Prologue
Dans le brouhaha de la taverne de Gludin, un homme trapu se faufila tant bien que mal pour rejoindre la table de son ami.
- Hé Gilard ! Ici !
Un autre homme, chauve et un peu enrobé fit de grands gestes de la main pour signaler sa présence au milieu de la foule.
- Salut Torel ! Bon sang c’est animé ce soir ! dit-il en posant ses affaires avant de se laisser tomber sur le banc face à son ami.
- C’est jour de paye, donc tous les collègues profitent de leur relève pour souffler après leur journée !
Le dénomé Torel profita de l’arrivée de Gilard pour passer commande. Le tavernier finit par revenir avec deux chopines de bières que les deux comparses entrechoquèrent avec bonne humeur.
- Alors, comment tu t’en sors avec la petite nouvelle ? demanda Gilard en reposant la sienne
Le dénommé Torel manqua de s’étouffer avec sa boisson et arrosa copieusement la barbe de son ami.
- Tu parles de Plume ? Einhasad m’en soit témoin ! Cette gamine est pire qu’une plaie ! toussa-t-il en reprenant son souffle.
Gilard ricana en rompant un morceau de pain.
- Elle est si galère que ça ? Alors la belle plante est finalement vénéneuse ! répondit-il, hilare.
- C’est une calamité ! A la caserne elle fait connerie sur connerie ! Tient, la semaine dernière elle a organisé un jeu de carte et devine quoi… Elle a réussi à convaincre le lieutenant d’y participer ! Le lieutenant ! Le type qui a lui même interdit les jeux d’argent ! ça a finit en beuverie et quand le capitaine est entré, il est tombé né à né sur la gamine en train de danser en tenue légère, ivre, sur une table avec le lieutenant en caleçon !
Gilard éclata de rire, arrosant à son tour son compagnon.
- Vindieu elle met l’ambiance c’est bien ça !
- Tu parles ! répondit Torel. Elle a finit au trou, le lieutenant pareil. Une calamité je te dis.
- Tu dis ça parce que le capitaine t’a confisqué ta mise Torel!
- Ouais… bon elle m’a convaincu d’y participer car c’est une sorcière ! Elle est persuasive avec son joli minois ! Rougit-il.
Une bagarre éclata dans la taverne, bien vite matée par le videur qui mis dehors les deux fauteurs de trouble.
- Et du coup le verdict du boss est tombé ? reprit Gilard.
- Ouais ! Elle risque d’être virée. Ce serait pas plus mal pour notre tranquillité même si… Torel hésita.
- Si ?
- Ben c’est une bonne combattante et elle est quand même pas moche faut le dire…
Gilard ricana en regardant son ami rougir et entortiller ses gros doigts boudinés autour de la la lanière de cuir de sa bourse.
- N’importe quoi vous avez au moins 20 ans d’écart, t’as aucune chance ! Tu pourrais être son père vieux filou !
- N’empêche ! C’est du gachis répondit Torel. Elle est hyper fiable en combat, assidue à l’entrainement… Bref, donne-lui une épée et c’est plus la même personne ! Mais durant son temps libre c’est une catastrophe !
- Elle est jeune, ça lui passera répondit Gilard. Et puis dis-toi que c’est pas plus mal pour elle.
- comment ça ?
- Ben tu viens de me dire qu’elle est prometteuse. Autant qu’elle quite ce bled pour accomplir de grandes choses.
- Oui mais… hésita Torel.
Gilard but une grande rasade de sa bière, mouillant sa barbe une fois de plus.
- Elle va te manquer c’est ça !
- Vindieu c’est un comble cette fille ! On peut pas la supporter quand elle est là mais dès qu’elle fiche le camp, c’est comme si on avait un grand vide dans le cœur !
Le grand départ
Plume se réveilla avec des courbatures dans tout le corps. Après la journée d'entrainement qu'elle s'était imposée le contraire aurait été étonnant. La jeune femme se massa les épaules et s'étira. A moins que ce soit les conséquence de son énième soirée arrosée...
La combattante bailla sans manière et s'aspergea d'eau le visage pour s'extirper de sa torpeur.
Elle enfila un pantalon et une tunique, puis, au bout de quelques mètres, s’arrêta scotchée par une odeur de sueur peu agréable. Elle se renifla sous les bras, puis renifla sa tunique en grimaçant. Bon, direction la rivière AVANT de se présenter devant le capitaine se dit-elle en quittant l'auberge.
C'est après s'être changée et lavée qu'elle se présenta à la caserne. Les cris à l'intérieur du bureau du capitaine étaient tels qu'on les entendait même dans la rue. Plume grimaça en se représentant le savon qu'elle allait prendre. Elle entra dans la cour, monta les escaliers et frappa avant d'entrer.
- ... et puis cette gamine qui fait l'imbécile passe encore, mais vous lieutenant, vous avez déshonoré l'uniforme par votre comportement inacceptable! Vous êtes consigné 3 semaines et vos perm' vous savez où vous pouvez vous les mettre! Hurlait le capitaine.
Le lieutenant tourna les talons, fusilla du regard la jeune femme qui venait d'entrer puis, sans un mot quitta le bureau avant de refermer la porte.
- A vous Calamity!
Plume grimaça à ce surnom
- Quand est-ce que vous allez vous mettre du plomb dans le crâne jeune fille! Si vous n'étiez pas une de mes recrues les plus prometteuse je vous aurais mis au fer pendant 3 mois! Vous me dévergondez toute la caserne! Brisez les règles quand ce n'est pas le mobilier!
- Mais Capitaine j'ai tout remboursé pour la dernière fois... essaya-t-elle de relativiser.
- Et vous voulez une médaille? hurla-t-il en retour. Toutes vos primes et vos soldes partent en réparation ou en beuverie organisée! Quel est votre projet d'avenir avec un comportement pareil?!
La jeune fille baissa les yeux, boudeuse.
- Mais j'vous aime bien moi Capitaine, je vais essayer de faire des efforts... lança-t-elle.
- Moi aussi je vous aime bien cria-t-il c'est bien pour ça que je vous en colle pas une! Je vous ai accueillie dans mon régiment pour vous sortir de l’orphelinat crasseux ou vous pourrissiez. Parce ce que je pense que vous pouvez accomplir de grandes choses dit-il en se radoucissant.
Plume releva la tête avec un grand sourire.
- Mais uniquement si vous vous en donnez les moyens! reprit-il en remontant le ton face à son insolence.
Le Capitaine faisait les cents pas dans son bureau, allant et venant, faisant de grands gestes avec les bras.
- De toute façon je ne peux plus vous garder. Je voulais vous former un minimum avant de vous envoyer voler de vos propres ailes pour une affectation, mais je ne peux plus fermer les yeux sur vos actes inconsidérés.
L'officier se retourna vers son bureau et ramassa une lettre avant de la tendre à la jeune femme.
- Tenez, ce sont vos état de services. Ils sont ÉVIDEMMENT exemplaires! Quel gâchis! Présentez vous à Dion, Giran ou Aden, je m'en moque mais confrontez-vous à plus de difficulté. Il semble que l'ennui et l'oisiveté vous transforme en catastrophe. C'est la dernière solution qu'il me vienne à l'esprit pour vous faire grandir!
Plume se pencha en avant pour prendre la lettre. Mais au moment où ses doigts touchèrent l'enveloppe le Capitaine la pris dans ses bras.
- Sois prudente gamine souffla-t-il doucement. J'ai de l'affection pour toi après toutes ces années. Tu me rappelle mon fils par moment. Puis en la repoussant plus brutalement il lâcha en lui montrant la porte :
- File, va trouver ta voie, et ne me fais pas regretter ma décision.
Plume se mise au garde à vous avec plus de sérieux que d'habitude, le cœur serré après ce geste affectif inattendu.
- Oui mon Capitaine, je vous promet de revenir et de vous rendre fier!
Puis elle quitta le bureau, alla à l'auberge prendre ses affaires, acheta une carte à l'aubergiste et prenant son baluchon sur l'épaule partit vers l'Est pour démarrer une nouvelle vie.