[bgsombre] Ci'ara Su'uvo

Ici se trouvent les BGs des héros décédés, paix à leurs âmes.

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Claus
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[bgsombre] Ci'ara Su'uvo

Message par Claus » mar. 15 juin 2010 à 18h19

Ci'ara Suu'vo
98 années
Féminin
Elfe brun
( Danseuse épéïste )

Agnostique
Wiccane
( Sombre & Commun )
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Réminiscences ecchymosées
( Chapitre I )
L'astre lunaire baignait dans une mer de nuages cotonneux, perdant de son aura apaisante dans un maelström étoilé. Les quelques rayons qui parvenaient à filtrer en travers de cet océan céleste caressaient les terres maudites de Shel'Oloth, telle une douceur sur un corps nécrosé. Le contraste affligeant de la lumière berçant dans ses bras la calamité d'une ère révolue se faisait chaque jour une nouvelle contusion de l'histoire d'un peuple damné. Mais la cécité rassurante de ces derniers les protégeaient de ce souvenir brutal auquel ils étaient confrontés chaque jour que Mère faisait.
La Forêt Noire semblait avoir laissée ses racines s'immiscer jusque dans la cité, gangrenant chaque parcelle pour en faire un lieu de malaise et d'écueil. La grotte où Shel'Oloth demeurait s'apparentait à la robe de la Faucheuse, gardant en son cœur des centaines d'âmes maudites ne trouvant nul refuge, victimes de desseins bien trop grands. La vie ici était tel un funambule marchant sur un fil d'espoir reliant l'éphémère à la réalité, et narguant l'Au-Delà qui l'attendait juste en deçà.
Mais parfois, cet intrépide parvenait à traverser ce gouffre qui l'attirait inlassablement pour donner un semblant d'espoir concrétisé dont les elfes bruns se servaient pour murés leur propre tombe : une naissance.

C'était une petite demeure morbide. Un de ces lieux où se tisse en les murs les veines du chaos, s'emparant de l'endroit pour construire un camouflet angoissant. La pierre sombre et froide qui semblait permettre à la construction de tenir était vieillie par les années, laissant la végétation abondante se l'approprier à l'aide de plantes aux rameaux épineux. Celles-ci pénétraient par la seule fenêtre qui existait et permettait à la grande pièce principale d'avoir une lumière moins chancelante que les chandeliers disposés de-ci de-là. Le plancher, quant à lui, menaçait de s'affaisser au moindre pas, laissant échapper un cri strident de douleur dès que quelqu'un osait l'affront de poser sa botte dessus. Une cheminée apparaissait dans le pénombre, gardant en sa gueule mal travaillée un chaudron à la peau cuivrée. Aucun feu ne semblait avoir été fait depuis bien des lunes, ne laissant qu'un tas grossier de cendres se répandre en la demeure au moindre coup de vent. La pièce était spacieuse, principalement par un manque visible de meubles. Une seule table basse trônait en son centre, elle-même recouverte d'ingrédients étranges contenus dans des fioles, au détour d'alambic fumant ou cassés.
Quiconque aurait pénétré en cette maison aurait affirmé qu'elle était abandonnée depuis la mort du propriétaire. Mais pourtant, un couple d'elfes bruns richement habillés se trouvaient assis en tailleur en son centre, faisant face à une vieille dame à la peau ridée et à la robe dévorée par le temps. Celle-ci passait ses mains squelettiques au-dessus d'une assiette aux contours courbés où dormait une eau trouble. Une légère fumée s'échappait de celle-ci pour enivrer la pièce d'une puanteur extrême.
« Usstan kyorl... Usstan kyorl natha dalhar. Natha ligrr, ilro'e. Natha bronretla ligrr, l' mzilst ssin'urn lu' ssinss ligrr d' Shel'Oloth. Drill... Drill il orn sreenath. Ves sreenath... »
Vergel et Cylian del Jiney'sth écoutaient les mots de l'Oracle avec grand respect, avalant chacune de ses consonances comme les dernières gouttes en plein désert. Depuis des lunes et des lunes, ils essayaient de procréer pour donner naissance à un enfant, et ainsi perpétuer le miracle de la vie - douce hyperbole pour désigner un simple outil fort utile en la continuité de la race, et de la famille. Mais ces deux êtres là semblaient presque si désespérés à avoir une progéniture qu'ils finirent par l'idéaliser bien plus que les traditions le permettent en lui dévouant un soupçon de sentiment étrange que les autres peuples semblaient nommer... « amour ». Ils avaient tout essayer, que cela soit d'obliger l'épouse à dévorer que des aliments ayant une forme phallique comme lui conseillaient certaines grands-mères désœuvrées de la cité, que de faire l'amour passionnément toute la nuit durant à chaque pleine lune, ou encore d'ingurgiter des philtres préparés par des alchimistes déchus qui pensaient s'élever au rang de la Créatrice en offrant la vie en bouteille. Mais rien ne parvenait à ses fins, et le ventre demeurait plat. Du moins, jusqu'au jour où cette étrange vieille Dame vivant seule dans la Forêt Noire avait croisé leur chemin, promettant de les aider avec des rituels anciens et interdits. Et, au fond du gouffre, tel le funambule tentant de rattraper ce fameux fil d'espoir avant de sombrer en l'Au-Delà, ils acceptèrent.
« Dos z'klaen elgg ilta. Il zhah natha Ilhar's fa'la zatoast ! »
L'Oracle donna un violent coup dans sa coupole, laissant celle-ci se briser sur le plancher pour délivrer l'étrange liquide de part et d'autre. Le couple sursauta sous cet excès de colère, laissant la pauvre Cylian trouver refuge autour du bras de son époux. Celui-ci sentit plus cet acte comme une épée sous la gorge pour prendre les choses en mains, et déglutit avant de se relever.
« Mayoe dos ph' xusst. Ilhar belbaue udossa natha dalhar, lu' elgg ilta orn tlu biu thrityh ulu ilta. Udos z'klaen bel'la jal ilta dalharen. »
L'étrange vieille dame ne sembla point se calmer à ses mots, tournant ses yeux voilés par une opercule blanchâtre vers la voix rauque. Sa main recouverte de pustules et de creux frappa la table d'un coup sec, envoyant valser quelques fioles et alambic en verre qui se brisèrent à leur tour. Cylian suivit alors le mouvement de son mari pour se lever, agrippant à nouveau son bras par peur pour son enfant et sa propre vie. Vergel lui jeta un bref regard avant de bomber le torse et de dévisager l'Oracle avec détermination, prêt à défendre le fruit de ses entrailles au prix de son souffle.
« Udos ser ilta. Ol zhah udossta vaen wiles. Udos bel'la dos whol jal dos inbal xunor, drill il zhah l' nau'shindcal d' Ilhar lu' il orn dro hwuen udossta elghinnen. »
L'Oracle prit de sa main libre un pan de sa robe rapiécée pour pouvoir avancer vers eux avec colère, mais elle se prit le pied dans sa table pour s'écrouler au sol entre les débris de verres. Le couple recula de quelques pas, semblant aussi apeurés l'un que l'autre. La vieille dame resta quelques instants ainsi couchée face contre le sol, avant de relever la tête pour dévoiler un visage ensanglanté coupé de part et d'autre par les morceaux tranchants qui jonchaient le plancher. Elle tendit alors sa main vers Vergel et Cylian, fermant tous ses doigts pour ne laisser dresser que l'index et l'auriculaire, représentant ainsi les cornes du Malin.
« Usstan cha'kohkev dos, fa'la zatoast ! Usstan cha'kohkev dos ! »
Les deux jeunes elfes bruns effrayés face à de tels propos réajustèrent leurs capes rapidement pour prendre la sortie, disparaissant dans la brume épaisse de la nuit qui s'élevait sous la pluie battante.
De la porte entre-ouverte sur un jour nouveau, un cri s'éleva.
Dernière modification par Claus le mer. 16 juin 2010 à 22h58, modifié 1 fois.
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » mar. 15 juin 2010 à 18h19

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Reliques fêlées
( Chapitre II )
La demeure des del Jiney'sth se trouvait non loin du Temple, s'élevant sur deux étages pour en faire une des plus grandes bâtisses de Shel'Oloth. Construite en la pierre semblable à toutes les autres maisons du village, celle-ci paraissait néanmoins plus travaillée et donc plus noble. Quelques vestiges d'un temps anciens trônaient sur les murs, représentant des traits sinueux qui se répandaient en boucles sur quelques mètres créant ainsi une frise finement taillée. Chaque fenêtre possédait des rebords légèrement arqués qui semblaient s'enrouler sur eux-même, alors que la porte centrale qui se présentait sous forme de deux grands battants apparaissait sous un grand porche lui-même sur-élevé par deux colonnes épaisses. Celles-ci, entourées par des sortes de lianes en pierre plus blanchâtre que le reste de la bâtisse, se terminaient chacune par une statue représentant des gargouilles les mains en l'air, comme si elles tenaient toute la fondation de leurs maigres épaules. Nul doute que cette maison, par son architecture atypique, descendait d'une longue et riche lignée qui avait certainement fait ses preuves chaque génération pour obtenir telle place à Shel'Oloth.

Beaucoup racontent encore avec amusement en passant devant ce manoir qu'une telle noblesse provenait simplement des talents coquins que détenaient l'arrière grand-père de Vergel del Jiney'sth dont il avait usé par le passé sur une grande prêtresse. D'autres, plus proches de la famille, racontent avec un discours presque religieux que les lettres de noblesse de ces derniers n'étaient plus à prouver après tout ce qu'ils avaient accomplis pour le culte de Mère et les dons importants qu'ils firent à la cité. Nul ne connaissait réellement la vérité d'un tel pouvoir en un lieu où la seule richesse est, depuis sa création, que la foi ; mais tous s'en accommodaient tellement les propriétaires étaient discrets dans la société sombre.

Vergel del Jiney'sth était un membre actif des Ky'orl, suivant la lignée de son paternel qui fut lui-même Templier du Lil'Blada. Après un tel historique dans la famille, celui-ci était ainsi tout naturellement voué à protéger le temple et le culte au prix de sa vie – néanmoins, de par son éducation parfaitement axée sur cette voie-là en ne laissant aucun autre passe-temps ou passion pouvoir s'exprimer, ce choix était plus vu comme une obligation après un formatage long et douloureux qu'une envie naturelle réalisée avec entrain. Il rejoignit l'Ordre après la mort de son paternel suite à une guerre contre les sylvains, puis intégra un titre plus important en celui-ci après l'attaque d'Antharas sur les terres où il fut un des seuls survivants. Dès lors, sa dévotion n'avait d'égal que sa beauté, accordant ses jours et ses nuits à la protection d'un culte fissuré en ses fondations de-ci de-là, tentant de lui donner un semblant d'éclat en frottant la crasse d'humiliation qui se couchait sur celui-ci chaque jour que Mère faisait. Beaucoup de jaloux affirmaient que si, à ce jour, Vergel occupait une telle place en le Temple et qu'il avait été sauvé de la terrible attaque de l'enfant de Mère, cela était simplement dû au privilège que lui accordait son nom grâce aux actions passés de son grand-père – sous-entendant ainsi qu'il avait réussit à intégrer un emploi en le culte grâce à lui, et que sa survie provenait du fait qu'il fut certainement placé en dernière ligne du bataillon pour ainsi moins risquer que les autres. L'homme était pourtant trop humble pour répudier ce genre de propos honteux sur lui, ne démêlant ainsi le faux du vrai. Il semblait subir chaque jour le poids qu'était ce nom sur ses épaules qui étaient bien trop frêles, se vouant à sa tâche corps et âme comme unique existence de vivre pour honorer son titre. Alors, dès qu'il comprit au bout de plusieurs années que ses nombreux essais pour engrosser sa femme ne menaient à rien, il vécu cela comme une réelle humiliation qu'il tentait de fuir depuis des années. Il se mit alors à prier avec plus de ferveur, mêlant l'effort aux larmes cachées pour tenter de quelconque moyen à donner un peu de vie dans ce ventre dont il éprouvait de moins en moins de désir. Sa lignée devait demeurer - tout comme son honneur -, intact.

La pauvre Cylian del Jiney'sth ne pouvait malheureusement rien à ce terrible fléau qui les affligeait. Née d'une famille modeste de Shel'Oloth, elle n'eut le privilège d'intégrer le rang de prêtresse à cause de sa foi qui n'était assez forte selon le Conseil. Non pas qu'elle ne croyait point en Mère – loin de là ! -, mais ses autres passe-temps qu'elle considérait comme des passions la rendaient « instable » aux yeux des dirigeants qui ne pouvaient comprendre qu'une femme ne pouvait dévouer totalement sa vie à Shilen. Elle vécue cela comme une humiliation, mais ce fut ses parents qui en furent le plus honteux, lui rappelant chaque jour quel affront cela était de simplement poser son regard sur sa personne. Cylian passa de nombreuses années dans son enfance à pleurer chaque soir Mère pour la sauver de cette vie terrible où elle était à présent cadenassée, mais seul un mutisme persistant résonnait comme réponse, la plongeant dans un désarroi total. Fort heureusement, la Créatrice lui avait donné une très grande beauté dont beaucoup d'hommes tentaient d'avoir en leur possession – chose qu'elle refusait de faire tant sa vie était devenue tellement terne qu'une cécité sur le monde lui avait brouillé sa vue extérieure. Mais ses parents remarquèrent rapidement que le fils de la lignée des del Jiney'sth la regardait lui aussi avec insistance et malice, et ils ne mirent longtemps à penser qu'un mariage avec un homme d'une telle renommée et richesse pourrait sauver l'honneur bafoué de leur putain de fille. Ainsi, contre sa volonté, les parents de Cylian poussèrent celle-ci dans les bras de Vergel avec insistance, passant chaque jour des heures à la rendre somptueuse et dépensant toute leur fortune dans des robes nobles dont elle devait être fagotée. Finalement, la jeune fille dont la beauté irradiait chaque jour aux yeux du village finit par se résigner et sombra dans les bras de cet homme dont elle arriverait à subir chaque jour le visage puisque celui-ci était malgré tout agréable. Bien entendu, les deux tourtereaux n'avaient aucun point commun. Elle, si intrépide et prête à découvrir le monde, était à présent cadenassée par les bras d'un homme dont seule la fierté comptait, renfermé sur lui-même et peu bavard. Il avait beau la couvrir de richesse et de noblesse, tenter de la porter aux anges en des regards dévoués, la jeune Cylian demeurait impassible, préférant passer son temps à regarder par la fenêtre le monde extérieur dont elle était à présent privée, emprisonnée dans cette prison dorée, alors que son époux passait toutes ses journées en le Temple. Alors, quand elle comprit à son tour qu'ils ne pourraient avoir d'enfants malgré les nombreux essais, l'elfe brun sentit à nouveau le goût amer de l'humiliation dont elle s'était nourrie toute son enfance revenir. Le seul répit qu'elle avait eut en cette vie fut lorsque le mariage fut célébré, et que ses parents lui lâchèrent la bride en ayant retrouvé un honneur qu'ils désiraient plus que tout. Ne point faire d'enfant et ainsi ne pas honorer son contrat allait peut-être la ramener à sa vie d'antan, la recouvrant à nouveau de blâmes dont elle n'était prête à faire son manteau. Plus que tout, la jeune femme devait réussir à être engrossée pour perpétuer cette lignée dont elle se moquait éperdument, mais qui lui assurait tranquillité et aisance.

L'Oracle leur avait certes été d'une grande aide en cette tâche, mais quand celle-ci leur annonça qu'il fallait tuer l'enfant à cause de prophéties douteuses, ils ne purent se résigner à une telle chose. Cet enfant était bien plus qu'un simple descendant, représentant pour chacun d'eux une chose qui leur était vitale. Pour l'un, cela n'était qu'un simple outil pour garder son honneur et son renom comme lui avait inculqué chaque jour ses propres parents, alors que pour l'autre, cela n'était qu'une trêve lui accordant encore quelques années de tranquillité comme le fut le mariage. Mais encore bien plus que cela, cet enfant était devenu presque une attendue divine pour chacun d'eux, l'élevant sur un piédestal. Tant d'attention de leur part pour le voir venir avait éveillé en eux de l'amour, de l'entre-aide, et de la tendresse. Unis en leur malheur, ils avaient voué une telle dévotion à ce que ce grand jour arrive qu'ils ne voyaient plus cet enfant comme une simple formalité ou outil pour assurer la race, mais comme un véritable descendant ; leur fille, née d'amour, de larmes et de sang. Bien-sûr, ils furent très vite en proie aux doutes sous de telles accusations qu'avait prononcée la vieille dame, mais ils devaient tenter le tout pour le tout, persuader de pouvoir faire ce qui devait être fait si une telle chose arrivait. Ils furent, encore cette fois-là, bien naïfs.
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » mar. 15 juin 2010 à 19h00

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Dégénérence
( Chapitre III )
Un silence de mort régnait à Shel'Oloth. Cinglant, angoissant, résonnant en chaque ruelle comme un requiem annonciateur d'une terrible nouvelle. Un léger vent pénétrait dans la grotte, emportant avec lui l'odeur pestilentielle du chaos qui régnait sur les terres d'où il provenait. Ses caresses tranchantes contre la roche millénaire laissait un cri rauque vibrer, se répercutant en échos dans toute la cité. Les quelques âmes vagabondes qui osaient braver cette étrange nuit ne tardèrent point à rentrer en leurs demeures, effrayés par l'ambiance pesante qui régnait en maître.
Très vite, le mutisme général éclata tel un verre brisé sévèrement au sol lorsqu'un cri retentit dans la cité, mêlant douleur et peine. Celui-ci s'était enfuit par une fenêtre de la demeure des del Jiney'sth encore éclairée malgré l'heure tardive, ce qui attisa la curiosité de quelques voisins. Tous avaient connaissance de l'étrange mal qui frappait Dame Cylian, et nul n'osait en parler tant la peur de voir ces maux pénétrer en leurs modestes demeures les terrifiaient. Ils ne savaient d'où cette étrange maladie venait et, étant donné le défilé incessant de médecins et de prêtresses qui avaient pénétrés par leur porche depuis des lunes, cela semblait être une lacune générale. Les quelques rares personnes qui réussirent à donner matière à la rumeur racontèrent que son état s'était progressivement aggravé dès que sa grossesse avait débuté, lui rendant un teint pâle quasi fantasmagorique où trônaient des plaques sombres semblables à de la nécrose. Les mégères avides de nouveautés affirmèrent même – sans une once d'ironie et de jalousie – que les vomissements et crachats de sang étaient devenus « un moyen utile pour elle de compter les minutes qui défilaient ».

Mais ce soir là était un jour différent. Jamais les cris de cette femme si mystérieuse qu'il n'avait vu sortir depuis l'apparition de ce « mal-être » n'avaient été si forts, et si semblables aux derniers souffles du condamné. Néanmoins, les quelques citadins cherchant du regard la moindre once d'information furent vite comblés en apercevant le mari de celle-ci accourir vers le Temple qui se trouvait non loin de leur demeure, pour revenir quelques courtes minutes après avec plusieurs Prêtresses. L'accouchement. Voilà ce qui était la cause d'un tel vacarme chez les del Jiney'sth. Certains ne purent cacher une mine étonnée en comprenant que celle-ci avait finalement réussi à venir à terme de sa grossesse malgré son état qui semblait porter à croire que la seule chose qui sortirait de ses entrailles serait le reste de sang qu'elle avait réussi à garder. D'autres quant à eux montrèrent presque une certaine compassion – chose bien étrange chez les elfes bruns – en tordant leur visage d'inquiétude quant au fait d'une telle naissance sur son métabolisme.
De longues heures défilèrent, et plus qu'une poignée de spectateurs avides de connaître le fin mot de cette histoire décidèrent de rester au cadre de leur fenêtre, se délectant des cris perpétuels qui se répercutaient en écho dans la cité, ainsi que le spectacle ombragé se faisant parfois entre-apercevoir sur le mur richement décoré de la chambre éclairée. Puis, vint alors un silence qui dura quelques courts instants, puis qui reprit sous une forme bien particulière. Les cris d'un nouveau né ouvrant pour la première fois ses poumons à la vie, en se délectant de l'odeur mortuaire de Shel'Oloth. Le silence revint alors à son apogée pendant quelques minutes.
De trop longues minutes.

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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » mer. 16 juin 2010 à 13h41

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'Whol Shilen, wun ukt vlos, wun ukt hiyk, wun ukt fuma'
( Chapitre IV )

Le Temple de Shel'Oloth semblait grandement s'agiter en cette fraîche matinée du 16 Tombeglace de l'année -37. Plusieurs prêtresses attendaient sur les marches dans un silence religieux, parfaitement alignées et stoïques, accueillant du regard les nouvelles recrues qui entamaient leur première année de vie au sein du Culte. Plusieurs jeunes elfes bruns, noblement vêtus pour l'occasion, défilaient prestement sous cette attention particulière et commentaires encourageants de leurs géniteurs. Touts semblant approcher d'une vingtaine d'années, ils effectuaient une marche silencieuse et académique dès les premières marches entamées comme on leur avait apprit durant les deux dernières cycles lunaires. Humbles, couverts de leur vertu juvénile comme simple manteau, leurs petites sandales martelaient cette pierre si noble, tel le plus grand des honneurs.

« Doer pholor, ussta dalhar. Dos orn tlu wun gajen whol dosst ust tangi. »

La jeune Ci'ara Su'uvo restait en retrait de la foule importante qui se situait en haut des marches, se laissant coiffer convenablement pour la sixième fois de la matinée par son père. Née de l'union entre Vergel del Jiney'sth et de sa défunte épouse Cylian, elle venait à peine d'atteindre sa dix-septième années alors que ses futures camarades ne demeuraient en deçà des vingt printemps. Grâce à l'influence de son père dans le Temple, elle réussit à rentrer prématurément dans celui-ci sous son appui, désireux de faire de sa fille un modèle d'exemple et de conduite – mais surtout demeura pour lui un simple prétexte pour se débarrasser le plus rapidement possible d'une éducation qu'il ne voulait et pouvait assurer seul. Habillée dans une petite robe de couleur immaculée pour représenter sa pureté, la petite fille demeurait déjà pour son âge une perle de beauté et de grâce. Un léger ruban sombre entourait son col pour le serrer le plus possible en prouvant ainsi une rigueur d'âme, alors que des petites sandales en cuir d'une grande qualité – synonyme de richesse – trônait fièrement à ses pieds. Avec élégance, elle fit ses premiers pas sous les mains de son père la poussant au devant de la scène, se retrouvant rapidement sous les regards de toutes les Prêtresses et autres familles présentes. Elle balaya d'un mouvement circulaire la petite place de son regard bleuté, laissant éclater sous la lumière réfléchie par la roche l'éclat de ses yeux qui brillaient tels des saphirs. Angoissée, Ci'ara remit presque instinctivement sa frange en place, avant de s'avancer avec calme et silence.

Un pas, deux pas, trois pas. Les marches semblaient être une véritable épreuve pour la petite fille qui mettait toute sa force pour n'en manquer aucune et éviter de trembler malgré la peur présente qui se répandait en elle tel un poison. Du haut de son insouciance, elle suivait la ligne directrice que lui avait inculqué son père sans se soucier si cela était bien ou mal. Là était la coutume et la tradition, et cela suffisait amplement comme réponse à ses interrogations floutées qui apparaissaient parfois dans son esprit infantile. Elle ne se posait néanmoins aucune réelle question existentielle sur un tel choix de vie, formatée depuis la naissance pour descendre ses marches dans le seul but d'honorer Mère. Dix pas, onze pas, douze pas. Un nouveau bref regard par dessus son épaule pour croiser les yeux de son père emplit de fierté, puis ceux des Prêtresses qui demeuraient aussi dures que la glace. A cet instant précis, Ci'ara comprit qu'elle accomplissait enfin le grand instant dont on lui chantait les louanges depuis des années, et elle offrit ainsi un sourire sincère et fier aux dernières marches restantes avant de baisser la tête pour cacher son bonheur. Elle laissa la douce odeur du Temple envahir ses narines et lui emplir l'esprit, portée par une candeur l'empêchant de prédestiner que ses marches qu'elles foulaient si fièrement seront remontées quelques dizaines années plus tard avec du sang sur les mains.
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » mer. 16 juin 2010 à 21h35

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Aliénation sanguinolente
( Chapitre V )
Le grand couloir qui se dressait devant la jeune elfe brun semblait infini, disparaissant toujours quelques mètres au préalable dans le pénombre le plus total. Les torches qui étaient fixées tous les quelques mètres d'une façon régulière contre les murs en pierre ne semblaient pouvoir contrer cet étrange maelström de noirceur, vacillantes sous des souffles inconnus, illuminant qu'une infirme parcelle de ce gouffre angoissant. La froideur des lieux n'était en rien comparable à la pierre tapissant le chemin, aussi glaciale que la neige et sombre que le charbon. Parfois, quelques portraits apparaissaient au détour d'une torche, dévoilant des visages apeurant qui semblaient se mouvoir sous un jeu ombragé. Leurs regards suivaient l'avancée de la jeune femme qui ne pouvait s'empêcher de leur porter une attention inquiète, comme prête à s'enfuir en hurlant lorsque ceux-ci tenteraient de l'attraper pour la mener en leur monde peinturluré. Malgré ses yeux aux airs patibulaires qui la fixaient, elle ne se découragea point et continua d'avancer comme depuis de très longues secondes, alerte et inquiète, laissant ses bruits de pas mourir étranglés sous cette moquette épaisse.
Elle savait ce qui l'attendait au bout de cette allée, et tout était fait pour en attarder l'arrivée. Elle ne pouvait faire marche arrière pour s'enfuir car les gardes à l'entrée ne manqueraient pas de l'arrêter pour la ramener de force en une allure beaucoup plus rapide qu'elle le voudrait. Non, la seule chose qu'elle pouvait faire était de retarder au maximum cette avancée morbide, essuyant sa peur de ce qui l'attendait par cette peur omniprésente qu'était le lieu où elle déambulait. Pourtant, cette fois-ci, la jeune elfe brun ne comprenait pas pourquoi une telle demande était venue en cette heure tardive. Elle avait été attentive les deux lunes durant, respectant parfaitement les manières de servir qu'on lui exigeait, ainsi que la fabrication d'un repas qui – il fallait le reconnaître – avait été exquis. Quelle était donc la cause d'une telle rencontre nocturne ? Que désirait-Elle ? Était-ce enfin le jour qu'elle redoutait tant ? …
Lentement, l'encadrement de l'épaisse porte de bois se dessinait dans le pénombre. Couverte de dessins finement gravés sur la matière noble, elle semblait être une véritable œuvre de louanges dédiées à Mère. Les règles du Culte étaient taillées sur chaque côté de la porte, d'une écriture délicate et noblement courbée. Le centre même de celle-ci représentait une lune sous forme de croissant où apparaissait en relief ce qui semblait être une représentation du visage de Shilen. Néanmoins, la jeune elfe brun n'eut le temps de contempler davantage cette œuvre qu'elle voyait pourtant bien (trop) souvent, remarquant par un bruit non loin de là que la porte était déjà entre-ouverte. Un rapide coup d'œil lui dévoila qu'une lumière tamisée éclairait la pièce qui se tenait derrière, alors que son nez fut très vite en proie aux odeurs qu'elle trouvait pestilentielle de l'encens qu'Elle faisait souvent brûler.
« Sultha, lotha ligrr. Usstan tlun kyorl dos. »
La voix qui semblait sortir d'outre-tombe fit sursauter la jeune fille. Rapidement, comme paniquée, elle s'approcha de la porte pour la pousser de toutes les forces que ses bras d'adolescente lui permettaient. La pièce bien connue se dessina alors devant elle, dévoilant sous son manteau de lumières chancelantes le gros sofa en soie écarlate où se tenait la Prêtresse Jeilan l'attendait, avachie telle une reine. Une grande robe blanche fissurée sur le côté dévoilait ses longues jambes dénudées étendues le long du canapé où une de ses mains était posée, pianotant une peau visiblement douce. De longs cheveux bruns tombaient sur ses épaules, laissant quelques mèches caresser la soie noble du gros oreiller sur lequel elle reposait. Les yeux grisâtres de celle-ci se posèrent sur la jeune fille qui se tenait dans l'encadrement de la porte, faisant tourner lentement dans sa main libre un verre vide en cristal.
« Ci'ara, Ci'ara... Bronretla lotha ligrr... »
Ci'ara se figea immédiatement sur place, liant ses mains entre-elles avant de faire une révérence gracieuse et respectueuse, mais tremblante. Habillée de sa robe en toile de pauvre qualité, elle semblait bien insignifiante face à une femme d'une telle classe qui se tenait devant elle ; mais sa beauté était telle que même ses habits de souillon ne pouvaient la cacher. Elle resplendissait de grâce et de magnificence, tout en tachant de rester humble et discrète pour son jeune âge.
Pendant de longues secondes, elle subit le regard de la Prêtresse qui la dévisageait avec une once d'intérêt mêlée à du dédain, avant que celle-ci finisse par s'exprimer de sa voix hautaine et douce.
« Doer, ussta dalhar... Ori'gato uns'aa kyorl dosst llieh jindurn. »
Le cœur battant la chamade de Ci'ara l'empêcha presque d'entendre les dires de son interlocutrice. Lentement, elle s'avança vers elle en baissant la tête jusqu'à être à sa portée. D'un mouvement calme, Jeilan leva sa main qui tenait le verre vers son visage, détachant son index de sa prise pour l'appuyer sur son menton et l'obliger à lever son regard vers elle. Elle l'inspecta quelques secondes en la regardant sous tous les angles, avant de brutalement tourner celle-ci sur le côté et détourner son attention.
« Llieh... Dos ph'llieh. »
« Gi nau, jabbress. L'er'griff dyne zhah Ilhar. »

Le bruit assourdissant de la claque qui fut adressée a Ci'ara résonna dans toute la pièce, accompagné d'un cri de douleur infantile et terrible.
« Usstan tlun l'er'griff dyne, lotha fa'la zatoast ! Er'griff uns'aa shlu'ta inbal ssin. Nindol belbol zhah naut whol dos ; dos ph'biu kai'na ulu Ilta ! »
La jeune fille, à présent à genoux au sol, se tenait la joue qui venait d'être frappée avec violence, regardant le sol de ses yeux drapés de larmes. La tête baissée par honte, elle n'osait poser ses yeux sur la Prêtresse qui la fusillait du regard. Ci'ara sentit ce liquide chaud et légèrement épais qu'elle connaissait fort bien glisser entre ses doigts, pour se répandre lentement sur ses petites mains avant de tomber sous forme de gouttes sur la moquette noire. Une profonde entaille au visage avait été visiblement causé par le verre pendant la violente gifle. Son cœur se mit dès lors à battre avec plus d'ardeur, se répercutant contre ses tempes avec violence, floutant toute notion de ce qui se passait ou ce qui l'entourait. Soudainement, elle sentit la main de la Prêtresse se resserrer tel un étau sur la peau endolorie de son avant bras.
« Nau, jabbress, nau ! Evagna uns'aa ! »
« Venorsh ! Usstan tlun l'er'griff uss vel'uss shlu'ta inbal bel'lain's lu'ssinssrigg's Ilhar ! Bel'la uns'aa saph ilta, lu'belbau uns'aa dosst vlos whol ussta oirna ssin. »
Jeilan sortit alors un couteau de rituel de derrière son sofa, tout en gardant solidement sa prise apeurée qui tentait de se débattre. D'un geste calme et lent, elle planta le bout de la lame dans l'arrière du bras de cette dernière, l'entaillant lentement sur toute la longueur pour laisser le sang couler à flot. Les cris de Ci'ara se firent plus forts, hurlant de douleur en mêlant les larmes au sang. Elle tentait de sortir de cette étreinte diabolique que la Prêtresse lui infligeait mais tous ses efforts furent vains, l'obligeant à ne répondre à une telle douleur que par la soumission la plus totale. D'un geste calme, Jeilan mit son verre en cristal sous le bras ensanglanté pour recueillir toutes les gouttes de ce nectar écarlate qu'elle recherchait tant. Après de longues minutes, le récipient finit par être remplit, libérant la jeune elfe brun de sa prise pour la laisser tomber au sol mollement.
La Prêtresse n'eut aucun regard pour sa pauvre victime au sol, ne faisant que contempler avidement le terrible verre remplit de sang qu'elle faisait tournoyer devant elle. Délicatement, elle porta le rebord en cristal à ses lèvres avant de boire avec une lenteur sadique ce nectar franchement recueilli comme la plus merveilleuse des boissons existantes en ce monde. Ci'ara, quant à elle, refusant de regarder ce spectacle, s'entreprit à tenter d'arrêter l'hémorragie du mieux que ses maigres talents le pouvaient, laissant beaucoup de son liquide vital se déverser sur la moquette sous ses sanglots. Sa boisson finalement ingurgitée, la Prêtresse ferma les yeux pour savourer quelques secondes encore ce merveilleux goût qui demeurait en sa bouche avant de sortir de ses rêves éveillés par les larmes de son élève. Son visage se ferma alors brutalement, les traits serrés et le regard sévère.
« Lor, fa'la zatoast. Dos tonaik ussta floor. Lu' dos ul'nusst, dos ul'nusst... Dos gotfrer dos xun nindel whol Ilhar. Dos z'klaen tlu loff'ta. Ol zhah natha ap'zen whol dos il evagna dos dos elgg dosst ilhar. Vrine'winith ulu ul'nusst lu' sevir. Dosst jindurn morfel uns'aa s'ck. »
Rapidement, malgré le sang qu'elle perdait en grande quantité, la jeune femme se leva sur ses jambes tremblantes. D'une légère révérence ensanglantée, elle disposa de la pièce en courant, les larmes coulant à flot sur son visage. La Prêtresse la regarda partir avec un sourire amusé aux lèvres, avant de laisser glisser sa langue sensuellement sur les dernières gouttes qui perlaient de son verre.
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« Sang ô sang noir de mes frères, vous tachez l'innocence de mes draps, vous êtes le sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix. »
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Message par Claus » jeu. 17 juin 2010 à 17h12

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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » ven. 18 juin 2010 à 18h22

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Nectar de Linceul
( Chapitre VII )
« Lu'oh shlu'ta dos ? ... »
La dernière parole de la Prêtresse Jeilan s'éteignit tel un murmure dans la grande pièce. Lentement, Ashel retira l'épée de la poitrine de sa Maîtresse, laissant un flot de sang se déverser sur la moquette sombre. D'une main tremblante, elle leva sa lame jusqu'à elle pour regarder ce sang si écarlate s'écouler d'une lenteur sadique en forme de gouttes sur l'acier pour se mourir sur sa peau délicate. Elle venait de tuer sa Maîtresse. Elle venait de tuer. Elle venait de... Ses doigts fins lâchèrent l'arme qui tomba sur le sol avec lourdeur, résonnant en écho dans le bureau.
L'horreur et l'étonnement se lisaient sur le visage de la jeune elfe brun qui regardait le corps de sa victime avec effroi. Totalement dénudée suite aux plaisirs charnels que lui demandait bien souvent celle-ci de lui procurer, elle semblait à une déesse de guerre accablée par une victoire honteuse. La perfection de ses traits était tels que même en n'étant vêtue que de tâches de sang comme seul habit, et de ses cheveux blanchâtres tombant sur sa poitrine pour la cacher partiellement, elle excellait encore de beauté. Pendant de très longues minutes, elle resta ainsi, penaude, à regarder le dessein qu'elle venait de réaliser en le fer et les larmes. Mais le temps n'était à la réflexion, et ce qui était fait était fait. Subitement, elle enjamba le corps de la Prêtresse pour ramasser sa robe qui se trouvait en un tas vulgaire quelques pas plus loin pour s'en revêtir en tournant le dos à la triste scène de linceul. Puis, elle s'approcha à vive allure de l'armoire de la défunte pour se saisir d'une de ses capes si aisément reconnaissable par sa grande noblesse apparente pour l'enfiler rapidement avant de se diriger vers le bureau. Elle se saisit de l'encrier en cristal qui se trouvait posé à côté de bon nombre de parchemins pour en vider le contenu dans sa main, laissant cette eau pâteuse noire comme le charbon souiller ses mains. Rapidement, elle appliqua celle-ci sur chaque mèche de ses longs cheveux pour leur donner cette couleur sombre, dissipant très rapidement cette teinte neigeuse si parfaite qu'elle portait avant. A présent brune comme la nuit, Ashel s'approcha du corps dénudé de sa victime pour en défaire les bijoux en détournant le regard pour éviter les haut-le-cœur, s'en appropriant la beauté en les attachant à son propre corps. Puis, elle se saisit du grimoire que celle-ci portait continuellement avec elle, recensant les préceptes de Mère, avant de prendre son épée souillée au sol pour la ranger sous la cape. Alors qu'elle rejoignait la lourde porte en bois, la jeune elfe brun abattit la capuche sur son visage pour ne laisser apparaître que ses cheveux teintés et ses lèvres vermeilles, serrant fortement le grimoire contre elle comme pour se donner le courage. Elle inspira un grand coup, et en poussa les battants.

Le couloir se dressait devant elle sous cette lumière chancelante dont elle s'était accoutumée en cette trentaine d'années passées ici. Bien que son nouveau rang en tant que Prêtresse qu'elle avait acquis quelques cycles lunaires déjà rendait ses visites moins fréquentes, sa préceptrice était toujours autant amatrice de rencontres nocturnes qui se réalisaient en le sang et la chair pour assouvir sa folie la plus abjecte. Ashel n'avait jamais rien pu faire jusqu'à là, devant se plier face à cette femme a qui elle devait tout aux yeux du Temple, et qui était fortement respectée pour son futur rang qui devait lui être promue d'ici les lunes à venir. C'est pour cette raison que la jeune femme avait décidé de se libérer elle-même de ce destin qu'elle n'avait aucunement choisi, avant que la puissance de cette diablesse ne soit elle que plus rien ne pourrait la protéger de sa démense.
A pas rapides, elle traversa le couloir en ne prêtant aucune attention aux tableaux qui jonchaient son chemin qui l'effrayaient bien auparavant. Accablée par les yeux du Destin, elle ne se sentait le courage de subir les leurs. Elle connaissait la distance qui fallait accomplir pour arriver au bout de ce couloir. Tout n'était qu'une affaire de temps. Encore quelques pas, puis les escaliers en pierre, le hall, et enfin la sortie. Elle avait calculé tout ce qu'elle devait faire et la distance à accomplir minutieusement, ne se laissant pas une seule marge d'erreur sous quoi sa tête aurait été tranchée de son corps.
Encore quelques pas.
« Vendui, M'thain Jeilan. »
Les mots rauques qui venaient de se faire entendre figea immédiatement Ashel sur place qui s'empressa de baisser la tête davantage pour que la capuche la protège du regard de son interlocuteur. Visiblement, son petit jeu de mascarade marchait, laissant croire à ce dernier que sous cette cape richement cousue et ces cheveux bruns se tenait la Prêtresse qu'elle venait de tuer. Mais une simple erreur pouvait lui être fatale, et la jeune femme se trouvait en bien mauvaise position.
D'un simple signe de tête, elle acquiesça.
« Dos kluth tlu qee. Vel'klar ph' alu ? »
Elle avait prié pourtant en sa tête pour que son interlocuteur la laisse tout simplement partir, mais face à l'acte qu'elle avait commis quelques instants plutôt, elle aurait dû prévoir qu'un tel privilège n'allait être accordé par Mère. Un seul mot de sa bouche lui coûterait la vie, elle le savait pertinemment. La Prêtresse Jeilan était depuis bien assez longtemps ici pour que personne ne se laisse duper par une autre voix. Alors qu'elle cherchait dans son esprit embué comment se sortir de cette sale position, le mutisme intrigua son interlocuteur qui s'approcha de quelques pas dans un bruit de fer. Un Garde, nul doute.
Subitement, Ashel lui donna une gifle violente quand elle sentit celui-ci s'approcher de bien trop prêt. Le bruit résonna dans le couloir, avant d'être marqué d'un silence qui semblait durer une éternité. Le regard toujours fixé au sol, ses yeux commencèrent à s'embuer de larmes sous toute cette peur qui s'écoulait en elle tel le pire des poisons.
« Evagna uns'aa, M'thain. Ol zhah naut ussta chaon, lu' usstan zhahus hawrest. Inbal natha bwael isto. »
Ashel demeura abasourdie par une telle réponse. Elle avait réussi. La tyrannie de cette femme lui avait permis d'obtenir assez de respect en une simple gifle pour lui sauver la vie. Mais là encore, nul était le temps à la réflexion, et la jeune femme passa lentement à côté du Garde qui, par sa grande taille, ne put voir son visage baissé, avant de continuer sa route dans le grand couloir. Elle sentit rapidement sous ses bottes de maigre qualité la dureté de la pierre, et comprit qu'elle était parvenue jusqu'aux escaliers. Elle s'entreprit à les descendre rapidement, manquant de tomber à plusieurs reprises sous sa précipitation. Le hall. Elle était parvenue jusqu'au hall. Sentant un souffle de liberté, elle se mit à presser davantage le pas pour courir jusqu'aux grandes portes. Elle entendit le bruit d'un autre garde qui se tenait devant celles-ci, mais n'arrêta néanmoins point sa route. Sa cape volait derrière elle presque avec grâce, ne laissant que ses pas marteler le sol avec la douceur de son corps juvénile.
« M'thain, dos shlu'ta naut sevir l' Temple nin ! »
D'un geste brusque, Ashel passa la main sous sa cape pour serrer le manche de son épée déjà tâchée de sang. Puis, d'un geste sec en dégainant, elle porta un coup horizontal en direction de l'elfe brun pour effleurer du bout de sa lame sa carotide, le laissant pousser un dernier soupir avant de s'écraser lourdement au sol dans un jet de sang. De sa main libre, la jeune femme poussa le grand battant de la porte, laissant l'air froid de la nuit s'engouffrer dans le Temple, avant de disparaître dans la nuit de Shel'Oloth.
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » ven. 18 juin 2010 à 20h26

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La Fuite
( Prélude )
La Mer des Spores. Là était son objectif. Non le lieu même, bien entendu. Son apprentissage lui avait bien apprit la dangerosité de ces lieux par ces spores qui avaient la réputation de rendre fou à la moindre senteur ou au simple contact. Non, ce lieu là n'était qu'un simple passage pour fuir les terres sombres, puis traverser celles d'Oren et enfin parvenir à une terre libre. Ce chemin était certes compliqué et peuplé de risques, mais là était la solution pour fuir le plus rapidement les terres de son peuple où elle allait certainement être recherchée coûte que coûte. Bien entendu, elle aurait pu suivre le chemin le plus sûr de ces terres pour ensuite tenter de parvenir à Gludio, mais là encore la route était bien trop fréquentée pour prendre ce risque. L'autre solution aurait été de partir à la nage, mais la jeune sombre savait pertinemment que ses bras n'auraient supportés une telle épreuve, et que la seule île à proximité était celle dont beaucoup craignaient simplement le nom. Non, le seul chemin possible était bel et bien de gravir ces montagnes semblant interminables pour arriver sur ces terres depuis peu elfiques et espérer ne croiser personne le temps de son passage. Une épreuve qui allait sûrement lui coûter beaucoup de risques sur sa propre vie, mais sa détresse était telle qu'elle préférait encore finir entre les griffes de ces sylvains que dans celles de son propre peuple. De plus, peut-être aurait-il la clémence de la laisser vie sauve si ils mettaient la main dessus en apprenant ce qu'elle avait fait, ou ce qu'elle fuyait... Mais là étaient des pensées bien trop poussées pour le moment, et la seule chose qu'elle désirait était de ne croiser personne.

Ashel del Jiney'sth se faisait beaucoup de soucis pour son propre père qui, très certainement, serait la première personne interrogée avec fracas pour obtenir des informations. Elle se sentait terriblement honteuse rien que de s'imaginer une telle scène, et elle se promit d'aller le voir dès qu'elle le pourrait pour s'assurer que celui-ci va bien. Elle lui expliquera ainsi une telle raison de cette fuite, pour ne point qu'il ait honte de sa propre fille.
Pour le moment, la jeune femme était partie en sa marche depuis déjà quelques heures et le soleil commençait à caresser de ses rayons les terres. Cela lui procurait un sentiment bien étrange. Pour la première fois de sa vie, elle se sentit libre. Elle respirait l'air pur à plein poumon, et foulait un sol constitué de matières organiques et non de cette pierre froide et lugubre de Shel'Oloth. Ces pensées la firent pleurer. Toute la peur, la peine et la douleur qu'elle avait accumulée dans son si frêle corps depuis des années s'expiaient sous forme de ce liquide lacrymale qui sombrait en la terre morte pour la nourrir. Ashel ne savait aucunement encore ce qu'elle allait faire si elle parvenait à ses fins, même si ces desseins s'approchaient toujours tel un aimant au mot « fuite ».

Vers le milieu de l'après-midi, alors que ses jambes ne supportaient visiblement plus la dureté de cette marche dont elle n'avait l'habitude, elle réussit à se rendre au sommet de la montagne. Lentement, elle se laissa tomber au sol, s'étendant de tout son corps dans cette herbe fraîche qu'elle avait rejointe depuis une poignée d'heures. Enfin, elle était à la limite des terres de son peuple damné et de celles des sylvains. Elle qui n'avait jamais savouré la douceur de l'herbe put enfin se mêler pleinement à elle, se perdant en ses tiges pour laisser son corps endolori mentalement et physiquement se reposer sous les caresses de l'astre solaire. Ashel laissa ses mains effleurer la surface de cette végétation dense, les yeux fermés sur des songes. Puis, en ce premier instant de bonheur de sa vie, elle rejoignit Morphée.





Quelques heures plus tard, Ashel sortit de son sommeil avec sursaut. Un mauvais rêve avait agité son court instant de repos, lui retirant toutes les vertus qu'elle avait espérée. Néanmoins, elle savait qu'il n'était le moment de trop s'attarder et que les recherches sur sa personne avaient certainement commencées depuis bien des heures. Un bref regard vers l'autre côté de la pente la rassura en voyant que personne n'était encore sur cette piste, sûrement trop concentrés à retourner le village de fond en comble. Un autre regard sur la pente adjacente lui dévoila l'étendue arborée des contrées d'Oren ainsi que la mer des Spores qui s'étendait sur plusieurs lieux à l'horizon. Une légère angoisse lui pinça le cœur à cette simple vision.

Elle s'entreprit alors de reprendre la route, descendant l'aval de la montagne avec précaution pour ne point se faire remarquer par les sentinelles qui devaient rôder certainement dans les parages, et aussi éviter une chute qui pourrait être fatale. Son principal but était d'éviter la Mer des Spores pour ainsi ne point se faire contaminer par ceux-ci, et donc de longer la côte. Elle espérait que celle-ci ne sera point trop gardée pour pouvoir passer sans grand danger.

Alors que le crépuscule laissait l'horizon mourir dans un océan de palette orangée, un léger souffle se mit à se faire sentir. Non soucieuse du climat qui semblait se détériorer lentement, la jeune femme profitait pleinement de cette beauté qui se dressait devant ses yeux, martelant le ciel de tâches jaunâtres qui fondaient sur cette douceur âcre. Marchant inlassablement malgré les heures passées sans boire une seule goutte d'eau ou un maigre repas, Ashel continuait son périple du mieux que ses jeunes jambes le pouvaient. Son souffle, de plus en plus saccadé, l'obligea quelques instants pour se reposer, accablée par la fatigue.
Elle ne vit point qu'un tel malaise était du au vent qui soufflait de la Mer des Spores à elle, menant en son passage ce qui s'y trouvait.
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » sam. 19 juin 2010 à 21h49

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Folie
( Chapitre VIII )
Les premiers spores dont elle avait humée la terrible fragrance n'avaient agis qu'au bout de plusieurs longues minutes. D'une lenteur sadique, ils avaient laissés leur parfum imprégné chacune des parcelles de son corps pour les momifier de ses consonances âcres. La démence était venue à elle progressivement, commençant tout d'abord par une quinte de toux devenant au fil du temps de plus en plus violente. Puis, le second effet, perdant totalement son libre arbitre et sa conscience même du danger pour lui faire prendre la décision farfelue de traverser la Mer des Spores elle-même pour gagner du temps sur son voyage. Enfin, et à mesure de son approche en cet immense désert, lui faire perdre toute sa lucidité pour la rendre tel un pantin avançant sous le joug d'un marionnettiste inconnu. L'étrange effet que procurait ces spores laissait sous-entendre qu'une certaine conscience existait quant aux symptômes, poussant les victimes de cette démence qu'ils procuraient à se jeter dans la gueule du loup comme des brebis égarées. Faire de telles suppositions « d'intelligence » en la matière végétale était certes saugrenue, mais ne point reconnaître les causes en était tout autant stupide. Quoi qu'il en soit, la jeune Ashel avait rejoint depuis bien longtemps déjà les monts sableux de ce désert, avançant en titubant comme une personne envoûtée. Un long voile noire qu'elle avait amenée avec elle et dont elle avait coutume de porter en ses prières auparavant lui recouvrait le visage, s'envolant gracieusement au gré des bourrasques qui soufflaient fort ce jour ci. Les jambes dénudées et le corps tout juste vêtue du plus simple appareil en vue de la chaleur étouffante, elle continuait son chemin en ne se souciant point de l'acte fou qu'elle était en train d'accomplir, ne pensant qu'à marcher encore et encore. Son esprit semblait être enfermé dans un étau de fer dont personne ne pouvait en briser la structure, cadenassé fermement par ses spores.

La chaleur était presque insupportable, et le maigre voile qui tentait de protéger la jeune femme n'était guère satisfaisant. Son corps ruisselait de sueur, et plusieurs fois elle chuta mollement au sol dans ses pas étaient lents et lourds. Ses jambes, déjà endolories par le précédent voyage, étaient à présent couvertes d'hématomes et de fins filets de sang où s'accrochaient des centaines de grains de sable qu'elle emportait avec elle à chaque fois qu'elle se relevait. La bouche légèrement entre ouverte et les yeux dans le vide, elle semblait être au bout de son souffle, accablée par la fatigue, l'horrible température, et les spores qui se faisaient de plus en plus nombreux dans son corps. Très peu de gens étaient sortis indemnes de cette Mer sableuse après une telle contamination, et pourtant de nombreuses âmes s'étaient fait prendre au piège dans cette toile courant des siècles. La plupart des survivants étaient des hommes forts et robustes pour qui la marche n'était qu'un fléau au bout de plusieurs journées. Les jeunes femmes comme Ashel ne survivaient souvent pas plus de quelques heures.

Dans son esprit se bousculait beaucoup de pensées toutes les plus farfelus les unes que les autres. Elle s'imaginait revenir à Shel'Oloth et courir dans les bras de son père qui l'attendait dans l'encadrement de son ancienne demeure les bras tendus. Puis, alors qu'elle arrivait à sa portée, elle dégainait une épée pour lui planter en plein cœur d'un geste brusque. Malgré l'horreur qu'elle ressentait avec cet acte horrible, elle était telle une spectatrice impuissante qui ne pouvait qu'être en proie aux sentiments mais ne point agir. Sa main délicate entourée autour de la garde de l'arme tourna lentement celle-ci dans tous les sens comme pour agrandir la plaie béante déjà existante, laissant le sang couler à flot sur toute la tenue de Vergel del Jiney'sth. De son regard horrifié, elle contemplait son père qui agonisait lentement, l'épouvante se lisant dans ses yeux comme un voile de détresse. Au même instant dans le désert, Ashel retira une lame invisible du néant devant elle, immobile ; les cheveux volant sous les alizés et les larmes s'écoulant de son visage.


« Ele ? »

Enfermée dans ses songes dans l'encadrement de la porte, elle regarda le corps de son père s'écrouler au sol dans un dernier souffle, le sang se répandant partout dans les rainures de la maison et sur les pavés de la ruelle. Lentement et sans contrôle, elle sentit son corps se mouvoir pour enjamber la carcasse encore agonisante de Vergel pour pénétrer dans la maison et refermer la porte. D'un mouvement circulaire, la jeune femme parcourra de son regard bleuté le grand salon qu'elle connaissait bien, s'attardant sur chaque meuble comme pour se remémorer des souvenirs. La jeune femme, toujours enfermée dans ce désert, exécutait les mêmes mouvements que dans ses songes ; restant sur place dans cette mer sableuse, subissant le joug de l'astre solaire.
Ashel reprit sa marche silencieuse dans la maison, ne laissant que le bruit de ses pas et de la lame glissant son extrémité sur le vieux parquet. Elle s'approcha des escaliers, gravissant les premières marches pour atteindre l'étage où se trouvait toutes les chambres et pièces secondaires de la demeure. Sur son chemin, elle porta son regard sur tous les portraits de sa famille qui résidaient dans des cadres richement ornés. Sa mère la regardait de sa hauteur, beauté glaciale et grâce infinie. Sous l'assaut de ses yeux accusateurs, Ashel se sentit accablée par la peine et la douleur, mais son corps ne répondait de rien et, d'un geste vif, elle arracha la toile avec rage. Consternée par ce nouvel acte de violence, elle poussa un cri silencieux dans cette prison mentale où elle demeurait encore et toujours spectatrice de sa propre déchéance. Arrivée enfin à l'étage, elle se dirigera nonchalamment vers sa propre chambre, ouvrant la porte avec une lenteur sadique de sa main cuivrée encore ensanglantée. L'odeur si reconnaissable de sa chambre qui avait bercée toute son enfance se fit sentir dès les premiers instants, enivrant ses sens en éveil.
Avec vigueur, elle fit siffler sa lame sur le côté pour faire glisser toutes les dernières gouttes de ce nectar écarlate sur le sol et les draps immaculés. Puis, elle rangea l'épée dans son fourreau, laissant un sifflement aigu du fer contre le cuir résonner en écho dans la pièce lugubre. Avec nonchalance, la jeune femme s'approcha d'un pan de mur où résidait encore une tapisserie d'époque de grande qualité. Entouré de deux tableaux représentant chacun une interprétation de Mère, un miroir qui avait des reliures faites dans une matière rare qui semblait être de l'ivoire. D'un geste las, elle se dressa devant lui pour contempler son reflet. Son esprit vit avec horreur que, dans cette réflexion, se trouvait bel et bien son image. Un visage fermé et froid, aux traits tirés par la rage et la haine, et à la peau couverte de tâches de sang. Tel un espoir qui s'envolait, cette subite vision fit comprendre réellement à Ashel que c'était bien elle qui venait de commettre cette abominable scène. Submergée par la peine, elle se sentit hurler et pleurer, mais rien dans ce reflet ne bougea. Ce même visage, figé et angoissant, qui semblait se regarder lui-même.
Subitement, l'image d'une vieille femme se fit voir dans le reflet à la place de son image. Elle n'eut le temps de réagir que des mains squelettiques sortir du miroir pour attraper son visage et le tirer violemment vers elle. Ashel sentit un puissant choc contre sa tête suivit de bruit de verre éclatant à ses tympans, avant de sombrer au sol, évanoui.

Au même instant, un corps sans vie se faisait recouvrir par le sable dans la Mer des Spores.
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » jeu. 24 juin 2010 à 19h04

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Face à la mer
( Chapitre IX )

Une terrible douleur la sortit de sa torpeur.

Tel un éclair, ce mal fulgurant se fit sentir dans la cuisse, pour finalement se répandre dans tout le restant de mon corps. Ses veines semblaient être anesthésiées, paralysant tout son corps en le parsemant de spasmes incontrôlables. Ashel semblait vouloir hurler, mais aucun son ne sortit de ses lèvres vermeilles. Un brouillard constant demeurait devant ses yeux, tel un voile lui empêchant de voir la réalité pour ne point l'achever en cette dernière agonie. La douleur était insoutenable, en devenant presque immorale. Elle ne savait point ce qui se passait, ni même où elle était, mais sa souffrance était telle que même la chaleur qui tapait énormément en ce milieu de journée semblait être anodine.

Lentement, la douleur fut si vive qu'elle en devenue acceptable. Aussi surprenant que cela était, cette violence se fit ressentir rapidement comme un bienfait. Une source revigorante qui dissipa cette folie et mal qui l'accablaient pour lui redonner conscience et souffle de vie. Le brouillard devant ses yeux se fit de moins en moins épais, arrivant à discerner une grande étendue de couleurs orangées et bleutées, avant de se transformer en mer sableuse et ciel lagon. Son regard se baissa sur son corps partiellement recouvert de sables où elle aperçu avec effroi sa cuisse ensanglantée par ce qui semblait être une profonde morsure. Une sensation humide et râpeuse sur sa joue la sortit de son examen minutieux.
D'un geste vif, elle tourna la tête pour apercevoir ce qui semblait être un loup qui lui léchait la joue presque amoureusement. Un coup de regard lui permit de se rencontre que par sa forme gracieuse et son pelage d'un gris pâle que c'était non un loup, mais une louve. L'animal, se sentant observé, arrêta le nettoyage de la jeune sombre pour la fixer de ses yeux sombres. Pendant une longue minute, elles se fixèrent ainsi sans aucun mouvement, ne se contentant que de l'image l'une de l'autre. Finalement, Ashel aperçut les gouttelettes de sang qui perlaient des poils de la louve et comprit que celle-ci était la source de sa blessure à la cuisse. Mais étrangement, elle ne se sentait aucunement en danger, comme apaisée par sa simple présence. La louve se mit alors à se mouvoir, approchant son museau du bras de la jeune femme comme pour la pousser à se lever et à la suivre. Elle fut étonnée d'un tel comportement de la part d'un animal, mais pensait bien que son état ne lui permettrait pas de faire un pas de plus en ce désert. Subitement, un éclair de lucidité frappa sa conscience : elle ne savait pas où elle était, ni ce qu'elle faisait là, mais elle savait qu'elle ne survivrait pas à la prochaine heure. Son regard affolé se posa alors tout autour d'elle, comme réalisant enfin qu'elle demeurait dans un lieu inconnu qu'elle réussit très vite à définir comme la Mer des Spores. Néanmoins, elle n'avait plus aucun souvenir de ce qui l'avait poussé ici, et surtout de ce qui s'était passé en ce lieu.
Elle n'eut le temps de réfléchir davantage que la louve renouvela son appel avec sa gueule.

Ashel la regarda une nouvelle fois, avant de s'abandonner à sa demande. Elle mit son bras autour de son cou, et se releva avec une lenteur extrême. La jeune femme eut soudainement conscience que la douleur était parfaitement acceptable et que malgré sa blessure et ce temps incalculable qu'elle avait passé sous ce soleil ardent, elle demeurait en bonne forme. Néanmoins, elle n'eut le temps de réfléchir davantage à toutes ces questions et incompréhensions qui martelaient son esprit avec des points d'interrogations pour suivre la louve qui marchait devant elle de quelques mètres.

Sans réfléchir et encore légèrement troublée, Ashel la suivit en ce monde encore flouté qui semblait lui être un rêve. Face à l'inconnu, elle continuait ce chemin sous le soleil de plomb pour une destination inconnue qu'elle laissait entre les pattes de velours de cet étrange animal.


Au bout de plusieurs heures de marche, Ashel et sa nouvelle compagne réussirent à sortir de la Mer des Spores pour marcher sur une terre devenant de plus en plus verte et arborée. Elle ne savait quel chemin elles avaient prises, et ni même où elles se trouvaient, mais la sombre accordait une confiance presque aveugle à l'animal qui ouvrait le chemin, sur ses gardes. Cependant, elle sentit rapidement les effluves marins lui caresser les narines dans une douceur enivrante. Le bruit des vagues martelant la côte non loin de là et cette odeur si spécifique à l'océan lui troublèrent ses sens, lui créant une soudaine vague de plaisir qui la fit dévier de sa route en des pas rapides. Sans se soucier de la louve qui avait continué le chemin en cette vaste plaine, Ashel pourfendit les bois avec vivacité, sautant au-dessus des troncs brisés au sol, évitant les branches agressives qui demeuraient de-ci de-là. Les cheveux dans le vent et son fin voile dansant sous les bourrasques, elle courait encore et toujours avec une force inconnue en ne se fiant qu'à son odorat et son ouïe qui discernaient non loin de là l'approche des côtes.
Subitement, elle sortit du bois pour être au bord d'une falaise où se mourrait à perte de vue la mer. Sans bouger, la jeune sombre contempla ce paysage idyllique où le soleil fondait dans cette eau lagon en laissant sa peinture édulcorée se répandre en les reflets marins. Le bruit des vagues s'écrasant au bas de la falaise la berça, alors que ses yeux se fermèrent quelques instants pour profiter de ce vent frais et apaisant qui caressait son visage endolori par son voyage telle une mère le ferait pour son enfant. Elle rouvrit lentement les yeux, pour apercevoir avec stupeur que la louve était à côté d'elle, regardant elle aussi ce crépuscule somptueux qui se dessinait au loin. La jeune femme la regarda alors quelques instants, avant d'en faire de même.

Plus rien ne comptait à présent. Face à la mer, elle se sentait enfin vivre.
~
« Sang ô sang noir de mes frères, vous tachez l'innocence de mes draps, vous êtes le sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix. »
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » jeu. 24 juin 2010 à 19h09

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Carte de voyage
( Le Sumbra 24 brûleblé de l'an 44. )
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » ven. 25 juin 2010 à 18h37

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Prédictions Triviales
( Chapitre X )
Le voyage d'Ashel et de sa nouvelle compagne de route dura plusieurs lunes. Se nourrissant seulement de baies cueillies au détour des bois qu'elles arpentaient et trouvant hydratation et toilette dans l'eau pure des cascades, elles faisaient de chaque journée un nouveau combat pour braver les terres d'Oren et de rejoindre le plus rapidement leur objectif : Aden. Peu de dangers se dressèrent sur leur chemin pendant leur escapade sylvestre, à part quelques patrouilles elfiques qui arpentaient parfois le milieu boisé mais qui furent aisément évitées par le flair de l'animal et l'ouïe devenue experte de la maîtresse. La jeune sombre ne comprenait toujours point pourquoi cette louve la suivait, mais le fait qu'elle l'ait « sauvée » de son aventure en la Mer des Spores satisfaisait amplement toutes ses interrogations. La morsure, quant à elle, n'était plus qu'un étrange souvenir qui s'était aussi vite dissipée en son esprit que dans sa chair, lui lançant néanmoins parfois quelques éclairs de douleur face à de faux mouvements qui lui rappelaient que, il y a encore quelques lunes, elle saignait abondamment.
Durant son escapade, elle préférait suivre la côte d'assez près en arpentant bois et forêts pour ainsi ne se perdre en son voyage tout en restant camouflée par cet amas de branches et de végétations. Néanmoins, la faim qui la tiraillait souvent l'obligea à reprendre souvent ses armes pour tenter de chasser du mieux qu'elle pouvait – mais là encore, sa compagne était bien plus efficace qu'elle, ramenant souvent dès l'aurore des lapins fraîchement chassés. Malgré cette misère dans lequel elle avançait, cela semblait parfaitement lui convenir, profitant de cette liberté qu'elle n'avait jamais pu goûter auparavant. Parfois, elle se surprenait à parler avec cette louve dont elle n'avait encore donné de nom pour passer le temps, ou encore ne point perdre la raison – et étrangement, elle eut ce sentiment constant que cette dernière l'écoutait assidument.

Au bout de quelques jours de voyage, elles découvrirent un lieu idyllique qui semblait tout droit être sortit d'un grimoire enchanteur. Caché au milieu des bois, ce petit bout de paradis ne semblait être visible que par les âmes errantes et pures qui s'avançaient en ce lieu ; même si cette impression mirobolante n'était certainement que le fruit d'hallucinations face à une telle beauté. Des maisons se nichaient dans des arbres qui semblaient ancestraux, reliées les unes aux autres par de petits pontons décorés par des fleurs aussi splendides les unes que les autres. Des gens vêtus du plus simple appareil se baladaient innocemment en discutant les uns avec les autres, entourés d'animaux de la forêt qui courraient ou volaient à côté d'eux comme si une osmose parfaite existait entre eux. Un rapide regard permit de définir à Ashel que les habitants de ce village enchanteur étaient principalement des sylvains clairs ainsi que des humains, avec parfois l'apparition derrière un bosquet d'un membre de la race nanique. Cachée derrière sa fourrée, la jeune femme contemplait de ses yeux émerveillés cet havre de paix et de tranquillité où la végétation semblait faire l'amour en chacun de ses mouvements avec l'être vivant. Mais elle fut très vite sortie de ses pensées par sa compagne de fortune qui bondit hors des feuillages pour pénétrer dans le village en poussant des petits aboiements qu'elle entendit pour la première fois. Deux humains qui semblaient être un couple se tournèrent alors vers cette dernière, se mettant à la caresser dès son approche avant de tourner leur regard vers la cachette de la jeune sombre. Prise sur le vif, elle n'eut comme seule solution de rester immobile à les fixer elle aussi, pendant des secondes qui lui semblèrent de véritables minutes. Finalement, les deux inconnus s'approchèrent alors sans une once d'agressivité, ce qui rassura partiellement la jeune femme. Une fois à sa portée, ils la regardèrent quelques secondes avant de se lancer un bref regard face à son air inquiet. Puis, la femme prit la parole :
« Basu da kadowe ? »
Ashel, prise au dépourvue face à une langue si triviale qui lui était étrangère, demeura silencieuse, se contentant de les regarder, penaude. L'humaine jeta alors un regard à son conjoint qui se baissa alors à la hauteur de la sombre pour répéter lentement, en la fixant de ses yeux émeraudes :
« Basu da kadowe ? »
A nouveau prise de mutisme en ne sachant quoi répondre à une question inconnue, Ashel se fit violence pour tenter de sortir le moindre son de sa bouche pour ne point être désinvolte.

« Sjaad'ur uns'aa, usstan xuat kampi'un. Xun dos telanth ilythiiri ? »
Face à leurs airs médusés, la jeune femme se sentit subitement idiote d'avoir posée une telle question. Après quelques courtes secondes de silence, le couple s'échangèrent quelques paroles à voix basse dans cette langue étrange avant d'acquiescer, pour finalement lui tendre la main. Mollement, elle s'en saisit pour se relever et les suivre, sachant que la faim et la dureté du voyage ne pourraient l'autoriser à fuir. Elle ressentait aucune once d'agressivité chez ces gens-là, et elle se força dans sa tête à penser que de les suivre était une bonne décision, que son instinct demeurait juste. Dans une lenteur qui lui semblait presque être un rêve éveillé, elle contempla dans sa marche dans le village toutes les habitations aussi simples que somptueuses, mettant de côté les regards des quelques citadins qui la fixaient en coin face à son accoutrement qui prouvait par bien des critères qu'elle ne venait de ses terres. Beaucoup de questions se bousculaient dans sa pensée, mais comme à son habitude, elle en fit fi pour se concentrer sur l'instant présent, et ne point baisser sa garde.
Ils grimpèrent finalement par un petit pont de bois qui oscillait sur leur passage, rejoint à nouveau par la louve au pelage grisâtre qui suivait Ashel à ses côtés. Au fur et à mesure qu'ils prenaient de la hauteur dans ce village élevé, elle réalisa que ce n'était qu'une petite bourgade qui ne devait compter pas plus d'une trentaine d'habitants.
« Owen dal karsh. »
La voix rauque de l'homme la sortit de son examen minutieux des lieux pour l'apercevoir devant elle, en train de la regarder aux côtés de sa femme. Leur regard mêlant l'incompréhension et de la compassion la mit mal à l'aise, mais elle se força à mettre ce sentiment de côté en observant le lieu où ils étaient arrivés. Ils demeuraient devant une demeure sculptée dans le bois avec minutie, d'une taille apparemment plus conséquente que les autres maisonnées, et de forme circulaire. Un grand drap s'étendait autour du tronc ancestral pour retomber sur les fondations, donnant ainsi une apparence de tente à la demeure. L'homme s'entreprit à soulever un pan de ce tissus qui se séparait en deux pour former une sorte de porte, tout en réitérant sa question. Elle n'eut le temps de répondre presque instinctivement par un regard interrogatif que sa louve s'était déjà avancée pour disparaître dans l'étrange maison. Ashel prit une profonde inspiration, avant de s'y engouffrer à son tour.

Le lieu était modeste, mais l'aura qui résidait en son antre était à couper le souffle. Quelques meubles de fortune trônaient de-ci de-là, alors que d'amples fenêtres permettaient à l'astre solaire de pénétrer à l'intérieur comme un messie. Une sorte de construction en pierre avait été construite autour du tronc qui passait au travers de l'habitat, formant une table assez conséquente où résidait plusieurs grimoires, fioles, instruments et assiettes vides. Des lianes rampantes montaient le long de l'arbre en s'enroulant avec douceur en son tour, laissant parfois quelques éclats de fleur tâcher son bois semblant plus vieux que le monde de tâches rouge vive. Un vieil homme était assis devant cette table basse, lisant un ouvrage ancien dans le silence le plus profond. Ashel se retourna pour questionner le couple du regard, mais ceux-ci étaient déjà partis, ne laissant à leur place plus que le drap osciller légèrement sous les bourrasques de cette chaude journée.
« Carra ! »
La jeune sombre tourna rapidement son regard vers le vieil homme qui venait de s'exclamer, remarquant qu'il avait abandonné la lecture pour s'adonner à des caresses sur le pelage soyeux de la louve. Ashel perdit son regard de gauche à droite comme pour éviter un malaise face à cette situation étrange, mais fut vite rappelée à la réalité par la voix puissante et intimidante du vieil homme.
« Da she Carra ? »
Emprisonnée à nouveau par les barrières de la langue, la jeune femme déglutit avant de s'hasarder en une réponse dans le langage commun, espérant avoir plus de gens pour nouer le dialogue.

« Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas ce que vous dites. »

Le vieil homme marqua un court instant de silence en la regardant, avant de reprendre d'une voix nonchalante et emplit de spiritualité ;
« Êtes-vous avec Carra ? »
Ashel fut comme parcourue d'un éclair tout le long de son corps. Pour la première fois depuis des jours, une personne lui adressait la parole et, pour la première fois depuis son arrivée dans ce village, elle comprenait. Ce bref instant de compréhension la rendit muette, avant de remarquer que le vieillard ne détachait son regard d'elle tout comme la louve à ses côtés qui semblaient apprécier les caresses. Prise au dépourvue face à une interrogation dont elle ne comprenait tout le sens, elle acquiesça simplement.
« Il est rare qu'elle choisisse un éphémère... »
Elle comprit alors qu'il parlait de la louve, et découvrit ainsi le nom de cette dernière. Ne sachant quoi répondre face à de tels propos aussi flous qu'incompréhensibles, elle préféra garder le silence tout en cherchant dans son esprit embué une quelconque question pour nouer le dialogue et ainsi ne paraître impolie. Mais la fatigue et le doute étaient tels qu'aucun son ne sortit de ses lèvres craquelés par son long voyage.
« Approchez. »
Sans se faire prier, celle-ci s'exécuta, laissant le bruit du bois crissant sous ses pas résonner dans la maison. Au mesure qu'elle s'avançait, Ashel réussit à discerner les traits de cet homme qui semblait avoir plus d'une centaine d'années. De nombreuses rides trouvaient refuge en sa peau qui semblait dure comme la pierre, ne laissant qu'apercevoir au détour d'un rayon de lumière de petits yeux vairons. Le dos légèrement courbé, il n'était habillé que d'une robe rapiécée qui semblait être aussi vieille que lui, alors que des bracelets réalisés par des lianes aux coloris particuliers s'enroulaient autour de ses poignets osseux.
« Votre beauté est fascinante. Je compatis à un tel défaut. »
La jeune femme marqua une courte pause face à ce compliment dont il faisait une insulte. Néanmoins, au plus profond de son esprit, elle en comprenait tout le sens. Elle demeura penaude face à cet homme qui forçait le respect et l'admiration, préférant le silence à quelconque réponse qu'elle jugeait forcément idiote ou inintéressante.
« D'où venez-vous ? »
Cette question la figea à nouveau, comme si cet homme tentait avec une simplicité extrème à lui faire dévoiler tout ce qu'elle tentait de cacher depuis bien des lunes. Elle désirait lui faire confiance au plus profond de son être, mais elle ne pouvait se permettre de prendre le risque que le récit de son histoire ne soit mal interprété par son hôte. Pour la première fois sa vie, Ashel se mit à mentir.
« Je suis une simple voyageuse, et je me suis semble-t-il perdue dans cette forêt. »
« Et la vérité ? »
Cette réponse fut reçue comme une véritable gifle. Elle ne savait comment ce vieil homme pouvait discerner le mensonge de la vérité dans ses propos, mais elle préféra penser que son maigre talent dans ce domaine était certainement le fruit de cette nouvelle honte qui l'accablait. Pendant un court instant, elle resta à la fixer les lèvres entre-ouvertes, bête. Puis, elle inspira un grand coup avant de reprendre la parole, d'une voix fluette et mal assurée.
« Je viens de Shel Oloth. J'ai fuis le Temple à cause de la folie d'une Prêtresse qui tentait de me briser de l'intérieur pour que je m'adonne au culte. Voilà plusieurs jours que je marche sur les terres d'Oren, et j'avoue m'être certainement perdue. »
Il l'écouta silencieusement, continuant ses caresses presque machinales sur la robe délicate de la louve. En son regard se lisait une certaine once d'intérêt, mais aussi un immobilisme presque inquiétant, comme si cette histoire pourtant tragique ne lui provoquait aucun sentiment, ni peine, ni pitié. D'un geste lent, face au malaise de la jeune sombre, il prit une pipe qu'il alluma avec parcimonie. En une épaisse fumée, quelques mots sortir enfin.
« Et Carra ? »
« Parlez-vous de la louve ? »

Il acquiesça.

« Je l'ai rencontré dans la Mer des Spores. Je m'étais semble-t-il évanouie, et elle m'a réveillé en me mordant à la cuisse. Je pense que... »

Il la coupa brusquement, avançant sa tête dans la fumée qu'il venait de recracher pour lui donner un air inquiétant.
« Elle vous a mordu, vous dites ? »
Ashel fut interloquée face à une telle réaction. Elle se souciait peu que le vieil homme lui ait coupé la parole, s'attardant davantage sur sa mine inquiète et surprise. Elle se contenta d'opiner, avant de montrer sa cuisse dénudée où résidait avant la morsure.
« La blessure a déjà disparu. Ce qui est étrange en soi, mais... »
Elle n'eut le temps de continuer que le vieillard se dressa sur ses jambes squelettiques avec la vivacité que lui permettait son âge. Il s'approcha à pas rapide, faisant craquer chaque parcelle de bois au moindre mouvement. Sans demander le consentement de son interlocutrice, il se saisit de sa cuisse en l'emprisonnant entre ses doigts osseux afin d'observer minutieusement la feue blessure.
Après un long instant d'observation, il soupira longuement pour finalement se retourner afin de reprendre sa place.

D'une voix hésitante, Ashel reprit la parole en le regardant s'asseoir à nouveau.
« Un problème ? »
Le vieillard ne répondit point de suite, se contentant de fixer avec intensité la table devant lui comme si il contemplait pour la première fois ses lianes rampantes qui se l'étaient appropriées à l'aide du tronc. Puis, d'une voix beaucoup plus calme que ses dires précédents, il s'expliqua.
« Carra vous a choisit. »
« Oui. Et je lui en suis reconnaissante, mais... »
« Vous ne comprenez pas. »
Interloquée face à une telle réponse brute, elle préféra garder silence et l'écouter.
« Carra n'est pas une louve comme les autres. Il y a de cela bien des siècles, de puissants mages ont enfermé la Mer des Spores grâce à une puissante magie pour ne pas que ses toxines se répandent dans l'air. Malheureusement, quelques « déchets » de cette mana se sont répandus en cette prison pour finalement prendre forme dans les êtres qui la peuplaient. »
Il leva son regard vers elle, la fixant intensément dans les yeux.
« Cette louve est certainement beaucoup plus vieille que vos arrières-arrières grands parents. »
Les lèvres vermeilles d'Ashel s'entre-ouvrir, mais aucun son n'en sortit.
« En vous mordant, l'esprit magique qui habite le corps de Carra vous a choisit. Elle a donné en cet acte un peu de sa force en vous, tout comme vous en fit de même avec elle. »
« Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas. » 

Le vieillard marqua une nouvelle pose en son explication, en profitant pour tirer une nouvelle bouffée sur sa pipe avant de reprendre la parole durant son souffle.
« La puissance magique de la louve circule à présent en vos veines. C'est pour cela que vous avez repris aussi vite connaissance et avez retrouvée vos forces. Mais cet échange n'était point en sens unique ; en vous mordant, elle a prit aussi de votre flux vital pour compenser ce qu'elle venait de vous donner, lui donnant ainsi la force de traverser le mur magique pour ne plus être « qu'un esprit ».
Ashel fut horrifiée par un tel discours. Elle ne comprenait toujours pas la portée de tels mots, les questions martelant à nouveau son esprit avec douleur. Elle continuait de le fixer, les yeux écarquillés, avant de brutalement reprendre ses esprits en reculant d'un pas.
« Merci bien de m'avoir accordée de votre temps, mais je dois partir maintenant. Je... Vous pouvez garder cette louve avec vous. »
Alors qu'elle se détournait avec précipitation sur ses membres tremblants, elle fut rappelée à l'ordre par la voix rauque et puissante de l'homme.
« Ne fuyez pas votre destinée. Vous allez maintenant devoir apprendre à contrôler cette force pour que l'esprit ne prenne pas possession de votre corps. »
La jeune sombre s'arrêta alors sur place, avant de détourner la tête vers lui pour voir on interlocuteur à nouveau dresser sur ses jambes, les mains appuyées sur la table en pierre. Il la fixait avec sévérité, et ce simple regard figea tout son être frêle.
« Vous vous rendez compte de ce que vous racontez ? »

Sa voix tremblotante était néanmoins assurée par le ton, comme si de tels propos n'étaient pour elle que des fabulations dans l'esprit embrumé d'un vieillard en fin de vie.
« Croyez-moi, jeune fille. Carra vous a choisit pour une raison que j'ignore encore, mais ces esprits peuvent être aussi bons que mauvais. Personne ne peut le savoir à l'avance. Je vous prie de ne point prendre à la légère mes propos, ou votre vie pourra peut-être être en jeu. »
La jeune femme resta de marbre face à ses dires, avant de lever les yeux au ciel, déconcertée. Puis, d'un geste vif, elle se détourna à nouveau pour soulever le pan de la toile et laisser la lumière aveuglante du soleil pénétrer dans la maisonnée. Le couple qui l'avait mené jusqu'ici la regarda sortir avec un air interloqué face à son air précipité et déconcerté.
Ashel leur porta un bref regard avec de se mettre à courir sur le pont, les yeux s'embuant de larmes. Elle ne prêtait plus aucune attention aux regards des habitants de cette étrange tribu qui la fixaient sur son chemin, se contentant de baisser la tête pour vite sortir de ce paradis dans lequel elle entre-apercevait à présent l'enfer.

Une fois à l'orée du bois, elle s'arrêta quelques secondes pour reprendre son souffle. Elle fondit alors en sanglots en se laissant glisser contre un arbre, serrant son visage humide contre ses genoux abîmés par son voyage. Elle laissa s'exprimer toute sa peine et sa colère dans ses larmes qui perlaient sur ses joues pour tracer en cette peau aussi belle que sale des sillons de malheur.

Alors qu'elle relevait la tête entre deux sanglots non-contrôlés, elle vit la louve devant elle en train de la fixer de ses yeux émeraudes, silencieuse.
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » sam. 26 juin 2010 à 19h59

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Le Château de Cartes
( Chapitre XI )
Ashel avait reprit la route depuis plusieurs jours, arpentant les plaines et les monts du territoire d'Aden au dos de l'équidé sauvage qu'elle avait trouvé après sa fuite de la forêt. La louve dénommée Carra, quant à elle, avait refusé de partir malgré plusieurs essais de la jeune sombre, arrivant même à la suivre de près ou la retrouver lorsque celle-ci partait au galop. Elle avait perdu espoir quant à s'en détacher, et s'était accommodée de sa présence du mieux qu'elle pouvait. Cela n'était point forcément aisé, puisque sa simple vision lui rappelait des souvenirs qu'elle tentait d'oublier du mieux qu'elle pouvait, en vain. A chaque regard porté sur son être, elle voyait le visage intimidant du vieillard avec ses étranges prophéties. Malgré tout, elle se faisait violence pour tenter de penser à autre chose, préférant s'attarder sur les péripéties de son voyage que sur les prédictions d'un homme en fin de vie.

Depuis qu'elle avait rejoint les terres d'Aden, Ashel était plus sereine en son épopée, n'hésitant plus à s'attarder au détour d'un lac ou d'une forêt pour se reposer ou profiter de quelques instants de vie. Elle tentait de faire de chaque journée un moment de vie particulier, comme si le jour où elle était partie de Shel Oloth était une seconde naissance. La jeune femme apprit ainsi ce qu'était la sensation de la caresse du soleil sur son visage, du sentiment des alizés qui soufflaient en ses cheveux pour effleurer sa nuque, le ressentis de l'eau fraiche et pure berçant son corps par le martèlement léger de quelques vagues... Tous ces ressentis qui étaient nouveau pour elle, et qui était chaque jour un émerveillement quant à la beauté de la vie. Auparavant, sa simple vision du monde n'était que son imaginaire qui tentait de s'immiscer entre chaque lignes des grimoires qu'elle lisait assidument, ou encore des dires de Prêtresses ayant voyagé qu'elle attrapait à la volée. Sa vision était arrêtée aux murs du Temple, ne voyant point au-delà de la grotte où parfois la lumière perçait difficilement. A présent, le sol froid du village était devenue des plaies verdoyantes, alors que le pénombre et l'obscurité avaient laissé place à l'éclat conquérant de l'astre solaire. Une nouvelle vie haute en couleurs se dressait à présent devant elle, et malgré le lot de malheurs qu'elle traînait derrière elle, la jeune sombre était bien décidée à s'en saisir pour en profiter autant que possible.
Le Marka, le 6 souffleglace de l'An 44, Ashel entrait enfin dans les terres Giranaises. Cela faisait bientôt deux semaines qu'elle parcourait le continent au dos de son cheval, toujours suivie par Carra qui demeurait silencieuse depuis le départ de la Forêt. Malgré ses doutes, le canidé avait mieux supporter le voyage qu'elle, restant dans une grande forme malgré une fourrure beaucoup moins soignée qu'à son départ. Des débris de branches et de feuilles s'étaient mêlés à ses poils, ébouriffés par les maigres tempêtes qu'elles avaient essuyées. Sa maîtresse, quant à elle, restait emmitouflée sous la cape qu'elle avait dérobée à la Prêtresse lors de sa fuite de Shel Oloth, cachant désormais son visage par la capuche ample pour ne point qu'on la reconnaisse. Giran était une ville de passage, et très certainement des sombres l'arpentaient : il ne fallait donc à présent prendre plus aucun risque.

Cette destination lui fut décidée après diverses rencontres lors de son voyage où quelques passants affirmèrent sans l'once d'un doute que cette ville était très certainement la plus sécuritaire d'Elmoreden. De plus, étant la capitale commerciale du continent, Ashel sut très vite qu'elle était le meilleur moyen pour se fondre dans la foule qui sera multiraciale et aussi trouver un travail, que cela soit de simplement faire le ménage que vendre des grigris sur la place. Elle qui, auparavant, n'avait manqué de rien quand aux biens monétaires, allait devoir pour la première fois de sa vie mettre la main à la pâte pour survivre – et cela ne la dérangeait aucunement, bien au contraire, étant prête à tout pour bénéficier d'une vie normale quant à celle édulcorée qu'on lui proposait avant.

Au fur et à mesure que la ville se dessinait à l'horizon, la jeune sombre fut prise de doutes. Cette cité qu'elle imaginait si puissante et si grande semblait en ruines, dévoilant au loin des fondations qui semblaient sur le point de s'écrouler alors que d'autres avaient déjà rejoins la terre pour périr en la chair de Mère Nature. Quelques épaisses fumées s'élevaient dans le ciel, comme un chemin du Réel à l'Au-Delà pour mener les âmes errantes de cette ville maudite dans un monde meilleur où elles trouveraient le repos éternel. Le cœur d'Ashel se serra en réalisant que cette ville qu'elle imaginait si réconfortante et puissante n'était plus qu'à présent un amas de ruines. Mais lasse par son voyage, elle n'eut d'autres choix que continuer en son chemin pour trouver au moins un toit et un repas pour la soirée – chose dont elle n'avait pu se délecter depuis bien des lunes. La maigre bourse qu'elle possédait et qu'elle n'avait encore utilisée servirait à payer cela, bien qu'à la base cette pensée était plus pour célébrer la fin de son voyage. Maintenant, cela n'était plus qu'une nécessité.

Quelques minutes plus tard, Ashel descendit enfin de sa monture pour attacher celle-ci autour d'un arbre ancien qui surplombait la ville pour étendre ses feuillages dans l'enceinte de celle-ci. Puis, après une profonde inspiration, elle remit sa capuche convenablement avant de fouler les premières dalles de Giran, suivie de près par Carra. Son regard oscilla de droite à gauche, contemplant la désolation des lieux. Quelques mendiants étaient assis sur les trottoirs, suppliant du regard la jeune femme emmitouflée sous sa cape noble. Des enfants, vêtus de maigres vêtements en toile, courraient parmi les décombres en jouant avec des épées de bois en se remémorant une bataille dont la jeune femme n'avait entendu parler. Voir tant de vies brisées dans la fleur de l'âge arracha une larme à Ashel qui se rappela de sa propre vie qui fut fauchée des mains enfantines alors qu'elle ne demandait rien ; simplement de vivre.
« Oui, abattue de sang froid, te dis-je ! »
La jeune femme, intriguée par la discussion animée qui se tenait tout près de là entre deux citadines, tendit l'oreille en continuant sur chemin lentement.
« Elle était si douce et si gentille, cette Inquisitrice... Mourir dans de telles souffrances et dans l'indifférence la plus totale, quelle horreur... »
« De toute façon, on savait tous que sa vie était comptée. Pourchassée par son peuple comme ça, elle n'allait pas survivre bien longtemps malheureusement. »
Paralysée par ces dires, Ashel pressa le pas en réajustant sa capuche pour rapidement dépasser les deux humaines et ne plus entendre cette horrible discussion. Est-ce que cette conversation qui venait de se tenir devant elle était un signe du destin pour lui faire passer un message ? Pour lui signaler que, qu'importe sa fuite, elle était à présent une paria et ne trouvera plus aucun repos à part dans la mort ? Elle agita sa tête de gauche à droite rapidement comme pour chasser ces pensées obscures, avant de réaliser qu'elle venait de pénétrer sur la place centrale qui devait être auparavant magnifique. Prestement, elle s'approcha de la dernière fontaine encore en état où quelques passantes lavaient leurs linges sales pour remplir sa gourde vide depuis plus d'une lune, alors que la louve préféra laper l'eau pourtant souillée de savon.

Une langue étrange dans son dos attira son attention. A travers sa capuche, elle réussit à discerner deux êtres qu'elle n'avait encore jamais vu auparavant, possédant une seule aile dans leur dos avec une allure majestueuse. Des kamaels. Elle en avait entendu beaucoup parler par les rumeurs qui flânaient dans le Temple de bouche en bouche, ou encore de brefs extraits dans quelques grimoires récents. Elle ne les connaissait point réellement, ni même encore leurs intentions, mais le simple fait que toutes les personnes autour de la fontaine avaient disparus rapidement ne la rassura point. Néanmoins, obnubilée par ses créatures étranges, elle n'arrivait à en détacher son regard, même malgré les appels à coups de museaux que Carra lui donnait en sa jambe. Une telle grâce, et une si grande beauté... Ils semblaient magnifiquement dangereux.

Elle les contemplait en chacun de leurs mouvements, les laissant se déplacer avec une lenteur noble et royale. Ils marchaient côte à côte, laissant leurs ailes immaculées battre légèrement l'air derrière eux. Les yeux bleutés d'Ashel les observa en chaque instant, les admirant s'approcher d'une femme en armure lourde qui tenta de reculer de quelques pas. Subitement, l'aile de l'un d'eux s'étendit de toute sa grandeur, enroulant en son antre son confrère ainsi que la chevalière. En moins de temps qu'il le fallait pour le dire, un bruit sourd de métal se fit entendre suivit d'un silence qui sembla durer une éternité. Puis, subitement, la carcasse de la femme s'écroula au sol, ensanglantée, une épée profondément plantée dans sa poitrine. Ashel ne put retenir un petit cri, comme si le magnifique portrait qu'elle contemplait depuis déjà quelques minutes venaient de prendre subitement feu pour montrer l'étendue de son horreur. Sa main se porta à sa bouche, comme pour camoufler un cri, avant de rapidement se détourner pour quitter ce lieu dangereux. Elle venait d'assister à un crime qui lui rappela inconsciemment ce qu'elle avait du commettre pour s'enfuir de sa prison religieuse, lui donnant une légère nausée. Alors qu'elle pressait le pas pour vite se dissiper dans l'ombre naissante du crépuscule, une voix calme et pourtant intimidante se fit entendre non loin d'elle.
« Hé, vous. »
Elle se figea sur place. Elle savait que c'était elle qu'on interpelait. Lentement, elle se détourna pour faire face aux deux kamaels qui étaient à présent derrière elle, s'approchant tels des prédateurs autour de leur proie.
« La scène vous a-t-elle plu ? »
Sa voix suave était diaboliquement mélodieuse. Ashel comprit rapidement qu'elle ne devait se montrer impolie pour ne point risquer la mort, mais ne pas non plus s'écraser niaisement devant eux, sous peine de quoi elle passerait pour une proie aisée à attraper, et donc bénéfique pour eux. Elle se contenta alors d'un haussement d'épaules, alors que sa louve les fixa silencieusement.
« Vous savez que c'est dangereux de se mêler d'affaires qui ne vous regardent pas. »
Le kamael qui se trouvait derrière celui qui parlait prononça quelques mots étranges dans cette langue qu'elle ne comprenait point, semblant agacé le premier.
« Dans ce cas, tâchez de ne point faire cela en place publique. »
L'être ailé détacha alors le regard de son comparse pour fixer intensément la jeune femme emmitouflée sous sa capuche, comme tentant de deviner son visage.
« Vous êtes réellement stupide pour me répondre ainsi. »
« Certainement. »
« Et vous êtes, en plus de cela, inintéressante... »
« Alors pourquoi continuer de converser avec quelqu'un de stupide et d'inintéressant ? »
Il grogna, ce qui intimida la jeune Ashel qui tenta de demeurer droite et forte. Puis, il échangea à nouveau quelques paroles avec son confrère sans détacher le regard de sa proie, comme attendant le moindre mouvement pour bondir dessus tel un félin.
Finalement, il se détourna vers son compagnon avant d'acquiescer de la tête à ses dires, et de s'avancer vers le fond de la place, ne laissant derrière eux qu'un cadavre sans vie et une jeune femme terrifiée accompagnée de sa louve. Ashel se laissa aller à un grand soupire, comme si elle reprenait enfin sa respiration.

Accablée par tant d'événements qui semblaient se succéder les uns aux autres, elle se décida de fuir cette ville qui était toute aussi dangereuse que ce qu'elle fuyait. Même ici, sa vie n'était en sécurité, et bien des gens menaçaient sa vie en plus du peuple sombre qui étaient certainement à sa recherche. Ashel pensa alors immédiatement à la ville d'Heine qui était connue depuis bien des lunes pour être une terre d'accueil, que cela soit pour les simples voyageurs que les gens implorant asile comme elle. De plus, la cité étant elfique, elle était certaine que beaucoup moins de ses frères et sœurs l'arpenteraient. Son choix était déjà alors tout décidé dans son esprit, comme une conclusion hâtive pour fuir un danger qui lui semblait être son ombre.

La ville de Giran n'était plus qu'à présent un château de cartes ne demandant qu'à s'écrouler lorsque les Valets n'arriveront à en tenir les fondations. Au moindre souffle du chaos, les bras allaient céder pour laisser le poids de tout un royaume en désolation s'effondrer sur leurs frêles épaules.
Et cela n'était pas son combat.
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » sam. 26 juin 2010 à 20h12

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Carte de voyage
( Le Marka 6 souffleglace de l'An 44. )


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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » dim. 27 juin 2010 à 20h15

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Le Dragon Bleu
( Chapitre XII )
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Heine. L'inébranlable Heine.
Cité des eaux calmes et aux profondeurs tumultueuses.
Lagon de tes damnés implorant pardon à ses portes majestueuses...
Ashel admirait la ville se dessinée en bas du mont qu'elle venait de grimper, comme une ultime barrière à ce monde lagon où la paix semblait être éternelle. La sangle de sa jument en main, et sa louve à ses côtés, elle contemplait de ses yeux bleutés la magnificence de ce lieu. L'eau qui s'écoulait calmement dans les rues de la cité semblait être, du haut de son perchoir, ses veines. L'architecture elfique qui semblait se dresser jusqu'aux nuages resplendissait sous les caresses de l'astre solaire, éclairant tout le paysage. L'île des alligators qui se dessinait au loin dans la brume matinale laissait aux yeux du monde un spectacle ombragé où des créatures semblaient se mouvoir lentement, au détour d'immenses palmiers. Quelques pirogues arpentaient le grand fleuve, se perdant parfois dans les coins de la ville pour pénétrer en son antre. Le lieu était idyllique en tout point. Et l'elfe brun ne put qu'admirer cette incroyable vision qui se dessinait dans ses iris avec une once d'émotion.

Au bout de plusieurs minutes de course sur le dos de son équidé, la jeune femme réussit enfin à parvenir dans l'enceinte de la cité d'Heine. Les gardes lui posèrent quelques questions comme simple formalité, avant de leur ouvrir leurs immenses portes. Une odeur de souffle marin vint alors titiller les narines d'Ashel, lui rappelant son escapade à la mer quelques jours après sa fuite. Elle s'avança alors lentement dans la cité, laissant son regard captivé balayer la beauté des lieux. Mais elle ne devait se reposer sur ses lauriers, devant contacter rapidement la Régence des ces lieux pour demander asile et ainsi, peut-être, trouver enfin le calme et la paix qu'elle cherchait depuis plus d'un cycle lunaire déjà. Hâtivement, elle accrocha la sangle de sa jument dans le parc qui était créé à cet effet, avant de s'approcher d'une carte de la ville qui était accrochée sur un panneau à l'entrée qu'elle venait de dépasser. De son index, elle indiqua sa position avant de tracer le chemin jusqu'à l'Auberge la plus proche, nommée « L'Auberge du Dragon Bleu ». Elle prit alors la route pour s'y rendre, suivit par Carra qui demeurait toujours aussi silencieuse et fidèle. Malgré cela, la jeune sombre ne s'en soucia aucunement, obnubilée par les lieux enchanteurs où elle se trouvait et où elle voyait dès à présent son avenir. Plus vite qu'elle le pensait, elle atteignit enfin l'Auberge où elle pénétra après une légère hésitation. Un premier coup d'oeil dans ce monde de fumées et de bruits lui indiqua qu'aucun membre de son peuple se trouvait en son sein. Elle inspira alors un grand coup, avant de s'approcher du bar pour commander une hydromel, ainsi qu'un parchemin et une plume. Après quelques questions à l'aubergiste qui semblait totalement envoutée par la beauté de la jeune femme, Ashel sut à qui adresser sa missive et s'empressa de l'écrire.
Une fois celle-ci pliée et scellée par de la cire écarlate, elle décida de la confier à un messager avant de dépenser ses quelques économies pour une chambre dans cette auberge. Pour la première fois depuis des jours, Ashel s'endormit sur un vrai lit tel un loir, malgré les bruits de fête qui résonnaient en bas. Elle était pour la première fois de sa vie en paix avec elle-même.
Dès le lendemain, elle fut réveillée par le messager qui frappa à la porte de sa chambre. La louve, déjà éveillée, se mit alors à s'approcher de celle-ci avant de se dresser en s'aidant du mur pour finalement ouvrir la porte avec sa patte. Ashel se demanda alors si elle n'était point encore en train de rêvée, mais fut très vite rappelée à la réalité par le jeune humain qui venait de pénétrer dans son intimité. Rapidement, l'elfe brun ramena sa couverture épaisse sur son corps partiellement dénudée, honteuse. Le messager, quant à lui, manqua de s'évanouir face à cette vision de rêve qui se dressait devant lui. D'une main tremblante, il fit tomber une missive au sol avant de courir hors de la chambre, se prenant au passage un coin de la porte qui manqua de l'assommer pour de bon. Encore abasourdie par une telle scène burlesque qui venait de se passer devant ses yeux encore mal éveillés, elle se fit apporter la missive de la gueule de la louve qui venait de monter sur le lit. Ashel la remercia d'une caresse en la fixant, encore étonnée d'un tel comportement, avant d'ouvrir la missive. D'une lecture simple et rapide, elle eut un sourire en réalisant que l'Intendante des lieux dénommée Sylka accepta de la recevoir dès aujourd'hui pour discuter de son cas. Animée par une nouvelle force face à cette nouvelle, la jeune femme se lava et s'habilla prestement avant de rejoindre la cité pour la rencontrer.

La conversation eut lieu au début de l'après-midi au bord du fleuve, avec comme seul témoin la somptueuse nature qui pointait le bout de son nez au loin. La demi-naine se montra compréhensive face à l'histoire tragique qu'était le passé d'Ashel, laissant même une pointe de compassion se faire sentir. Pour la première fois, la jeune sombre se confia de son lourd passif à quelqu'un, se dévoilant totalement pour être en totale transparence avec la cité. Elle voulait qu'ils sachent que peut-être, à cause de sa présence ici, ils subiraient des affronts insensés de son peuple pour tenter de la récupérer. Mais l'Intendante Sylka en fit fi, se contentant de lui expliquer les modalités de sa sûreté dans la ville en lui offrant même un appartement privatif à côté de la Caserne au cas où un soucis aurait lieu. Ashel, prise d'émotions, ne put que la couvrir de remerciements.
Ensemble, elles firent un tour de la ville où la demi-naine s'improvisa guide pour lui faire découvrir toute la merveille d'Heine. La visite se termina par l'appartement que la jeune sombre venait d'acquérir, avec une magnifique vue sur l'île des alligators qui se dessinait à l'horizon.

Enfin, la vie d'Ashel semblait prendre un tournant qui ne manquait point de la faire tomber. Elle possédait enfin un toit et une sécurité pour recommencer une vie loin de ce qu'elle avait fuit durant des mois. La boule qu'elle possédait au ventre se dénoua enfin, lui arrachant une larme.

Spoiler:
( Mise à jour concernant son domicile à présent officiel dans un appartement d'Heine )
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » lun. 28 juin 2010 à 20h34

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Confusion
( Chapitre XIII )



Une rencontre.
Simple, fortuite, distrayante.
Il me dit s'appeler Matteo.
Il se contentera de Ci'ara.



Il s'intéresse à ma personne.
Bwael... Alors cesse de me fixer ainsi.
Un homme, rien de plus. Habituée.
Il semble... étrangement agréable.
Ils le sont toujours, aux premiers abords.



Je ne dois faire confiance à personne.
Il ne me trompera point avec son sourire.
Ni mêmes ses rires. Je ne suis pas marrante.
Qu'attends-t-il de moi ? Un jeu, ou...



Oui, il m'énerve. Affreusement.
Je n'arrive à le cerner. Ni à le comprendre.
Frustration. Et si tout cela n'était qu'un piège ?
Ne l'écoute pas. Ne le crois pas. Complète.



Je souris. Pourquoi je souris ?
Suis-je à ce point démunie ?
La faiblesse me dévoile.
Je suis une idiote.



Il dit vouloir m'aider.
Pourquoi ? Parce que.
Nous voilà avancés.
Je me sens défaillir.



Puis-je encore accorder ma confiance ?
Si tout cela n'est qu'un leur... Échec.
Pourtant, il est temps de vivre.
De vivre...


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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » mar. 29 juin 2010 à 22h50

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La Main Rouge
( Chapitre XIV )
Et elle fut bien sotte d'accepter.

Attirée par la gentillesse apparente de ce dénommé Matteo, Ashel avait acceptée de le suivre jusqu'à Giran – ville qu'elle refusait de fouler par son insécurité – pour rencontre ses amis qui étaient prêts à l'aider, répondant au nom de « La Vindicte ». La jeune sombre ne comprenait pourquoi cet homme lui portait un tel intérêt, et surtout pourquoi il était prêt à l'aider alors qu'il ne connaissait qu'un lambeau de sa vie. La découverte de la totalité du cadavre l'effrayerait bien assez pour ne plus du tout s'approcher d'elle, mais elle ne pouvait se résoudre à dévoiler la vérité à un inconnu. Néanmoins, elle était persuadée d'une seule chose : pour vivre enfin, elle devait ne plus avoir peur de la Vie. Et cela, elle le savait fort bien, commençait à ne plus être prise de doutes et de peurs. Animée par cet état d'esprit purgative, elle avait donc acceptée cette main tendue malgré une boule au ventre qui lui coupait la respiration.

Ashel, depuis son plus jeune âge, n'avait été que trahit dans sa confiance aveugle. Son père, puis le Temple, et enfin la Prêtresse Jeilan... Ce simple sentiment était à présent pour elle une véritable horreur, comme le plus grand des défauts dont elle ne devait jamais s'accommoder. Pourtant, cette fois-ci, elle avait acceptée. Pour les raisons sus-citées, certes, mais quelque chose lui échappait dans son propre raisonnement... Mais elle n'eut le temps de réfléchir à ces pensées bien floues, attirée déjà par cet homme qui la menait jusqu'à la Passeuse, suivit par Carra. A peine eut-elle le temps de prendre sa respiration, que le passage les emporta à la Capitale.

« Vous avez peur ? »

Quelle question. Elle était morte de trouille. Mais elle se contenta de répondre par la négative, ne voulant dévoiler à cet inconnu ses faiblesses. Son regard, partiellement caché par la capuche, oscillait dans chaque coin de la place où elle fut la connaissance tristement quelques jours plus tôt, prête à s'enfuir à la moindre approche suspecte de sa personne.

Matteo l'entraîna dans une rue proche du Temple où se trouvait, disait-il, « les locaux de la Vindicte ». Son pas était rapide et déterminé, ce qui rassura partiellement Ashel qui n'avait qu'une idée en tête : entrer dans ces dits locaux et, une fois la porte fermée, relâcher enfin ses nerfs à fleur de peau. Alors qu'il s'entreprit à ouvrir les portes, il lui échangea quelques mots sur le Chef de ce groupuscule. Iann. Iann de Rune. Elle l'avait déjà rencontré, lors de l'attaque des kamaels. Mais elle ne s'en était souciée davantage, plus pressée par son départ à Heine à ce moment qu'à faire une simple rencontre. Peut-être aurait-elle dû lui accorder plus d'importance, vu que par les dires de Matteo, cet homme pourrait être le seul pion de cette partie d'échec pouvant lui accorder une survie sans doute ni peur. Les portes s'ouvrirent enfin, et ce fut ce dénommé Iann qui les accueillirent.
« Oh, Matteo. Et... Ci'ara, c'est ça ? »
Elle opina, en regardant les lieux qui se dessinaient à l'intérieur de la bâtisse.
« Entrez. »
Elle ne se fit pas prier.

« Je ne peux malheureusement pas rester, nos recherches reprennent. Mettez vous tous sur vos gardes, et si des feux artifices résonnent dans le ciel, rejoignez-moi vite. »
Confiance... Voilà donc la confiance que lui promettait Matteo. Il l'amenait ici pour qu'elle soit en « sécurité », alors que les tout premiers mots qu'elle entendait furent que sa vie était en danger. Paralysée par la stupeur et la peur de tels propos, elle n'eut le temps de répondre à la recommandation du dénommé Iann que celui-ci était déjà sortit pour se rendre à son tour de garde, la laissant seule avec Matteo.
« Je suis désolé, je ne savais pas que... »
« Je rentre à Heine. »
La réponse fut aussi tranchante que sa lame. Elle se détourna prestement en réajustant sa capuche, ouvrant les portes des locaux pour regagner la ruelle. La colère montait en elle avec vivacité, ne lui faisant point entendre les pas lourds derrière elle qui résonnaient.
« Ne partez pas, je vous en prie. Je vous assure que je n'étais au courant d'un tel danger. »

Alors qu'ils arrivaient déjà à la hauteur de la grande place, elle se retourna enfin vers lui.
« Cessez de me suivre. »
« Faites-moi confiance. S'il vous plait. »
Ses mots glacèrent Ashel de part et d'autre. La confiance... Elle lui avait déjà accordée, pour qu'il la mène finalement en cette ville remplit de dangers où elle était mise à contribution pour affronter un mal qu'elle ne connaissait même pas. Comment osait-il encore avoir recours à ce sentiment si abjecte dont il tentait de se servir pour l'amadouer ? Les poings de la sombre se serrèrent sous la colère. Mais... s'il était sincère ? Et si tout cela était réellement partis d'une bonne intention ?
Des feux éclairèrent soudainement le ciel dans une explosion vive qui se répercuta en écho.

La sombre et l'humain portèrent les yeux dans les cieux, contemplant la palette de couleurs que l'explosion avait produite, comprenant rapidement quel en était le message. Les légers doutes qui germaient dans l'esprit de la fugitive rentrèrent alors tout aussi rapidement sous terre pour ne laisser place qu'à la peur.
« Je dois partir. »
Matteo baissa enfin son regard sur elle, avant de simplement opiner. Une tristesse enfantine se lisait sur son visage, alors qu'il se détournait déjà pour disparaître dans le pénombre de la rue. Elle regarda sa silhouette se dissiper, avant d'inspirer grandement et se détourner pour braver la dernière entre la Passeuse et elle.
« Attendez. »
Elle connaissait cette voix. Iann. Elle se retourna une nouvelle fois.
« Votre louve a-t-elle un bon flair ? »
Ashel regarda l'homme qui semblait essoufflée, avant de baisser sa tête vers Carra. Elles échangèrent un long regard, comme attendant une réponse l'une de l'autre, avant que la sombre se contente d'acquiescer.
« Nous avons besoin de vous, dans ce cas... S'il vous plait. »
Elle le regarda longuement en déglutissant. Beaucoup de pensées se bousculaient dans sa tête. Les germes du doute quant à Matteo se remirent à fleurir, alors que les souvenirs de cet homme qui lui avait assuré protection et sûreté après l'attaque des kamaels lui demandait à présent de l'aide. Elle ne pouvait accepter. Elle ne devait accepter. Le risque était trop grand, et elle se sentait déjà trahie par les mots rassurant de Matteo qui l'avait conduit directement dans les bras de la Faucheuse. Pourtant, rongée par l'incertitude et la reconnaissance, elle accepta.

La sombre emmitouflée sous sa cape et le preux chevalier à la lourde armure arrivèrent alors au lieu du dit accident, laissant le regard étonné de Matteo se faire rapidement voir dans le petit groupe. Ashel posa son regard bleuté sur chaque membre présent, découvrant une sylvaine et deux humaines qu'elle n'avait jamais vue auparavant. Puis, son attention se porta sur une bâtisse totalement détruite où des décombres semblaient avoir été retirés pour être entreposés sur le côté.
Une rapide explication à mi-voix du chevalier lui permit de comprendre que c'était à l'intérieur de cette bâtisse qu'il aurait besoin de la louve pour se repérer. Et Ashel comprit très vite qu'elle serait elle aussi forcée de venir, Carra n'obéissant qu'à sa voix. Elle opina.
« Bien. Entrons. »
La bâtisse était réalisé dans un bois ancien, possédant néanmoins une structure d'une pierre épaisse. La pensée que celle-ci fut détruite par l'attaque qui avait rendu Giran dans cet état vint rapidement à l'esprit d'Ashel. Elle ne savait aucunement ce qu'ils cherchaient à l'intérieur, ni même ce qui c'était passée. Mais une parole était une parole, et elle se devait de l'honorer. Alors que tous les membres de la Vindicte avaient pénétré dans l'antre, la sombre s'approcha avant d'avoir un mouvement de recul. Une odeur pestilentielle régnait à l'intérieur, manquant de lui déclencher une quinte de toux tant elle était affreuse. Un bref regard derrière lui pour lui montrer qu'elle était à présent seule avec sa louve dans la nuit sombre de Giran lui donna la force nécessaire pour braver le bas, et pénétrer à son tour en se bouchant le nez.

L'odeur était devenue insupportable à l'intérieur, et le pénombre était tel qu'ils étaient dans le noir le plus complet, ne pouvant se repérer. Quelques morceaux de paroles parvinrent aux oreilles de la jeune femme qui s'approcha alors en marchant à tâtons. Elle avançait dans l'inconnu, lui faisant trembler tous les membres par la peur. Cet endroit lui rappelait son esprit, comme si elle jonchait les méandres de celui-ci. Cette simple pensée augmenta son désarroi.
Elle entendit alors à côté d'elle la voix de Matteo, ce qui apaisa sa peur de solitude. D'un geste non réfléchit, elle attrapa de sa main libre le bras de l'homme pour se coller à lui et se rassurer. Celui-ci en fit de même, comprenant aisément que face à une telle obscurité et odeur, elle soit paniquée. Mais ce qu'il ne savait pas encore, c'était que le pire était à venir.

Ils descendirent alors tous ensemble en s'aidant du mieux qu'ils pouvaient un couloir qui semblait interminable. Après avoir évité de nombreux pièges qui ne rassurèrent aucunement Ashel, ils pénétrèrent enfin dans une grande salle éclairée par quelques torches. Lorsqu'elle pénétra à l'intérieur, la jeune femme eut une profonde nausée. Des cadavres étaient répandus de part et d'autre, laissant une horreur insupportable de chair pourrie lui agresser les narines. Le sol n'était plus visible, recouvert par une couche épaisse de sang coagulé où les aventuriers manquaient de glisser. D'autres corps, quant à eux, étaient enfermés dans des boites en verre où baignait un étrange liquide nauséabond. Cette sorte de laboratoire était d'une horreur sans nom, inspirant la mort dans tous les moindres recoins. Des instruments de torture et des alambics gisaient au sol, certains encore plantés dans les corps ou posés proprement sur des tables tangibles. Les pires immondices de ce monde semblaient se trouver en une seule et même antre, et Ashel venait d'y pénétrer.

Alors que le groupe d'intrépides qu'elle suivait jusqu'à là se mit à entrer dans la pièce en faisant abstraction de cette véritable boucherie, la sombre se laissa glisser contre le mur, horrifiée. Du haut de son jeune âge, une telle scène était insupportable. Tant de morts, tant de sang, tant d'horreurs... Son cœur et son esprit ne le supportaient pas. Elle serra ses genoux contre elle pour y réfugier son visage humidifié par la peur et les quelques larmes. Elle n'en pouvait plus. Elle craquait. Comment avait-elle put accepter de se rendre ici ? De faire partie de cette histoire dont elle ne comprenait rien mais dont la simple vision la torturait ? Comment avait-elle put ? Toutes ces questions martelèrent l'esprit de la jeune femme qui éclata en sanglots, à bout de nerfs. En son esprit embué, tout se mélangeait pour ne plus avoir aucun sens, la laissant en proie à tous ses sentiments qu'elle avait du cacher pour en être là aujourd'hui. La peine, la douleur, la peur, le doute... Ces ressentis s'écroulaient sur sa jeune tête âgée à peine une centaine année telles des Épées de Damoclès.
Soudainement, Carra se mit à grogner avec fureur. Ashel sursauta alors, non habituée à un tel comportement de sa peur, osant lever son visage souillé par les larmes vers la louve. Cette dernière fixait le couloir d'où ils venaient tous de descendre, les poils hérissés et les crocs sortis. C'est alors là que la jeune femme entendit un bruit de pas.

Ses membres se mirent alors tous à trembler, prise d'une panique soudaine. En balbutiant des mots incompréhensibles pour appeler les autres qui étaient en plein dans leurs recherches, elle tenta de reculer à l'aide de ses mains. Celles-ci glissèrent plusieurs fois sur le sang qui recouvrait le sol, manquant de la faire s'étaler de tout son long. N'ayant aucunement la force de se relever, elle fixait le couloir emmitouflé dans le pénombre où les bruits se faisaient de plus en plus forts. Soudainement, Carra se mit à bondir dans l'obscurité de celui-ci en poussant un grognement féroce. Il y eut un court instant de silence, avant que la louve vole en dehors de celui-ci pour s'écraser contre le mur plus loin, le pelage ensanglanté. Ashel poussa alors un hurlement de terreur.

Elle n'eut le temps de comprendre qu'une silhouette aussi vive que le vent fonça hors du couloir pour braver la distance jusqu'à elle, l'attrapant avec une force inimaginable par les cheveux pour la soulever du sol. Les pieds de la sombre bougeaient dans tous les sens, cherchant un appui quelconque, alors que ses mains serraient fortement le bras qui la tenaient. Elle poussait des petits cris horrifiés, la douleur la lançant affreusement à la tête se répercutant dans tout son corps sous forme d'éclairs. Les larmes coulaient sur ses joues, laissant ses yeux bleus implorants regarder le groupe d'aventuriers qui s'étaient approchés d'elle en l'entendant hurler. Ashel n'était plus qu'à présent une victime innocente au bord de la mort, suppliant de tout son être que ce drame s'arrête.
« Un seul mouvement, et je la tue. »
La voix rauque de l'homme juste derrière elle lui arracha un sanglot. Elle sentait la lame s'enfoncer davantage dans son cou, laissant quelques secondes après la sensation désagréable d'une goutte de sang ruisselant jusqu'au creux de ses seins. L'esprit glacé par la peur, seul son instinct s'exprimait en la faisant se débattre du mieux qu'elle pouvait, tel un animal prit dans un piège. Quelques mots lui parvinrent néanmoins, comme des lambeaux de phrases prononcés à la va-vite par Iann et ses acolytes. « Main Rouge ». « Lâchez-la. ». « Encore un. »
Subitement, un hurlement se fit plus distinct, attirant son attention.
« Matteo, non ! »
Elle n'eut le temps de comprendre qu'elle sentit la lame s'enfoncer profondément dans sa gorge.
Ashel poussa un dernier soupire avant de sentir un choc, et de fermer les yeux sur la vie.
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » sam. 3 juillet 2010 à 13h12

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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » dim. 4 juillet 2010 à 16h02

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Absolution
( Chapitre XVI )
  • Je me sentais happer par le souffle qui glissait lentement de ses lèvres pour caresser les miennes. Tel le plus puissant sortilège, tous mes sens se mettaient à tressaillir pour ne voir que lui, plus que lui. Je sentis sa main caresser ma joue avec une douceur extrême, m'obligeant à baisser la tête vers ma propre faiblesse. Cette même faiblesse qui avait à présent un nom. Avez-vous peur ? Je ne pus qu'opiner en me perdant dans l'océan bleuté qu'était son regard. J'étais à présent plus qu'une boussole défaillante, laissant son aiguille prise de folie indiquer toutes les directions face à ce sentiment inconnu. Son visage aux traits d'un ange perdu s'approcha alors du mien, laissant nos souffles bouillonnant de désir se mêler pour former la fragrance la plus divine. Cet instant sembla durer une éternité, comme si le temps s'était arrêté autour de nous pour nous emprisonner. Ses lèvres effleurèrent enfin les miennes, m'offrant le plus divin baiser que je n'avais eu dès lors. Mes bras s'emparèrent de son cou pour le garder avec moi à tout jamais, attrapant de leur fébrilité ce rêve que j'avais peur de voir disparaître à mon réveil. Comment en était-on arriver là ? Et pourquoi cet instant était emplit d'autant d'affection que de peine ? Il résonnait tel un adieu. L'amour impossible entre deux êtres qui ne pouvaient s'enticher de l'autre sous peine que leurs problèmes les avalent en la bouche du néant. Mon baiser prit plus de vigueur, comme frappée par l'évidence de tant de maux qui nous accablaient. Sa main passa derrière ma tête, soulevant mes cheveux amoureusement pour en caresser ma nuque si fragile qui portait depuis tant d'années le poids de mes pensées. Plus rien n'avait de sens. Plus rien. Nos lèvres semblaient coller pour l'éternité, oubliant les passants qui défilaient et nos interrogations qui planaient au-dessus de nos esprits. Au milieu de cette foule, deux jeunes gens se perdaient dans les méandres de leurs sentiments, soufflés par la tempête du désir et du pardon. Enfin, nous nous détachâmes, le regard perdu dans l'autre. La réalité revint me frapper avec violence en voyant en ses yeux la douleur et la peine. Les miens s'embuèrent alors de larmes. Adieu. Je le regardais reculer de quelques pas alors que mon souffle semblait avoir été happée par ses lèvres. Je me sentais tressaillir. Je voulais le retenir, mais je n'en avais la force. Mon cœur battait la chamade telle une danse endiablée, s'effritant en cendres après le feu de la passion. Adieu. Il accusa le coup sans broncher. Je vis sa bouche déglutir une nouvelle parole. Son regard trahissait mes pensées. Retiens-moi. Dis-moi que tout va bien se passer. Donne-moi la force d'affronter ce risque. Il se détourna sans un mot de plus, ne laissant plus qu'une silhouette disparaître dans le crépuscule. Je sentis les larmes s'arracher de mes yeux pour s'écouler sur mes joues. Mes doigts caressèrent alors mes lèvres, comme l'ultime souvenir d'un instant de bonheur dans ce maelström de douleur. Les minutes passaient alors que je restais figée dans le temps, seule. Mon souffle se fit de plus en plus difficile, n'arrivant plus à retenir en mon sein cette nouvelle peine qui m'accablait. Les sanglots éclatèrent alors que la poupée de chair et de sang que j'étais devenu se laissait glisser le long de la porte. En mon être, la dernière bougie qui tenait la pénombre en respect se fit souffler par le soupire du chaos. Je m'abandonnais.
« L'amour est une fumée de soupirs ; dégagé, c'est une flamme qui étincelle aux yeux des amants ; comprimé, c'est une mer qu'alimentent leurs larmes. »
( William Shakespeare, Romeo & Juliet )
~
« Sang ô sang noir de mes frères, vous tachez l'innocence de mes draps, vous êtes le sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix. »
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » lun. 5 juillet 2010 à 14h46

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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » mer. 7 juillet 2010 à 15h47

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Rédemption
( Chapitre XVIII, partie 1. )
  • Cette rencontre était fortuite et là en était toute la beauté. La mer et la lune comme seuls témoins, deux simples âmes vagabondes se perdant dans l'horizon pour noyer leurs pensées. Je fus au début étonnée par cette présence si douce d'extérieur et pourtant semblant si forte et torturée en son regard. Le contraste sadique dessinant en ses iris l'effigie d'une martyr figée dans les méandres du temps. Deirdre. Ci'ara. Les présentations glissèrent tel le souffle maritime sur nos peaux, prononcées avec une grâce anodine et une futilité soulignée. L'échange fut aisé et simple bien que nos similitudes étaient telles que la glace tentant de prendre en ses bras le feu. Elle excellait d'une force erronée par son histoire ancrée dans sa peau que j'enviais. Certes, cela était une parade bien maigre mais bien assez consistante pour m'impressionner en mes paroles. Étonnement, sous la coupe de l'astre lunaire, je me sentis éprise d'une certaine confiance pour elle que je ne pourrais définir. Peut-être était-ce ce sentiment persistant de maux communs qui me frappaient à chacune de ses paroles, ou encore l'espoir vain que j'attendais depuis bien des lunes pour ne sombrer seule sous le poids de ma vie à présent enrobée d'une sombre malédiction... Je ne pourrais encore aujourd'hui en définir la provenance, mais l'intensité était palpable dans mon esprit. Alors que nous assistions à la chute vertigineuse de notre amie la Lune dans les cieux, je sentis mon cœur se dénouer pour laisser échapper quelques bribes de mon passé et de mes maux. Nous découvrîmes lors de cette discussion nocturne que certaines de nos connaissances étaient communes. Matteo. L'énonciation de ce nom embrasa mon cœur. Non d'une quelconque affection, mais de rage. Les dernières cendres avaient repris souffle de vie en quelques flammèches plus vite que je le pensais, et les mots prononcés à demi-voix par Deirdre n'avait su les attiser. La Vindicte. La corrélation principale entre les deux protagonistes prit enfin un sens et un nom. Je pus ainsi lui conter mon récit quant à cette étrange histoire vécue à Giran avec ses collègues où elle fut forte intriguée. La sylvaine accepta ainsi de me suivre pour continuer notre échange dans ma demeure.

    De fil en aiguille, l'espoir qui somnolait en moi se concrétisait pour prendre la forme de son visage. Si je puisse faire quoi que ce soit pour vous, sachez que je suis là. Serait-ce possible ? Était-elle Celle que j'attendais ? Mes membres en devenaient tremblants. M'oserais-je à l'impliquer dans cette histoire qui faisait fuir en chaque minute toute once d'humanité en mon cœur ? Prise d'une soudaine confiance en elle, je lui proposais de venir loger chez moi le temps que ses propres idées soient plus claires. Elle en fut ravie, et accepta mon invitation. Je n'étais à présent plus seule. Accompagnée d'une oreille attentive et au cœur aussi torturé que le mien, je me sentais enfin vivre. Les mots me sortaient avec une aisance qui me désemparait. Moi, dont les relations sociales n'avaient été limitées qu'au strict minimum au Temple, découvris une facette de ma personnalité que je ne connaissais point. J'aimais discuter et écouter. Mes mots sortaient tel un purgatoire, me déchargeant du silence qui avait cadenassé ma peine depuis tant d'années. Mes doutes devinrent alors une évidence. C'était Elle.

    Tout était à présent une histoire de canaliser cette vive panique. Je me devais de lui exprimer cette histoire terrible, mais la source de ce mal était là. Avec nous. Vous avez une étrange louve. Oui. Continuez ainsi. Devinez, je vous en supplie. Elle changeait déjà de sujet que le désarroi me planta un couteau dans le cœur. Je ne pouvais lui annoncer à voix haute sous peine de quoi cet esprit animal serait capable de prendre le contrôle sur moi ou pis, la tuer. Sous son emprise, je n'étais plus rien qu'une bête féroce avide de sang prête à tout pour préserver le secret et maintenir la transformation latente qui me dévorait chaque minute qui passait. Une idée me vint alors à l'esprit.

    Quelques mots furent gribouillés sur le papier, en toute discrétion.
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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » mer. 7 juillet 2010 à 16h03

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Rédemption
( Chapitre XVIII, partie 2. )
( Correspondance secrète entre Deirdre et Ashel. )


Le parchemin est tout froissé et semble avoir été écrit à la va-vite. L'encre, encore fraîche, a taché à plusieurs endroits la missive lui donnant un air de supplication.


La réponse, le lendemain, était glissée sous l'une des tasses à thé retournée pour mieux la dissimuler, naturellement.


Une missive fut glissée dans le grimoire posé sur la table de chevet à côté de la couche de Deirdre, mal pliée et visiblement tout aussi rapidement écrite. La métaphore posée sur le papier semble bien être peu compréhensible pour un esprit peu aiguisé.


Cette fois-ci le message aura été glissé dans un livre délibérément sorti de la bibliothèque, reposant avec une apparente négligence sur une table.


La réponse ne se fut guère attendre, patientant sagement dans le creux des draps de la sylvaine que cette dernière en prenne lecture.

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Re: [bgsombre] Ashel del Jiney'sth

Message par Claus » mer. 14 juillet 2010 à 19h51

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Rédemption
( Chapitre XVIII, partie 3. )
  • Plusieurs jours étaient passés depuis ma dernière rencontre avec mon amie, et chaque nouvelle aurore était un poignard planté dans mon être. Je sentais l'esprit de Carra me posséder un peu plus à chaque minute qui passait dans cette demeure qui n'était à présent plus qu'une antre. Ma mâchoire me faisait atrocement souffrir, découvrant chaque matin avec tristesse mes dents qui devenaient de plus en plus aiguisées, ainsi que l'apparition de deux crocs. Ma faim, quant à elle, semblant incommensurable, dépensant tous mes maigres moyens pour acheter de la viande crue au marché dès que le soleil pointait le bout de son nez. Et mes muscles, auparavant si vifs, n'étaient plus qu'une douleur atroce face à cette métamorphose de mon métabolisme. Je menais à présent une vie casanière, cloitrée entre ses quatre murs qui étaient devenus une véritable prison. Je ne pouvais me permettre de quitter cette antre de peur d'être en proie à de nouveaux sentiments qui accéléraient cette transformation. Ou pis encore, de ne plus me contrôler et de blesser quelqu'un, voire le tuer.

    Alors que cette vie monotone qui ne semblait plus qu'être celle d'une condamnée attendant son heure, trois coups se firent entendre sur la porte. Ce simple son dont je n'étais plus habituée me fit l'impression de décoller mon cœur à chacun de ses bruits sourds. Devais-je ouvrir et prendre le risque de titiller à nouveau cette rage en moi qui me rongeait ? L'impatience et la curiosité furent trop fortes pour ne point me laisser cadenasser par cette peur, et je me suis surprise à laisser ma main tournée cette poignée que je pensais depuis le temps rouillée. Bonjour, Ci'ara. Un nouveau choc dans l'abdomen manqua de m'arracher un cri. Dans la lumière aveuglante du jour se dessinait le visage de cette amie que j'avais oublié au détriment de mes propres sentiments, et qui me revenait à présent avec une violence extrême. Le soleil qui osait à nouveau pénétrer dans ma demeure se fit tel l'espoir qui reprenait le dessus sur mes ténèbres. Je demeurais figée face ses pensées. Accepteriez-vous de vous promener avec moi ? L'incompréhension fit une rapide révérence à la conscience qui reprenait son trône, avant de se retirer dans la pénombre. Je compris enfin une telle venue si soudaine et aux traits si futiles. Deirdre était là pour tenir sa promesse, et je me sentais mise à nue face à une telle révélation. Cette peur auparavant si vaste se centrait alors sur ce futur proche qu'elle laissait entre-apercevoir au bout de cette simple balade. Que comptait-elle faire ? Était-elle sûre que cela marche sans éveiller la curiosité ou haine de Carra ? Le doute était bien entendu permis, car la moindre erreur pouvait être toute aussi fatale pour elle que pour moi. Et pourtant, à mon grand étonnement, j'acceptais. Certes, nul ne savait ce qui nous attendait face à un acte accomplit par une amie qui ne connaissait que peu la véritable histoire, mais le doute ne devait prendre le dessus alors que ma propre vie était sur la sellette. Que je meurs maintenant, ou dans quelques jours, cela revenait au même. Pensée sordide, mais réelle.

    Suivie de cette louve porteuse de bien des maux, nous partîmes de la cité Heinoise pour nous rendre à un lieu que seule Deirdre semblait en connaître l'existence. Nos paroles sur le chemin étaient anodines, teintées d'une certaine naïveté, comme pour ne point faire paraître un quelconque malaise. Quel beau temps aujourd'hui ! La mer m'apaise. Vous êtes si forte. Quelques éclats de rires. Cette vaine mascarade ne parvenait à rassurer mon cœur qui battait la chamade, comme secoué avec violence par ma peur. Plus nos pas avalaient le chemin, plus j'avais peur de trépasser face au poids de ces sentiments qui m'étouffaient. De véritables bouffés de chaleur quant au stress me rosissaient les joues et me coupaient parfois le souffle. Cela ne réussit à s'atténuer, même lorsque je découvris avec un certain émerveillement cette plaine magnifique où nous étions arrivés. Nous sommes à la Grande Ruche, prenez garde. J'acquiesçais. Que pouvais-je faire d'autre ? Mais soudain, je fus emprise au doute en comprenant quel était le lieu. Espérait-elle pouvoir me parler librement en pensant que nos dires seraient cachés par le bourdonnement pénible des abeilles ? Si tel était le cas, elle serait pleinement en erreur et pourrait nous faire prendre des risques incalculables. Je me devais de la prévenir, mais aucun moyen n'était à ma disposition. Je n'avais ni parchemin, ni encre. Et la moindre parole pourrait être entendue par Carra, et nous mettrais ainsi tout autant en péril. Il me restait plus qu'à espérer.

    Très vite, nous arrivâmes devant une étrange caverne. Je ne comprenais les agissements de mon amie qui avec une naïveté exacerbée s'amusait de ma louve, lui proposant d'aller courir auprès des insectes pour « s'amuser ». Certes, cette simple pensée me faisait doucement rire, mais j'avais cette peur au fond de moi que Carra se lasse de cette bassesse dans laquelle on la considérait et s'énerve. Mais finalement, elle sembla préférer jouer l'ignorance plutôt que de trahir son secret – chose qu'elle ne savait point déjà fait par moi-même par cette correspondance secrète que nous avons eues avec Deirdre. Cette chaleur est insupportable. Et si nous allions trouver un peu de fraîcheur dans cette cavité ? Il faisait certes chaud, mais point assez pour de tels propos. Était-ce donc ici qu'elle désirait me mener depuis le début ? J'acceptais, presque impatiemment. Tout semblait trop bien calculé pour qu'une erreur survienne, et cette simple idée me conforta dans cet amas de craintes qui domptaient mon esprit jusque là. D'un pas assuré, elle ouvrit la marche dans cet endroit insalubre et je la suivis jusqu'à entendre un énorme grognement sourd derrière nous. Ce fut Carra qui, poils hérissés et crocs sortis, fixait la grotte avec une rage palpable dans son regard. Étrangement, elle semblait arrêtée à l'entrée de celle-ci, comme repoussée par une force invisible. Je sentis alors sa force s'emparer peu à peu de mon corps, comme un poison se faufilant dans chaque veine avec une douleur insupportable. Au même moment, la main de Deirdre se serra autour de mon poignet pour me happer à l'intérieur de la cavité naturelle. Puis, dans cet amas d'événements qui se déroulaient tous en même temps, vint le noir et l'inconscience.
    (…)
    Alors que j'ouvris à nouveau les yeux sur la vie, reprenant le dessus sur mon esprit et ainsi mon corps, je fus aveuglée par la lumière. La première pensée qui me vint alors en tête était que je n'étais à l'intérieur de la grotte pour subir l'affront de cet halo éblouissant, et que j'avais peut-être tuée sous le contrôle de Carra mon amie. Malgré ma grande faiblesse, je me souvins m'être levée presque instinctivement pour espérer me tromper. Fort heureusement, cette idée se désagrégea dès lors que je vis Deirdre devant moi, visiblement effrayée, mais bel et bien en vie. Les éléments autour de moi démontraient bels et bien que Carra avait prise le contrôle et que je fus certainement violente voire insultante, mais le plus important était que personne ne fut blessée. En êtes-vous vraiment certaine ? Je regardais alors mon amie dans une incompréhension la plus totale. Que s'était-il passé ? Quelle est la réponse qu'elle attend ? Et surtout, de quoi parle-t-elle ? Je tâchais de faire l'inspection dans mon esprit de quelconque élément de réponse, mais le dialogue qu'elle avait mené avec Carra via ma personne demeurait imperceptible. De quoi parlez-vous ? Je m'étais osée à la question. Hé bien, à rentrer dans la grotte. Avais-je refusée ? … Oh, habile Carra. Pensait-elle réellement qu'en prenant le contrôle sur moi, elle pouvait se faire passer aussi aisément pour ma personne, surtout face à une personne qui connaissait notre terrible secret ? Bien tenté, chère Carra, mais tu as été bien sotte. Deirdre ne se serait laissée duper par un tel changement de décision. A peine eu-je le temps de comprendre qu'elle fut la portée de la possession de Carra que je vis très discrètement mon amie me faire un mouvement de main pour pénétrer dans la grotte. Sans réfléchir, malgré mon cœur qui frappait à mes tempes dans un vacarme ahurissant, je mimais de trébucher pour m'étaler à côté d'elle, entre les murs de la cavité. Alors que mon corps endolori par cette chute et la fatigue provoquée par l'esprit, j'entendis la louve pousser des grognements féroces, telle un animal atteint par la rage. Je n'eus le temps de lui lancer un dernier regard que Deirdre m'avait déjà prise le bras pour m'aider à me relever hâtivement et me presser au plus profond de ce lieu étrange pour être hors de portée du regard de la louve.

    C'est alors que je sentis une horrible sensation dans tout mon corps qui me tordit de douleur. Je sentis mes jambes tressaillir pour heurter le sol, alors que mes veines semblaient n'être plus que de simples chemins de lave en fusion dévorant tous mes membres. Je ne pourrais encore à l'heure d'aujourd'hui résumer à quel point cette souffrance fut insoutenable, comme une damnée punie dans le pire des enfers, mais je me rappelle néanmoins que je compris immédiatement que c'était cette rune magique qui résidait en ce lieu qui me faisait cela. En effet, l'esprit de Carra qui s'était déjà imprégnée fortement de mon corps en le métamorphosant de jour en jour souffrait de cette étrange force qui tentait de la repousser, voire pis, de la détruire. Cette part propre à mon corps ne tolérait demeurer dans ce lieu où elle était flagellée des pires souffrances. J'aurais préférée que l'on me tue sur place que de subir une seconde de plus cette douleur inhumaine qui me détruisait à petits feux. Mais je me devais de tenir, tentant de me raccrocher comme simple repère à cet océan abjecte par la voix apaisante de mon amie. Dites-moi comment vous aider, Ci'ara. Je vous en supplie ! Il fallait que je lui réponde. Je devais lui répondre ! Mais tout ce qui sortait de mes lèvres n'était à présent que des cris de supplication. Dites-le moi ! Dans mon fort intérieur, la bataille était rude. Cette désolation qui semblait détruire toutes les fondations de mon corps m'obligeaient à me taire, me provoquant comme seul ressenti la sensation d'une mort perpétuelle et infinie. Je me le devais... La Tribu de Sue... Elle vous tuera... Attention... D'un ultime geste, je sortis le parchemin déchiré de ma poche que j'avais préparé depuis des lunes, lui indiquant le chemin. Mes doigts ensanglantés qui avaient griffés la roche face à tous ces tourments le laissèrent tomber au sol, avant que la torture fut si insoutenable que j'en perdis connaissance.
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Re: [bgsombre] Ci'ara Su'uvo

Message par Claus » sam. 17 juillet 2010 à 15h21

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Rédemption
( Chapitre XVIII, partie 4. )
( Catharsis, Vol. III )
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Re: [bgsombre] Ci'ara Su'uvo

Message par Claus » jeu. 22 juillet 2010 à 22h11

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Litote et parrhésie.
( Chapitre XIV, partie 1. )
C'était une de ces nuits sans lune où celle-ci emmitouflait de son châle ténébreux le monde. Les nuages cotonneux et grisâtres formaient corps et matière à cette habit de fortune que portait avec élégance l'obscurité ambiante, couvant mers et plaines. Quelques mouettes bravaient cette océan lugubre où se noyaient quelques étoiles téméraires, laissant leurs cris aigus se mourir à l'horizon de la mer Heinoise. Les dernières âmes courageuses ayant finies leur dure journée de labeur avaient soufflés depuis bien longtemps sur les ultimes bougies pour sombrer dans les bras de Morphée, ne laissant plus que quelques ivrognes ou soldats offrir vie à la cité. Le feu crépitant des lampadaires vacillait avec dangerosité dans une danse endiablée, entraîné par le rythme entêtant que lui soufflait les alizés. Le jeu ombragé que provoquait cette silhouette pressée sur les murs avait quelque chose d'inquiétant, se mourant dans les angles des bâtiments pour réapparaître avec vivacité dès la demeure suivante. Le bruit de ses talons martelant les pavés résonnaient comme les battements du cœur de ce fantôme arpentant les façades, offrant une mélopée résonnant tel un requiem dans ce silence nocturne. A l'aide de gestes rapides et vifs, cette étrange personne emmitouflée sous sa cape évitait avec aisance les quelques mendiants qui arpentaient son chemin, ne laissant que derrière ses pas rapides une douce fragrance enivrante ainsi que le souvenir d'un bout de tissus volant gracieusement. Son allure pressée la conduisit rapidement à l'extrémité ouest de la ville, là où la mer reprenait ses droits pour rejoindre les cieux dans une osmose parfaite à l'horizon. Le bruit de ses pas se turent alors, rejoignant la mort tout comme son ombre chancelante qui ne parvenait à survivre sous les souffles marins qui agitaient avec bien de fureur les bougies des réverbères. Dans ce nouveau silence, la silhouette semblait fixée la grande demeure se dressant face à la mer où la vie semblait s'être enfuie depuis de nombreuses années. Les fenêtres, cloutées par d'épaisses planches de bois, ne laissaient échapper ni lumière ni son, alors que la porte solidement verrouillée demeurait tel un Cerbère ; infranchissable et imposante. Après quelques instants, l'étrange personne se mit à reprendre sa marche, escaladant les quelques marches la séparant de l'entrée de la demeure avant de saisir l'heurtoir de sa main gantée pour frapper.
Le dernier écho du vacarme provoqué par le feu sur l'acier se mourut alors sous le joug du silence qui reprit les rennes de la nuit. Cela ne freina néanmoins aucunement la lutte qui menait cette étrange silhouette, réitérant l'acte avec plus de vigueur. Au bout de quelques seconds, un bruit se fit enfin entendre dans cette demeure semblant pourtant abandonnée, se rapprochant de la porte avec lenteur et méfiance. Le son discret des pas calfeutrés se turent alors, avant que le bruit de verrous se retirant se fit entendre. Un des battants s'ouvrit alors dans un grincement strident, dévoilant le visage d'une femme accablée par la fatigue dans l'ouverture partielle.
  • « Ci'ara ? »
La silhouette prononça ces mots tel un murmure incertain et inquiet en retirant lentement sa capuche, dévoilant son visage aux traits fins et à la peau pâle.

  • « Deirdre ? »
Dans cette réponse toute aussi emprise d'étonnement, la porte s'ouvrit davantage, dévoilant le corps de cette plantureuse sombre tout juste habillée par sa fine robe blanche faite visiblement d'une soie noble. Les cheveux blanchâtres en pagaille, et des cernes profondément ancrées dans sa peau d'ébène, elle semblait n'avoir point eut la chance de goûter à la douceur du sommeil depuis bien des lunes. Mais sa voix, pourtant si cristalline et faible, était entonnée avec tant de stupeur que cela lui donnait lueur de vie.
La sylvaine s'approcha alors de son amie, visiblement inquiète par le triste spectacle que celui-ci l'offrait. Elle hasarda son regard sur son apparence de mourante, avant de le laisser se balader à l'intérieur de la demeure se dessinant derrière sa silhouette, découvrant vacarme et désordre.

  • « Que se passe-t-il, Ci'ara ?
    ― Je n'ai plus beaucoup de temps. »
La voix de la sombre était empreinte de tant de fatigue et de tristesse qu'il s'apparentait à un ultime soupire d'un condamné. Pendant de longues secondes, les deux jeunes femmes ne laissèrent que cette unique réponse demeurer comme seul dialogue, se regardant droit dans les yeux. Dans les prunelles de l'une se dessinait la peur, alors que dans le reflet de l'autre n'était à présent plus que néant. Cet instant semblait être emprisonné dans les mailles du temps, ne laissant plus que ce mutisme inquiétant être parsemé de quelques cris de mouettes passant par là.

  • « Il faut donc partir.
    ― Maintenant ? 
    ― Maintenant. »
Ci'ara fixa alors son amie, le visage à la fois couvert d'un masque d'espoir et de peur. Puis, d'un geste lent, elle porta un regard derrière elle, fixant sa louve qui s'approchait de la porte avec une lenteur sadique, déterminée. Sans détourner son attention, elle répondit à mi-voix :

  • « Êtes-vous prête à courir ?
    ― Oui. »
Le calme et la quieté de la ville d'Heine éclata tel un miroir brisé au sol en quelques instants. D'un geste vif, Ci'ara fit un tour sur elle-même pour sortir de la demeure tout en refermant la porte derrière elle avec fracas. Deirdre se saisit alors de son poignet, avant de la tirer en bas des marches pour débuter une course éreintée. Elles n'eurent le temps de prendre leur départ qu'un bruit sourd retentit contre la porte, la faisant trembler dangereusement. La sombre porta un regard horrifié à son feu logis, avant d'être happée par la main de son amie qui l'entraîna avec elle. Les pieds nus et les talons des deux fuyardes retentirent alors dans toute la cité, courant le plus vite possible que leurs jambes leur permettaient. Un nouveau bruit sourd retentit derrière elle, suivit du bruit facilement reconnaissable de quelque chose s'écroulant au sol. Elles n'eurent la force d'hasarder leur regard derrière elles, se sachant dès à présent poursuivie par Carra qui était bien plus rapide et, d'après les dires de Ci'ara, beaucoup plus forte.

  • « Courrez, Ci'ara ! Courrez ! »
Le poignet toujours cadenassé par les doigts de la sylvaine, la sombre courrait à vive allure, tentant de suivre le rythme infernal qu'on lui imposait. Elle savait que l'enjeu de cette course était sa propre survie, mais ses forces semblaient bien maigres et un tel effort lui était très douloureux. Elle manqua plusieurs fois de s'écrouler au sol en glissant de ses pieds dénudés sur les pavés recouvert de fines particules d'eau amenées par les vents de la mer, mais elle se relevait à chaque fois, aidée par Deirdre et encouragée par les grognements féroces qui se rapprochaient de plus en plus d'elles. Très vite, elles rejoignirent la place centrale sous les yeux médusés des quelques passants, se dirigeant à corps perdu en direction de la Passeuse. Celle-ci marqua un mouvement de recul en les voyant arriver ainsi en trombe, le visage déformé par la peur ; mais elle se ravisa en reconnaissant le visage de Ci'ara qui l'avait contacté quelques lunes plus tôt pour lui prévenir de la démarche à suivre lorsque le « jour » arriverait. Avec une grâce infinie, elle joignit ses mains entre elles en fermant les yeux et psalmodiant quelques paroles à voix basse.
Dans ce vacarme tumultueux, et sous le regard médusé des quelques badauds de la place, les deux jeunes femmes disparurent.
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Re: [bgsombre] Ci'ara Su'uvo

Message par Claus » jeu. 29 juillet 2010 à 16h26

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Litote et parrhésie.
( Chapitre XIV, partie 2. )
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( C'iara, en pleine fuite. )


  • « Où sommes-nous ?
    ― A la Mer des Spores. Là où tout a commencé. »
La voix des deux jeunes femmes se fit souffler par une bourrasque, l'emportant mourir à l'horizon dans un écho de détresse. Elles contemplait de leurs yeux inquiets le paysage, le souffle court. Était-ce le soleil qui frappait fortement sur leurs têtes qui les poussait à voir un tel spectacle, ou était-ce bien là la réalité ? Devant leurs prunelles se dressaient une étendue de sable doré qui luisait sous les rayons de l'astre, et qui semblait se mouvoir sous les alizés violents telles les vagues d'une mer tourmentée. Outre le fait que la matière même de cette étendue n'était point de l'eau mais de la poussière grainée, la ressemblance était troublante, voire flagrante. La sylvaine ne put retenir sa curiosité en pliant un genou au sol pour passer sa main dans le sable et en tester la matière. Elle en saisit une poignée et se releva lentement, contemplant celui-ci s'écouler entre ses doigts gantés comme de l'eau. Cette étrange découverte la laissa sans voix.

  • « Nous ne pouvons nous attarder. »
La jeune sombre à la beauté indécente regardait sa comparse qui laissa les derniers grains de sa découverte rejoindre le sol, avant d'opiner de la tête. Le vent était violent et sifflait à leurs oreilles avec insistance, faisant voler leurs vêtements dans une danse mêlant douceur et sensualité. La fine robe blanche de Ci'ara se courbait derrière elle comme un drap porté par les éléments, dévoilant ses formes plantureuses et ses longues jambes. Mais elle ne se souciait point de cela, semblant chercher dans les confins de cette étrange mer sableuse un repère. Cela était difficile, tant ce désert ne semblait se mourir que dans la ligne de l'horizon où il rejoignait avec netteté le bleu des cieux. Puis, subitement, son regard s'arrêta sur une fine tâche de couleur à leur droite. Elle porta sa main vers ses yeux pour les protéger de la forte luminosité et du sable qui s'engouffrait dans ses yeux, pour certifier de cette découverte.

  • « Là-bas ! »
Subitement, elle prit entre ses doigts le poignet de Deirdre pour débuter une nouvelle course vers cet échappatoire. Les deux jeunes femmes courraient à présent dans ce désert, ne laissant derrière elle que la grâce de leurs tissus et leurs fragrances se mêlant. Leurs pieds s'enfonçaient parfois profondément dans cette mer, les obligeant à redoubler d'efforts pour continuer d'avancer. Mais rien ne semblait les arrêter, poussées par les vents et cette peur qui les terrifiait l'une et l'autre. Au mesure de leur avancée, le point à l'horizon se fit plus précis, semblant apparaître lentement comme une forêt. La sombre savait que c'était dans ce milieu boisé qu'elle avait trouvé refuge lors de sa première venue ici, et que par conséquent, là était peut-être l'unique solution à la malédiction qui pesait sur sa tête : la tribu de Sue. Lors de leur première rencontre, elle ne s'était souciée de leurs paroles, préférant s'enfuir que d'écouter leurs prédictions tribales. Mais maintenant que sa vie ne tenait plus qu'à un fil, elle devait faire rédemption. Alors que leur destination se faisait de plus en plus proche, Ci'ara s'arrêta subitement, manquant de tomber et d'entraîner par conséquent son amie. Elle leva lentement sa tête vers ce qui provoqua un tel mouvement, ses longs cheveux blanchâtre flottant autour de son visage avec grâce.

  • « Ce n'est pas possible... »
Sous une bourrasque de sable devant elles s'était dressée la silhouette d'une louve avançant lentement. La jeune sombre eut un mouvement de recul, semblant chercher un échappatoire quelconque du regard, alors que Deirdre regardait fixement l'animal approché, horrifiée. Très vite, les traits de la louve se firent plus distincts, dévoilant son pelage grisâtre danser lentement sous les bourrasques alors que ses yeux émeraudes fixaient intensément les deux jeunes femmes. Deux crocs tranchants brillèrent sous l'astre solaire.

  • « Fuyez ! »
Deirdre tourna alors son regard vers son amie qui venait d'hurler, voyant celle-ci prendre une toute autre direction que celle qu'elles désiraient atteindre. Immédiatement, la louve se mit à courir à son tour, suivant les traces de la sombre avec vivacité. La sylvaine ne pouvait que contempler cette course poursuite, paralysée par la peur. Ci'ara courait de toutes ses forces, ses cheveux et sa robe flottant derrière elle, et ses pieds dénudés s'enfonçant dans le sable sous ses pas pour s'élever après son passage. Carra, quant à elle, avalait la distance les séparant, les crocs sortis, comme semblant flotter au-dessus de cette étrange mer. Puis, elle bondit alors en direction de sa proie qui n'était à présent plus qu'à quelques pieds d'elle, avant d'attérir dans son dos et de disparaître dans son être. La sombre s'écroula alors au sol avec lenteur, comme un ange en pleine chute. Le silence gagna à nouveau la Mer des Spores, ne laissant plus que Deirdre horrifiée, main sur la bouche, contemplée son amie étendue au sol.

  • « Ci'ara ! »
A son tour, elle brava la distance les séparant, usant de toutes ses forces pour faire face aux éléments. Mais elle n'eut le temps de l'atteindre qu'un étrange phénomène se produisit. Le corps de son amie s'éleva du sable avec lenteur, comme en lévitation, laissant le sable l'ayant recouvert tomber sous forme de cascades de son corps. Deirdre s'arrêta alors dans sa course, regardant l'étrange spectacle. Le corps de Ci'ara qui était à présent à plus d'un mètre du sol se mit alors en verticale, dos à elle. Sa robe se déchira lentement sous une bourrasque, la rendant totalement nue. Puis, avec une lenteur sadique, des poils se mirent à pousser de part et d'autre de son corps, alors que ses cheveux se détachèrent de sa tête pour s'envoler sous un alizé. Des bruits ignobles de peau se déchirant se firent entendre, laissant sa musculature se faire impressionnante. Très vite, Ci'ara n'eut plus rien d'humain, s'apparentant à une Bête. A un immense et terrible loup. La lévitation se termina alors subitement, la laissant retomber à terre à quatre pattes. Deirdre, dos à son amie, eut alors un mouvement de recul.

  • « Ci'ara ? ... »
La Bête tourna alors la tête vers la voix, les yeux ingurgités de sang et les crocs sortis. Elle poussa un grognement féroce avant de tourner le reste de son corps vers elle, prête à attaquer. Deirdre resta plusieurs longues secondes en stupeur à fixer sa feue amie, avant de rapidement comprendre le danger. Elle se détourna prestement, débutant une nouvelle course contre la Mort. La Bête ne se fit pas attendre, plantant ses griffes dans le sol sableux pour s'élancer à sa poursuite dans un hurlement terrible. La course était d'ores et déjà perdue tant la vitesse de « l'animal » était impressionnante, bravant la distance la séparant de sa proie en quelques instants. Elle bondit alors sur la sylvaine qui, dans un mouvement habile, réussit à éviter cet assaut qui aurait pu lui être fatal. D'un geste rapide, elle dégaina son arc qui était dans son dos, encochant une flèche pour viser la Bête qui la regardait avec rage.

  • « Arrêtez ! Je ne veux pas vous faire du mal ! »
La Bête ne semblait point vouloir écouter, s'élançant à nouveau vers sa victime qui lui faisait à présent face. La flèche fut décochée dans la précipitation, la laissant effleurer le corps de « l'animal » pour lui arracher des poils et entailler légèrement sa peau. Deirdre eut à nouveau juste le temps de faire une rapide roulade sur le côté pour éviter l'attaque. Elle se releva alors prestement, sachant qu'une seule seconde de répit pourrait lui être fatale, reprenant une course à travers ce désert. La Bête en fit de même, se tournant à nouveau vers sa proie qu'elle venait à nouveau de manquer, et reprenant sa poursuite. A mesure qu'elle courait, Deirdre encocha une nouvelle flèche à sa corde sans se retourner. La Bête allait la rattraper dans quelques secondes, et elle savait que cette fois-ci, elle ne pourrait peut-être point l'éviter. Il fallait tenter le tout pour le tout. Et maintenant. La sylvaine prit appui sur son pied pour sauter en l'air, se retournant dans un même mouvement, arc au niveau de son visage prêt à tirer. La Bête en fit de même, bondissant sur la sylvaine qui demeurait en l'air, gueule ouverte pour la broyer dans son immense mâchoire. La flèche fut décochée, sifflant la distance entre les deux pour profondément se planter dans l'épaule de « l'animal ». Celui-ci poussa un rugissement avant d'être happée par la force du projectile, retombant dos au sol. Deirdre atterrit au sol difficilement, réussissant néanmoins à garder appui et rester debout. Rapidement, elle encocha une nouvelle flèche, prête à se défendre face à une nouvelle attaque. La Bête se releva alors, l'épaule en sang, levant la tête vers la sylvaine. Ses yeux n'étaient à présent plus ingurgités de sang, mais d'un bleu rappelant un océan tumultueux. Un regard que Deirdre connaissait bien.

  • « Ci'ara ? »
La voix fébrile de la sylvaine se fit happer par une bourrasque alors que la Bête la fixait sans agressivité, laissant le sang s'écouler de son pelage jusqu'au sol. Puis, d'un mouvement de gueule, elle lui indiqua le point à l'horizon qui était leur première destination, avant de s'enfuir à son tour dans cette direction.

  • « Attendez ! Ci'ara, je vous en prie ! »
La sylvaine se mit alors à sa poursuite, comme n'étant pas sûre d'avoir saisit le message. Dans sa course, elle rangea son arc dans son dos, abasourdie par tant d'événements dont elle ne comprenait pas encore réellement tout le sens. Mais très vite, la Bête fut déjà hors de portée, disparaissant dans cette Forêt étrange où elle semblait vouloir l'amener. Deirdre, après quelques longues secondes, arriva à la lisière de ce lieu arboré qui poussait en plein désert. Sans réfléchir, elle s'y engouffra à son tour, à la recherche de son amie.

( Mise à jour pour la transformation Onyx Beast, du chapitre XIII nommé « Folie » jusqu'à ce chapitre.
Bonne lecture ! )
~
« Sang ô sang noir de mes frères, vous tachez l'innocence de mes draps, vous êtes le sueur où baigne mon angoisse, vous êtes la souffrance qui enroue ma voix. »
Spoiler:
Être Conseiller, ça a son charme ;

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