Missive destinée au capitaine Alaric

[Ryubankai]

Ecrit de sa plus belle plume, et acheminé par coursier jusqu'au fort, puis jusqu'au front si nécessaire, dans le but de trouver le capitaine au plus vite

Cher capitaine Alaric, Légat du gouverneur Elion, en charge du front d'Oren,

Je me permets de vous faire parvenir ces mots car j'estime que nous ne nous sommes pas quittés en de bon termes à la forteresse, et je souhaite y remédier car cela ne sert pas nos buts communs que sont la reconquête de nos terres et la victoire sur l'Ire bestiale. L'impétuosité de la bataille doit faire place au bon sens, à la réflexion et à la concertation qu'exige notre stratégie future si on la souhaite gagnante.

Dans ce contexte, je souhaiterais pouvoir échanger avec vous de stratégies à mener dans les plaines d'Oren, avoir votre ressenti sur la situation. J'imagine que vos forces s'emploient aujourd'hui à créer une nouvelle ligne défensive au nord de la catacombe? Au vu de la situation, il me semble bienvenu de marquer un temps de pose et d'ancrer fermement nos positions pour laisser souffler les troupes.

Quoi qu'il en soit, je mets mes modestes compétences en matière de stratégie à votre service si vous le souhaitez et me tiens à votre disposition pour en discuter plus avant.

Bien cordialement,

Lieutenant Khalaart Noya, maître d'armes, Innommé au service d'Elion et de notre juste cause.

[Edrayon]

Un représentant de la Garde de fer viendra trouver le Sieur Noya pour lui remettre la réponse du Capitaine Alaric. Il délivrera un courrier scellé, moucheté par endroits de quelques éclats pourpres lui donnant du relief.

Maître Noya,

N'évoquons point de quelconques termes, car à l'instar de l'instant où nous nous sommes quittés, force est de constater que mes dernières interactions avec ceux qui partagent votre affiliation sont empreintes de nos inimitiés respectives. Outre cela, je ne vous ai jamais attendu, vous et vos alliés, pour mener des réflexions et élaborer des stratégies.

Les derniers événements m'ont apporté la triste nouvelle qu'il ne m'est aujourd'hui plus permis de partager mes stratégies avec le siège de mon allégeance. Dans ces circonstances, il ne serait rien d'autre que passeport d'une stupidité sans borne que de partager mes plans avec des êtres aux instincts parfois peu louables et aux particularités intellectuelles maintes fois affligeantes.

Néanmoins, car vous comptez, Maître Noya, parmi les rares Innommés ayant démontré de votre utilité et ne s'enfermant point dans une inertie coupable, j'accepte d'échanger brièvement de stratégie avec vous à la stricte condition que les sujets abordés restent strictement confidentiels. Il vous suffira de venir me trouver sur le champ de bataille.
Si d'aventure mes manœuvres venaient à être dévoilées à l'ennemi, je saurai d'où elles auront fuité. Dans un tel cas, je me passerai du jugement d'une cour martiale et vous exécuterai à l'instant même où nos chemins se croiseront. Tous ceux qui se dresseront entre vous et moi vous précéderont dans la tombe : nos positions sont encore trop fragiles pour que nous nous accommodions de traîtres.

En conclusion, je vous remercie pour les femmes et les hommes que vous avez formés, et dont certains ont aujourd'hui intégré ma Garde de Fer. Assurément, il s'agit de combattants efficaces, et dont je saurai faire un sain usage.

Alaric,
Second du Général Elion,
Capitaine des Gardes,
Stratège de l'Ouest,
Légat de la Légion Azure

[Ryubankai]

Entre colère et dégout, la première intention fut de ne pas répondre. Mais les enjeux dépassant sa petite personne, le maître d'armes se ravisa et retint le messager le temps d'écrire une réponse.

Capitaine Alaric,

Vos mots sont durs et je n'en attendais pas moins de la part d'un être sans pitié comme vous l'avez prouvé récemment.
Mais j'ose croire que votre intelligence vous commandera de convenir des points qui vont suivre:

• On ne peut se targuer d'être un stratège quand on s'isole par orgueil des soutiens de toujours et parmi les plus dévoués envers notre cause, qui ont risqué plus qu'a leur tour et sans doute autant que vous leur vie dans cette guerre. Ces mêmes soutiens à qui vous devez vous même plusieurs victoires. De plus, votre stratégie lors de notre dernière bataille n'a été payante que parce qu'elle utilisait la notre. Il s'agit là d'opportunisme, non de stratégie. Et j'ajoute que foncer dans le tas droit devant avec des milliers de cavaliers est à la porté de beaucoup. Tenir un front avec dix fois moins d'hommes et sans matériel comme nous l'avons fait est plus compliqué. Pourtant il ne m'a pas semblé vous voir au front avant cette apparition.

• On ne peut se targuer d'être un vainqueur quand on a juste attendu que la marée passe pour traverser, alors que des centaines d'autres, peut être des milliers, se sont sacrifiés pour que la marée ne soit pas une vague déferlante qui vous aurait emporté également. Ce sont ces blessés que vous avez vaguement aperçu depuis votre monture sans même vous en enquérir, ces héros morts que vous déshonorez de votre dédain.

• On ne peut se targuer d'agir au nom du gouverneur Elion quand on agit unilatéralement en renonçant au groupe qu' Elion lui même a mis en place pour accompagner cette guerre. Il va de soit également qu'on ne peut pas se targuer d'agir au nom d'un homme qu'on laisse en proie à une mort certaine sur un champ de bataille, sans même s'enquérir de sa situation.

Sachez que le partage des stratégies n'est plus possible avec tous ne veut pas dire qu'il ne doit l'être avec personne. Etre au fait de votre dernière action martiale nous aurait permis de sauver des centaines d'hommes, notre stratégie aurait été différente. Faire fi de ses alliés n'est jamais bon et je crois que vous pourrez reconnaitre votre erreur à ce propos.

Par ailleurs, je ne vous reconnais pas l'autorité d'avoir droit de vie ou de mort sur moi. Vos menaces n'auront que pour effet mon renoncement à vous rencontrer. Je ne viendrais pas me risquer à prendre part à vos idées et subir par la suite les désagréments d'un coup de sang ou d'une méprise de votre part. Il y a mille manières pour un chef de voir ses plans trahis, et aucun chef n'aurait la prétention de penser qu'il n'y en a qu'une.

Je pourrais vous laisser à votre soif de sang et votre isolement, et me tenir derrière pour vous rouler dessus le jour ou la déroute vous guettera aussi bien que vous l'avez fait tantôt.
Néanmoins, dans l'idée que nous partageons le même but et que je reconnais en vous des qualités de chef militaire et de persévérance, je vous souhaite que cela n'arrive pas car votre progression sera la notre, et inversement. Sachez que la porte n'est jamais close à qui admet ses tords, autant la mienne que celle des innommés.

En conclusion, mon soutien ira toujours à notre cause qu'elle que puissent être les querelles ridicules qui peuvent nous opposer. Il en va de même pour les hommes et les femmes que j'ai pu former et que je continuerais à former. Il en va de la paix sur ce continent, et notre survie.

Bon courage.

Khalaart Noya

Une copie de ces échanges seront transmis au commandant Enguéran