[BG metisse] Joshua Kori'baarg

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Josh
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[BG metisse] Joshua Kori'baarg

Message par Josh » lun. 22 août 2022 à 14h50

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Nom : Kori’baarg
Prénom : Joshua
Surnom : La bête, l’animal
Age : 29 ans
Sexe : Masculin
Race : Demi Orc


Métier : Esclave et ancien combattant dans une arène clandestine
Compétences : Maîtrise des chants et enchantements orques offensifs et défensifs (OL)
  • Combat : Ne maîtrise aucune arme les ayant plus ou moins toutes utilisées dans l'arène sans réel savoir-faire, maîtrise de son corps et de sa force
    Magie : Enchantement et malédiction orques

Alignement : Chaotique neutre
Langues parlées : Orc, Commun

Description physique :
Alors que vous venez de poser les yeux sur l’immense carrure de l’homme qui vous contemple, la première chose qui vous frappe, c’est l’inclinaison de votre propre tête. L’individu vous domine de plusieurs centimètres, plus proche d’un grand orc de par sa carrure que d’un homme. Lorsque vos regards se croisent, les yeux verts de “l’homme” ne trahissent que de la crainte.
Alors que les questions vous assaillent, l’ancien gladiateur enlève sa capuche dévoilant une chevelure de feu coiffée à la va vite en quelques nattes désordonnées. Son visage est jeune, une certaine pilosité le borde dans une barbe hirsute. Sur ses lèvres, deux anneaux de fer blanc servent de “décoration”, ou peut être de derniers vestiges d’un passé qu’il ne souhaite oublier.

Habillé de la plus simple des façons, l'individu vous tend la main pour vous saluer dévoilant les dessins d'anciennes cicatrices.


Caractère :
Si le physique est sans nul doute d’origine paternelle, pour le caractère son Humaine de mère l’a plus que influé.
Pauvre d'éducation, il n’a pas eu la chance d'être instruit ni de bénéficier de ses géniteurs aussi longtemps qu’il l'aurait souhaité.
La bête, c’est ainsi que beaucoup aimait l'appeler, et malgré le caractère révolu de cette période, il en porte encore les stigmates psychologiques.
Craintif, méfiant, il a beaucoup de difficultés à accorder sa confiance. Ainsi la fuite est bien souvent une des meilleures options quand une discussion ou un échange devient trop oppressant.
C’est bien souvent acculé ou bien victime d’une injustice que la violence viendra le libérer de toute cette peur indomptable et terriblement coûteuse, autant pour ses ennemis que pour lui, qui finit bien souvent par goûter l’humidité crasseuse d’une geôle .


Situation financière : N’a pas un sous en poche
Comportement social : Vagabond
Type d’éducation reçue : Aucune
Popularité et/ou influence : Aucune, sauf peut-être dans l'arène où il a vécu et grandit
Pensée politique : Libre penseur

Croyances : Il ne prie pas mais ne peut nier leur existence
Relations extérieures : Tous les mêmes, un ennemi mérite d'être frappé et un allié d'être écouté

Josh
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Re: [BG metisse] Joshua Kori'baarg

Message par Josh » lun. 24 octobre 2022 à 20h28

957

Ce sont les vibrations du sol qui m’avertissent. Les pas de la bande ne produisent jamais, même dans les moments les plus orgiaques et euphoriques qu’ils aient connus, un tel remue-ménage. Je me hisse sur mes pieds, demeurant accroupi, en posture de défense. Le clair de lune éclaire faiblement la pierre marquée de traits iridescents qui m’entoure : des flammes à l’extérieur projettent des ombres monstrueuses. Et je m’y connais en monstre.
Je m’appuie sur mes phalanges et mes orteils pour me déplacer de quelques centimètres, les chaînes qui m’entravent cliquettent avec familiarité. Je tends l’oreille, mais tout est calme. Je me perds dans la contemplation de la fresque que j’ai tracée ; elle raconte ma vie, elle est tout ce que j’ai et tout ce qu’il restera de moi lorsque je n’aurai plus la force de me relever. Elle sera le seul témoignage de mon passage dans ce monde, elle sera ma confession, et en attendant elle est ma liberté. Les bonhommes bâton se mettent en marche sous mes yeux, je me souviens à nouveau. C’est l’histoire que je me raconte pour m’endormir.


de 938 à 947

Avant que l’on me nomme La Bête, je m’appelais Joshua. J’avais un père, Gumb’tar, qui était un Orc ; et une mère, Mélusine, qui était une Humaine. Nous vivions dans les environs de Dion, nous menions une vie simple, simple dans le sens de humble, mais aussi dans le sens où tout était paradoxalement facile. Bien sûr, mes parents ne roulaient pas sur l’or, certains hivers nous avions faim, et il fallait se serrer la ceinture quand une dépense imprévue se manifestait ; mais nous étions ensemble. Mes parents m’aimaient et j’aimais mes parents. Les petites moqueries de quelques camarades sur ma taille démesurée pour mon âge étaient apaisées par les mots sages et avisés de ma mère. Mon père m’apprenait les traditions et les chants orcs pour protéger, encourager, calmer aussi. Une fois, alors que cette grosse brute de Geralt me guettait à la sortie de l’école pour me jeter des cailloux, espérant me blesser autant que me retarder dans mes corvées, je le surpris en premier en arrivant dans son dos.
« Tu cherches ton courage, Geralt ? »
Je vis un sursaut redresser son corps, mais il fut prompt à se ressaisir pour m’invectiver de jets de pierre. Les projectiles rebondirent sur ma peau sans que je n’en ressente une grande gêne. Ils me couvraient en même temps de tous les mots, mais je repensais à ma mère qui me disait qu’on ne se comporte avec les gens que de la façon dont on se sent avec soi-même. Je l’invitai pacifiquement à arrêter, regrettant d’avoir eu une parole provocante, mais cela ne fit que redoubler ses efforts.
« Dhûl gajum dushum. », entonnai-je, et inspiré, j’ajoutais : « Nar fûthatub. » Je répétais deux fois l’incantation avant que Geralt ne tombe raide. Je crus d’abord qu’il était mort, mais des ronflements entravèrent bientôt ses voies respiratoires, son double menton tressautant à chaque inspiration. Il dormit pendant toute une semaine et ne me jeta plus que des regards noirs de loin. Cela fit beaucoup rire mon père bien qu’il me força à me repentir auprès des parents et à aller les aider pour de menues tâches que Geralt ne se trouvait plus en état de faire pour eux.

Mes parents tenaient deux champs, un de céréales, généralement de blé, et un autre pour faire paître les bêtes, souvent des moutons car c’était l’animal préféré de ma mère. Ils l’exploitaient pour le compte de Brandebourg. Je n’ai pas beaucoup rencontré cet Humain aussi son visage est toujours demeuré flou dans mon esprit ; je ne saurais le reconnaître si je le rencontrais désormais. Cependant, j’ai conservé son nom comme un précieux indice pour me donner de l’espoir. Je n’aimais pas beaucoup les travaux liés aux récoltes, mais j’aimais bien m’occuper des agneaux et surveiller le troupeau en fin de journée. Je regrettais que nous n’ayons pas de chien à cette époque, j’imaginais comme ce serait merveilleux de partager le temps qui s’étirait en été avec un compagnon à quatre pattes à mes côtés. Il serait courageux et affronterait les loups (il n’y eut jamais de loups, mais mon imagination me portait à le croire) ; et nous pourrions courir ensemble à travers les herbes hautes pour retrouver le bâton que je lui aurais lancé. Le soir, il poserait sa grosse tête sur ma cuisse et je lui glisserais un petit morceau de notre repas en secret. Il comprendrait mes bêtises d’enfant et entendrait mes confidences d’une oreille amicale. Ce qui me réconfortait de ce vide c’était que Antonin me laissait parfois faire un bout de chemin avec lui et son propre chien, et que l’animal aimait qu’on le gratifie de quelques gratouilles derrière l’oreille, alors je pouvais faire comme si c’était un peu mon chien pendant quelques minutes. Parfois mon père acceptait que je l’accompagne pour aller au marché et je pouvais imaginer aussi que l’on allait rencontrer notre fidèle compagnon. Cela devenait encore plus réel lorsqu’un éleveur était présent avec une portée, je passais tout le temps dédié aux négociations de mon père pour tirer un bon prix de la récolte avec les chiots, les laissant mordiller mes chevilles et faire des petits accrocs dans mes manches.

En 947, la météo fut particulièrement peu clémente et pour espérer tirer le meilleur prix de la récolte et de la viande, mes parents résolurent de rejoindre Giran. J’avais dix ans et il y eut de nombreux débats sur s’il était raisonnable de me laisser à la maison, si mon père devait entreprendre le voyage seul, ou si on allait me confier à Tante Remula. Aucune de ces perspectives ne m’enchantait vraiment : ma fierté me poussait à réclamer de rester seul, en sachant pertinemment que chaque nuit, je ne dormirais que d’un oeil, d’autant que la compagnie de Tante Remula, avec qui je n’avais de lien familial qu’en terme linguistique car c’était simplement la vieille fille un peu folle du hameau, ne me rassurait pas beaucoup plus. Finalement, il fut résolu que nous partirions tous et que je raterai l’école. Maman prévint le Maître, Papa confia la surveillance au voisin et à Tante Remula et je montais à l’arrière de la charette avec le même empressement que lorsqu’on a dix ans et qu’on va découvrir autre chose que ses champs pour la première fois.

Je garde du voyage un souvenir merveilleux. Nous avons écopé de quelques averses, mais aucune roue cassée ou embourbée. Le cheval, emprunté, était robuste et avait le pas sûr. Il nous faisait avancer lentement, suivant le chemin qu’il semblait connaître par cœur. Nous fîmes quelques arrêts en relais pour reposer le cheval ou nous abriter quand le temps était mauvais ; et sinon nous dormions à la belle étoile. Papa nous racontait des histoires, Maman m’apprenait le nom des étoiles. Quand nous sommes arrivés à Giran, j’en ai pris plein les mirettes. Je n’avais jamais vu autant de monde se concentrer au même endroit, et pourtant les rues pouvaient tous nous contenir. Si j’aimais le marché de Dion, j’ai adoré celui de Giran. Les échoppes étaient infinies, tout était là. Maman me montra des épices dont j’ignorais l’existence. Je fus rapidement enivré de senteurs, de couleurs et même de goût quand on me laissa croquer dans une friandise. Ma mère ou mon père m’attrapait la main pour éviter que la foule ne nous sépare et quand je trainais les pieds, trop attiré par une autre curiosité de la Cité, ils me promettaient que nous pourrions faire un tour ensuite. Lorsque nous rejoignîmes les halles pour les denrées alimentaires, nous dûmes rejoindre une file qui me sembla alors interminable. Ma mère me proposa quelques jeux pour me distraire jusqu’à ce que notre tour arriva : je devinais à quel animal elle pensait, puis quelle personne dans la halle elle avait repérée, enfin je trouvais pour chaque lettre qu’elle me donna une correspondance dans la catégorie de son choix ; mon père se joignait à nos devinettes uniquement pour nous taquiner l’un ou l’autre. Quand leur attention fut tournée vers leur interlocuteur, je demeurais en retrait laissant mon œil parcourir mon environnement. La proximité de tout ce monde me sembla totalement étouffante tout à coup, je sentais mon coeur battre dans ma gorge et ma respiration s’alourdir. J’incantai quelques fois pour m’apaiser sans que cela ne fonctionne tant mon esprit était persuadé que j’allais manquer d’oxygène dans la minute. Je sollicitai ma mère en tirant doucement sur sa manche et lui demandai la permission de les attendre à l’entrée des halles. Elle hésita une seconde mais dû avoir de la peine pour moi et accepta finalement en m’enjoignant de faire attention. Je courus rejoindre l’air libre : il n’y avait pas moins de monde au-dehors, mais le ciel bleu au-dessus de ma tête m’apporta un peu de sérénité. Ma mère me disait toujours : « Quand ton esprit est tourmenté, rappelle-toi que le ciel au-dessus de ta tête est bleu. »

Un petit glapissement attira mon attention. Je me faufilai entre le mur d’enceinte et les tentures des échoppes à la recherche de sa source mais je ne perçus plus rien d’autre que des ricanements. Acculé dans un coin, deux gamins asticotaient une bestiole avec des bâtons, le piquant, le frappant lorsqu’il montrait les dents et grognait. Ils riaient de sa détresse et de son désespoir : ne pouvant plus reculer, la boule de poils tentait de s’esquiver entre leurs jambes, mais alors leurs mollets le broyaient et le renvoyaient au point de départ.
« Arrêtez. »
Ma voix était ferme et je me campais sur mes pieds, me redressant de toute ma hauteur. Je les dominais de deux têtes chacun.
« T’es jaloux le monstre ? », répondit le plus teigneux des deux.
Le chiot prit la fuite tandis que les deux gosses se tournèrent vers moi, tenant leurs bâtons entre nous pour me tenir à distance. Je reculai de quelques pas lentement pour sortir de derrière la tenture. Ils avaient cessé et l’objet de leur petite distraction malsaine était parti, donc il n’était pas la peine de se battre. Maman m’avait dit de faire attention. La teigne fendit l’air plusieurs fois avec son bout de bois, mais je reculai d’un bond pour esquiver et me rapprocher encore de la sortie. À l’air libre, cependant, ils échangèrent un regard de connivence et me tombèrent dessus bien que les spectateurs étaient multiples. Ils m’assaillèrent de coups de poings et de coups de pieds et j’encaissai plusieurs coups avant de décider d’en rendre. Bientôt, une troupe se forma autour de nous et des éclats de voix nous encourageaient à devenir plus pugnace ou au contraire à nous séparer. Je lançais quelques regards suppliants à notre public, passant derrière certains d’eux pour les utiliser comme bouclier avant d’être rebalancé dans le cercle qu’ils formaient autour de nous. Mon nez et ma gorge s'imprègnèrent de sang, m’empêchant d’articuler la moindre incantation. Résolu à me rouler en boule et patienter que cela cesse, je tentai une nouvelle fois de m’esquiver quand une personne s’interposa entre nous. Ébloui par l’éclat de son armure, je reculai mais il me saisit par le col pour m’empêcher de filer. Le garde me secoua légèrement tandis qu’il parlait sans que je ne comprenne aucun des mots qui sortaient de sa bouche. S’adressait-il seulement à moi ? Finalement, je fus entraîné à l’écart. Je peinais à suivre le rythme, totalement sonné. Parfois, je trébuchais et mon sauveur me remettait sur pieds sans ménagement. Devant la caserne, il me poussa violemment pour entrer et s’adressa à d’autres. Ses semblables. Je voulus parler mais ne parvins qu’à cracher un peu de sang. Un autre garde me tensa longuement et me dit que si je recommençais je finirais dans les geôles de la ville ; souhaitais-je finir en geôle ? L’armée n’avait pas besoin des petites natures dans mon genre, mais une carrure comme la mienne était prometteuse. Je devrais signer ici et je recevrais une solde dans la semaine avant de rejoindre le camp d’entraînement.
Un garde glissa une plume dans ma main, tandis que je levai un regard hébété sur le moralisateur.
« Je dois retrouver mes parents. », finis-je par articuler, ce qui les fit éclater de rire. L’un d’eux me singea en geignant (ce que je n’avais pas fait).
- Signe, espèce d’attardé, c’est ce que tu peux espérer de mieux. Ta mère n'a pas besoin d’avoir un boulet comme toi dans les pattes, à ton âge… »
Ses doigts s’enfonçaient dans ma clavicule, me pressant de tracer quelque chose sur le papier.
« Je dois partir !, insistai-je encore.
- Eh, oh, violence, coups et blessures, trouble de l’ordre public, répond à un agent des forces de l’ordre », énumérait le garde sur ses doigts. « C’est que tu veux y aller en geôle, hein, p’tit branleur. ».
Je dégageai mon épaule de sa prise d’un sursaut et traçait une croix sur sa stupide feuille.
« T’sais pas écrire ton nom, évidemment. », grommela l’autre garde. Il me prit la plume des mains, la trempa et m’observa une seconde avant de tracer en toutes lettres à côté de ma croix « Jean le débile ». Écoeuré, je m’esquivai, et cette fois, personne ne me retint.
« Allez, bienvenue dans l’armée. Faut qu’tu suives la rue et que tu rejoignes le pont avec les autres. »
J’acquiesçai, allongeant le pas. Un garde se détacha du lot pour me suivre jusqu’à la sortie, mais au niveau du seuil, je détalai. Je courus comme un fou, et me faufilais dans les rues à l’aveugle, priant pour ne pas tomber dans un cul de sac. Le garde me prit en chasse sur quelques pâtés de maisons ; j’entendais le cliquetis de son armure derrière moi. Quand je découvris une porte ouverte sur mon chemin, j’entrai à l’intérieur. La chaleur me submergea. Le bruit des enclumes et des marteaux remplaçaient le vacarme de la ville, si bien que mon entrée passa inaperçue et que je me dirigeai de coin d’ombre en coin d’ombre pour traverser le bâtiment, à la recherche d’une ouverture. Un forgeron me repéra finalement et me cria de sortir d’ici. Si j’avais pu creuser un trou, je l’aurais probablement fait. Je sortis par l’arrière cour et constatai finalement que j’étais perdu. Longeant les murs, j’essayai de retrouver une des grandes artères de la ville, pensant qu’en rejoignant la place centrale, je pourrais me repérer. Cependant toutes les échoppes étaient les mêmes, les visages se mêlaient pour ne former qu’un amas anonyme. Lorsque je souhaitais demander mon chemin, on m’esquivait, l’air répugné. J’étais débraillé et le visage tuméfié. Je devais avoir l’air d’une personne peu fréquentable. La panique m’étreignait le ventre. Combien de temps s’était écoulé depuis que j’avais quitté mes parents aux halles ? Est-ce qu’ils avaient fini leur transaction ? Est-ce qu’ils m’attendraient ? Je devais rejoindre les écuries. Quoiqu'il arrive, ils reviendraient prendre le cheval pour l’harnacher et repartir. Mais je n’ai jamais atteint les écuries de la ville car se tint sur ma route Romuald Gitras.

Alors que j’avais remonté un des ponts de la Cité, ayant encore une fois fait chou blanc, un passant me percuta. Vacillant, je me raccrochai au parapet tandis que l’autre s’éloigna en me traitant de pecnot. En quelques heures, j’avais appris que les citadins n’avaient pas le temps et pas de raison de se réjouir d’être en vie, aussi je ne m’émeus pas de sa violence – je me jurais seulement de ne plus jamais remettre les pieds dans cette maudite ville. Un autre passant m’aida à me redresser, plein de zèle il épousseta ma chemise comme s’il s’était agit de la toge immaculée du Haut Cardinal. Troublé de cette démonstration d’humanité, je m’empressai de lui demander le chemin des écuries.
« Ah les écuries, mais c’est justement là que je vais ! Ferons-nous route ensemble ? »
N’en revenant pas de ma chance, je le fixai d’un air ahuri avant d’accepter avec enthousiasme. Mon coeur battit avec un peu plus de vigueur et je me tins un peu plus droit, revigoré. Il me tapa dans le dos et m’invita à le suivre. Nous traversâmes plusieurs chemins de traverse, isolés du vacarme des boulevards, tandis qu’il se présenta sous le nom de Romuald Gitras et m’indiqua qu’il était dans les affaires. Je n’osai trop questionner mon samaritain, mais il mena la conversation avec fluidité pour nous deux. Quelles que soient ses « affaires », je jugeai qu’elles devaient nécessiter qu’il use de rhétorique et il ne me sembla pas en manquer. Il me complimenta plusieurs fois sur ma stature, me demandant si je savais me battre. Je relevai avec étonnement cette obsession des urbains pour la violence et lui partageai l’anecdote que j’avais vécue un peu plus tôt.
« Mon bon ami, vous avez fait les frais de ces agents recruteurs. Leurs méthodes sont plus que douteuses… Une véritable nuisance pour mes affaires. » Il s’assombrit.
« Vous pensez que je vais être inquiété ? On me laissera quitter Giran ?, m’enquis-je.
- Joshua, mon bon ami, vous êtes mon protégé, vous ne serez inquiété de rien.
- Quelle chance j’ai eue de vous rencontrer Monsieur Giltras, répondis-je avec reconnaissance.
- Allons, tout le plaisir est pour moi, je vous assure. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme vous. »
Perplexe, mais aussi un peu intimidé par son nouveau compliment, je me contentai d’hocher la tête avec déférence. Nous avions atteint une nouvelle sortie, celle qui se situe près du cours d’eau qui forme comme un lac. Il me semblait que les écuries n’étaient pas à cet endroit, mais peut-être que Monsieur Giltras connaissait un passage que j’ignorais. Puis, plus rien.

« T’y es allé trop fort. Il va être vaseux pendant des heures !
- Mais non, regarde-moi ce gros lardon, il va récupérer en moins de deux. Regarde ! Il se réveille déjà. Je te l’avais dit ! »
J’émergeai à grand peine. Une voix chuchotait à mon oreille d’y aller doucement et je sentis bientôt une main puissante me soutenir. J’étais dans une bâtisse en pierre, le sol était en terre battue. Une petite ouverture barrée de fer au-dessus de ma tête m’indiquait quel moment de la journée nous étions : il faisait jour et deux visages m’épiaient. Encore au-dessus, une ouverture circulaire était manifestement fermée par une barricade de bois. Je considérai mon compagnon d’infortune : un jeune Humain d’une vingtaine d’années, à mon avis. Il était blond. Il avait dû être beau, mais son nez avait été fracturé et une grande cicatrice barrait son œil et se terminait sur une narine qui n’existait plus tout à fait.
« Il est réveillé. », déclara-t-il assez fort pour nos spectateurs.
Je levai à nouveau les yeux sur les deux visages qui nous guettaient. Romuald, et un Orc maigrelet. Je ne comprenais pas.
« À la bonne heure ! » ricana Romuald en balançant une claque dans le dos de l’Orc qui s’écrasa contre la grille. Leurs rires tonitruants s’éloignèrent me laissant tout aussi abasourdi et démuni.
« Qu’est-ce qu’il se passe ? demandai-je à l’Humain. Où est-ce qu’on est ? »
Je me relevai et observai la paroi circulaire.
« Je pense que c’est un ancien puits qu’ils ont comblé et transformé en prison, me confia l’Humain de sa voix de basse.
- Mais comment ça, je ne comprends pas ? Je dois rejoindre mes parents. »
Perplexe, l’Humain demeura silencieux un moment avant de me répondre :
« Romuald organise des combats clandestins et des paris sur leur issue. Il a quelques hommes de main. L’Orc avec lui, c’est l’Anesthésiste. C’est lui qui endort les recrues pour les amener ici. »
Ma gorge était tellement serrée tout à coup qu’aucun son ne sortit. Je regardai à nouveau la paroi, elle n’était pas friable. Certains joints avaient disparu pour offrir une prise. Je m’empressai de la grimper. L’Humain tenta de m’en dissuader mais je le repoussai violemment. J’arrivai à la barricade sans encombre, je tentai de la pousser en utilisant ma nuque et mon dos, mais les prises en haut étaient faibles et me privaient de ma force totale.
« Redescends maintenant. »
Sa voix fut portée en chuchotis jusqu’à moi, je regardai en bas, et il insista d’un signe de tête.
« Si tu grimpes aussi, peut-être qu’on pourra ouvrir.
- Chut ! »
Il grimpa avec la facilité d’un chat et me tira la jambe pour que je lâche prise. Nous tombâmes tous les deux dans un bruit sourd sur le sol. Une voix nous hèla :
« Eh vous tapez pas dessus ! Cass’ faut partager, espèce d’animal !
- On travaille quelques prises pour le divertissement ! T’inquiètes ! » cria le dit-Cass’ en retour. Il planta son regard dans le mien, m’implorant de me taire. Alors je ne dis rien. Et Cass’ reprit ses chuchotements dans le creux de mon oreille. Il m’expliqua ce qui allait se jouer pour nous, les combattants de Giltras ; et il m’exposa le plan qu’il mettait au point depuis des années. Ces prises, c’est lui qui les avait dégagées. Une par une. Certains de ses doigts n’avaient plus d’ongles. Je fus pris de vertiges, mais Cass’ m’enjoignit à garder conscience.
« Écoute-moi bien, c’est parfait. Je ne pouvais pas espérer mieux. On va pouvoir se casser, ensemble. Il faut qu’on se soutienne. »
Alors que mes yeux s’embuaient, il m’attrapa l’arrière du crâne et planta encore son regard dans le mien.
« Eh, regarde-moi. Reste avec moi. Ça va aller. Comment tu t’appelles ? »
- Joshua, avouai-je du bout des lèvres.
- Joshua, d’accord. Josh, écoute-moi. Ce soir, ils vont vouloir te tester. Tu vas sûrement affronter une créature, peut-être un loup ou quelques Keltirs. Tout ce que t’as à faire, c’est survivre. » déclara-t-il, très confiant.
Au désespoir, un sanglot monta entre mes lèvres. Cass’ resserra sa prise sur mon crâne, son horrible visage était tout ce qui tenait dans mon champ de vision.
« Je vais te dire comment faire. Tu as une bonne force physique. Tu sais te battre ? »
Je niai de la tête, dépité, mais Cass’ ne se laissa pas démonter. S’il avait tenu si longtemps dans ce trou, c’était qu'il devait être un optimiste. J’inspirai.
« Qu’est-ce que tu sais faire d’autres ?, enchaîna-t-il.
- Quelques incantations. Pour p-protéger. », bégayai-je. Il acquiesça avec un immense sourire, défigurant un peu plus son visage.

La nuit était déjà bien avancée quand on nous ouvrit la barricade. On nous balança une échelle de corde, et sur les conseils de Cass’, je pris tout mon temps pour la grimper, manquant plusieurs fois les échelons pour qu’ils ne soupçonnent rien. Une fois en haut, je jetai un regard vers Cass’ qui me fit un signe d’encouragement discret, il hocha la tête, comme pour me dire « Eh, à tout à l’heure ! ».
Je me redressai mais on m’entravait déjà avec des chaînes aux pieds et aux poignets. On me retira mes chaussures et le petit lacet qui servait à resserrer le col de ma chemise.
« Eh, Cass’, grimpe. »
Tout mon corps se figea. Cass’ n’avait pas dit qu’il viendrait. Je ne pouvais pas voir son visage car j'étais très éloigné de l’ouverture, mais quand il en émergea, il affichait un air confiant et bon joueur.
« J’ai le droit au spectacle moi aussi ? Trop sympa, les gars. »
Les autres rirent autour de nous. Des feux avaient été allumés, le camp semblait à moitié nomade. On nous guida jusqu’à une charrette et on nous embarqua. J’essayai de percer la pénombre du regard, le paysage qui m’entourait ne me disait rien. Nous ne suivions aucun chemin. Est-ce que j'étais encore près de Giran ? J'étais à deux doigts de céder à la panique et de tenter de me balancer du chariot. Cass’ dut le sentir car il se pencha en avant pour appuyer ses coudes sur ses cuisses et ses poings effleurèrent subtilement mon genou. Je baissai les yeux sur lui. Ses mains abîmées, enchaînées, elles aussi. Il hocha doucement la tête, l’air toujours serein. Je pris une longue inspiration.
La charrette s’arrêta dans un dernier ébranlement, et des éclats de voix nous parvinrent. Je ne m’étais pas attendu à tant de monde. Je ne m'étais attendu à rien, en fait. L’arène était une sorte de fosse creusée dans la terre, les parois semblaient glissantes. Deux échelles de corde pendaient à chaque extrémité. Je me dévissai le cou pour essayer d’apercevoir mon futur adversaire. Tuer un animal me répugnait, mais j’essayais de me concentrer sur l’idée que je devais survivre. Et surtout que ça me laissait une chance de vivre. Une chance de me tirer d’ici. Grâce à Cass’. Je revins vers mon compagnon d’infortune mais on l’éloigna de moi pour le diriger vers l’échelle la plus proche. Est-ce qu’il allait devoir combattre avant moi ? Je regardai autour de moi avec anxiété, mais seul le brouhaha des hommes me répondit. À l’opposée de l’arène, on m’arrêta et me retira mes fers. Romuald m’envoya un coup de l’épaule.
« Allez mon champion, ne me déçois pas ! » Il rit et me jeta une rasade du contenu d’une outre au visage. Probablement de l’alcool d’après le goût qui demeurait sur mes lèvres.
Des mains me saisirent et me poussèrent vers l’échelle. Mon dos était raide. J’arrêtai de respirer. Car je compris.

Le Joshua d’avant était bon et généreux. Mais ce Joshua-là devait disparaître, c’était un crétin. Je me détestais, je détestais ce que je devais devenir, et je devais être en train de pleurer car je voyais flou. L’honneur, la maîtrise de soi, les manières, tous ces principes qui régissent le monde civilisé - tous disparurent, étrangers à cette arène de boue où deux personnes allaient convoiter la même chose.
Pourtant, nous ne devînmes pas immédiatement des bêtes. Nous nous dévisagions. Dépités de cette issue que ni lui ni moi n’avions anticipé. Des exclamations sporadiques nous encouragèrent à nous empoigner. Mon poing s’écrasa sur le visage de Cass’, mes doigts se couvrirent de son sang et je me sentis mal, dans un état de grande confusion. Comme si je jouais un rôle, comme si je n’étais pas vraiment en train de me battre. j’avais presque envie de m’excuser. Le sol était froid sous mes pieds. Ma peau me picotait. Nos souffles résonnaient dans la fosse exiguë.
Ils voulaient que je le tue - ils voulaient que je les débarrasse de lui - parce que de l’argent était en jeu. Parce qu’il n’avait plus sa place parmi eux. J'étais le sécateur, brandi pour élaguer les mauvaises branches. Mais je n’avais jamais tué. Je n’avais pas de lame, pas de flèche, pas de matraque. Comment allais-je pouvoir, de mes simples mains, extirper la vie de ce garçon rempli d’énergie ? J’eus envie de rire. Cass’ rit. Nous étions deux enfants en train de se calotter dans un bac de terre.
Il hésita. Ses pieds bougèrent comme s’il essayait de se rappeler une danse. Il lèva les coudes à hauteur d’yeux, et je paniquai. Je ne savais rien de son entraînement, rien de son mode de combat. Il lança un crochet, un peu hésitant, d’une manière étrange et artistique. Il était lent, effrayé, mais il parvint tout de même à me toucher le nez sous les huées de nos spectateurs. La rage s’empara de moi. Mon visage s’engourdit. Mon cœur s'emballa. Je le sentis dans ma gorge, dans mes veines, ce chant de renforcement ancestral. Je lui brisai le nez d’un coup droit. Par Einhasad que mes mains étaient puissantes !
Avec un hurlement, il se colla contre moi. Ses mains attrapèrent mon bras et le tordirent dans un angle bizarre. Quelque chose sauta, se déboîta. J’utilisai mon front. Je le lui projettai droit sur l’arête du nez. Puis je l’attrapai par la nuque et, à nouveau, je frappai. Il ne pouvait pas se libérer. Je frappai encore. Un grand craquement. Mes cheveux se couvrirent de sang et de salive. Ses dents écorchèrent mon front. Je m’écartal en dansant, pivotai sur mon pied gauche, plongeai en avant et le cognai de toutes mes forces, du poing droit, dans la poitrine. Son sternum se brisa sous l’impact. Mes jointures le réduisirent en miettes.
Un grand râle retentit. Suivi d’un bruit de brindilles qui se cassaient. Je fus le seul à les entendre dans le vacarme des clameurs.
Il vacilla, puis s’écroula. J’avais la tête qui tourne. Je voyais double. Je titubai jusqu’à lui. Je sanglotai. Il tressauta de façon incontrôlable. Je plongeai la main dans ses cheveux pour le soutenir, mais il était déjà sans vie. Mou. Du sang coulait de son nez. Il ne parlait plus. Ne bougeait plus. Ne souriait plus.
Je me laissai tomber à genoux, je pris sa tête dans mes bras, et je le berçai en murmurant le nom de ma mère. Tandis qu’ils hurlèrent le mien. La Bête.



957

Une marque pour chaque retour de combat. Une marque pour chaque tentative d’évasion ratée. Ils finirent par m’enchaîner au fond du puits, perçant ma peau, mon âme, ma dignité. Je subis leurs sévices pendant dix années. Je suis La Bête. Je ne suis qu’une bête.
Mes paupières se plissent quand le couvercle du puits est arraché dans un grognement ; un seau est balancé et atterrit à mes pieds. Je lève les yeux. Qu’est-ce qu’il se passe ? Des hurlements continuent de retentir dans le camp. Ils sont différents de d’habitude. Quelqu’un a peur. Un autre a mal. Je crois délirer quand des têtes de loups et de chèvres me fixent quelques mètres plus hauts. Elles échangent dans des dialectes que je ne comprends pas. Elles semblent contrariées mais finalement elles se désintéressent de moi.
J’observe l’ouverture béante au-dessus de moi. C’est irréel. Je tire sur mes chaînes. Je ferme les yeux. Si je prends assez d’élan, je pourrai arracher l’anneau de mon dos. Je pense à Cass’. Je pense à mes parents. Et je m’envole. Je hurle comme un dératé, l’accroche tient bon, moi aussi. J’enfonce mes doigts dans la pierre. La douleur me déchire comme les dents d’un serpent. Mais tout à coup, je suis à l’extérieur. Je ne me soucie même pas de tout le sang que je perds, je ne regarde pas en arrière la cohue qui s’est emparée du camp, je ne cherche pas à me venger, je ne cherche pas où est Giltras, où est l’Anesthésiste et tous ces autres fils de pute. Je détale en hurlant comme un loup.



967

M’enfuir n’a pas été une mince affaire. L’adrénaline m’a heureusement tenu alerte et quand un Varka m’a pris en chasse, je me suis retourné pour lui éclater le crâne. Je lui ai volé son arme et son armure : un plastron en cuir et un pantalon de toile. J’ai trouvé un abri pour me reposer et panser mes plaies et quand j’ai été assez fort, je suis parti pour Dion. Je me suis tenu aussi éloigné que possible des chemins. Ceci dit, je découvris rapidement qu’ils étaient désertés ; à se demander où était passé tout le monde. Aux environs d’un hameau, j’apprenais du crieur que le continent était en alerte contre l’Ire Bestiale : les sous-races se révoltaient, et si ce dont j’avais été témoin y était lié, cette révolte était plutôt violente. À Dion, je découvrais que mes deux parents étaient morts en 956 : mon père avait plongé dans l’alcool après le suicide de ma mère. Mais j’avais un frère, Johann. Abattu, j’errai de point de chute en point de chute, vivant de missions et de services manuels : charpente, gardiennage, pêche, chasse, mercenariat quand c’était nécessaire. J’étais libre, et bien que j’eus un frère inconnu, je me sentais plus seul que jamais.

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