Chapitre I : Abnégation
Ce jour-là, le soleil réchauffait le coeur et l'humeur des habitants d'Althena. Le doux parfum d'une ville qui se met en marche, donnait du baume au cœur des habitants. Mais ce jour-là, les pleurs d'un petit bébé qui semblait affamé, perturbaient le rituel quotidien des gens de la ville. Y compris celui des prêtres de l'église. L'un d'entre eux finit d'ailleurs par sortir de la bâtisse afin de constater, et il constata. Un petit bout avait été abandonné là, dans un petit panier. Abandonné certes, mais la personne qui l'avait laissé là, l'avait bien loti. Une belle couverture magnifiquement tissée, des pétales de rose parfumés et une lettre à l'écriture soignée. Sur cette lettre, il était inscrit les quelques mots suivants : "Prenez notre enfant. Acceptez le comme un cadeau de notre part. Il n'est qu'amour. Mère nous l'ordonne, qu'elle vous guide."
Le pauvre prêtre, prit au dépourvu, pensa tout de suite que les parents de ce pauvre gamin devaient probablement être cinglés. Et il n'avait pas tort. En réalité, les parents du petit blondinet étaient d'aisés paysans, qui ne voulaient pas s'embarrasser d'un enfant. La lettre n'était d'ailleurs pas signée. Si une quelconque personne avait réellement eu un contact avec Einhasad, elle s'en serait probablement vanté. Ca n'avait pas de sens mais le destin avait décidé que Ganduin, ce petit homme, deviendrait un fils de l'Église. Ganduin, c'était le nom que lui avait donné le prêtre. L'Église d'Althena adopta le petit blondinet et l'éleva selon les préceptes de Mère.
C'est dans ce cadre que mûrit Ganduin. Un cadre religieux, strict mais bienveillant à son égard. Il n'a jamais manqué de rien et même s'il avait faim, il se satisfaisait de laisser manger "l'autre" en priorité. Il se nourrissait du "bien" qu'il pouvait donner. Le "bien" était sa quête absolue depuis son plus jeune âge. Et quand bien même, il avait reçu une éducation philosophique lui permettant de ne pas tout résumer au bien et au mal. Il s'était donc forgé sa propre image de ce qui est "bien" et de ce qui est "mal", tout en gardant en tête que les valeurs des uns, ne sont pas celles des autres. C'est dans cette optique que Ganduin prit la décision de rester neutre le plus possible. Sa vie devait être dédiée aux autres. L'abnégation, mais une abnégation saine et non intrusive. Ganduin se cherchait un but. Certes, sa vie était ici avec les prêtres, mais il avait besoin de plus, de réaliser son apprentissage. De concrétiser sa foi et son envie d'abnégation pour les autres. Par moments il se questionnait. "Pour qui ferais-je don de moi ? Pour qui ou pourquoi ? Est-ce que je le fais pour moi ? Pour me rapprocher de Mère ? Ou est ce que je le fais vraiment pour les autres ?" La vérité, c'est qu'il y avait un peu de tout. Il avait profondément envie de faire le "bien" mais il ne pouvait pas se mentir à lui-même. Il ne faisait que mettre en oeuvre tout ce que l'on lui a enseigné, à savoir les préceptes de Mère. Se faire bien voir auprès de son Dieu n'était après tout pas une honte si le postulat de base est bienveillant. Et il l'était, bienveillant.
C'est à ses 22 ans que Ganduin décida de quitter l'île. Entre les guerres civiles et l'Ire Bestiale, nombreuses devaient être les personnes dans le besoin. Ce serait l'occasion pour lui de faire son pèlerinage. Et son lieux de culte à lui, serait le cœur des vivants. Un pèlerinage sans fin. Certes, il était un faiblard, mais la force de son âme l'emporterait. C'est une juste récompense après tout. Ou peut-être pas. La vie n'est pas un conte de fées et il arrive parfois, que le concret soit bien plus dur à affronter quand il nous fait face, surtout quand nos seules armes, sont des principes.