnades de pierres irisées faisaient rejaillir la lumière sous forme d’arcs-en-ciel.
Le Peuple Nain était habile et ses constructions étaient grandioses sous Mon Commandement.
Les Créatures de Maphr faisaient aussi d’excellents artisans car ils étaient doués de leurs mains, mais ils ne pouvaient cependant égaler l’Art de ma Race. Il fallait les guider pour qu’ils puissent tirer le meilleur d’eux-mêmes.

« … Ashutar.

Je me retournais enfin vers celui qui avait humblement prononcé mon Nom. Quand je lui fis face, le représentant des Enfants de Shilen baissa les yeux avec respect. Je lui adressais alors la parole.

- Parles Sage Elfe, que désires-tu de moi.

- Nous sommes respectueusement venus quérir auprès de toi le savoir nécessaire à l’administration de la contrée Est, soumise aux vortex et aux courants capricieux du Mana, Ashutar.

- Nous verrons cela en son temps, pour l’instant il me plairait de passer en revue Mes troupes.

- Qu’il en soit ainsi, Ashutar. »

Les Elfes, peuple gracile et délicat, étaient doués pour la magie, mais ils ne pouvaient percer les subtilités du Mana aussi bien que nous autres Géants. Aussi les avons-nous laissés nous servir, à l’instar des nains, car cela était naturel et bon.
L’Elfe fit usage de sa magie et le char dans lequel nous survolions ma Cité amorça une descente en planant avec majesté entre les immenses tours et pyramides flottantes. Un groupe d’Artéias, le peuple ailé de Sayha passa près de nous en volant à tire-d’aile. Ils me contèrent les nouvelles du monde par delà les océans pendant quelques temps avant de s’en aller à nouveau vagabonder dans le ciel. De tous les peuples, celui des Ailés était le seul que nous n’avions pu subjugués car la captivité les faisait dépérir rapidement. Ils nous servaient donc de messagers et de porteurs des nouvelles du vaste monde, leur curiosité toujours à l’affût de la moindre nouveauté, et cela était naturel et bon.
Enfin le char volant plana en un glissement fluide au-dessus de l’Artère Principale de la Cité, et nous passions sous les Arches Triomphantes successives à une allure plus modérée.
Mon arrivée fut accueillie par le cri unique et tonitruant de plusieurs dizaines de millions de voix dignes du fracas du tonnerre :
Les Orcs, dont une infime parcelle de mon armée était réunie ici-bas, scandaient les chants de guerre qu’ils avaient dédié à mon Etre.
Le Fier Peuple créé par Pa’Agrio vibrait de la fibre du combat et des batailles, mais leurs corps n’étaient pas aussi endurants et solides que la Matière dans laquelle était faite ma Race, aussi les laissions nous nous servir dans nos guerres et cela était juste et bon.
Plus que toutes les autres Créatures dont la Vie fut insufflée par Einhasad Elle-même, celle de Pa’Agrio résonnait de l’Esprit Elémental qu’avait utilisé leur Fondateur pour leur donner forme: le Feu était l’Essence des Orcs ; tout comme l’Eau était l’Essence des Elfes, peuple de Shilen, et leur esprit en avait la même souplesse et la même agilité.
La Logique et Le Pragmatisme des Nains reposaient sur des bases aussi solides que l’Esprit de la Terre donné par Maphr.
Les Arteias de Sayha avaient les mêmes propriétés de Liberté fougueuse que l’Esprit qui leur avait donné forme : Le Vent.

Si tout ces Peuples étaient Nobles de par leurs origines, que dire alors de l’Humain, la dernière race à avoir vu le jour ?

Mes pensées se portèrent alors vers la masse grouillante et invisible de ces êtres misérables qui besognaient sans relâche hors de Notre vue, dans les Entrailles des Cités, loin de la Beauté et de l’Air Libre.

La Créature du Dieu de la Destruction Lui-même avait été conçue par ruse et stratagème, par sa conception même, elle ne pouvait prétendre à la même Noblesse que les quatre autres Peuples.
En cajolant chacun à leur tour ses Quatre premiers Enfants, Gran Kain avait obtenu d’eux Quatre Eléments pour donner forme à sa Créature.
Mais il se contenta des Restes : Il ne restait à Shilen que l’Esprit de l’Eau Stagnante, Pa’Agrio ne put offrir que le Feu Mourrant, Maphr pleura en vain pour que son Père ne lui prit pas l’Esprit des Terres Arides, et Sayha ne put refuser à son Géniteur l’Elément du Vent Sauvage et Déchaîné.

Lorsque Gran Kain Dieu de la Destruction annonça avec force Vanité qu’il allait insuffler la Vie à une Créature faite de non pas un mais Quatre Esprits Elémentaux et que cette Créature qui serait sienne serait l’Egal de notre Glorieuse Race Primordiale, quel ne fut grand son désarroi devant l’Etre misérable qui prit forme sous son impulsion :

L’Humain était Faible, son corps était fragile, son esprit veule et perfide, son âme couarde et paresseuse ; de par sa nature même, cette Créature ne pouvait prétendre à la même Noblesse que les quatre autres Peuples.

Gran Kain, devant son échec, alla cacher sa honte et abandonna l’Humain, qui fut livré à lui-même.
Afin de lui trouver une place dans l’Ordre des Choses, Nous avons mis l’Humain, qui ne sait rien faire correctement, en dessous des autres Races. Tout comme ses Quatre Races aînées sont au service de nous autres Géants, l’Humain devra servir les Elfes, les Orcs, les Nains et les Arteias en toute tâche, en toute œuvre et en toutes circonstances.

Et cela est juste et bon.


Je fus soudain tirée de mes pensées par une vision insolite. Une Humaine se tenait debout au grand jour au sommet de l’une de mes Arches Triomphantes. Elle n’était pas nue et sale, un casque couvrait sa crinière de boucles couleur des blés, et une hache flamboyante brillait dans sa main.
La Créature osait soutenir Mon regard, moi, Ashutar.

Je m’apprêtais à pulvériser l’insolente d’une brève émanation de mon Courroux lorsqu’une faible voix déformée raisonna depuis les cieux, comme un appel :

« …‘Mina… »

Je levais une main pour intimer le Silence à mon armée d’Orcs en contrebas, et alors que le silence se fit au seul mouvement de ma main, la voix retentit à nouveau, plus forte et plus précise:

« Yelmina !! »

La jeune Sombre écarquilla les yeux, son bras partit dans un élancement de douleur irisant depuis son épaule blessée et un râle lui échappa alors qu’elle ramenait son autre bras à sa poitrine brûlante.

« Yelmina ! reprit son frère, essaies de grimper, par Shilen ! »

La jeune Sombre jeta un bref regard vers le visage congestionné de son frère, puis alentour, et réalisa enfin dans quelle situation elle se trouvait :

Suspendue au-dessus d’un gouffre, son frère était la seule chose qui la retenait tant bien que mal, par l’agrippe de son protège avant-bras, face à une chute mortelle. Elle battit des jambes dans le vide avant de trouver une prise pour ses pieds contre la paroi de glace et de roc, et comme son frère lui en avait intimé l’ordre, elle commença à remonter vers le bord de la crevasse.

Au bout de quelques secondes de lutte qui leur parurent à tout deux des minutes entières, Yelmina fut ramenée hors de la gueule béante de la crevasse sans fond, dans une gerbe de neige.
Les poumons en feu, ils durent prendre le temps de se reposer, allongés dans la neige, les yeux vers les cieux gris, avant de pouvoir échanger quelque mot.

« [Sombre] Que s’est-il passé ?

- [Sombre] J’aimerais bien le savoir moi-même ! Tu t’es levée d’un coup d’un seul sans mot dire et tu as commencé à divaguer dans une langue bizarre avant de t’enfuir à toutes jambes à travers les marais. Puis tu as… glissé dans le vide. Une chance que j’aie réussi à te rattraper à ce moment-là. Ca va ton épaule ?

- [Sombre] Mieux vaut une épaule démise qu’une chute sans fin dans les profondeurs du royaume des Nains…

- [Sombre] C’est sûr. En tout cas pour quelqu’un de blessé à la jambe tu cavales mieux qu’un elpy effarouché. Si t’avais pu faire pareil à Rune nous serions déjà arrivés à Goddard à l’heure qu’il est…

- [Sombre] Ne me fais pas rire veux-tu… ce n’est pas drôle… où est Vahneryon ?

- [Sombre] Le voilà justement, je l’entends arriver avec les stryders.

- Hé ! ‘Mina ! Nao’ ! Vous allez bien ! cria le mage Humain en traînant derrière lui les montures draconiques qui soulevaient des masses de neige sur leur passage.

- On est entiers Vahn’ ! répondit le Sombre sans regarder dans sa direction, en agitant simplement le bras au-dessus de sa tête, puis une fois leur compagnon arrivé auprès d’eux il ajouta en désignant du pouce le gouffre proche : ‘Mina doit avoir l’épaule en piteux état, j’ai du la tirer par le bras pour empêcher qu’elle nous fasse le coup du grand plongeon là derrière.

- Ah ouais, je vois, la Reine de la Voltige hein ? fit le mage en jetant un œil à la profondeur du précipice.

- Ce n’est pas drôle Vahn’, lui rétorqua la Sombre, penaude.

- J’ai jamais prétendu le contraire, mais faire tout ça pour un vulgaire bouquin, tu m’excuseras…

- De quoi parles-tu ?

- Bah, de ça. C’est pas pour les deux cailloux incrustés dans ton grimoire que tu as risqué de nous faire la Grande Cabriole ? » fit l’Humain en désignant Yelmina du menton.

Tous les regards se portèrent sur elle.
Et la jeune voleuse fut sûrement la plus étonnée de découvrir, serré contre sa poitrine par son bras encore valide, le Livre aux yeux couleur écarlate.



Chapitre I : Ex Nihilo – Fin.
« Celui qui ne s’est pas constitué d’objectifs dans la vie n’a aucune chance de les atteindre un jour. »
- Seigneur Voraag, Foudre de Guerre

[ image externe ] :3

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"Malheur à l'Homme Seul" - Part 1 - Chapitre 2

Message par jinael » mer. 4 juillet 2007 à 21h55

Première partie : Le Tome des Révélations Perdues

Chapitre II : Fata Morgana

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La Tour d’Ivoire : 3ième de l’Augure de l’Eau


ll ne faut pas se fier aux apparences.
Ces mots, on lui avait maintes fois répétés au cours de sa formation au sein des Paladins mais lorsque la Foi est ébranlée, tout ne semble plus être que mirages.
Alcance de Sommerlund attendait depuis maintenant deux bonnes heures que l’on daigne bien lui faire signe, mais pas un muscle, pas une seule de ses mèches bouclées couleur soleil n’avaient bougé depuis qu’elle avait pris place sur cette banquette dans l’Etage souterrain des Archives de la magnifique Tour Blanche ; et que l’un des Intendants lui avait demandé de patienter, le temps que le Conseil examine la requête dont elle avait été désignée la Porteuse par son Ordre.
Un exercice basique des plus « facile » pour ceux habitués à la discipline des Porteurs de la Parole Divine d’Einhasad, mais qui ne manquait jamais de provoquer au moins l’étonnant, voir même l’admiration des observateurs.
Le dos droit, le menton haut, les mains reposant sur le pommeau de sa Hache de Justice, le regard azur d’Alcance portait loin devant elle et ne clignait presque jamais.
Cet exercice de tension méditatif aurait du lui permettre de faire le vide pour ne se concentrer que sur les stimuli extérieurs mais ses pensées revenaient sans cesse sur sa Vision et ses conséquences directes: l’exposé qu’elle en avait fait à son Eminence.

Elle s’était attendue à tout, du retour vers une des Maison du Chapitre pour subir à nouveau un Entraînement Intensif afin de renouveler sa Foi, le renvoi pur et simple de l’Ordre pour avoir failli dans ses pensées, jusqu’à la Condamnation pour Hérésie.
Mais certainement pas à ce qu’elle soit désignée à la tête de huit Lames Ecarlates et envoyée à la Tour de la Sagesse avec le Titre de Coordinatrice afin de bénéficier des passe-droits allant de paire avec cette fonction.

« Il ne faut pas se fier aux apparences, Paladin de Sommerlund, ce que vous avez vu n’était peut être qu’une Vision, mais certaines visions sont porteuses de sens n’est-ce pas.

- Je ne suis pas sûre de bien vous comprendre Monseigneur. Vous ne voulez pas dire que…

- Non évidemment. Ce que vous avez vu n’était que pure affabulation. Le récit que vous nous avez fait de cette antique cité des Temps Perdus hypothétique ne correspond en aucun cas aux traces révélées par nos chercheurs. Toute votre description est émaillée d’incohérences, comme par exemple, d’un point de vue démographique, même en ces temps reculés, la concentration d’Orcs que vous nous avez décrite n’aurait pu exister, à moins que tout les Orcs du continent se soient donné rendez-vous à ce même endroit à cette même heure, sans penser à des détails tels que le ravitaillement d’une telle armée.
Même l’être aux yeux étincelants d’écarlate que vous avez aperçu volant dans son char ne pouvait en aucun cas être un Géant pour la simple et bonne raison que les Géants, comme leur nom l’indique, n’avaient pas taille humaine… je ne vais pas continuer l’énumération n’est-ce pas.

- …je suis désolée Monseigneur… cela semblait si réel, je n’aurais pas du…

- Au contraire, vous avez très bien fait de venir m’en parler. Cette affaire relève de la propagande à l’encontre de ce qu’enseigne notre Sainte Eglise et doit donc être prise avec sérieux. Il est peu probable que vous ayez rêvé deux fois de la même créature et que cela soit pure coïncidence.
Quelqu’un cherche à faire passer un message d’Hérésie et cette personne doit être combattue. Peut être que d’autres gens ont subi ce que vous nous avez rapporté et leur Esprit n’était pas forcément aussi fort que le vôtre. Il faut que cela cesse, et cela doit cesser au plus tôt.
Une expédition va être formée et une enquête menée afin de faire la Lumière sur cette histoire.
Vous n’avez rien de prévu ces prochains jours n’est-ce pas. »


Toute modestie mise à part, elle se savait l’un des éléments les plus prometteurs de son Chapitre. Mais obtenir une telle promotion de manière aussi soudaine et dans de telles circonstances…
Elle sentit l’Intendant arriver bien avant qu’il ne soit à la lisière de son champs de vision, malgré les pas étouffés par ses chausses confortables. Elle se leva à son approche dans un mouvement majestueux et vif qui ne manqua pas de faire sursauter certains, qui avaient fini par la considérer plus comme une statue grandeur nature que comme un visiteur de chair et de sang.
L’Intendant, un Elfe de haute taille aux longs cheveux blonds cendrés réunis par un Anneau de Puissance et aux minces yeux verts sans âge l’invita à le suivre jusqu’à un Isoloir. Une fois arrivés devant la minuscule pièce aux murs de pierre sombre ornés de symboles élégants, il tira hors de sa manche un long cristal émeraude de forme pyramidale délicatement ciselé et engravé des mêmes symboles que ceux présents sur les murs. Il le tendit à la jeune femme, la salua sans un mot, et pris congé.

Alcance s’insinua dans l’étroit Isoloir après avoir fixé à sa taille son imposante Hache, et dès qu’elle inséra le cristal dans la partie prévue à cet effet, elle fut coupée des sons de l’extérieur et plongée dans une cascade de lumière verte aveuglante…

« Archive numéro 15 78 - Rapport Confidentiel de Lysariel Elvessia d’Oren, Maîtresse Elementale, Seigneur des Arcanes et Archimage pour le Haut Conseil de la Tour d’Ivoire.

A la demande du Haut Conseil, mes recherches sur les Arcanes Magiques Perdues des Géants ont été affinées à l’étude des reliques concernant les mémoires et archives et le déchiffrage complet ou partiel des messages retrouvés dans les Ruines et Reliques de l’Ancien Monde.

L’un des Evènements Majeurs qui nous est rapporté à travers cette étude et qui nous revient assez souvent concerne une éventuelle Guerre Divine à laquelle aurait participé la Déesse de la Mort et de l’Outre-Monde Shilen, et qui l’aurait opposée aux autres Divinités connues ; comme dépeint sur les diverses fresques murales et les images-relief présentés dans les pièces archivées numéros AG12 001 à AG12 123 par mon équipe de recherche.

Bien que les raisons exactes de cette Guerre mystique demeurent à ce jour obscures, les indices tendent à démontrer que Gran Kain, Seigneur de la Destruction a joué un rôle prépondérant dans son déclenchement.

Les archives rejoignent l’idée populaire qui veut que Shilen enfantât d’une armée de démons pour envahir les Cieux Divins et que la bataille qui s’ensuivit durât suffisamment longtemps pour faire de lourdes pertes de part et d’autre des deux camps.

[La paternité serait prêtée à Gran Kain lui-même, qui aurait abandonné sa fille une fois son forfait commis.]


L’issue de cette Guerre reste incertaine, aucun des deux parties ne semblant avoir remporté de victoire définitive.

[Une équipe de recherche parallèle a suggéré dans une étude annexe que ce conflit continue d’être mené de manière plus subtile jusqu’à nos jours, tout comme le suggèrent certains faits historiques rapportés dans l’Archive du Rapport Confidentiel numéro 17 21.]

La fin de cette Guerre semble avoir été le point de départ de nombreux autres évènements historiques ou mythiques.

Par exemple, il n’est jamais fait mention dans aucune archive avant cet évènement de l’Outre-Monde, ce qui impliquerait que sa création par Shilen soit postérieur, ou intimement liée à cet évènement.

Certaines créatures mystiques, aujourd’hui labellisées divinités par certains groupes religieux, semblent également avoir fait parler d’elles pour la première fois peu de temps après cet évènement comme stipulé dans les Archives figurant à la fin de cet ouvrage.

[Une étude précédente a démontré que les Déesses Illu Bêrês, Liûh Peêra et Luperca seraient en fait des appellations différentes de la même entité, à travers les âges, mais que la mention la plus lointaine qui en est faite reste postérieure à cet Evènement]

Notons ici également que, bien que les circonstances exactes de l’extinction de la Race des Géants demeure encore aujourd’hui un mystère sur lesquels nos plus grands savants restent sans réponse, des Oracles du peuple disparu semblent avoir prédit la fin (imminente ?) de leur espèce, sans toutefois avoir précisé la nature du péril qu’ils encouraient.

De tels avertissements n’ont pu être trouvés que dans des documents postérieurs à cette fameuse Guerre des Dieux dans les rares archives déchiffrées du Géant
Ashutar et celles de…

Alcance retira le cristal pyramidal et la voix ainsi que les images-reliefs moururent aussitôt. Elle avait fini par entendre ce qu’elle était venue chercher.
De nouveau, les sons de l’extérieur se firent entendre dans l’Isoloir, mais la jeune femme n’y prêta nulle attention.
Elle prit quelques secondes pour ordonner ses esprits et décider de la marche à suivre à partir de là. Une fois prête, elle quitta l’Isoloir d’un pas décidé et alla rendre le cristal à l’Intendant qui l’attendait non loin.
Elle prétexta la nécessité de recueillir des informations de première main pour obtenir l’adresse personnelle de sa prochaine cible. Par force persuasion, une fois l’information obtenue, elle salua poliment et alla voir la Passeuse de la Tour, qui la ramena au niveau du Grand Hall.
Là, ses huit compagnons d’arme, arborant la Croix rouge sang sur leur bouclier, symbole de l’unité de combat à laquelle ils appartenaient attendaient immobiles qu’elle leur donna ses prochains ordres.

« Il semble que l’Imposteur ou son complice aient cru bon de quitter les lieux pour se réfugier à la cité de Goddard. Il serait juste de démontrer que les Serviteurs de la Déesse ne se font pas leurrer si aisément en allant leur rendre une petite visite qui n’aura rien à voir avec la courtoisie. »
Dernière modification par jinael le mer. 4 juillet 2007 à 22h08, modifié 3 fois.
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Message par jinael » mer. 4 juillet 2007 à 21h56

Goddard, les bas quartiers : 18ième de l’Augure de l’Eau


Naokin marchait d’un pas vif dans les méandres de la ville basse aux effluves suintants de promiscuité et d’insalubrité crasse. Le Soigneur sur ses talons, un Humain décharné à la mine maladive mais qu’on lui avait recommandé comme étant le meilleur qu’il put trouver à cette heure de la nuit, avait du mal à suivre l’allure.
Mais le jeune Sombre n’en avait cure. Toutes ses pensées étaient dirigées vers sa petite sœur. Depuis leur arrivée dans la Cité, la fièvre qui s’était emparée d’elle depuis les dix derniers jours de marche forcée n’avait cessé de s’accroître au point où elle ne pouvait plus quitter le lit.

« C’est encore loin ? fit l’Humain dans son dos, de sa voix d’adolescent pré pubère.

- On prend la prochaine à droite, puis c’est le bâtiment au fond de la cour, au second. »

Ils arrivaient finalement dans la petite impasse où ils avaient établi leur repaire temporaire. Bien que ténus, les liens qu’ils entretenaient avec le culte de l’Illhar Dalharen lui avaient permis de leur dégoter un point de chute discret sans attirer l’attention des autorités de la ville, au moins pour un temps.
Les cris et les braillements environnant ne semblaient nullement déranger le Sombre sommeillant à moitié sur les marches du couloir d’entrée du bâtiment qui lui fit discrètement le signal qu’aucun intrus n’était passé par là. Naokin gravit donc les marches quatre à quatre jusqu’au deuxième étage et alla directement à la porte de la chambre qu’ils avaient obtenue.
Arrivé sur le perron, il s’arrêta net, se fit bousculer par l’Humain, moins vif, et sorti son épée courte. La porte était entr’ouverte, mais nulle trace de Vahneryon.
Il se rangea en silence sur le côté du corridor, imité par l’Humain, et poussa du bout du pied le battant de la porte qui s’ouvrit davantage.
Ce qu’il vit ne lui fit pas plaisir.
Les murs étaient couverts de barbouillis et de fines arabesques indéchiffrables, mais le détail inquiétant était qu’ils semblaient avoir été tracés avec du sang. Tendant l’oreille malgré les cris nocturnes, il entendit une vague mélopée venir de l’intérieur.
Alors qu’il s’apprêtait à entrer, il dut rattraper l’Humain par le col pour éviter que ce dernier ne se fasse la malle. Il ne l’avait pas ramené pour rien. Du moins l’espérait-il.
Ils rentrèrent tout deux en silence, les multiples bougies posées sur les lattes faisant danser leurs deux ombres au plafond. La mélopée se fit plus pressante, Naokin reconnut la voix de Yelmina. Poussant la porte du vestibule, ils découvrirent cette dernière, assise parmi les bougies, au centre d’une pièce dont les murs étaient entièrement recouverts des mêmes écritures sanglantes.
Elle leur tournait le dos, mais on pouvait voir qu’elle avait à la main la rapière d’argent, poisseuse de pourpre et de noir, et sa chemise n’était plus blanche que par endroits, tout comme ses bras étaient aussi maculés de sang séché.

« .. La Mort est partout et les Esprits de la Douleur, du Désespoir, de la Haine du Monde vinrent à Nous, et ils nous Réclamèrent l’Equilibre… répétait la jeune Sombre, La Mort est partout et les Esprits de la Douleur, du Désespoir, de la Haine du Monde vinrent à Nous, et ils nous Réclamèrent l’Equilibre… Et les Esprits de la Douleur…

- Yelmina ? » fit Naokin tout bas.

D’un geste vif, la Sombre bondit sur ses pieds et posa la pointe de sa lame sur la gorge de son frère. Ses cheveux collaient en paquets sur son visage baigné de sueur, et son regard était cerné et hagard, méconnaissable. Une lueur rubis brillait au fin fond de ses pupilles dilatées.

« ‘Mina… c’est moi… c’est Nao’…

- Les Esprits… de la Douleur…

- C’est ton Grand Frère… tu ne me reconnais pas ? »

La pression sur sa gorge se fit plus forte, une goutte de sang perla.

« Les Esprits… l’Equilibre… Nao’ ?

- Oui c’est moi, lâches ton arme ‘Mina… »

La lueur s’évanouit des yeux de la jeune Sombre, et elle s’effondra mollement dans les bras de son frère. Ce dernier lui retira l’épée des mains et chercha des yeux rapidement autour de lui. Son regard finit par se poser sur un coin de la pièce, où gisait un corps lardé de coups de rapière…

« Vahn’…

- Nao’… j’ai peur fit la jeune Sombre dans un souffle, en s’agrippant à lui de toutes ses forces, frissonnante dans ses bras, aides-moi, je t’en prie, aides-moi…

- Je suis là petite sœur… tout va bien se passer à présent… tout va bien se passer… »
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Message par jinael » mer. 4 juillet 2007 à 21h59

Goddard, les bas quartiers : Le même soir


Lysariel Elvessia s’était montrée plus difficile à débusquer qu’Alcance ne l’avait pensé de prime abord. Non pas qu’elle s’étonna de ne trouver âme qui vive à l’adresse donnée par l’Intendant, mais plutôt parce que la piste depuis cet endroit avait été adroitement brouillée. Mais elle avait tout de même fini par la remonter.
Qu’est ce qu’un Haut Membre de la Tour d’Ivoire était venu faire, ou avait bien pu faire pour venir se terrer dans les bas-fonds d’une cité telle que Goddard ?
Alcance espérait bien le découvrir le soir même.
Malgré leurs longues capes et leur capuche rabattue, le groupe de huit soldats mené par la jeune femme Paladin avait du mal à se fondre dans la foule, comme pouvait en témoignait le large espace qui se creusait devant eux à chacun de leur pas.
Quand ils arrivèrent au pied de la bâtisse trapue qu’on leur avait indiqué, Alcance fit signe à ses gens de se disperser. Elle entra par la porte principale tandis que les autres vérifiaient les différentes sorties de secours possibles.
Lorsque deux Orcs à la mine patibulaire se dressèrent pour lui barrer le chemin avec un sourire de dents pourries aux lèvres, elle releva simplement sa capuche et écarta les pans de sa cape, découvrant son plastron massif arborant la Croix d’Einhasad, et découvrant par la même occasion la lourde Hache ceinte à son côté.
Les deux malandrins se rassirent aussitôt.
Elle poussa la vieille porte de sa main gantée d’acier et chercha des yeux l’escalier qui menait au troisième étage. C’était un repaire de coupe-gorge bien sûr, mais son assurance naturelle -aidé par son harnachement de guerre- suffit à maintenir les quelques brutasses présentes en respect.
Elle traversa la pièce pour rejoindre l’escalier qui se trouvait au fond dans le silence le plus complet et ses hommes ne tardèrent pas à lui emboîter le pas.

Arrivés au troisième, ils se dirigèrent vers l’unique porte de l’étage et Alcance toqua trois fois avant d’entrer sans attendre de réponse. Comme elle s’en doutait, la porte était ouverte, mais elle ne put réprimer une surprise intérieure en découvrant que l’occupante des lieux était présente, penchée sur un ensemble de concoctions diverses, au milieu d’un bric-à-brac d’objets hétéroclites dont la fonction échappait totalement à l’Humaine.

« Dame Elvessia ?

- Ainsi donc, finalement, le Conseil est venu me chercher répondit l’Elfe, sans lever le nez de son ouvrage, j’avais fini par penser qu’ils m’avaient oubliée.

- Pas le Conseil, mais la Sainte Eglise d’Einhasad, ma Dame, répondit la jeune femme en entrant dans la pièce, faisant raisonner ses lourdes bottes.

- Ah. Voilà qui est intéressant, fit Lysariel en se redressant pour observer ses visiteurs. Et que me vaut l’honneur ?

- Ashutar. » répondit simplement Alcance.

Les deux femmes s’évaluèrent du regard, tandis que les hommes, une main sur la garde de leur épée, investissaient les lieux, s’assurant qu’aucune menace voilée n’était présente dans les appartements modestes de l’Elfe.
Cette dernière devait avoir bien vécu, même si les années n’avaient nullement marqué son visage. Cependant Alcance pouvait lire le passage du temps dans les grands yeux gris de son interlocutrice, des yeux qui avaient vu passer le monde mais qui réagirent tout de même à l’évocation de ce nom.

« Fata Morgana, répondit énigmatiquement l’Elfe.

- Pardon ?

- Un mirage. Vous courez après un fantôme.

- Je ne lui courre pas après, c’est lui qui est venu me trouver. Une femme aux yeux couleur rubis se faisant passer pour l’Ashutar des Temps Anciens, et prônant des idées pernicieuses. Nous pensons que vous n’êtes pas étrangère au phénomène.

- Voilà qui est intéressant… » fit à nouveau l’Elfe, dans un sourire, tandis que deux hommes du groupe de soldats vinrent l’encadrer.

Machinalement, Alcance fit quelques pas jusqu’à la fenêtre, qui était ouverte, afin de laisser le temps à son interlocutrice de choisir ses mots. Elle connaissait les manières elfiques, elle savait qu’il était inutile de la bousculer. Au dehors, de ce côté-ci de la rue, les odeurs n’étaient pas nauséabondes, la nuit raisonnait toujours des cris omniprésents du bas quartier, quelqu’un fredonnait un air qui lui semblât un instant familier, quelque part dans le lointain.

- Vous pourrez me soumettre à la Question autant de fois qu’il vous plaira, je crains de ne pas faire un bon sujet de séminaire. En revanche, ma collègue de l’époque, une Sombre du nom de Cyrille Simonethar, avait depuis longtemps des idées que votre Eglise aurait certainement jugées… audacieuses… Prouver ses dires était l’un des objets de son étude, et la Tour d’Ivoire un moyen de parvenir à ses fins. Mais le temps que je comprenne tout cela, nous étions déjà trop lié l’une à l’autre pour que je puisse m’en tirer sans pertes et fracas. Le jour où elle déroba l’une des reliques avant de prendre la fuite, les soupçons ne manquèrent pas de peser à mon encontre, et je dus… m’en aller à mon tour.

- Voilà qui est intéressant… » répondit à son tour le Paladin.

Ses yeux se posèrent à ce moment là sur la petite fenêtre de la bâtisse d’en face, un peu en contrebas. Un homme s’y tenait dans l’embrasure, et dès qu’elle le vit, elle sut que quelque chose n’allait pas.
Il était trop bien habillé, ses cheveux blancs et sa barbiche blanche trop soignés, il était trop pâle, trop… pas à sa place.
Comme si il avait senti son regard, l’homme se tourna vers elle et la toisa de ses yeux noirs et un instant, elle se senti comme hypnotisée par ce regard sombre. Puis il détourna simplement la tête, et sorti hors de l’angle de vision de la jeune femme.

Celle-ci donna quelques ordres par signes codés à ses hommes, et ces derniers quittèrent la pièce, se dirigeant vers le bâtiment qu’elle leur avait indiqué.
Il fallait en avoir le cœur net.

- Un problème ?

- Du tout ma Dame, répondit-elle sans quitter des yeux la fenêtre d’en face, parlez-moi de cet objet qui fut dérobé au Conseil et qui vous obligea à venir vous terrer ici, de peur des représailles.

- L’Ex Nihilo. Une relique de dimensions modestes, recouvert d’une couverture de cuir, il passerait aisément pour un livre, et il semblait remplir le même office de support de la mémoire. Mais comme toujours nous n’avions découvert que l’aspect visible d’une trame beaucoup plus complexe que nous n’aurions pu l’imaginer. Les Dieux seuls savent encore ce qu’a bien pu devisé Ashutar en concevant cet artefact. »

Alcance attendait toujours près de la fenêtre. Enfin l’une des Lames Ecarlates se montra à la petite fenêtre qu’elle observait, et lui fit signe qu’il n’y avait personne dans la zone. Elle se releva donc et s’apprêtait à faire face à son interlocutrice quand un objet filiforme et droit traversa la gorge du soldat par l’arrière, et celui-ci fut tiré brusquement hors de l’angle de vision de la fenêtre.

Alcance se saisit de sa Hache et du Bouclier qui était ceint dans son dos dans un même mouvement et enjamba la fenêtre d’un saut leste. Elle chuta de toute la hauteur du troisième étage, s’écrasa dans un amas de vieilles caisses et de planches que le poids de son armure démultiplié fit voler en éclats, roula une fois sur elle-même pour absorber une partie du choc, et fut sur ses pieds le tout en trois battements de cœur.
Elle courut bouclier en avant, renversant les badauds sur son passage comme s’il s’agissait de vulgaires fœtus de paille, les yeux rivés sur la petite fenêtre de la sombre bâtisse au fond de l’impasse. Elle pouvait voir se projeter sur le plafond de la pièce les ombres des hommes en train de se battre.
L’instant d’après elle était à l’intérieur et remontait les marches quatre à quatre tout en invoquant les Prières. C’était au deuxième. Elle surgit dans le couloir telle une tornade, le bouclier solidement calé devant son corps, et la hache levée haut, prête à frapper.
Elle fut accueillie par un Silence assourdissant et le Calme.
Elle traversa le petit corridor faiblement éclairé par des bougies disposées à même le sol et arracha de ses charnières la première porte en bois qui lui faisait obstacle d’un violent coup de botte, porte qui vola avant de s’effondrer dans un grand fracas.
Elle compta huit cadavres. Tous arboraient la Croix écarlate. Certains n’avaient même pas eu le temps de tirer leurs épées.
Elle entra à pas mesurés, sur le qui-vive.
Il n’y avait pas d’autre issue, mise à part la petite fenêtre.
D’une manière ou d’une autre, l’assassin avait réussi à s’enfuir.
Elle rajusta le bouclier dans son dos et entreprit d’examiner les corps. Pour certains, elle eu du mal à trouver l’unique et minuscule blessure qui leur fut fatale, la marque d’une rapière.
L’homme aux cheveux blancs avait frappé les points vitaux avec une précision chirurgicale, se jouant des plaques des armures lourdes en passant par les charnières et les quelques défauts de protection.

« La Mort est partout et les Esprits de la Douleur, du Désespoir, de la Haine du Monde vinrent à Nous, et ils nous Réclamèrent l’Equilibre. »

Alcance leva les yeux un bref instant vers la Mage de la Tour d’Ivoire, avant de reprendre son examen minutieux. Lysariel, qui se tenait sur le seuil, entra alors dans la pièce, passant une main fine sur les inscriptions sanglantes des murs et reprit à nouveau leur lecture à haute voix :

La Mort était partout et les Esprits de la Douleur, du Désespoir, de la Haine du Monde vinrent à Nous, et ils nous Réclamèrent l’Equilibre.

Shilen, déchue par sa Mère Einhasad, n’était plus la Souveraine des Flots et à la place s’était créé son propre Royaume vers lequel voguaient les Âmes des Morts.

Eva la plus jeune des Dieux, Eva la Poète, Eva l’Insouciante, à Eva fut confié la lourde tâche d’administrer l’Elément Liquide en lieu et place de sa Sœur Perdue.
Mais Eva prit peur après avoir vu la Colère de sa Mère envers sa Sœur Aînée et fuit ses responsabilités.
Eva prit peur en voyant le chemin de Douleur et de Désolation qu’avait du emprunter sa Sœur Aînée et se cacha des yeux de tous.

Alors le Monde, encore secoué des affres de la Grande Guerre des Cieux, alors le Monde perdit sa Gloire et sa Beauté.

Sans Déesse pour les guider, les Eléments et les Esprits de la Nature périclitèrent et le Chaos dévora la Terre et les Créatures qui l’habitaient.

Les vastes forêts périrent privées d’eau, les champs et les plaines devinrent arides, les vallées se changèrent en déserts et il n’y eu plus que Malheur et Haine pour les Etres qui habitaient là.

Les rivières et les mers s’asséchèrent, leurs lits furent mis à nu, et il n’y eu plus que Douleur et Peine pour les Etres qui existaient là.

Les pluies torrentiels s’abattirent sur les pics et les montagnes, noyant jusqu’à leur sommet, et ceux qui planaient dans le ciel ne trouvaient plus d’endroits où se poser, et il n’y eu plus que l’Horreur pour les Etres qui vivaient là.

Il n’existait nulle vie de par le monde qui ne connut la souffrance en ces Temps Là, la Mort était partout et les Esprits de la Douleur, du Désespoir, de la Haine du Monde vinrent à Nous, et ils nous Réclamèrent l’Equilibre.

Alors le Peuple des Géants alla quérir les Dieux, moi, Ashutar et les Miens, Nous les avons priés au nom des Esprits de tout ce qui vivait et qui souffrait sur ce qu’il restait de la Terre.

Einhasad et Gran Kain nous entendirent et découvrirent Eva, cachée au fond d’un lac ou elle s’était endormie. Devant le Courroux de sa Mère qui était Grand et Terrible, Eva accepta ses responsabilités.
Elle Commanda aux Eléments, et les eaux se retirèrent.
Elle Commanda aux Pluies, et les inondations cessèrent.

L’Equilibre fut ramené, mais le Monde avait perdu sa Pureté et son Eclat Originels. Ce qui était Juste ne l’était plus, et ce qui était Bon avait péri.

Et dans le Cœur des Géants, la graine du Doute avait germé…


Sa lecture achevée, Lysariel se retourna vers la jeune femme accroupie et observa le silence.

« Le Déluge. Revu et corrigé par un Hérétique. Commenta simplement Alcance.

- Il ne vous est jamais venu à l’esprit, murmura l’Elfe aux yeux gris, que tout ceci était peut être la vérité…

- La Vérité se trouve dans la Lumière de notre Eglise, affirma Alcance sur un ton n’invitant pas à la répartie, tout ceux qui sont plongés dans les Ténèbres doivent être Sauvés, ou Châtiés. » rajouta-t-elle en se levant.

L’examen du dernier corps lui tira une grimace de dégoût et de haine instinctifs qu’elle ne sut réprimer, malgré tout son entraînement, ou, peut être, à cause de ce dernier.

« Mais pour l’auteur de ces crimes, il n’y aura nulle Salvation, seulement le Juste Châtiment, fit-elle d’une voix calme et glacée.

- Vous avez trouvé quelque chose ? hasarda Lysariel en se rapprochant de quelques pas.

- Peut être. »

L’Elfe observa à son tour le corps qui gisait à leurs pieds.
De prime abord, rien ne semblait le distinguer de ses compagnons d’infortune.
Il s’agissait juste d’un homme encore bien jeune pour avoir ainsi rencontré sa dernière heure en comparaison de ses camarades aguerris.
Mais contrairement aux autres corps dont le faciès était marqué par le rictus d’une mort douloureuse, il y avait sur ce visage une expression curieuse, mêlée d’étonnement et d’incompréhension, et un léger sourire semblait affleurer à ses lèvres pâles.

L’Elfe fut soudain prise d’un sentiment de malaise presque nauséeux.
La pâleur de ce corps frais, elle l’avait déjà vu par le passé, elle lui était familière.
La pâleur d’un corps exsangue.

Sa main tremblante agrippa l’avant bras d’Alcance, qui tourna la tête vers elle.

« Je vois que vous connaissez les signes. » fit le Paladin dans un murmure.

L’Elfe détacha son regard du corps pour tourner son visage vers l’Humaine.
Elle ne prononça qu’un seul mot, qu’elle glissa dans un souffle étouffé :


« Vampire. »


Chapitre II : Fata Morgana - Fin.
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Phantasme
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Une ère contemporaine

Message par Phantasme » sam. 14 juillet 2007 à 11h12

Première Partie : En Aden



Il ne devait être pas loin du début de soirée. Le soleil, toujours radieux, illuminait le ciel d’un rose orangé où étaient parsemés quelques opportuns nuages fins. La brise fraîche du soir s’installait doucereusement dans la cité, s’engouffrant par les portails encore grands ouverts. Une balle en viscère de chèvre fila dans les airs. Un petit garçon coura après jusqu’à s’en couper le souffle ; mais il était trop tard. Son jouet heurta, à la fin de sa chute, le haut du heaume du garde de l’entrée Est, lequel ne fit pas le moindre geste, observant d’un air patient le rejeton à la mine bien basse. A la suite d’une courte entrevue emplie d’excuses et de génuflexions exécutées à merveille par le garçonnet, ce dernier cavala en direction de ces camarades de jeu, riant aux éclats, le garde tournant les talons pour regagner son poste, un sourire plus qu’exagéré, presque hilare, aux coins des lèvres.


C’étaient, à quelques détails près, les mêmes scènes tous les jours. Des sourires, des courbettes, une humeur généralement joviale, un calme plat dans la plus admirable des cités. Evidemment, bien des choses étaient dissimulées aux habitants par le Seigneur des lieux. Tout le monde avait vaguement entendu une ou deux rumeurs sur ce qu’il se passait dans le Sud. Les Orcs avaient envahit le territoire de Giran, la retirant du contrôle de ce même Seigneur, depuis ce jour, saturé par la rancune. D’autres bruits disaient qu’il préparait secrètement une armée pour reconquérir cette contrée. Ce qui n’était pas totalement faux, mais personne n’en sut jamais rien. Et n’en saura probablement jamais rien…




Le crépuscule s’installait donc, à son rythme, en Aden. Un seul petit détail distinguait ce moment des autres. Des pas… Des bruits de pas. Des foulées véloces et lourdes à la fois surmontées du cliquetis d’une armure huilée. La sentinelle, qui n’était que le garde de tout à l’heure, perçut alors le patrouilleur du Cimetière de l’Est cavaler dans sa direction, essoufflé par l’effort qu’il venait de fournir.

<< - Halte là, voisin ! Que t’arrive-t-il donc ? commença la sentinelle avec hauteur, brandissant sa hallebarde devant le nez de son confrère.
- Une bien sombre mésaventure, voisin ! réussit à extirper ce dernier entre deux souffles. Peux-Tu me faire annoncer à Ton supérieur ? J’ai bien des choses à lui rapporter.
- Assurément. >>

Il opina du chef, l’accompagnant jusqu’au logis du quartier général du Protectorat, et ouvrit la porte massive avant d'entreprendre les rituelles salutations de son Ordre.

<< - Quelqu’un désire converser avec Toi, Sire Vanion.
- Qu’il soit accueilli comme un frère ; répondit le concerné, d’une voix dégradée par l’âge mais d’une extrême douceur. >>

Le garde se dégagea du seuil afin de laisser passer son égal avant d’ajouter, comme le veut le cérémonial, une dernière parole :

<< Puisse la paix t’habiter sous ce toit. >>
Il y eut un bref hochement de tête associé à un mince sourire, puis le patrouilleur pénétra dans les quartiers du chef de la garde.



C’était un endroit très peu chaleureux, aux murs étonnamment sombres à cause de la pierre grisâtre, jurant presque avec la teinte diaphane du reste de la cité. La cloison en face de l’entrée ornée d’une tapisserie brodée des armoiries du Protectorat était à peine illuminée par les trois chandelles de l’unique lustre de la pièce. Vanion avait les cernes jusqu’en dessus des joues sans doute à cause du travail qu’il fournissait depuis les derniers conflits. Ce petit détail ne changeait rien à son air habituel, c’était un gaillard de taille moyenne à la carrure imposante malgré sa chevelure grisonnante. Avec tout le cérémonial habituel, le soldat commença à le saluer mais Vanion le coupa d’un geste de la main :
<< - Gardons les manières pour plus tard ! Ce que tu as à m’avancer est d’autant plus important que ces modalités salutaires.
- A vos ordre, Général. ( Il y eut un silence pesant, puis il ajouta ) Bien. J’étais tranquillement en train de faire mon tour de garde, comme à…
- Au fait, je Te prie. Au fait !
- Il y a un remue ménage plutôt effrayant du côté des Plaines Abandonnées ; balbutia-t-il après un petit toussotement. On L’entend depuis le cimetière où je fais ma ronde. Et puis ce bruit affreux… indescriptible. ( Il frissonna ) De la fumée jaillit de derrière les collines, noire, très épaisse, comme si on avait brûlé toutes les terres. Je crois qu’ils construisent quelque chose. >>

Il resta un petit moment le regard dans le vague, pris involontairement de spasmes. Vanion l’observait sans un mot, d’un air songeur. Il n’était même pas surpris par ce qu’il venait d’entendre ; il s’attendait à tout depuis qu’il avait accepté ce poste. Mais qui ‘‘ils’’ ? Puis, comme sa crise s’arrêtait, le patrouilleur reprit sereinement, ce qui parut étrange aux yeux de Vanion :
<< - Il faut aller voir. Nous devons voir ce qui se passe… ( Puis il hurla ) Il faut y aller, absolument, et vite ! Tout de suite !
- Nous irons, effectivement, y jeter un œil. Mais avant je Te somme de prendre du repos ; répliqua Vanion d’un ton net et posé, digne d’un Général.
- Non ! Je vous accompagne.
- Ai-je dit le contraire ?! Je conduirai personnellement quelques hommes au lieu que Tu m’as décrit dès le levé du soleil.
- N…
- On ne discute pas un ordre ! Maintenant, va ! (Il se leva et fit un bref mouvement de tête vers le patrouilleur en joignant au geste la parole ) Puisse la paix être avec toi. >>

Cette attitude clôtura la conversation. La garde disposa sans un mot, ni même un regard envers son supérieur. Cette réaction semblait encore plus anormale que sa légère crise de folie, du moins, ce que pensait le Général.




Ainsi, à l’aube du jour suivant, une patrouille d’une douzaine de soldats à l’allure digne, visières abaissées, quitta la cité d’Aden en direction de l’Est où devaient se trouver ces fameux usurpateurs. Le garde ayant rapporté la nouvelle avait été laissé en garnison ; ils avaient pris la précaution de l’installer dans une cellule insonore, l’obligeant au repos. Avançant à un rythme soutenu, la patrouille arriva bientôt à la croisée des chemins. A l’Est se trouverait l’hypothétique camp si peu décrit et, jusqu’ici, inconnu de tous. Un bourdonnement perçant commençait à s’exsuder de dernière la colline. On y entendait vaguement quelques cris plaintifs en deçà d’un semblant de fumée grisâtre. Le groupe progressa jusqu’à apercevoir un rempart de bois, puis la fortification dans son intégralité. Les cris geignards n’étaient qu’en réalité des râles probablement dus au labeur à l'édification de la bâtisse.


Puis les braillements s’estompèrent jusqu’à disparaître à leur approche. A l’évidence, ils avaient été repérés. D’un geste vif du Général, la troupe se dispersa, certains se camouflant dans les hautes herbes, les autres se dissimulant tant bien que mal derrière le peu d’arbres qu’il restait. Le portail s’ouvrit comme si de rien n’était, laissant uniquement en vue l’intérieur du baraquement. Aucune silhouette n’émergea de là. Vide… Le camp était désert. Les soldats cachés par-ci par-là se dégagèrent de leurs refuges regardant béatement l’ouverture. Dès lors, ils apparurent. Comme la brise envahissant une plaine, des corps à moitié translucides se dévoilèrent. Comment avaient-ils pu construire cette bâtisse avec de tels organismes sans matière ? Ce qui semblait être leur chef se montra à son tour. L’ignominie, pour ne pas dire parfaite abomination, ne correspondait à rien de connu. On n’aurait su décrire son apparence mais, a fortiori, lui paraissait bien réel. Etrangement, à son approche, les fantômes environnants retrouvèrent un corps palpable, ce phénomène probablement dû à ce qu’elle tenait dans sa main : une orbe bleu turquoise, de cette même couleur que l’on retrouve dans l’Immense Cave ou encore à la Tour de Cruma. Apparemment, cette civilisation déchue recelait encore bien des mystères, surtout du point de vue des humains.


La créature qui planait d’une façon étrange au ras du sol s’approcha des soldats obnubilés par l’orbe. Même le Général succomba à l’enchantement. Une expression un peu moins neutre, voire de réjouissance, se dessina sur ce qui servait de visage à la créature. La lueur fascinante s’approcha des yeux des guerriers, encore… Toujours plus proche. Il y eu un râle étouffé, un seul, suffisant à expulser dans les airs la troupe entière qui retomba lourdement sur le sol herbeux. Tous furent fortement étourdis par la violence du coup, certains corps, même, atterrirent sans vie. L’un d’entre eux, Vanion qui remercia sa propre résistance, se releva, épée et bouclier en mains, tout muscle bandé, prêt à jaillir au moindre faux mouvement de la part de l'offenseur. Chose curieuse, ce dernier confia l’orbe à un sbire. Avait-il retenu son coup pour permettre à au moins un des hommes de se relever ? Probablement oui. L’abomination s’avança vers le Général qui, au même instant, se propulsa dans sa direction, l’arme disposée de sorte à la transpercer. Fâcheusement, il passa, surpris, au travers de la carcasse et s’effondra à nouveau au sol. Son armure de métal étant trop lourde pour se relever rapidement. La bête était déjà sur lui et lui dévora littéralement le visage, accompagnée de la face du heaume, à l’aide de piques qui se trouvaient, vraisemblablement, dans sa bouche. C’en fut fini de lui mais la créature opta pour prolonger l’étripage… La suite ne valant pas le peine d’être décrite.







<< … Bien sûr, quand j’ouvris les yeux au milieu des hautes herbes, la plaine était déserte, il restait seulement ce camp vide et même pas les cadavres de mes confrères. Je l’ai visité, oui. Il y avait bien de quoi construire des dizaines d’engins de siège avec tout ce bois coupé, forger des lames de fer avec tout ce métal anciennement chauffé, stocker des armures composées dans ses immenses entrepôts…>>


Erordus était un survivant du massacre de la patrouille. Pour lui, c’était de sa faute si ses compagnons avaient été lapidés. Jamais il n’aurait dû dire au Général Vanion d’aller voir ce qu’il s’y préparait. Ils auraient mieux fait de rester à la cité à préparer les défenses. Pourquoi avait-il fallu qu’il ouvre sa bouche ? Tout était de sa faute. Tout. Et même, il n’aurait pas dû sortir de sa chambrée, assommé un garde et prendre sa place au petit matin pour partir avec la patrouille. Mais, après tout, cela lui avait peut-être sauvé la vie.


<< … Hélas, ils ne connaissaient pas les potions de premier secours. Mais ! Mais, j’ai quand même réussi à marcher… Pendant quelques heures, trébuchant, m’affalant sur le sol pour faire une pause, j’ai marché, marché, jusqu’à arrivé aux portes de la cité. Et ils n’ont même pas laissé un cadavre ! Tous ont disparu. Tous ! J’ai préféré faire demi tour tout de suite. Peut-être ont-ils aussi pris le château ? Peut-être se cachent-il à l’intérieur ? Peut-être sont-ils repartis de là où ils étaient venus… >>


Un marchand vagabond l’avait retrouvé, à moitié conscient, sur la route du Coliseum, au Sud d’Aden. Tout au long du voyage, c’est–à-dire jusqu’au Village des Chasseurs puis Oren, il avait balbutié des paroles incompréhensibles à cause de probables cauchemars divers. Maintenant, il était assis sur le pavé d’Oren, à l’entrée de la banque, à papoter avec lui-même, les genoux repliés coincés entre ses bras, le regard dans le vide. Certains passants l’écoutèrent un instant mais la plupart continuèrent leur chemin. Il continua de parler, presque indéfiniment, reprenant parfois son récit du début.


La vie reprit son cours, paisiblement, jusqu’à …

Phantasme
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Message par Phantasme » jeu. 19 juillet 2007 à 15h27

Seconde Partie : L'île d'Innadril



La sentinelle somnolait à moitié sur les remparts de la ville d’Innadril, le soleil n’était pas encore levé et la relève n’allait pas tarder. En contrebas des murs d’enceinte s’étendaient des contrées verdoyantes traversées par quelques ruisseaux reflétant les dernières étoiles qui s’attardaient dans le ciel. Du fait de son état semi comateux, le garde ne fit tout d’abord pas attention à une sorte de mouvement vers le sud, par delà les collines. Ouvrant les yeux autant que la fatigue le lui permettait, il essaya de distinguer ce que pouvait être cette chose. Sa vue n’étant pas des plus claires, il décida d’attendre la relève et d’en faire part à son collègue. Lorsque le soleil commença à apparaître derrière les collines, son remplaçant arriva enfin. Deux mots lui furent touchés au sujet de l’étrange agitation au loin et le soldat qui devait prendre le quart regarda aussi dans cette direction. Lui était bien réveillé et ce qu’il aperçut sembla l’ennuyer.

« - Quand tu descendras, va voir le capitaine et dis lui qu’il y a un truc pas net là haut, on dirait un nouveau ruisseau peut être même un fleuve, et j’ai jamais entendu parler de rivières qui apparaissaient pendant la nuit.
- T’en es sûr ?
- Comment peut-on être sur de quoi que ce soit à cette distance ? C’est au capitaine de voir s’il veut approfondir la question, nous on est que deux plantons je te rappelle. On a pas la chance d’avoir notre oncle qui crèche chez le seigneur des lieux nous, ajouta-t-il d’un ton méprisant.
- Bon, bon, je le ferai et après, je me paye un bon roupillon, dit l’autre en baillant. »

Ce dernier descendit donc les marches menant à la cour de la caserne et se rendit en traînant les pieds au poste de garde. Là il tenta de reprendre une allure à peu près martiale et entra avec toute la dignité possible.
« Capitaine ! »
Un homme assez jeune penché sur un bureau et qui écrivait releva la tête et jeta un coup d’œil à l’homme qui se présentait à lui, vacillant.
« - Caporal... Je vous écoute.
- Capitaine, il y a un mouvement au sud, d’après Rhonor, il s’agirait d’une nouvelle rivière. Elle est apparue dans la nuit.
- Une nouvelle… quoi ?
- Rivière mon Capitaine, rivière.
- Caporal… vous entrez dans mon bureau en tenue fantaisie et il suffirait d’un souffle de vent pour vous renverser, j’espère pour vous que vous n’avez pas abusé de vin ou je vous assure que vous aurez droit à une cure forcée dans un cachot.
- Mon Capitaine, je vous assure que je suis sobre, je suis juste… oaaah, fatigué. Et Rhonor l’a vu aussi.
- Hmm… Bon soit, je vais envoyer une patrouille. Rompez.
- A vos ordres Capitaine. »

Le caporal sortit du bureau tel un zombie. Le capitaine se renversa dans son siège et réfléchit un instant. Puis il tira sur une corde qui pendait du plafond à ses côtés et son aide de camp apparut à la porte.
« - Envoyez une patrouille au sud voir s’il y a des choses dans la zone. Qu’elle revienne faire son rapport dès qu’elle aura fini.
- Oui Capitaine. »
Le capitaine congédia l’aide d’un geste de la main et resta un instant perdu dans ses pensées avant de se replonger dans son travail d’administration.


« - Sergent, on est vraiment obligé de se taper une battue dans le coin à cette heure-ci ? Même le boulanger est moins matinal !
- Turek, si t’as quelque chose à dire, tu le dis au Capitaine, pas à moi, compris ? »
Le dénommé Turek se contenta de grommeler mais n’ajouta plus rien. Les cinq hommes qui avançaient sous le soleil levant se seraient bien passé d’une telle mission mais enfin, on ne leur avait pas demandé leur avis. Arrivé à l’endroit où on leur avait enjoint d’enquêter, ils restèrent bouche bée. Ce n’était pas une rivière, mais un fleuve. Et le plus bizarre n’était pas là. L’eau se dirigeait de l’aval vers l’amont. Elle grimpait les collines et semblait se diriger lentement vers la cité d’Innadril, ralentie par les collines qu’il lui fallait gravir.
« - Par Eva, mais quel est ce prodige ?
- C’est de la sorcellerie ! s’écria Turek, Sergent, on est pas de taille à affronter un sorcier, rentrons vite ! »
Les autres approuvèrent, tous avaient vu leurs visage virer au gris. La magie, ils savaient ce que c’était, certains d’eux avaient déjà vu des mages à l’œuvre, des rumeurs disaient même que certains des elfes les plus sages et les plus experts en la matière étaient capable de commander à l’eau, mais certainement pas à une masse aussi énorme, c’était bien là l’œuvre d’un pouvoir incommensurable. Ils reculèrent, mais il était trop tard, l’eau se dirigea vers eux et en un instant ils furent encerclés sur un petit îlot de terre.

Alors de l’eau qui les entourait s’éleva des volutes dont les formes se précisèrent et à la grande horreur des soldats, des ondins de la taille de géants se dressèrent devant eux, leurs fourches d’eau dirigés vers eux. Avant même que les soldats aient pu songer à tirer leurs épées, le plus grand des ondins les embrocha de son trident. Ils ne furent pas empalés, non, l’arme leur passa à travers le corps sans y pénétrer mais en un instant leurs poumons furent pleins d’eau et ils périrent noyés. Voyant cela, les ondins replongèrent dans le fleuve et celui-ci reprit sa route vers la ville, laissant là les cadavres de la patrouille.

A midi, le capitaine n’ayant toujours pas de nouvelles de l’escouade qu’il avait envoyé, il chargea un autre détachement d’aller voir ce qu’il en était. Celui-ci prit donc la direction des terres où s’étaient aventurés leurs infortunés camarades. Arrivés à destination, ils repérèrent à distance les corps des leurs, le sergent envoya un homme voir ce qu’il en était et quand celui-ci revint, sa mine était pour le moins perplexe.
« - Sergent, ils sont morts.
- Sans blagues ? Moi qui croyais qu’ils faisaient la sieste… alors ?
- Sergent… ils ont tous été noyés… »
Le sergent regarda le fleuve qui s’écoulait à une dizaine de mètre des corps. Lui aussi remarqua le sens du courant.
« A la garnison, et au pas de course, y a un truc pas normal ! »
Les soldats détalèrent et arrivés au poste de garde, le sergent fonça dans le bureau du capitaine lui expliquer la situation. Celui-ci sortit alors et monta sur les remparts.
« - A quelle vitesse dites vous que cela avance ?
- Je ne saurais le dire précisément Capitaine, mais ce sera là avant la nuit.
- Que tous les hommes se massent aux remparts et qu’on ferme les portes. Nous allons devoir organiser la défense. Que les mages soient prévenus du phénomène. Ils auront peut être une explication. Ah… et prévenez les prêtres aussi, je crains qu’il ne faille bientôt compter sur leurs talents de guérisseurs…
- Oui Capitaine. »

Dans la ville résonna alors le son du tocsin.

La journée fut des plus agitées, les hommes creusant un fossé devant les remparts de la ville et érigeant des barrières pour retarder l’avance des flots. Les mages consultés sur la question ne purent que constater que ce fleuve prenait sa source dans le jardin d’Eva mais ne trouvèrent aucune parade. A partir de là, certains prêtres se mirent à prêcher la fin du monde et exhortèrent les hommes et les autres races à se préparer à rencontrer Eva et Shilen. Pendant que ces appels à la repentance résonnaient, certains habitants paniqués tentaient de se réfugier sur les hauteurs. A la nuit tombée, le fleuve atteignit la ville. Il s’engouffra dans le fossé et rapidement il encercla la ville. Alors les flots déchaînés s’élevèrent dans les airs en un mur aquatique, puis ce qui était devenu un raz de marée s’abattit sur la ville. Les ondins reprirent leurs formes originelles et entreprirent de massacrer toute la population présente. Leurs tridents fauchaient les êtres qui tombaient alors à terre noyés, ou bien périssaient engloutis par un ondin qui s’abattait sur eux ou les saisissaient et les avalait. Le mur de végétation entretenu par les mages autour des membres les plus importants de la ville ne tint pas, ne pouvant absorber toute l’eau. Lorsque la lune fut à son zénith, Innadril était devenu un lac. Au matin, l’eau s’était retirée, retournant vers le jardin d’Eva. Mais il n’y avait plus âme qui vive dans la cité.

Phantasme
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Message par Phantasme » jeu. 19 juillet 2007 à 15h35

Troisième Partie : La cité de Gludio


Dans le camp abandonné, une activité inhabituelle semblait agiter les toiles de tentes moisies et les remparts à moitié pourris. Des groupes de Ol Mahum arrivaient l’un après l’autre, de toutes les directions des environs. Ces humanoïdes ressemblant plus à des hyènes qu’à des individus doués d’intelligence n’étaient pourtant pas connus pour leur propension à vivre en société. D’où l’étrangeté de ce genre de mouvement. Des cliquetis se faisaient entendre comme deux ou trois Ol Mahum tentaient de redresser les lames de leurs épées rouillées. Ce peuple primitif n’avait pas de forgeron digne de ce nom et les lames qu’ils possédaient appartenaient jadis à des voyageurs qu’ils avaient attaqués, mais il y en avait tout de même quelques uns un peu plus futés que les autres qui tentaient en cognant les cimeterres contre une roche de leur redonner une forme à peu près droite.

Dans une tente encore debout et dans un état relativement bien conservé au vu du reste du camp, les chefs des différentes meutes, tout d’acier caparaçonnés, conféraient entre eux. C’est à dire qu’ils grognaient tels des chiens enragés, celui qui poussait le grognement le plus fort imposant son point de vue aux autres. Au milieu de ces fiers combattants qui formaient un cercle, sur le sol était dessiné (si on peut employer ce terme pour cette esquisse rudimentaire) la carte des environs et en particulier… de la ville de Gludio. Visiblement, le plus grand des chefs (donc le plus respectable selon la hiérarchie Ol Mahum) semblait exhorter les autres à attaquer la ville à grand renfort de grondements, aboiements et autres sons discordants sortant de son vilain museau. Certains émirent quelques jappements et glapissements pour exprimer leurs craintes pour leurs petites liquettes mais après que le grand chef eut distribué une volée de morsures et de coups de griffes à ces couards, il ne se trouva plus aucun de ces animaux pour contester le plan génialissime de la grosse brute. Ils sortirent alors tous de la tente et, là, le grand chef poussa un hurlement moitié humain, moitié animal, d’une force prodigieuse afin d’obtenir l’attention de ses congénères. Grimpant sur une caisse dont le bois n’était pas encore vermoulu, il harangua l’armée massée à ses pattes. Maintes fois il leva son glaive oxydé vers la ville de Gludio et lorsqu’il eut fini son discours, un seul cri bestial sortit de toutes les gueules des Ol Mahum.

Puis la troupe se mit en mouvement.
Ce n’était pas une armée qui se mettait en marche mais plus un troupeau de ces vils créatures. Cependant il n’y avait pas à s’y méprendre, la discipline n’était pas leur fort mais au combats les Ol Mahum étaient des adversaires redoutables, forts, résistants, rapides et ne possédant pas assez de cervelle pour éprouver de la peur.

Les sentinelles de Gludio aperçurent bien un nuage de poussière qui approchaient de la ville mais les lourdes portes ne purent être fermées à temps. Les Ol Mahum couraient à une vitesse incroyable sur leurs quatre pattes. Lorsqu’ils eurent pénétrés dans la ville, tout fut joué. Leurs armes étaient certes ébréchées, tordues, mal aiguisées et l’usage qu’ils en faisaient était des plus sommaires mais ils avaient l’avantage de leur sauvagerie, de la surprise et du nombre. Dans les rues de Gludio ce fut bientôt le chaos total, les habitants courant dans toutes les directions tels des poules effrayées par l’entrée du renard dans leur terriers. La garde ne résista pas longtemps. Ce ne fut pas une bataille, ce fut une boucherie. Ca et là on voyait un Ol Mahum se repaître d’un cadavre voir parfois d’êtres encore vivants. Lorsqu’il n’y eut plus âme qui vive dans la ville (c’est à dire d’êtres possédant un quotient intellectuel supérieur à quarante, les Ol Mahums étant toujours là bien sur), les immondes hyènes retournèrent à leur camp et fêtèrent leur joie dans une orgie tribale des plus abominables. Lorsque qu’ils eurent ripaillé pendant deux semaines, leurs penchants pour les luttes intestines reprit le dessus et ils se séparèrent à nouveau, chaque groupe retournant à ses terres. Laissant derrière eux le camp abandonné encore plus sale que lorsqu’ils y étaient arrivés et la ville de Gludio dévastée.

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