[BG] Anihithé

[Malicya]

Le village elfe noir, cité de la nuit éternelle. C’est dans cette nuit des profondeurs que naquit une enfant. Mais les elfes noirs ne sont guère portés sur l’amour et cette fille posait problème à sa mère qui éprouvait déjà des difficultés à subvenir seule à ses besoins. Elle tenta toutefois de l’élever mais au bout de quelques années ne pouvant plus supporter ce fardeau, elle remonta le tunnel qui menait à la surface après le coucher du soleil et se dirigea vers la forêt noire où elle abandonna sa fille après avoir errée un moment afin qu’elle ne puisse trouver le chemin du village. La fillette pleura, criant, appelant sa mère mais rien n’y fit. Enfin, vaincue par le sommeil elle s’allongea dans un talus et s’endormit.

Au matin, le soleil perçait difficilement à travers les branches des grands arbres de la forêt, amas de troncs pourris ou gangrenés par la maladie, arbres à l’écorce noire qui, tombée par endroits, révélait de grandes tâches d’un gris sale, comme si la végétation était atteinte d’une sorte de lèpre. Devant ce sinistre spectacle la petite se trouva désemparée mais possédant la volonté inhérente à sa race, elle se mit à marcher en quête de nourriture. Dans cette forêt, nombreux étaient les pièges et peu abondante la nourriture. Cependant le peu d’enseignement que lui avait prodigué sa mère lui permit de trouver des racines et des baies comestibles et bientôt une source dont l’eau, bien qu’ayant un goût étrange, était toutefois potable. La petite resta donc là dans la forêt, n’osant s’aventurer de jour sous le soleil et restant dans l’ombre intense des arbres, n’éprouvant, de plus, aucune envie de revenir au village souterrain lorsqu’elle eu compris que sa mère, qui lui avait répété à peu près chaque jour qu’elle était un fardeau et qu’elle allait l’abandonner, était définitivement passée à l’acte.

Ainsi elle vécut pendant quelques années au cœur du bois maudit, apprenant à se familiariser avec les dangers qui rodaient. Lorsqu’elle fut plus âgée, elle se rendait parfois, de nuit, observer le village où elle avait passé ses premières années mais si quelqu’un croyait voir quelque chose bouger dans l’ombre et se dirigeait dans sa direction, aussitôt elle s’enfuyait et revenait à la forêt devenue sa demeure.

Un matin toutefois, alors qu’elle avait plus d’une douzaine d’années, elle entendit un bruit inhabituel. Quelque chose ou peut être pire, quelqu’un approchait de son territoire. Se saisissant d’un bâton, elle se faufila, presque invisible, vers la source du bruit. Enfin, cachée dans un bosquet de feuilles desséchées, elle le vit. C’était un chasseur de sa race, son arc bandé, sa flèche encochée, à l’affût du moindre son qui pourrait révéler la présence d’un animal. Elle l’avait déjà vu plusieurs fois mais seulement de loin et n’avait jamais osé l’approcher plus.

A ce moment, elle entendit un autre bruissement, non loin qui semblait se rapprocher d’elle. L’elfe noir lui aussi fût alerté et dirigea son arc là ou il croyait que pouvait se trouver la bête. Le bruit se rapprochait toujours de la petite fille et gagnait toujours plus d’intensité. C’était clairement quelque chose de gros et fort qui avait du sentir son odeur. Mais elle restait là comme paralysée, de crainte que le chasseur ne la découvre. Tout à coup, un ours noir d’une taille formidable apparut et fonçant toujours sur elle, il la renversa et d’un coup de patte formidable l’assomma pour un bon moment. Puis il se retourna vers le chasseur. Mais celui-ci était paré. L’ours se dressa de toute sa taille et ouvrit grand la gueule pour pousser un grognement phénoménal. Ce fut là sa perte, l’archer n’hésita pas et visant avec justesse, sa flèche alla traverser le palais du monstre puis son cerveau et enfin la pointe se fit jour hors du crâne tant était grande la force avec laquelle elle avait été décochée.

La bête s’abattit aussitôt dans un bruit de tonnerre, raide morte. Voyant cela, le chasseur s’approcha de sa proie avec circonspection, une dague à la main et prêt à faire face au cas où mais l’animal ne bougeait plus. Aussi l’archer se tourna vers la petite fille évanouie et s’apercevant qu’elle avait été blessée à l’épaule par les griffes du monstre, il l’emporta dans ses bras vers sa demeure. Il n’habitait pas au village souterrain comme ses congénères mais dans une sorte de hutte bâtie dans un endroit de la forêt que la fille n’avait jamais osé explorer, les arbres, et donc leur ombre protectrice, étant plus rares par là.

Il la soigna pendant plusieurs jours avec attention. Lorsqu’elle revint à elle, elle éprouva tout d’abord une grande frayeur et il fallut du temps et de la patience au chasseur avant de la convaincre qu’il ne lui voulait aucun mal. Cet homme était bon et ne la rejetait pas ce qui était une expérience nouvelle pour elle. Il lui proposa de rester avec lui jusqu’à ce qu’elle fût remise de ses blessures et elle accepta. C’est ainsi que finalement elle resta des années avec cet homme, apprenant à son contact l’art de la chasse, pour lequel elle éprouva bientôt une vraie passion, mais aussi à développer son esprit et à ne pas arrêter son jugement aux seules apparences mais à rechercher la vérité qu’il peut exister derrière.

Un jour hélas, au hasard d’une chasse, son protecteur fut gravement blessé par une de ses proies qui par désespoir se retourna contre lui après une longue traque. La jeune fille acheva la bête d’une flèche bien ajustée puis se précipita vers son mentor agonisant.

- Anihithe, c’était le nom qu’il avait donné à la jeune fille je sens que je pars et déjà je vois les bras de Shilen se tendre pour m’accueillir.
Son souffle était saccadé et il prononçait ces mots dans un râle.
- Après ma mort, quitte la forêt, ne reste pas ici, il y a tant à voir, parcours le monde. Ne finis pas comme moi. La jeune fille acquiesça d’un signe de tête grave, alors que des larmes roulaient sur ces joues
- Que Shilen te garde mon enfant et n’ai crainte, un jour nous nous reverrons et chasserons ensemble dans l’autre monde.

Puis, achevant sa phrase, ses yeux se fermèrent et la vie quitta son corps. Conformément au vœu du chasseur, Anihithe l’enterra près de sa cabane avec son arc. Puis prenant avec elle quelques provisions et la dague de feu celui qui avait été un père pour elle, elle partit, quittant la forêt pour chasser sur d’autres terres.

[...][Un remerciment spécial a l'aimable personne qui m'a aidé]