[BG Elfe] Euria

BGs validés des joueurs

Modérateurs : Conseillères, Admins et GMs

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Euria
Princess Molrang
Messages : 195
Inscription : mer. 3 juin 2020 à 20h58
Personnages : Euria-Garok

[BG Elfe] Euria

Message par Euria » sam. 6 juin 2020 à 17h25

Prénom : Euria
Surnom : Surnommée "Maman" par certains de ses compagnons
Titre : -
Age : 124 ans
Sexe : Femme
Race : Elfe

Image
Métier : Médecin, Ex-mercenaire
Compétences : Guérisseuse
Combat : Aucune
Magie: Magie des soins, encouragements

Alignement : Neutre
Guilde : -
Faction : -
Langues parlées : Elfe, commun

Description physique : Une elfe tout à fait ordinaire, à la beauté relativement banale, presque fade. Ses longs cheveux aux reflets rosés sont attachés en tresse la majeure partie du temps, elle n'arbore aucun signe particulier autre qu'une rangée d'anneaux à l'oreille gauche. Son sourire dévoile une dent manquante sur le coté droit de la rangée supérieure.
Caractère: Relativement détachée lors de discussions et d'un naturel un peu effacé, elle demeure toutefois très affable. Elle fait preuve de beaucoup d'attention lorsqu'une personne est blessée ou a besoin de secours.

Autres : Disparue à ce jour

Situation financière : Moyenne
Comportement social : Classe populaire
Type d’éducation reçue : Religieuse, et entièrement basée sur l'apprentissage de la médecine et de la magie de soins
Popularité et/ou influence :Soigneuse réputée dans les villes du sud, et de Gludin, notamment pour avoir joué un rôle dans la guérison du Gouverneur.
Reconnue au sein de l'Aile Pourpre.
Peut être mal perçue à Gludio suite aux tragiques évènements qui y ont eu lieu.

Pensée politique : Apolitique
Croyances :

Einhasad: Vénérée
Gran Kain: Indifférente
Eva: Vénérée
Shilen: Respectée
Sahya: Respecté
Pa’agrio: Respecté
Maphr: Respectée


Relations extérieures :

Elfes : Respect, s'entend bien avec eux mais pas plus qu'avec d'autres
Humains : Respect
Kamaels : Grand respect, enthousiaste sur leurs connaissances en technologie et science ainsi que leur rigueur militaire
Nains : Admirative de leur savoir-faire, les respecte beaucoup
Orcs : Respect, apprécie leurs coutumes
Sombres : Respect
Dernière modification par Euria le lun. 10 mai 2021 à 23h02, modifié 3 fois.

Avatar de l’utilisateur
Euria
Princess Molrang
Messages : 195
Inscription : mer. 3 juin 2020 à 20h58
Personnages : Euria-Garok

Re: [BG Elfe] Euria [Fiche Perso]

Message par Euria » mer. 10 juin 2020 à 20h19

.

Le sol s'était transformé en une boue noirâtre, triste mélange de terre et de cendres, de pluie et de sang.
Euria était penchée sur le corps du malheureux, pressant la plaie du mieux qu'elle pouvait, en réalité cela ressemblait plutôt à une tentative de garder les boyaux à l'intérieur. Il allait mourir, et ils le savaient tous deux, pourtant elle s'obstinait et priait Eva avec un tel acharnement que ses yeux en sortaient de la tête. Lui avait accepté son sort, et fermait les yeux.

Le soldat succomba, tout comme les autres, ces dizaines de femmes et d'hommes qu'elle n'avait pu sauver, qu'elle avait regardé mourir avec impuissance les uns après les autres sous les assauts terribles des troupes Mahums qui les avaient pris en embuscade entre Gludio et Dion. Elle essayait de compter les survivants mais n'en trouva pas, était-elle seule ?




Des combattants, ils en avaient perdu un bon nombre depuis toutes ces années : flirter avec la mort n'est qu'une formalité lorsque l'on s'engage comme mercenaire, et la mort s'invitait de plus en plus sur le continent ces derniers temps. Mais cette fois-ci c'était bien fini, et les Limiers de l'Est ne se releveraient pas.
Euria perdit ses parents si jeunes qu'elle n'eut pas le loisir de les pleurer. Les limiers l'accueillirent au sein de la compagnie, dans un premier temps pour aider aux besognes ennuyeuses et à la préparation des repas, le temps pour elle de perfectionner son apprentissage de fervente auprès d'Eva, et de médecin avec le docteur attitré de l'époque.
Puis lorsqu'elle fut considérée comme suffisament prête, on accepta sa présence sur les champs de bataille, toujours à l'arrière pour assurer des soins rapides et un soutien d'une efficacité toute relative, bien que comme le dise l'adage "c'est en forgeant qu'on devient forgeron".

Quelques années plus tard, lorsque le docteur mourrut d'une flèche en plein dans le poumon droit, Euria se fit un devoir de prendre sa relève au sein de la troupe. Si elle se débrouillait moins bien que son prédécesseur, personne ne lui en fit le reproche ou ne la méprisa. Ici dans la compagnie, on avait beau se chamailler ou se bagarrer, parfois se mettre sur la tronche jusqu'à se défigurer, chacun respectait le rôle des autres. On vit défiler de nombreux soignants au sein de la troupe, mais c'est bien souvent auprès de "Maman" qu'on finissait par attérir, celle qui guérissait avec des gestes mais aussi des mots.

Naturellement, les années passaient. Les ainés, souvent pas bien vieux, laissaient place aux jeunes prêts à faire face aux affres de la guerre, mais avec la garantie que ça soit au sein d'une compagnie de réputation honnête. La grande majorité s'enrôlait après avoir perdu biens et familles au cours des diverses batailles qui se sont succédées. La situation, guère réjouissante, offrait aux Limiers de nombreux contrats et une stabilité financière convenable. Les tâches à accomplir n'étaient pas toujours très propres, mais toujours réalisées proprement.
Pourtant dans le camp de l'ennemi, les effectifs se renforçaient aussi. Par une triste journée d'automne arriva ce qu'ils redoutaient alors, une confrontation directe au cours d'une embuscade à laquelle même s'ils s'étaient préparés, ils n'auraient pu réchapper.
Trop nombreux, trop organisés, et d'une férocité qu'ils n'avaient encore jamais croisée jusque là.
C'était un après-midi, entre Dion et Gludio, et il pleuvait...




Euria redressa les oreilles en entendant un bruit sourd, un grognement. Ni une, ni deux, elle se leva et tant bien que mal parmi les cadavres, se mit à courir de toute ses forces tandis qu'un Mahum la poursuivait, tout à fait décidé à terminer son oeuvre macabre.
Trempée de la tête aux pieds, elle courrait pour son salut, et à chaque pas l'espoir la quittait un peu plus.
Sa vie défilait sous ses yeux à la même vitesse que le paysage en même temps qu'elle sentait ses forces l'abandonner. Après quelques minutes de course qui lui parurent des heures et sans trop comprendre comment, la bête féroce s'effondra en un grognement furtif. A la place, un petit bout de femme et un immense espoir qui renaissait en elle : Deux-Pommes était vivante, bien vivante, et rescapée de ce massacre. Les deux quittèrent rapidement les lieux, aussi vite et loin que possible.

Plus loin sur la route, une nouvelle bouffée d'espoir : Serek'Tei était debout et bien que boiteux et étourdi, rien n'indiquait que ses jours étaient en danger. Après de brefs soins et de brèves paroles de réconfort, après des prières pour leurs morts qu'ils avaient du abandonner là, ils se mirent en chemin pour de bon.

Claudiquant, silencieux et penauds, ils se dirigèrent sans un mot vers la ville.

Avatar de l’utilisateur
Euria
Princess Molrang
Messages : 195
Inscription : mer. 3 juin 2020 à 20h58
Personnages : Euria-Garok

Re: [BG Elfe] Euria

Message par Euria » mer. 26 août 2020 à 03h13

.



Une odeur âcre s'élevait de la cellule, désagréable mélange d'humidité, de sueur et de tabac.

Les fers aux poings, l'elfe regardait ses compagnons avec cet air désabusé qui ne la quittait plus depuis "l'évènement" de Gludio.
Elle aurait du mourir ce jour là, aspirée par le vortex comme les autres, sans l'assistance d'un pauvre malheureux qui l'avait aidée à se relever, et qui lui, avait probablement péri l'instant d'après. Mort comme d'autres milliers d'innocents, par leur faute.

L' annonce de leur exécution ne se fit pas attendre si longtemps. Au 18 Brilleblé de l'an 958, leur tête tomberait, sous les applaudissements d'un peuple furibond qui réclamait justice.
"Que la justice soit faite, le monde dût-il en périr".

Bien que peu enviable, leur sort, pensait Euria, était préférable à celui que leur promettait le Mal Noir qui s'insinuait dans leurs corps meurtris, jusqu'à ce que le Néant s'empare d'eux tout à fait entièrement et leur arrache chair et âme sans qu'aucun repos ne leur soit accordé par les Dieux après le trépas. Et surtout, il était mérité. Elle qui n'avait cessé de garder des individus en vie du mieux qu'elle pouvait, sans relâche durant toutes ces longues années de guerre, voilà qu'elle venait d'en prendre des milliers en l'espace de quelques minutes. Il avait suffit d'une erreur, une idée insidieuse, un verrou qui saute...



Le coffre avait été ouvert, transpercé de part en part par la "chose" qui s'en échappa.

Plaquée contre la pierre glacée et dans l'incapacité absolue de faire le moindre mouvement, Euria sentait la ville "s'ouvrir" sous elle, comme si un immense trou noir venait se frayer un chemin pour aspirer toute forme de vie. Ses oreilles se bouchèrent tandis que résonnait un bruit sourd, semblable à un bourdonnement terrible et un silence absolu tout à la fois.
C'était comme s'entendre crier sous l'eau.

Des filaments de néant s'élevaient un peu partout du sol, et se dirigeaient tous vers la faille, laquelle les observait pernicieusement comme un œil qui s'ouvre toujours un peu plus grand. Impuissante, la jeune femme assistait à ce sinistre ballet de vagues noires qui montaient à l'unisson vers le ciel. La vision horrifique lui arracha quelques larmes, à défaut de trouver la force pour crier. C'était un cauchemar absolu et total, tout paraissait si irréel qu'elle avait l'étrange sensation d'assister à la scène sans y être.
C'est ce qu'on appelle la dépersonnalisation, aurait-elle dit dans d'autres circonstances.

Quelque chose - ou plutôt quelqu'un- l'extirpa de là, et l'aida à s'éloigner de la zone d'impact. Totalement hagarde, elle se laissa entrainer sans résistance, sans un mot pour son sauveur autre qu'un faible "merci" qu'elle ne s'entendit même pas prononcer. Finalement, et après s'être rassasié de quelques milliers de vies, le vortex se referma.
Tandis qu'elle réalisait l'horrible chose qu'ils venaient de faire, la raison lui revint peu à peu, la peur laissant progressivement place à l'accablement qui par la suite, ne la quitterait plus jamais vraiment.






Vertefeuille évolua paisiblement vers Brilleblé, mais enchainée derrière ces barreaux, cela ne faisait aucune différence.
Seule la compagnie de ses acolytes l'aidait à ne pas sombrer totalement. Pourtant, la visite de ses autres camarades lui laissait un sentiment mitigé de doux-amer.
Tant ragaillardie par leurs encouragements que par les friandises qu'on venait leur apporter, elle se sentait aussi déchirée par leur attachement et leur gentillesse. Pourquoi ne les détestaient-ils pas après ce qu'ils avaient fait ? Tout aurait été beaucoup plus simple...il aurait été tellement plus facile de partir. Certains se donnèrent tant de mal pour les voir délivrés, que c'en était douloureux. Son sentiment de culpabilité ne faisait que croître, et jamais elle ne s'était sentie si misérable.

Pour couronner le tout, une lettre leur parvint.
La promesse du gouverneur de venir les gracier en personne. Euria n'en croyait tout simplement ni ses yeux, ni ses oreilles. Pourquoi 'le roi' se déplacerait si loin sur l'échiquier pour venir sauver trois pions destinés à être sacrifiés ? Alors qu'elle avait réussi tant bien que mal à accepter son sort, la voilà qui de nouveau, oscillait entre espoir, crainte et découragement.
L'attente et la résignation s'étaient transformées en torture. Elle y croyait sans y croire vraiment. Plongée dans une apathie fort semblable à celle entre les rêves et la réalité lorsque les deux se confondent, elle comptait les jours, les heures, les carreaux au plafond, jusqu'au moment fatidique.

L'agitation bouillonnante là, dehors, s'était petit à petit muée en émeutes. Le peuple avait eu vent de la grâce qui leur était promise, et n'entendait pas que les choses se passent de cette façon. Contenue tant bien que mal par les gardes, la colère des habitants se déversait sur eux tandis qu'ils traversaient la rue, en une pluie de cailloux et d'insultes, tout aussi tranchants les uns que les autres. L'échafaud n'était pas très loin, mais il lui sembla qu'il leur fallut une éternité pour y parvenir. Le bourreau les fit prendre place, exposés à la vue de tous les gens venus se repaitre du spectacle, en hurlant justice à l'unisson. Le bruit de leurs chaines était couvert par les vociférations, et les projectiles ne cessaient de pleuvoir. C'était l'expérience la plus humiliante et la plus dégradante de sa vie, mais probablement aussi la plus méritée.

Tout s'enchaina alors très vite, une fois de plus. Le gouverneur, affaibli comme jamais ils ne l'avaient vu, vint se présenter en personne sur l'estrade, tel qu'il l'avait promis. Tandis que l'un de ses hommes lisait l'acte de grâce des trois Innommés, un carreau d'arbalète vola et atteignit Elion. Leurs compagnons vinrent les rejoindre sans plus attendre, et tous ensemble, ils firent retraite en se défendant tant bien que mal des assauts interminables des habitants de Gludio.
A nouveau un bain de sang, un massacre, et la ville en proie au chaos. Euria ne voyait plus rien, n'entendait plus. Ses oreilles bourdonnaient et son champ de vision s'était réduit au corps inanimé du gouverneur, transporté sans arrêt, et qu'ils s'efforçaient de maintenir en vie coûte que coûte. Hors de question de le laisser mourir, impossible... ou tout ça aurait été vain.

Lorsque les choses se calmèrent un peu, et qu'ils étaient loin de la ville, alors seulement elle réalisa. Elle réalisa les morts à nouveau, des innocents, des êtres chers... quelqu'un à qui elle s'était attachée, alors qu'elle s'était interdit de le faire. L'Histoire venait de se répéter à Gludio, différemment certes, mais une fois de plus la Faucheuse avait étendu son long manteau sur la ville.
Épuisée physiquement et moralement, l'elfe pensait très sincèrement que la mort eut été préférable à tout ça. A deux doigts de défaillir, seules les blessures de ses compagnons lui permirent de garder le cap. D'abord s'occuper d'eux, ensuite on aurait tout le temps pour la déprime et l'auto-apitoiement.





Euria se réveilla et leva la tête de son bouquin. Elle avait bavé dessus, effaçant une partie de la phrase. Les pauses qu'elles s'accordaient entre chaque patient étaient destinées à l'étude de magie et de la médecine. Approfondir ses connaissance, en apprendre de nouvelles... la jeune femme souhaitait s'ouvrir à de nouveaux horizons pour se rendre plus efficace auprès de ses alliés. C'est visiblement bien la seule chose qu'elle savait faire correctement.
Mais à chaque fois qu'elle se concentrait sur ses apprentissages, la fatigue du Mal Noir se rappelait à elle, comme une amie de longue date, et venait l'accabler.
Tant pis, si c'était le prix à payer, et peu importe le temps qu'il lui restait à vivre. Tant pis si le poids qui pesait sur sa conscience était aussi lourd qu'un golem de siège, et que la honte la suivait comme son ombre.

Puisqu'on l'avait sauvée, puisque d'après certains elle avait "un rôle à jouer", alors elle ferait tout pour le mettre en oeuvre. Pouvait-elle seulement devenir meilleure, désormais ? L'elfe leva les yeux vers le ciel partiellement couvert, et observa de ses yeux vitreux l'odieuse faille qui venait le souiller. Etait-ce une illusion, ou grandissait-elle un peu plus chaque jour ?

Le temps n'était pas seulement compté pour elle, mais pour le continent tout entier.
Spoiler:
sub Shilen Elder + Bishop

Avatar de l’utilisateur
Euria
Princess Molrang
Messages : 195
Inscription : mer. 3 juin 2020 à 20h58
Personnages : Euria-Garok

Re: [BG Elfe] Euria

Message par Euria » mar. 9 février 2021 à 05h42

.



La sylvaine se dirigea d'un pas rapide vers la paillasse, sur laquelle trônaient de nombreux tubes à essais et éprouvettes. Elle se pencha sur un bocal contenant un échantillon de chair brûlée et l'examina avec intérêt, avant de prendre une série de notes de son écriture brouillonne.

Ses yeux -qui auraient été cernés et noircis de fatigue il y a quelques mois encore- étaient aujourd'hui grands ouverts, et se posaient tour à tour sur les substances dont elle avait besoin, et sur ses écrits. Elle passa en revue le liquide bleu azur qui reposait paresseusement au fond de son tube, prêt à l'usage, puis celui obtenu des quelques pousses qu'elle avait rapportées de Cefedellen, et dont l'extraction demandait autant de temps que de concentration.
A sa droite se trouvaient les derniers plants tout droit venus de Cerulys, sur lesquels on avait veillé avec beaucoup d'amour et de soin. L'odeur de la sève se mélangeait à celle, plus âcre, des substances chauffées et diluées.
Quelques autres ingrédients attendaient d'être versés dans le tube pour compléter ce qui allait être enfin, espérait-elle, le remède au mal qui frappe tant de monde sur le continent. Une façon comme une autre de repousser le néant, à sa manière. C'était l'un des rares espoirs auquel elle pouvait prétendre se raccrocher.

Euria échangea un regard avec son voisin attablé un peu plus loin, qui s'affairait à transvaser le contenu de son récipient dans une éprouvette graduée. Sans lui, sans les autres, le remède n'aurait jamais été trouvé. La jeune femme s'étonnait encore aujourd'hui de la facilité avec laquelle les ailés l'avaient si facilement intégrée dans l'équipe, sans même lui poser de questions, et de l'enthousiasme dont ils avaient fait preuve dès qu'elle partageait le fruit de ses recherches. Avec toute la rigueur qui leur était propre, ils étaient parvenus toutefois à trouver des paroles chaleureuses et encourageantes à son égard. Ensemble, ils avaient avancé, et ensemble, ils avaient réussi. Depuis tous ces longs mois, les kamaels avaient aidé l'ouest et le sud, tant sur le plan militaire que scientifique, et de bien des façons elle leur devait la vie.
L'elfe se concentra sur sa propre paillasse, et suivant rigoureusement le protocole, se mit à confectionner un nouvel exemplaire. Les gestes étaient devenus habituels, automatiques. Il n'était désormais plus question de savoir comment, ni combien, mais en combien de temps parviendraient-ils à les terminer.



Le jour déclinait, et bien qu'il fut difficile de le deviner de là où elle se trouvait, recluse dans cet antique bâtiment qui tenait lieu de laboratoire et à l'intérieur duquel aucune lumière naturelle ne passait, les bâillements incontrôlés ne mentaient pas. Saluant ses collègues, elle traversa les longs couloirs aux murs parsemés de lumières rouges. Elles pulsaient toutes à l'unisson à la manière d'un cœur unique qui paraissait alimenter l'île tout entière. D'abord étonnante, cette sensation avait fini par devenir routinière et Euria n'y prêtait guère plus attention. Remontant à la surface, elle retourna prestement vers la ville, puis la passeuse la transporta à Heine.

La pluie glacée qui tombait en fins rideaux la dissuada de s'attarder sur la place, c'est pourquoi elle rentra directement chez elle. "Chez elle", pensait-elle avec un sourire réjoui. C'était bien la première fois qu'elle en avait un depuis la disparition de la compagnie. Sandales n'était pas là, mais la forte odeur de tabac indiquait qu'il n'était pas parti depuis bien longtemps.

Lui aussi, était désormais guéri. Il avait pris le remède sans rechigner, tout aussi volontaire qu'elle l'avait été pour servir de cobaye. C'est également lui qui, hélas, avait payé chèrement pour les erreurs de dosage que l'elfe avait commises en premier lieu. Il n'avait pourtant jamais bronché, ne s'en était jamais plaint, et ce même lorsque la douleur le lancinait comme la morsure des flammes. Euria s’était sentie si mal de lui faire subir une telle épreuve qu'elle en avait passé de nombreuses nuits blanches. Néanmoins, sa reconnaissance n'avait d'égale que son admiration pour lui.

Si la confiance absolue de l'orc ne l’avait guère étonnée, elle avait été davantage surprise en revanche lorsque Revel, Aërya, et même Xeryth avaient tous accepté de prendre le traitement. Avaient-ils confiance, eux aussi, ou était-ce le désespoir de se débarrasser de cette fichue affliction qui les avait poussés à accepter ? Toujours est-il que ça marchait... cela lui suffisait. Leur guérison -aussi longue fût-elle pour certains - lui donnait du baume au cœur.
Et puis, si lui aussi était soigné totalement, alors elle aurait entièrement tenu sa promesse. Et si Eva le voulait, bientôt, tous les autres...

Satisfaite à cette pensée, mais exténuée, l'elfe se dirigea vers sa chambre et se laissa tomber sur son lit.
Quelques minutes lui suffirent pour sombrer dans un sommeil sans rêves.









Appuyée contre le tronc d'un grand arbre, elle leva les yeux de son parchemin, méditant à ce qu'il faudrait écrire ensuite. La plume resta suspendue au dessus de la feuille comme si le temps s'était arrêté. Un rayon de soleil filtrait au travers de l'épais feuillage du hêtre centenaire, parsemant le sol de tâches de lumière dorée. C'était une belle journée, bien que froide, et le calme régnait aux abords de la ville.

Un jour parfait, pensait-elle, pour rédiger son testament.

Une goutte d'encre se forma à l'embout de la plume, et vint s'étaler sur le papier en une grosse tâche noire, mais Euria n'y prêta pas attention. La cible tracée dans son dos grandissait jour après jour. Celle de Sandales aussi, ce qui la contrariait bien davantage et pourtant, il était hors de question de défaillir maintenant. En principe, l'elfe côtoyait la mort depuis suffisamment d'années pour ne pas la craindre. Elle l'avait vue frapper des milliers de personnes - que ça soit sur un lit de camp, ou sur le champ de bataille, dans les rues de Gludio ou, plus récemment, d'Oren. En quoi aujourd'hui était si différent ?
Hélas, elle ne parvenait pas à étouffer l'étincelle de terreur qui s'était logée au creux de son ventre.
C'est ainsi qu'avec résignation et dans un calme apparent, elle rédigeait et de sa plus belle écriture possible, la cession de ses quelques biens pour le jour où la faucheuse viendrait la cueillir. Mais qui frapperait en premier ?

La sylvaine se redressa un peu, et appuya sa tête contre l'épais tronc en poussant un soupir las. Ses longs cheveux aux reflets rosés étaient détachés et ondulaient sur ses épaules, tandis que quelques mèches folles masquaient une bonne partie de son visage. A nouveau elle se mit à réfléchir, et les souvenirs se rappelèrent douloureusement à elle.


La ville fortifiée était un véritable charnier.
La pierre grise des pavés s'était teintée de rouge, tandis qu'ils progressaient en rangs serrés au milieu des cadavres et des débris. Face à eux l'Ire bestiale, instrument privilégié du marionnettiste, déversait son courroux. Euria, toujours placée en retrait, incantait sa magie pour soutenir les troupes. Son épaule partiellement lacérée quelques heures plus tôt pulsait d'une chaleur irradiante, tandis que la douleur ne cessait de l'accompagner. Ce n'était pas tant la souffrance physique qui limitait ses capacités, mais plutôt l'affliction qui pesait sur son cœur en cet instant.

Elle n'avait pas vu Lorelei mourir, mais les mots de son ami orc avaient suffit. Il était le dernier à l'avoir vue en vie.

Alors que la bataille faisait rage, elle se sentait comme un château de sable au milieu de la tempête. Tâchant de ne pas se laisser submerger par les émotions, elle avait redoublé d'efforts pour accompagner ses alliés. Un soldat rampait dans sa direction, poussant de faibles grognements plaintifs tandis qu'il éructait du sang et que son visage avait pris une vilaine teinte violacée. Immédiatement, l'elfe s'était rapprochée du blessé pour lui porter assistance, en se mettant à sa hauteur. Mais alors qu'elle commençait son œuvre, elle sentit le fil de la lame d'une épée passer rapidement au-dessus d'elle, la frôlant presque, et venant se planter dans la gorge du malheureux. Interdite, elle avait levé ses grands yeux vers le garde de fer qui venait d'achever son camarade. Son regard ne s'était heurté qu'à un heaume fermé, derrière lequel elle devinait un soldat obéissant et résolu.

Il n'était d'ailleurs pas le seul à agir ainsi, et beaucoup de mourants expiraient leur dernier souffle sous les armes de leurs alliés, la vie et la souffrance les quittant de concert. Tous couverts de sangs et de terre, ils progressaient au cœur d'Oren, tandis que l'étau de l'Ire se resserrait autour d'eux. L'affrontement ne sembla tourner en leur faveur que lorsqu'ils aperçurent l'immense silhouette du dragon au-dessus de la cité. Afin de lui laisser une marge de manœuvre suffisante et parce que les assauts mahums se faisaient de plus en plus coriaces, ils s'étaient repliés dans un bâtiment. Les flammes crachées par la bête avaient déferlé dans les rues de la ville, détruisant tout sur leur passage. Les épais pelages des mahums s'enflammaient, ainsi que les pauvres infortunés qui furent trop lents pour se mettre à couvert. La combustion était si puissante que le chaud leur était tous monté à la tête, et que certains combattants avaient du retirer en vitesse leur armure pour ne pas brûler dessous.

Une fois de plus l'Ire avait été mise en déroute, tandis que le dragon repartait vers de lointaines montagnes, et que les héros se trouvaient cette fois-ci confrontés aux flammes restantes et à l'odeur insupportable des cadavres calcinés. Les "vrais ennemis", eux, semblaient avoir encore de beaux jours devant eux. Pourtant, à petits pas, ils perdaient du terrain.
C'était une nouvelle victoire, et de nouveaux sacrifiés pour l'obtenir. Et de nouveau, de longues journées qui l'attendaient, à panser les plaies.

Il en étaient qui pourtant, ne se refermeraient jamais tout à fait.



Euria se réveilla en sursaut, décollant sa tête du tronc contre lequel elle s'était assoupie. D'un geste mal assuré, elle retira ses gants pour observer ses mains tremblantes. Le long de sa joue accueillit la course d'une larme, qu'elle tenta pudiquement de dissimuler derrière son épaisse chevelure alors même qu'il n'y avait personne aux alentours. Elle fit tourner pendant un bon moment sur son doigt la bague présente à sa main gauche, essayant de calmer ses tréssaillements incontrôlés. Il était trop tard pour les regrets.

Comme ce geste semblait l'apaiser, elle finit par reprendre contenance au bout de longues minutes. Après avoir rangé ses papiers et rassemblé le reste de ses affaires, elle se releva pour rentrer en ville, sans se presser. Lorsque la mort frapperait à leur porte, ce n'est pas pour autant qu'il faudrait l'accueillir à bras grands ouverts.

Il n'était pas trop tard pour apprendre.
Spoiler:
sub Adventurer - part 1

Avatar de l’utilisateur
Euria
Princess Molrang
Messages : 195
Inscription : mer. 3 juin 2020 à 20h58
Personnages : Euria-Garok

Re: [BG Elfe] Euria

Message par Euria » mar. 23 février 2021 à 04h28

.



Sumbra, le 13 Rougefeuille de 949, campement de fortune des Limiers de l'Est.


« Tu sais, je ne serai pas toujours là pour te servir de bouclier.»

La voix du colosse, puissante et grave, avait retenti en Euria comme le son d'un cor qui la ramenait à la réalité. Elle leva vers lui des yeux interrogateurs, mais la risette espiègle qui s'était dessinée sur le visage encore tuméfié trahissait le sarcasme de ses propos.

« Quel dommage, ironisa t-elle à son tour, tu es celui que je préfère recoudre."

Elle passait une pommade sur les plaies, tandis que l'humain prenait son mal en patience. Ce jour-ci, la mission avait bien failli tourner au vinaigre, car les bandits en face étaient armés jusqu'aux dents et prêts à tout pour défendre les biens que la petite troupe de mercenaires était venue récupérer. L'homme grinça tandis qu'elle appuyait sur un point sensible.

«- Ca ne te ferait pas aussi mal, si tu ne t'étais pas battu avec Quartz la veille pour une histoire de triche aux dés.
- Oui Maman, pardon Maman. »

Le sourire d'Aldébaran se fit arrogant. L'elfe, habituée, ne prit même pas la peine de relever. A coté, Lunem jouait distraitement avec une mèche de cheveux tandis qu'elle observait son mari se faire rabibocher. Elle offrit à la jeune médecin un hochement de tête encourageant, comme elle seule savait si bien le faire.

« - Vraiment... tu n'as jamais eu envie de te battre, de manier une arme ? »

Cette fois-ci, Euria comprit que la question était sérieuse. La curiosité se lisait même sur le visage de l'humaine qui avait cessé de tripotter ses boucles brunes. Elle bredouilla, avec ce sourire embarrassé qui vient systématiquement se coller sur son visage lorsque l'incertitude la gagne :

«- Quelle arme ? Je ne sais pas combattre. Tu te souviens lorsque j'ai voulu porter une épée ? C'était bien trop lourd à garder à bout de bras.
- Un arc alors ?
- Tu te moques de moi.
- Pas du tout. Tiens, attends...»

Sa silhouette massive se redressa, et il dût se courber pour progresser sans que sa tête ne touche le haut de la tente, jusqu'au coffre contenant ses affaires. Après quelques bruits de cliquetis et de grincement, il fouilla de longues minutes avant de parvenir à trouver l'objet de ses recherches, qu'il tendit vers la jeune elfe.
Il s'agissait d'un poignard, d'une simplicité surprenante, et qui semblait déjà avoir vécu de longues années. La lame paraissait même un peu émoussée.

« Cadeau. Lança-t-il, laconique.
- Je n'en ferai pas grand chose, tu sais.
- Ca peut toujours servir. Tu te souviens de ce que nous a dit Horel le borgne l'autre jour ? Celui qui sait réparer les corps est le mieux placé pour savoir comment les briser. »

Euria fit la grimace. Elle n'avait certainement pas l'intention de tuer qui que ce soit. Pourtant, elle accepta le présent avec beaucoup d'humilité, ce n'était pas souvent que le capitaine des Limiers offrait des cadeaux. Lunem en était même un peu jalouse...












Jeriel, le 28 Vertefeuille de l'an 960



La cicatrisation était lente, mais belle.
L'orc fumait paisiblement son calumet, pendant qu'elle appliquait l'onguent dans son dos. Du doigt, elle suivit le sillon de sa cicatrice recousue, ne parvenant pas à prononcer un seul mot.

« Ca va aller, Maman. »

Il n'avait pas besoin de la voir pour sentir sa nervosité, ni besoin qu'elle lui réponde pour qu'il comprenne ce qui la préoccupait. Le légionnaire qui avait tenté de l'assassiner, comme dans les visions de Dies Natalis, ne serait peut-être pas le dernier à essayer. C'était passé à deux doigts, et il ne devait sa survie qu'à une chance insolente. Elle referma le pot, et s'appliqua à remettre des bandages propres, avant de le laisser retourner à ses activités favorites du moment : la contemplation des méduses. Sandales sortit et la fumée au parfum entêtant se dissipa après lui. Appuyée contre le rebord de la table, l'elfe s'appliqua à remettre de l'ordre dans ses affaires et dans ses pensées.
Son esprit refusait de s'apaiser, tandis qu'elle sentit son coeur s'emballer et qu'une grande colère s'empara d'elle. Ses poings se resserrèrent, jusqu'à en blanchir peu à peu les phalanges.

La prudence et la discrétion étaient devenues les maitres mots, plus que jamais depuis qu'ils avaient en la personne du Marionnettiste un ennemi "connu " - que ça soit pour la confection du remède, la fermeture du portail de Dion, ou encore la moindre information donnée à des alliés qui peut-être, se trouvaient compromis à ce moment-là. Réfléchir, anticiper, peser chaque mot à un point que ça en devienne épuisant.
Hélas cela n'avait pas suffi, et si la culpabilité faisait partie de l'inévitable et insupportable breuvage qu'elle devait quotidiennement ingurgiter jusqu'à la moindre goutte depuis la catastrophe de Gludio, elle ne faisait pourtant que croître à mesure que l'ombre du danger s'étendait. Oui, elle avait été idiote au point de monter sur l'échiquier, et de s'y tenir suffisamment longtemps pour les faire repérer, sans même avoir daigné jouer la partie. Il fallait désormais en assumer les conséquences, et tâcher malgré tout de poursuivre ce qu'ils avaient commencé, chaque nouveau jour que les dieux faisaient.



La nuit étala son manteau d'étoiles sur Heine, que la surface de l'eau reflétait avec une harmonie et une majesté que nulle autre cité ne pouvait se targuer d'offrir à ses habitants. Cet élégant ballet de lumières accompagnait Euria jusqu'à la sortie de la ville, vers une petite zone installée pour les entrainements militaires des Lions. Il y avait quelques mannequins et quelques marquages au sol, assez sommaires, mais personne aux alentours pour venir troubler sa petite escapade nocturne. Elle s'avança vers l'un de ces pantins de bois et lui fit face un moment, comme pour initier des présentations silencieuses. Dague en main, elle commença une série de mouvements dans l'objectif de donner des coups, de façon tout à fait hasardeuse. Le spectacle devait être parfaitement ridicule, mais heureusement, point de spectateur à l'horizon. Tâchant de se familiariser avec l'instrument qu'elle maniait, elle réitéra une série de coups, suivie d'esquives, puis elle s'arrêta pour faire face à son ennemi immobile quelques instants. Avec lenteur cette fois-ci, elle leva le bras vers lui, et fit entrer le poignard en contact avec le bois.

La pointe de sa lame se posa délicatement au niveau de l'artère fémorale, si tant est que l'on put imaginer une artère sur un pauvre mannequin d'entrainement. Elle remonta ensuite doucement au niveau du coeur, s'attarda un moment, pour finalement venir terminer sa course contre la carotide. Il lui faudrait imaginer la possible armure, l'armement et la puissance de son adversaire, et s'adapter à la situation. Ce n'était clairement pas une arme pour un combat à la régulière, et ce n'était pas demain la veille qu'on la retrouverait en première ligne au front. Pourtant, peut-être que de ce simple outil viendrait son salut, ou celui de ses alliés.
Euria bloqua sa respiration, raffermit sa prise sur la poignée, et frappa d'un geste précis et expéditif. Des éclats volèrent, tandis que son cœur manqua un ou deux battements. Ce n'était pas des morceaux de bois que ses yeux effarés voyaient se disperser, mais bien la dague qu'elle tenait en main, et qui venait d'éclater en une ribambelle de morceaux. L'unique souvenir matériel qu'il lui restait du capitaine de son ancienne compagnie se trouvait désormais détruit. Accablée, elle se laissa glisser lentement vers le sol, se remémorant la scène de sa mort pour au moins la millième fois.

« Pardonne-moi, Aldébaran. » Murmura t-elle dans le vide, avec pour seul témoin la triste figure en bois.

La sylvaine rentra en ville avec la conviction que si sa lame s'était brisée, sa volonté était restée intacte. Il lui fallait une nouvelle dague, voilà tout. Et demain, elle apprendrait, elle recommencerait.

Elle recommencerait autant de fois que nécessaire.
Spoiler:
sub Adventurer - part 2

Avatar de l’utilisateur
Euria
Princess Molrang
Messages : 195
Inscription : mer. 3 juin 2020 à 20h58
Personnages : Euria-Garok

Re: [BG Elfe] Euria

Message par Euria » ven. 30 avril 2021 à 04h28

.


Un matin comme un autre à Heine.

Les pêcheurs sont levés tôt et attrapent quelques poissons -et méduses- dans leurs filets. La brume s'élève lentement pareille à des nuages vaporeux, et glisse silencieusement vers le large en lente procession éthérée. C'est une matinée semblable à toutes les précédentes pour les habitants de Heine et pourtant, pour qui sait bien observer, certaines choses ont changé.
Dans une maison du quartier sud-ouest de la ville -connue pour son animation et son lieu de passage fréquenté, l'odeur de tabac qui s'en dégageait et quelques blessés qui sont rentrés sur un brancard et ressortis sur leurs deux jambes - dans cette maison désormais, seul le silence subsiste.

A l'intérieur, pas âme qui vive, plus âme qui vive. Sur la table, quelques cadavres de bouteilles sont encore posés là, vestiges de longues soirées à parlementer et tirer des plans sur la comète. La cheminée est éteinte, et dans le salon règne une atmosphère glacée, sinistre, alors même que le printemps a déjà vu éclore ses fleurs. Un peu plus loin, sur le bureau, de nombreuses piles de papier viennent côtoyer les livres, cartes tracées, et autres annotations laissées là. Pourtant, un objet se démarque. Un journal semble avoir été laissé là volontairement, ouvert, comme pour inviter quelqu'un à braver les spectres résidant au sein de la demeure, afin de venir lire.

La personne à qui les quelques mots qui suivent furent destinés ne s'y présenta jamais.

Cher ami,

As-tu entendu les rumeurs concernant le gouverneur ? Ce ne sont pas juste des bruits qui courent tu sais, Elion est bel et bien introuvable. Lors de ma dernière visite à la magistrature, bien que courte et très formelle, rien ne laissait présager qu'il avait un problème ou allait partir. Et pourtant, le voilà aujourd'hui porté disparu.
J'aurais aimé t'annoncer ceci de vive voix, mais je ne te trouve pas non plus, Sandales. Où êtes-vous allés, tous ?

Quoi qu'il en soit, je ne peux décemment pas rester les bras croisés à ne rien faire. Je pars aussi. Les remèdes ont quasiment tous été distribués, à Dion, et j'ai expliqué la situation à mes collègues qui m'ont dit d'y aller sans me préoccuper de l'organisation. Ils ont été parfaits du début à la fin, tu sais. J'ai rassemblé mes affaires : de quoi survivre dehors, quelques remèdes, mon poignard, et je m'apprête à partir dès l'aube. Je te laisse l'orbe, peut-être en auras-tu davantage besoin que moi. Tu la trouveras dans ma chambre, parmi le reste de mes effets.

As-tu entendu parler de ce qu'il se passe à la tour d'Ivoire ? Sans doute est-ce là que tu te trouves. Si c'est le cas, je t'en prie, prends bien soin des autres. Revel en particulier, il ne pourra pas encaisser mille autres coups. Servez-vous en remèdes, si cela peut aider ! Nous avons bien vu le pouvoir qu'ils avaient.

Je vais tâcher de revenir vite, mais je ne sais pas où commencer mes recherches.
Ça m'inquiète tu sais, j'ai peur que Barnis ait mis la main dessus pour de bon. Si c'est le cas, il n'y a que nous qui pouvons le sortir de là.

A très vite,

Euria.









Le cheval interrompit sa progression tandis qu'Euria tirait gentiment sur ses rênes, se retournant une dernière fois vers la ville de la Brumeuse. Le soleil pointait seulement le bout de son nez à l'horizon, et l'air était glacé.

« - Isabel ? M'entends-tu ? »

Le regard de l'elfe ne quittait pas des yeux la cité encore endormie, tandis qu'aucun son ne sortait de sa bouche. Pourtant elle appelait, silencieusement, tout en sachant qu'aucune réponse ne lui parviendrait. Son amie flottait probablement quelque part, entre Cefedellen et le royaume des songes.
Elle flatta l'encolure de l'animal avant de l'enjoindre à reprendre sa marche, se détournant pour de bon de la ville qui l'avait accueillie, l'avait vue mourir à petits feux, et l'avait vue renaître.
L'animal à la robe blanche progressa au pas quelques minutes, avant de s'élancer au galop, suivi d'un volatile qui, bien que dodu, ne se laissait pourtant pas distancer. Quelle était leur destination ? Euria n'en savait rien. Elle chercherait partout où elle le pouvait, aussi longtemps que nécessaire.
Elle ne rentrerait pas bredouille, pas avant d'avoir au moins essayé.



_______
Il devait être environ sept ou huit heures du soir.
Après une maigre pitance, et quelques restes partagés avec son hibou, Euria s'emmitoufla dans ses couvertures et s'absorba dans la contemplation de sa carte du monde, terriblement abimée à force d'être manipulée depuis tout ce temps, et marquée de croix noires sur les zones qu'elle estimait avoir déjà visité. Ses recherches étaient restées infructueuses, mais il y avait encore beaucoup à parcourir.
Depuis combien de temps était-elle partie ? Elle avait compté les jours au début, puis rapidement, avait perdu le fil. Sandales lui manquait. Tenir une conversation, même banale, lui manquait. D'ici quelques jours, elle se rapprocherait de Giran. Elle pourrait peut-être y rester une nuit ou deux, se reposer entièrement, peut-être y croiser des visages connus, avant de reprendre sa route.

La nuit tomba entièrement et ce soir-là les étoiles, d'humeur timide, restèrent cachées derrière les nuages. Euria raconta à ses compagnons de route pour la troisième fois comment elle avait rencontré le dragon de la montagne, mais ne sut jamais en retour ce que le cheval et le hibou pensèrent de ses aventures.

Elle s'endormit.

_______

Les quelques jours passés en ville l'avait ragaillardie, bien qu'elle n'eut croisé personne de sa connaissance. Laëb et les mouvements des troupes pour l'arrêter semblaient être le sujet sur toutes les lèvres, en ville, et elle s'en voulut de ne pas leur prêter main forte. Et si ça se passait mal, au front ?

La sylvaine secoua la tête pour chasser ces pensées de son esprit, reportant son attention entière sur la recherche. Jusque-là, la faune l'avait laissé plus ou moins tranquille, mais elle n'hésitait pas à jouer de sa dague pour les cas de figures compliqués, satisfaite de constater que l'entrainement régulier qu'elle s'était imposée portait ses fruits.

Elle aperçut une grotte, à moitié cachée sous une végétation dense. Après avoir arrêté et attaché sa monture un peu plus loin, elle s'approcha lentement, dague en main, tous les sens en alerte. A l'intérieur, nulle trace de l'homme qu'elle cherchait. En revanche, elle fut "accueillie" par un groupe de créatures, dont l'apparence était coincée à mi-chemin entre le lézard et l'ours. Ils défendirent leur territoire avec hargne, à tel point que l'elfe ne parvint à quitter les lieux qu'au prix d'une lutte acharnée.


_______


Tout bien considéré, les recherches qu'elle avait décidé d'entreprendre n'étaient pas si catastrophiques : elles étaient démesurément pires.

Assise sous un abri de fortune, elle attendait la fin de l'orage, maugréant et maudissant sa stupide entreprise. Quelques heures auparavant, son cheval, surpris par la foudre, l'avait désarçonnée avant de prendre la fuite, Zoul battant frénétiquement des ailes pour le suivre. Elle n'avait désormais pour seule compagne que la profonde lassitude qui s'était emparée de son cœur, après ces longues journées de recherche inefficace. Profitant de ce répit imposé, elle changea ses bandages tout en s'assurant que les plaies infligées par les bêtes de la caverne ne s'étaient pas infectées. Une simple formalité, mais elle s'y appliquait avec un soin immodéré.

Pourquoi était-elle partie seule ? C'était idiot, et imprudent. Elle s'était abstenue de demander de l'aide parce qu'il y avait des choses bien plus urgentes, probablement bien plus graves, et qu'elle ne souhaitait imposer ses petits caprices à personne. Force était pourtant de constater que seule, elle n'irait pas bien loin.

" Je pourrais ouvrir un portail, maintenant, et rentrer chez moi. Je pourrais tout laisser tomber et me résigner à demander de l'aide pour de bon."

Il y aurait sûrement des volontaires, des gens suffisamment inquiets pour se dire que ça vaut la peine de fouiller des territoires à plusieurs.
Comme la fois où elle était partie et que ses amis l'avaient cherché, que Revel ...avait fini par la trouver... oui. C'est ça.
Un éclair d'illumination la frappa tandis que la foudre tombait non loin. C'était à Revel qu'il fallait demander, ou plutôt à son chien pisteur. S'il avait pu la trouver autrefois, s'il avait pu les mettre sur la piste d'Asharim, il pourrait sûrement retrouver Elion.

Prise d'un sursaut d'enthousiasme renouvelé, elle consulta encore sa carte. Par chance, l'élevage des Kluzs n'était pas bien loin de son emplacement actuel, se sentant encore trop déstabilisée pour ouvrir un portail, elle estima qu'elle pourrait faire la route à pied. Mais seulement lorsque cet orage serait terminé.

_______


Sur le chemin, trois hommes arrivèrent à sa rencontre, ou plutôt, deux et un éclopé, suppliant la jeune femme de bien vouloir prendre du temps pour examiner ce dernier. Si la plaie originale n'était pas bien grave, il l'avait laissée trainer suffisamment longtemps pour qu'elle s'infecte. Le petit groupe s'installa sur des rochers faisant office de sièges de fortune, à la lisière d'une forêt. Le vent portait une odeur désagréable et forte, de résine et de charogne. Aucun oiseau ne chantait malgré le beau temps. Euria s'appliquait à stériliser la blessure purulente, tandis que les deux autres ne la quittaient pas du regard. L'un d'entre eux, un elfe, comme elle, lui adressa un sourire qui n'avait rien d'aimable. L'atmosphère était décidément déplaisante.

Manquant de désinfectant après avoir utilisé son stock pour ses propres plaies, le blessé l'invita à se servir de son alcool. Elle fouilla dans la gibecière de l'homme, à la recherche d'une gourde ou d'une bouteille. Entre quelques peaux tannées et autres réserves de viande séchée, elle tomba par hasard sur des feuilles de papiers, surlequels elle aperçut un symbole. Un sceau plus précisément, qui ne lui était pas inconnu, et qui déclencha en elle un frisson d'affolement.
C'était celui des Serres Ardentes.

Sans doute avaient-ils ressenti son agitation car de concert, ils avaient discrètement sorti leurs armes, même le blessé. A son tour elle empoigna sa dague, les mains moites, cherchant du regard un point de retraite bien qu'ils l'encerclaient. L'un d'entre eux émit un sifflement aiguë qui se répercuta loin dans la forêt, déclenchant l'envol des quelques oiseaux silencieux jusque là. Le signal d'attaque était donné.

A voix basse, elle commença à incanter. Un repli valait mieux qu'un affrontement à l'issue funeste, et elle se maudit encore intérieurement de ne pas être rentrée par le biais d'un portail plus tôt.
Cherchant à se concentrer tandis que l'air se chargeait d'énergie autour d'elle, Euria ne vit pas arriver la flèche qui vola dans sa direction et vint se loger dans son épaule. La surprise lui arracha un cri, alors que le semblant de portail qui s'ouvrait sous ses pieds se referma aussitôt. Trop tard pour fuir, le combat était engagé. L'elfe s'élança avec agilité vers son homologue archer, tâchant de repérer les points vitaux qu'elle pouvait atteindre. Elle se mut vivement, comme on le lui avait appris, fléchissant les jambes et les déliant pour se décaler et frapper au moment opportun, tandis qu'il encochait sa seconde flèche. Les autres se lancèrent à sa suite pour l'attaquer mais ne purent sauver leur compagnon : déjà, il se vidait de son sang, un air d'incrédulité passant dans son regard azur. La jugulaire saignait abondamment, et de ridicules gargouillis de gorge précédèrent son trépas.

Comme il est aisé de mourir, pensa Euria, tandis qu'elle filait déjà vers sa seconde cible.

_______



La jeune femme n'était décidément pas faite pour tuer.

Gisant dans leur sang, les hommes arboraient une sereine tranquillité sur leurs visages sans vie. Un peu plus loin, adossée contre un rocher, Euria se démenait pour ne pas subir le même sort, pressant la plaie béante causée par l'épée qui s'était logée dans son ventre quelques minutes plus tôt. Si elle cédait à la douleur maintenant, elle s'évanouirait et mourrait. Un fin voile recouvrait sa vue tandis que le son de sa propre respiration bourdonnait dans ses oreilles, dans son crâne, jusque dans ses blessures. Du mieux qu'elle le pouvait, elle tâchait d'y insuffler sa magie, mais les mots mourraient sur ses lèvres et le soulagement n'était que de courte durée.

Une silhouette apparut au milieu des nuages brumeux s'élevant de la forêt, marchant lentement dans sa direction. L'espace d'un infime instant, l'espoir s'empara d'elle et une multitude de visages amis défilèrent sous ses yeux mi-clos. On était venu la chercher. Elle avait envie de se lever, de courir dans leur direction, de se laisser aller dans leur bras accueillants pour se permettre de dormir du sommeil du juste.
L'illusion se brisa comme un morceau de verre. Son coeur se mit à battre la chamade et la pression dans ses entrailles s'alourdit. Un malaise étouffant lui compressa la cage thoracique tandis qu'elle luttait pour ne pas défaillir, c'était une sensation qu'elle n'avait pas oublié, une sensation si douloureusement familière.

Comment l'avait-il trouvée ? Ils finissent toujours par les retrouver...

L'homme à la chevelure blanche poursuivait sa progression jusqu'à Euria, qui, peut-être parce qu'elle le reconnut ou peut-être parce qu'elle avait perdu trop de sang, perdit connaissance, sans avoir eu le temps de prier Eva.






Spoiler:
Les personnes susceptibles d'avoir visité la maison d'Euria/Serek suite à leur disparition pourront trouver la lettre destinée à ce dernier ! :-D

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 0 invité