« Merde ! Les mecs, c’est quoi ça ? »
« Mais comment tu veux que je le sache ? Je suis pas guide touristique spécialisé en géants ! Je suis chasseur de trésors ! »
« Et ces runes bizarres là… Hé le mage là, tu peux déchiffrer ? »
« Mais j’en sais rien moi ! Je suis mage, pas dictionnaire ! Enfin j’imagine que ça doit dire un truc du genre « Zurmapexapetyl, ancien géant, dort ici de son dernier sommeil ». Ou alors « Les latrines sont hors d’usage, veuillez utiliser celles du deuxième sous-sol ». Et personnellement, ça m’est bien égal : on récupère les sous et on se casse d’ici ! »
Le petit groupe avança à pas prudents dans les couloirs mal éclairés de l’ancienne installation des géants. Des dizaines de cuves emplies de morceaux de corps et d’êtres inachevés s’alignaient contre les murs, reliées par de nombreux tuyaux à une imposante installation au centre du complexe. Le ramassis d’aventuriers à la petite semaine qui se proclamait fièrement « La compagnie de la Fée des Dents » s’en tenait soigneusement éloignée sur les conseils de Knil, l’elfe du groupe. Il lui semblait avoir entendu des bruits étranges et des ombres bouger dans cette pièce, et depuis, il ne pouvait se défaire du sentiment d’être suivi. Sentiment qu’il chassait le plus vite possible pour ne pas se laisser dévorer par l’angoisse que lui inspirait ce lieu. Un seul objectif : arriver au trésor, le prendre et filer d’ici le plus vite possible !
[…]
Ils étaient enfin arrivés au fin fond de l’installation. Armé d’un trousseau de petites clés, Knil ouvrit le coffre et brandit son contenu au dessus de sa tête en levant les deux bras, tout en faisant une musique étrange avec sa bouche.
« Euh… »
« Ah ouais, t’es nouveau toi. Il fait toujours ça, on a jamais su pourquoi. Même quand on chasse et qu’on arrive par miracle à choper un cerf, il lui arrache le cœur, le brandit au dessus de sa tête et fait parfois des petits « blip, blip, blip, blip » s’il a déjà été blessé ou pas et ensuite, il le bouffe cru. Mais bon, on le laisse faire. Parce que bizarrement, il arrive toujours à ouvrir tous les coffres et toutes les portes, il a un don pour ça. Toutes ses clés marchent, peu importe l’endroit où on est. »
« Il est bizarre comme type, non ? »
« Ouais… Et encore, tu l’as jamais vu jouer de la musique avec sa flûte bizarre avant d’emprunter les passeuses. Il croit que c’est sa musique qui le fait voyager… Il est un peu fou sur les bords, mais bon… Je crois que le pire, ça reste quand il crie « HEY ! LISTEN !» avec une voix complètement bizarre, qu’il lève les yeux au ciel comme s’il parlait à quelqu’un et dise « C’est par là ! » au beau milieu d’un labyrinthe et que, comme par magie, c’est A CHAQUE FOIS le bon chemin. Enfin tu l’as bien vu, il l’a fait plusieurs fois ici. Du coup, on peut pas trop se permettre de le laisser nous quitter, tu comprends… »
« Ouais, dit comme ça… Mais c’est vraiment louche. Des fois, je le vois parler à un hibou aussi... »
Alors que Knil refermait le coffre et que tout le groupe emplissait ses poches et ses sacs d’objets précieux, une ombre commença à se dessiner de plus en plus nettement à l’entrée de la salle. Bien trop occupés à se remplir les poches et à se délecter de leur richesse nouvellement acquise, aucun des membres du groupe n’avait remarqué sa présence. Du moins jusqu’à ce qu’une sorte d’immense hachoir à viande ne jaillisse du bras de l’ombre et ne finisse sa course droit dans la boîte crânienne de Knil, qui s’écroula. Tout le groupe se retourna comme un seul homme, juste à temps pour voir s’avancer dans la lumière une sorte de colosse violet, aux yeux fous et à la langue bleue, avec une sorte d’aiguille géante plantée dans la colonne vertébrale.
« Gneuuuuuh… Vous pas devoir être ici ! » cria le monstre tout en chargeant le groupe, repoussant les plus faibles comme un rien contre les murs de la salle, avant de récupérer son hachoir et se préparant à le lancer à nouveau.
Cependant, pour la compagnie de la Fée des Dents, il y avait un avantage à être lâche : on court très vite. S’ensuivit alors une course poursuite endiablée dans le complexe, le monstre violet leur courant après tout en leur balançant parfois son hachoir. Cela dit, le monstre semblait trouver cette course poursuite divertissante, il fredonnait même en continu un air de musique étrange.
Au terme de la course poursuite, le monstre avait décimé les ¾ de la compagnie de la Fée des Dents lorsque les survivants se retrouvèrent devant la salle où aboutissaient la plupart des tuyaux alimentant les cuves remplies de tout un tas de corps bizarres.
« Là, cachez vous là ! Vite ! »
« Mais Knil disait qu’il fallait pas y aller ! »
« Il est mort et en plus il était cinglé ! Planquez-vous là dedans vite ! Et fermez la porte ! »
Aussitôt dit, aussitôt fait, les aventuriers survivants se jetant dans la pièce juste avant… de s’apercevoir qu’il s’agissait d’un cul-de-sac. Il n’y avait absolument rien dans la salle, mis à part l’étrange machine et un peu plus loin, une cuve solitaire, où était placé un spécimen encore plus horrible que les autres, bien que plus complet : une sorte de monstre difforme avec une aile décharnée qui lui sortait de l’épaule. Et le pire : il n’y avait aucune porte à refermer au nez du monstre. Monstre qui cessa de fredonner sa musique pour s’approcher à pas lents du reste de la compagnie, préparant son lancer de hachoir.
Or, dans un élan de courage insensé, Eophelya, la sombre du groupe (et accessoirement, allumeuse racoleuse, des plus utiles dès qu’il fallait charmer un stupide mâle pour lui tomber dessus à 12 et voler sa bourse) tira une sarbacane de sa ceinture (elle aime les objets cylindriques) et décocha sa fléchette favorite droit dans l’œil du monstre, celle avec les clochettes roses en forme de cœur.
Excellente inspiration pour une fois, elle parvint à éborgner le monstre, juste au moment où il lançait son hachoir sur le groupe. Désorienté, le monstre ne parvint qu’à lancer son hachoir sur la machinerie complexe du centre de la pièce, provoquant une explosion retentissante qui souffla la majorité des personnes présentes et le verre protecteur de la cuve, libérant le liquide ainsi que le corps inerte qui y baignait.
Or, tandis que le monstre se relevait et tabassait allègrement le reste de la compagnie à la lueur des étincelles qui crépitaient (que de romantisme…) avant de s’en aller, le corps difforme avait roulé près de la machine à moitié détruite, encore imbibé du liquide de la cuve. Petit à petit, les gouttelettes se rapprochaient des étincelles… Et là, c’est le drame.
Et la chose sortit du complexe, plissant les yeux à la vue de la lumière du soleil. Tout ça pour voir juste devant lui quand il les rouvrit, une autruche à deux têtes qui le regardait fixement avec un air malsain. L'ANGOISSE !
Il fuit devant cette créature démoniaque, esquivant tout ce qui pouvait porter des plumes avec une énergie née de la terreur. Cela dit, durant son voyage, il eut l'occasion de voir quelque chose qui le calma dans sa terreur : un chat dans un arbre en train de martyriser un nid de moineaux. Vision exquise.
![[ image externe ]](http://s3.hubimg.com/u/6932590_f520.jpg){kind=link}